Résumés
Résumé
Les formations d’adultes à visée professionnalisante s’articulent généralement autour de l’autoévaluation et de l’analyse de pratiques des personnes en formation, ceci afin de favoriser leur autonomie face à des situations inédites. Dans ce sens, une place centrale est laissée à l’expérience dans la formation et celle-ci est observée et analysée chaque fois que cela est possible. Cette orientation impose à l’institution, et aux formateurs[1] qui la composent, de repenser fondamentalement l’alternance. Mais repenser l’alternance en tenant compte de l’expérience des enseignants en formation ainsi que des situations qu’ils rencontrent impose de se questionner sur les diverses temporalités entrant parfois en concurrence dans la formation. Le temps méso de l’institution n’étant pas toujours en phase avec le temps micro et très personnel de l’apprentissage, cette dysphasie peut être source de schizo-chronie, une discontinuité dont la rythmicité, cela va de soi, sera différente d’une personne en formation à l’autre. Cette recherche est ainsi l’occasion de mieux comprendre les rythmes d’apprentissage des adultes en situation d’alternance « formation en cours d’emploi » pour en tenir compte dans de futurs dispositifs pédagogiques et andragogiques. Il s’adresse ainsi aux concepteurs de formations en alternance et aux formateurs impliqués dans celles-ci. Et plus largement à tout formateur ou concepteur, même s’il n’intervient pas dans une situation dite « d’alternance », puisque l’alternance n’est pas une simple juxtaposition de lieu et/ou de temps, mais bien un processus d’explicitation et de médiatisation de la pratique professionnelle.
Mots-clés :
- temporalité,
- professionnalisation,
- autoévaluation,
- rythme d’apprentissage,
- formation d’adultes
Abstract
Vocational education is generally structured around self-evaluation and the analysis of the practice of people in training, in order to favour their autonomy to face unprecedented situations. In this sense, a central position is given to experience in training which is observed and analysed each time it is possible. This approach that the institution - and its teachers - have to fundamentally rethink dual education. But rethinking dual education taking into account the experience of the teachers in training as well as the situations they face, results in a questioning on various temporalities which are sometimes competing, in education. The meso time of the institution not always being in phase with the micro and very personal time of learning, this dysphasia can become a source of schizo-chronie, a discontinuity of which the rhythmicity, will naturally be different from one person to another. This research thus gives us an opportunity to understand more fully the rhythms of adult learning in the situation of on-the-job training in order to take this into consideration in future teaching and andragogic system. It is addressed to teachers designing dual educational systems and teachers involved in such trainings. More generally to any teacher or designer, even if he/she does not act in a situation of dual training, as dual training is not just a simple juxtaposition of place and/or time, but also a process of explicitation and mediatisation of professional practice.
Keywords:
- temporality,
- professionalisation,
- self-evaluation,
- leaning rhythm,
- adult education
Corps de l’article
Introduction
L’IFFP[2] est un institut de formation des enseignants de branches professionnelles. Âgés de 25 à 60 ans, les participants sont déjà reconnus comme experts dans leurs métiers et, en décidant de l’enseigner à des classes d’apprentis, se doivent de suivre une formation pédagogique et didactique pour apprendre une nouvelle profession, celle d’enseignant. Avec leur parcours de vie riches, pluriels et extrêmement variés, redevenir étudiants n’est pas toujours simple.
Il existe ainsi une tension entre le besoin de s’inscrire dans un parcours (du combattant) de formation et celui de bénéficier d’un dispositif malléable, adapté à chacun et permettant l’apprentissage au rythme des situations rencontrées dans l’exercice de leur profession… Cette tension est clairement perçue par les étudiants[3].
En effet, dans notre institution comme dans d’autres lieux de formation d’enseignants, le programme modulaire proposé peut paraître passablement linéaire. « L’interdisciplinarité » devra être abordée après « savoir concevoir un cours », la « didactique de domaine » après la « didactique générale », le module 10 après le module 9... Pour que l’institution puisse fonctionner, elle impose ainsi un rythme des sujets et des modules identiques pour chacun.
