Corps de l’article
Session pléniaire / Plenary Session
Vers des systèmes sol-plante sains et durables
Les plantes : ingénieurs du sol et de l’écosystème
D. Angers. Centre de recherche et de développement sur les sols et les grandes cultures, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Québec (Québec), Canada G1V 2J3
La structure du sol a un effet marqué sur la croissance et l’activité des organismes vivant dans le sol et à sa surface. En retour, les microorganismes, la faune et les végétaux influencent l’organisation spatiale des solides et des vides du sol. Dans cette présentation, nous rappellerons les mécanismes principaux par lesquels les plantes modifient la structure du sol (Angers et Caron 1998) et certaines fonctions environnementales associées. Les racines des végétaux forment des macropores qui facilitent l’écoulement des fluides dans le sol. Celles-ci contribuent également à la création de plans de faiblesse qui favorisent la formation d’agrégats. Les cycles d’humectation et de dessiccation engendrés par la croissance des plantes amplifient cet effet agrégeant. De plus, l’ancrage des racines dans le sol et l’exsudation de produits agrégeant stabilisent la structure. Finalement, il est reconnu que les racines des végétaux sont la source la plus importante de matière organique dans les sols. Cette matière organique sert de substrat aux microorganismes et à la faune du sol qui, à leur tour, modifient la structure du sol. L’agrégation a un effet de rétroaction sur la séquestration du carbone en favorisant la protection physique de la matière organique. Bien que ces effets directs et indirects prennent place à des échelles spatiales fines (µm à cm), la présence des végétaux a un impact important sur les fonctions environnementales du sol à l’échelle de l’écosystème par leur rôle de tampon hydrologique, dans la stabilisation du sol et la séquestration du carbone atmosphérique.
Angers, D.A. et J. Caron. 1998. Effects of plants on soil structure: processes and feedbacks. Biogeochemistry 42 : 55-72.
La gale commune de la pomme de terre : contraintes et perspectives d’un modèle d’étude des interactions sol-plantes-microorganismes
R. Hogue. Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), Québec (Québec), Canada G1P 3W8
D’un point de vue agricole, la qualité d’un sol repose sur ses propriétés structurales, physiques et chimiques ainsi que sur les interactions complexes qui résultent de la diversité génomique et fonctionnelle des microorganismes, des plantes et de la microfaune qui le peuplent. L’évolution temporelle et spatiale de ces interactions crée des équilibres dynamiques soumis aux perturbations d’origine environnementale et humaine. Plusieurs maladies telluriques des plantes cultivées résultent d’une rupture des équilibres dynamiques entre les organes végétaux souterrains et les microorganismes bénéfiques du sol, au profit de microorganismes pathogènes. L’industrie agrochimique commercialise des microbicides, molécules létales aux microorganismes pathogènes, qui éliminent la source des interactions négatives résultant de la rupture des équilibres dynamiques. Toutefois, les principes d’une agriculture durable, des considérations économiques ou l’absence de microbicides imposent le recours à des programmes de protection et de production qui sont économiquement et écologiquement acceptables. La gale commune de la pomme de terre est causée par plusieurs espèces de bactéries du genre Streptomyces, dont la principale est S. scabies. Ces bactéries sont très bien adaptées à une vaste gamme de conditions de sols, de cultures et de types de gestion, car la gale commune affecte toutes les régions productrices de pomme de terre, et très peu de cultivars sont résistants aux effets de la thaxtomine, une toxine produite par les Streptomyces pathogènes. La présentation de résultats issus d’un projet de recherche amorcé en 2008 et visant l’évaluation des impacts de la combinaison de moyens de lutte à la gale commune a permis d’aborder les interactions plantes-microorganismes bénéfiques ou neutres qui prévalent lors de la répression des Streptomyces pathogènes et lors du rétablissement des équilibres dynamiques. La présentation illustre la contribution des méthodes d’analyse génomique et fonctionnelle nécessitant ou non la culture des microorganismes du sol. Ces méthodes permettent de qualifier et de quantifier les impacts des types de sols, de précédents culturaux, de la fertilisation et des traitements des semences sur les populations de Streptomyces pathogènes et de microorganismes antagonistes. Les précédents culturaux conventionnels de maïs ou de blé ont été comparés à des cultures d’engrais verts ou de moutarde brune enfouies pour leurs effets potentiels de biofumigation. Les programmes de fertilisation comparaient l’emploi d’engrais conventionnels à l’emploi d’engrais soufrés.