À cette structure très organisée de la temporalité méso du système s’opposent les temporalités micros de chaque acteur (Roquet, 2013), et pour que ce dernier puisse donner du sens aux instants vécus, afin que ceux-ci soient « susceptibles de nourrir la connaissance en développement » (p. 168), il conviendrait d’adapter, voire d’individualiser les parcours (Perrenoud, 2001).
En effet, faire de la place au sujet qui se forme semble une évidence, puisque « c’est lui qui apprend, fait, se transforme, se sent à l’aise, ou pas, dans des temporalités variables, dans l’aléa et l’imprévisibilité et dans l’interactivité sujet-acteur-situation » (Clénet, 2012, p. 155).
Une structure de formation très organisée, mais qui cache des pratiques fort variées à l’intérieur des différents modules : en parallèle à des cours de formation classiques qui se déroulent dans l’institution à des moments prédéfinis par cette dernière, d’autres formes d’enseignement sont proposées. Des cours en blended learning permettent un travail à distance et surtout de manière asynchrone, afin que les personnes en formation puissent articuler vie professionnelle, vie privée et vie estudiantine de la manière qui leur convient le mieux. Un dispositif d’accompagnement très individualisé est également proposé, le calendrier des visites et des rencontres étant négocié avec les participants. Autant de dispositifs de formation tentant de tenir compte de la complexité des « rapports dialogiques et dialectiques entre le sujet, l’acteur et l’organisation » (Maubant, Roger, Caselles-Desjardins, & Lejeune, 2012, p. 75).
Outre la souplesse organisationnelle que ces nouveaux dispositifs veulent offrir, les formateurs tentent également d’adapter les pratiques pédagogiques à la réalité de chaque personne en formation et de chaque métier enseigné. De nombreuses conceptions de cours voient ainsi le jour, appuyées pour certaines sur l’analyse de l’activité, sur la référentialisation[4] (Figari, 1994) de la pratique professionnelle, sur la didactique par situation (Ghisla, Boldrini, & Bausch, 2014) ou encore sur l’apprentissage en situations (Maubant, 2013) pour ne citer que les plus visibles. La mise en place de ces pratiques pédagogiques est évidemment favorisée par le contexte de formation d’enseignant « en cours d’emploi », situation peu habituelle d’un expert métier qui commence à l’enseigner et qui, parallèlement à son nouveau travail d’enseignant, se forme un jour par semaine aux sciences de l’éducation. Ce modèle est assez ressemblant à celui vécu au Québec (Gagnon, Mazalon, & Rousseau, 2010) et donne une grande importance à la formation « en milieu de pratique ».
1. Alternance et professionnalisation
Pour que l’alternance soit efficacement mise au service de la professionnalisation, il est nécessaire de la sortir de son enfermement organisationnel et mécanique. En effet, de nombreux types d’alternance ont montré leurs limites, nous pensons par exemple au brouillage ou au clivage, présentés par Lambelet (2010, p. 21), dans lesquels des temps de formation se suivent sans pour autant être liés entre eux. Pour sortir de ces modèles, une solution se présente en 1) concevant différemment l’organisation des espaces-temps, 2) en favorisant le travail réflexif sur le rapport au savoir et à l’apprentissage et 3) en soutenant le processus par la médiation d’un tiers (Maubant, 2007). Cette conception de l’alternance, en centrant l’attention sur l’expérience de la personne et le sens qu’elle lui donne, favorise le nécessaire processus d’enquête exposé par Dewey (Bourgeois, 2016). Mais dans ce travail d’enquête, a) l’expérience est toujours celle du sujet et revêt ainsi une dimension existentielle, b) l’expérience est le fruit d’une pensée réflexive mettant en lien l’expérimentation de l’expérience et ce que la personne ressent lors de l’expérience, ce qui lui donne une dimension indéterminée et imprédictible et c) l’expérience est un processus et non un produit. Il est ainsi possible de transmettre les acquis de l’expérience, mais pas l’expérience elle-même, ce qui lui confère une dimension exclusivement personnelle.
Dans l’institution qui nous intéresse ici, quelles que soient les formes que prennent les cours, ils cherchent à exploiter les expériences des participants par des analyses de cas, par des analyses de pratiques individuelles ou collectives, par des autoconfrontations... Citons en exemple quelques dispositifs de formations :
Accompagnement et mentorat : un formateur de terrain ou un formateur de l’institution se rend sur le terrain et observe un moment d’enseignement d’un participant. Un temps d’échange et de discussion suit directement cette observation.
Activités transversales et groupe d’analyse de pratiques : en petits groupes de six à dix personnes, les participants analysent une situation présentée par un pair. Ces séances sont organisées par un accompagnateur expert en enseignement.
Mémoire professionnalisant ou DFADT (dossier de formation et d’analyse du travail) : dans ces deux formes de mémoires, le but principal est de convoquer des expériences antérieures peu satisfaisantes, de les analyser afin de rechercher des solutions possibles et de les expérimenter dans sa pratique.
Modules construits selon des logiques inductives : dans ces cours, les participants sont invités à amener des traces de leur pratique (canevas de cours, vidéo de moment d’enseignement) pour les analyser afin d’en comprendre le sens, de les mettre en lien avec d’autres expériences ou avec les sujets abordés, de trouver des pistes d’amélioration.
Ainsi, une grande part des modules dispensés dans cette formation utilisent l’expérience comme « outil pour penser les formations professionnalisantes » (Maubant, 2013, p. 50). Mais si le rythme des pratiques et de l’expérience reste très individuel, l’organisation des modules peut sembler souffrir d’une grande rigidité. En effet, le plan d’études en fixe l’ordre sur les deux ou trois années de formation, certains étant considérés comme des prérequis pour en suivre d’autres. Ainsi, les deux premiers modules imposés traitent de la didactique générale et des questions légales telles qu’ordonnances et plans d’études des différents métiers. Ce ne sera qu’en deuxième année de formation que les questions de la communication ou de la planification seront abordées. Un choix qui peut se défendre dans une formation « classique », mais dans le cas d’une formation à visée professionnalisante, la dimension « originale » de chaque expérience (et des besoins qu’elle peut mettre en évidence) entre en tension avec cette conception traditionnelle et standardisée du dispositif.
Il est ainsi légitime de se demander si le rythme imposé par la formation est compatible avec la temporalité propre à chaque apprentissage, à chaque expérience, à chaque situation. Une organisation des différentes temporalités qui se révèle bien plus complexe dès lors que les personnes en formation sont des adultes et se forment en cours d’emploi. Ainsi, parallèlement aux temporalités de l’institution et de l’apprentissage viennent s’inviter les temporalités de leur vie professionnelle, de leur vie privée, de leur vie associative…
Lorsque ces différentes catégories temporelles (Roquet, 2013) entrent en concurrence, leur gestion devient complexe et le risque de schizo-chronie bien présent. Les temporalités vécues comme les plus contraignantes enferment celles qui semblent plus négociables, et c’est le « temps mutilé qui mutile chacun » (Pineau, 2000, p. 32).
Les personnes en formation que nous avons rencontrées trouvent la formation proposée très riche, mais parlent fréquemment de souffrance lorsqu’ils l’évoquent. Pourtant, l’inscription à la formation découle du choix personnel de se former ou, du moins, d’accepter un poste qui, pour être conservé, exige cette formation. À travers cette recherche, nous souhaitons comprendre d’où vient cette souffrance alors que chaque élément du dispositif semble conçu pour respecter le rythme et l’expérience de chacun. Cette compréhension, dans un souci de généralisation, nous permettra d’entrevoir quel rythme donner aux formations en alternance pour que celles-ci puissent s’adapter aux besoins de vie et de formation des différents acteurs.
Ainsi, cette recherche nous permet d’une part de comprendre comment les acteurs vivent les différentes temporalités concurrentes, sources potentielles de schizo-chronie (Pineau, 2000, p. 25-26) et, d’autre part, d’apprécier dans quelle mesure les différentes ingénieries mobilisées dans les modules (cours traditionnels, blended learning, accompagnement, groupes de réflexivité collective…) facilitent l’individualisation des parcours de formation et l’exploitation par les acteurs de leur expérience et de ces instants bachelardiens qui nourrissent leur connaissance en développement (Roger, 2013, p. 168).
2. Méthodologie
Les données ont été récoltées lors de neuf entretiens individuels semi-directifs de personnes arrivant en fin de formation (cohorte 2013 – 2016) et lors de huit focus groups de deux à quatre participants, ce qui représente 22 répondants. Ces derniers terminent leur première année de formation lors de la récolte de données et appartiennent à la cohorte 2016 – 2019. À travers ces 17 rencontres, ce sont ainsi les avis de 31 personnes qui ont été recueillis et analysés.