Les champignons mycorhiziens modulent l’expression des gènes des mycotoxines du Fusarium sambucinum chez la pomme de terre
Y. Ismail et M. Hijri. Institut de recherche en biologie végétale, Département de sciences biologiques, Université de Montréal, Montréal (Québec,) Canada H1X 2B2
Les cultures de pomme de terre sont le plus souvent confrontées à des champignons nuisibles causant des pertes considérables dans le monde. Une première étape de ce travail porte sur la constitution d’une collection d’isolats représentatifs des différentes espèces de champignons pathogènes de la pomme de terre et sur l’harmonisation des méthodes permettant leur isolement dans la grande région de Montréal. Certaines espèces fongiques sont identifiables par des caractères morphologiques qui peuvent être difficiles à observer. Ces difficultés peuvent être contournées par l’utilisation d’approches de taxonomie moléculaire. À cet effet, nous avons utilisé des marqueurs moléculaires basés sur l’ADN ribosomique, la technique PCR et le séquençage. Nous avons isolé et identifié un grand nombre de champignons et nous nous sommes intéressés particulièrement aux espèces du genre Fusarium. Parmi les différents champignons pathogènes isolés, certaines espèces sont connues pour leur production de mycotoxines. Les espèces du genre Fusarium sont les principales espèces responsables de la présence de mycotoxines dans différents produits. Selon les espèces et les souches, les champignons inféodés à la pomme de terre produisent des mycotoxines différentes, appartenant au groupe des trichothécènes. Une deuxième étape a consisté à identifier la présence des gènes (Tri3, Tri4, Tri5 et Tri101) de la biosynthèse des trichothécènes. La majorité des espèces de Fusarium isolées dans cette étude contiennent ces gènes. Par la suite, nous avons utilisé des méthodes biochimiques (spectrométrie de masse et chromatographie en phase gazeuse) de détection et de dosage des mycotoxines et nous avons identifié ces dernières sur toutes les espèces chez lesquelles nous avions noté la présence des gènes codant pour les trichothécènes. La dernière étape de cette étude a consisté à confronter une espèce virulente produisant une grande quantité de mycotoxine (F. sambucinum) avec le champignon mycorhizien arbusculaire Glomus intraradices in vitro en Pétri bicompartimenté et in situ sur des plants de pomme de terre. Glomus intraradices réduit significativement la croissance du champignon pathogène F. sambucinum in vitro et réduit considérablement l’intensité de la maladie dans les plants de pomme de terre. Nous avons alors testé l’hypothèse suivante : G. intraradices module l’expression des gènes des trichothécènes (Tri4 et Tri5) de F. sambucinum. Nous avons mis au point un essai de PCR en temps réel de deux gènes, Tri4 et Tri5, avec les gènes β-tubuline et le facteur d’élongation EF-1α comme référence (house-keeping genes). Les résultats obtenus montrent clairement qu’en présence du G. intraradices, le gène Tri4 est réprimé significativement en comparaison avec le témoin. Par contre, le gène Tri5 est surexprimé (en moyenne cinq fois plus) en présence du G. intraradices. Ceci confirme notre hypothèse que G. intraradices module l’expression des gènes des thricothécènes et, par la suite, réduit l’effet de la maladie dans les plants de pomme de terre. Des tests biochimiques de dosage confirmeront davantage cette hypothèse. En conclusion, les champignons mycorhiziens peuvent contrer des agents pathogènes toxinogènes par un mécanisme de modulation de l’expression des gènes de virulence.