Les entretiens sont construits avec la volonté de mettre l’apprentissage comme élément synchroniseur afin de permettre au répondant de recréer « l’histoire » de l’apprentissage et de comprendre comment l’acteur utilise, instrumentalise ou subit le dispositif de formation…
Les premières questions sont très guidantes afin de connaître les parcours de formation et de savoir quelles modalités ont été suivies dans chaque module. Cette partie nous permet de reconstituer le parcours de chacun : année de début et de fin de formation, formation suivie en deux ans ou en trois ans, modules suivis en cours présentiel ou en formation hybride ? Ensuite, les répondants sont invités à se remémorer un (ou plusieurs) souvenir d’apprentissage important durant la formation. Après avoir laissé la personne entrer dans ce souvenir, nous orientons la discussion vers les éléments ou les moments qui, à leur avis, semblent avoir provoqué l’apprentissage, ces éléments qui ont été des déclencheurs et qui peuvent être décrits comme des instants féconds.
Lors des entretiens, les enquêteurs se sont efforcés de garder en tête la distinction que fait Varro (2013) entre catégorisation du temps et conceptualisation des temporalités. La dimension « objectivable » du temps qui peut figurer sur un agenda ou un calendrier est ainsi mise en dialogique avec la subjectivité, la dimension insaisissable de la conceptualisation des temporalités. L’entretien se joue ensuite dans cette dialogique. L’entrée en discussion sur le souvenir d’apprentissage permet à la personne de synchroniser son temps sur la temporalité de ce souvenir. Le retour ensuite sur les éléments ou les moments qui ont provoqué cet apprentissage doit permettre de donner à ce rythme le statut de temps « objectivable » et déplacer le dispositif de formation et ses contraintes vers le statut de temporalité subjective.
Les propos, retranscrits intégralement à l’aide du logiciel HyperTranscribe ont été analysés avec HyperResearch. L’analyse catégorielle s’est appuyée sur des catégories construites dans un premier temps sur l’état de la littérature, puis en identifiant les catégories émergentes de nos données.
Cette recherche est compréhensive et qualitative. En ce sens, elle ne prétend pas prouver des relations causales entre un type de formation et un effet sur le parcours des personnes. Par contre, elle donne des exemples de ce que vivent différents individus dans les formations proposées et permet de rester ainsi attentif aux effets potentiels de la formation d’alternants.
3. Principaux résultats et discussion :
Les résultats présentés ci-dessous sont organisés selon sept thématiques : les instants féconds de l’apprentissage, les Autres comme moment d’apprentissage, la surcharge dans la formation, la tension entre les temporalités méso et micro, l’autonomie et l’hétéronomie, le temps d’apprendre et, enfin, la temporalité des expériences analysées en formation.
3.1 Les instants féconds de l’apprentissage
Lors des entretiens, après quelques questions de contexte, l’attention a été portée sur les instants qui ont été vécus comme source d’apprentissage. Un premier constat s’impose : les moments les plus formateurs sont étroitement liés avec la médiatisation de l’expérience. En premier lieu, la médiatisation dans le dispositif d’accompagnement prévu à cet effet et qui offre des moments d’observation-formation sur le terrain. Etu6 : 9 min52 Les rencontres avec l’accompagnateur, avec le mentor, ça c’est vraiment le liant, c’est ça qui est le plus utile, c’est le noyau fort, où j’ai le plus appris. Dans ce cas, l’accompagnateur est un formateur de l’institution qui effectue régulièrement des visites d’observation sur le terrain alors que le mentor est un collègue expérimenté enseignant dans la même école que la personne en formation. Il effectue également des visites d’observation, ouvre sa classe pour être à son tour observé par l’étudiant et mène avec lui des activités telles que préparation de cours, réflexion sur les résultats d’une évaluation des apprentissages, recherche de solutions face à une difficulté rencontrée en classe.
En plus de ces visites, le dispositif d’accompagnement prévoit des moments d’analyse de pratiques en petits groupes, moments relevés également comme très formateurs. Etu6 : 10 min15 Les AT, je pouvais reprendre des éléments des modules, les mettre ensemble et les travailler ensemble. Limite, je dirais qu’il y aurait besoin de plus d’AT. Ces activités transversales (AT) sont des moments de médiatisation collective autour de situations apportées par l’un ou l’autre des participants. Dans ce dispositif, la place du formateur est moindre que lors des visites de terrain et l’interlocuteur principal est le groupe de collègues, cet « ensemble » dont parle Etu6.
Autre moment présenté comme très formateur, le travail sur la vidéo consiste, dans trois modules, à filmer sa propre pratique en classe puis à s’autoévaluer et à pratiquer des évaluations mutuelles (Allal, 1999) entre pairs. GrA : Voir sa vidéo seul, c’est terrible. Puis effectuer son analyse en petits groupes m’a fait prendre conscience de nombreux points que j’aimerais améliorer dans mon enseignement. Ici, le formateur est absent et ne voit pas le film réalisé par la personne en formation. Il n’a accès qu’au rapport écrit que les étudiants produisent suite à cette évaluation mutuelle.
Accompagnement, AT et travail sur la vidéo sont les éléments qui ressortent le plus fréquemment dans les propos analysés. À noter que la vidéo n’est pas unanimement appréciée, elle suscite également des craintes pour les prises de conscience qu’elle provoque. Etu4 : 14 min 00 C’est difficile, c’est tout de même une formation par déstabilisation des représentations…
La lecture et l’écriture sont aussi citées à quelques reprises comme source d’apprentissage « reconnues et déclarées », mais dans une moindre mesure. Etu3 23 min14 Parfois une lecture suggérée... et le passage à l’écrit qui permet de préciser son travail, par des références. GrC : 12 min 55 Les lectures que j’ai pu faire et mettre en lien avec ma pratique. L’analyse des propos de Etu3 n’a pas permis d’identifier ni l’auteur de ces suggestions ni le contexte dans lequel elles ont été faites, mais suggère tout de même la médiatisation d’un tiers.
3.2 Les Autres comme moment d’apprentissage
Nous venons de voir la place que les répondants donnent à l’expérience médiatisée. Mais lors des entretiens, nous avons été surpris d’entendre, à plusieurs reprises, le nom (ou la fonction) de la personne comme « moment » déclencheur de l’apprentissage. À la question « Et à quel moment a eu lieu cet apprentissage ? », Etu1 répond 7min 06 «Il y a vraiment une personne, à la base, dans cette institution, de par sa personnalité et ses compétences, c’est vraiment ma personne de référence. 7 min 30 « C’est la personne qui m’a vraiment permis de faire des transferts, d’aller chercher.... tout ce travail de réflexivité qui est demandé dans tous ces modules... » De médiateur de l’analyse de l’expérience, ces autruis significatifs deviennent la source ou le déclencheur de l’apprentissage. Une personnalisation très forte qui se retrouve dans tous les entretiens. Etu3 : 9 min 40 « Il m’a vraiment aidé à grandir dans ce travail de réflexivité ». Naturellement, parfois c’est l’accompagnateur qui est cité, parfois le mentor, parfois un autre formateur de l’institution ou également un ou des collègues de formation. Ces autruis significatifs aident à médiatiser et à analyser les situations, mais également à conscientiser la « dimension émotionnelle/affective de l’expérience » (Albarello, 2016) comme nous pouvons le voir dans cet extrait : Etu6 : 17 min 50 Moments féconds : dans cette colonne vertébrale, c’est vraiment les retours après les visites. Soit l’accompagnateur soit le mentor vient vous observer et qu’il vous fait un retour concret, et qu’il y a cette pertinence de faire des liens théoriques, en peu de temps, c’est des éléments qui marquent, l’immédiateté de l’expérience avec tout de suite les éléments de retour et théoriques. Je vis dans ma chair ce que je viens de vivre et je conscientise ce que je viens de vivre avec un regard extérieur. Et ça, je trouve magnifique, c’est des choses qui restent ancrées.
La surcharge dans la formation
La surcharge est l’élément qui ressort le plus fortement, le plus fréquemment dans les entretiens que nous avons menés. La configuration est pratiquement toujours la même. La personne travaillait à 100 %. Elle a diminué son temps de travail pour pouvoir suivre les cours, mais ne s’est pas rendu compte de la charge de travail en dehors des heures de formation en présentiel. En effet, conçu selon les principes de Bologne, chaque heure de cours implique deux heures de travail personnel. Etu2 : 3 min 52 ça demande un effort d’organisation, un effort de motivation. Les difficultés d’organisation sont ainsi fréquemment évoquées, mais la surcharge subie est un choix imposé par la réalité économique. Suivre une formation en cours d’emploi un jour par semaine semble permettre de travailler en classe 4 jours par semaine, soit environ à 80 %. Économiquement, cette organisation semble réaliste, mais la réalité est toute autre : comme nous venons de le voir, un jour de formation représente au moins 2 jours de travail, soit 40 % d’un travail à plein temps pour les études. Nombre d’étudiants se retrouvent ainsi engagés à près de 120 % entre leur travail d’enseignant et leurs études. Etu2 : 10 min 05 Il faut vraiment que je respire et que je me dise : en fait, pendant mes vacances, mes week-ends, en fait, c’est pas les vacances, c’est pas le week-end, c’est... il faut préparer ce module, donc ça, il faut l’accepter.
À cette réalité économique s’ajoute une contrainte professionnelle propre aux nouveaux enseignants. Enseigner une matière pour la première fois représente une charge supplémentaire de préparation. Etu3 : 3 min 30 Et cette année, j’enseigne droit et français pour la première fois. Donc je recommence, je refais des cours, donc ça me fait une quantité de boulot absolument insensée, mais je vais y arriver... Etu3 : 6 min 50 Le problème principal, c’est que c’est chronophage, tout le monde le dit, ce qui, en soit n’est pas trop critiquable dans le sens du temps nécessaire, il faut le consacrer. La dimension d’utilité immédiate semble rendre la charge plus supportable, mais n’y a-t-il pas risque « à ne voir dans la fonction de tout apprentissage que son utilité concrète pour l’activité du sujet, perdant ainsi de vue, notamment, toute la dimension de motivation intrinsèque qui peut également sous-tendre l’engagement du sujet dans l’apprentissage » (Bourgeois, 2016, p. 19), ce que semble partager Etu6 : 8 min 00 Moi, par rapport à mon expérience aujourd’hui, qu’est-ce qui m’est utile tout de suite.
3.3 La tension entre les temporalités méso vs micro
La surcharge ressentie par les étudiants s’explique avant tout par la conjugaison difficile des différentes temporalités. Entrer en formation parallèlement à son emploi et à sa vie privée impose aux personnes en formation une certaine gymnastique. Etu2 : 3 min 35 Tous ces rythmes sont une contrainte, il faut modeler un peu notre vie par rapport à ces rythmes-là. Comme vu ci-dessus, les conditions économiques empêchent naturellement certains choix qui pourraient faciliter le parcours de formation, comme le relève Etu1 : 40 min 35 Mes conditions de travail sont idéales, mais ça n’empêche pas que je suis tout de même à 100 %, pour des raisons financières, parce que j’ai besoin d’avoir ce salaire-là, je suis seule avec deux enfants, avec un ex-mari totalement absent de l’éducation des enfants, et puis, cette formation. Donc j’ai peu de temps de répit, de repos, j’ai pris une semaine sur les vacances d’été pour le repos. Mais ce n’est pas du repos, parce que c’est tout le temps dans la tête, c’est ça qui est terrible. La lecture de cet extrait met bien en évidence la complexité que doivent gérer certaines personnes en formation. Un travail à plein temps, des études à 40 %, deux enfants à élever seule. Même la semaine de vacances n’est pas libérée de toute contrainte face aux études, puisque « c’est tout le temps dans la tête ». Une temporalité propre aux études sur laquelle nous reviendrons.
Les temporalités méso de l’institution semblent, aux yeux des personnes en formation, nettement moins négociables que les temporalités micro. Ce sont des temps imposés et contraignants Etu2 : 5 min 40 J’ai aussi une petite fille, donc voilà, ça demande aussi un détachement qui est un peu obligé, avec ces rythmes imposés, on est obligé de le faire malgré nous. Etu3 min14 min 20 l’IFFP C’est le jeudi, ok, maintenant, le travail à la maison, quand est-ce qu’on le fait ? Ben y’a le week-end, y’a pas de miracle. Contrainte inévitable qui demande de faire des choix difficiles, source de souffrance Etu7 : 20 min 50 C’est une grande souffrance, on met plein de choses de côté, sorties, famille, amis, etc.
Pour certaines personnes en formation, la gestion de ces multiples temporalités n’est pas aisée et l’accompagnateur représente une aide à la synchronisation Etu4 : 32 min10 L’accompagnateur me permet de garder le cap de la formation, mais aussi le rythme de celle-ci.
L’autonomie et l’hétéronomie
Les dispositifs proposés s’appuient régulièrement sur de l’autoévaluation et sur de l’évaluation mutuelle. Contrairement à la co-évaluation, le formateur n’intervient en rien dans ce processus (Allal, 1999) pour laisser une plus grande autonomie aux personnes en formation. GrA 6 min 00 Un travail entre pairs porteur, la force du groupe, c’est de pouvoir se remettre en question en toute sécurité. Il serait intéressant de comprendre ce qui se cache derrière ce sentiment de sécurité lors de la remise en question : le groupe et les membres qui le composent (pluralité des points de vue ou absence de représentant institutionnel) ou l’absence du formateur qui serait, dans ce cas, vu comme source de moindre sécurité voire de danger. Malheureusement, nos données ne nous permettent pas cette compréhension.
L’autonomie ou l’absence de formateur est également vécu comme un élément favorisant l’implication de la personne en formation GrB 29 min 10 L’évaluation mutuelle est extrêmement formatrice. Si c’est le formateur qui évalue, tu te décharges. Mais là, tout d’un coup, tu es porteur de cette évaluation.
Mais il y a des revers à cette médaille qu’est l’autonomie octroyée aux groupes.
Premier revers, l’hétérogénéité de l’effort consenti par chacun. Être dans un groupe, c’est faire partie d’un collectif et ne pas « faire sa part » semble lourd à accepter, la pression du groupe se fait clairement ressentir Etu6 12 min 20 Dans le blended, quand on doit travailler à plusieurs, ben la part que chacun a envie de donner ou pas n’est pas toujours la même, c’est compliqué. Et pour la personne moins disponible ou se sentant moins efficace, la pression est bien perceptible également : GrA 22 min 00 Dans le groupe, je suis le boulet...
Deuxième revers, laisser les personnes en formation s’organiser pour travailler hors temps de cours impose de jongler avec les emplois du temps de chacun, avec les temporalités micro de chacun. Si le lundi, tous se retrouvent dans l’institution pour étudier, le reste de la semaine de l’un ne se synchronise que rarement avec les emplois du temps de ses collègues. Lorsque l’institution demande aux membres d’un groupe de se réunir librement hors temps de cours, elle impose de nouvelles contraintes, GrD 26 min 00 parce que, pour nous, il était parfois difficile de se voir. L’exercice d’intervision entre pairs est un bel exemple de complexité au niveau de la gestion des temporalités de chacun Etu2 : 23 min 46 Il a fallu aller au cours d’un collègue, pendant mon temps « libre » ou, essayer de jongler entre mes cours et ceux de ce collègue. La recherche de temps de rencontres hors cours bouleverse l’organisation de tous et peut être source de nouvelle tensions comme nous le dit Etu4 19 min 40 Pis voilà, on était quatre, pourtant proches géographiquement, là c’était compliqué entre nos réalités personnelles, professionnelles, même si on était proches... c’est d’ailleurs étonnant qu’on se parle toujours les 4 !
Enfin, troisième revers identifié, les difficultés rencontrées pour fixer des moments de rencontres peuvent parfois trouver une solution grâce aux possibilités offertes par les nouvelles technologies et les modes de communication asynchrone Etu5 min 14 min 05 dans le module 1, c’était extrêmement fluide, confortable, peu de tensions, car nous avions la liberté de visionner quand on le pouvait, tout le monde s’est investi au même niveau, pas de contraintes de rencontres physiques. Mais les personnes en formation ne sont pas toutes coutumières de ces outils numériques et, pour un certain nombre d’entre elles, le travail se fait ensemble si l’on peut se voir sans quoi il se fait seul. Etu9 : 4 min 10 C’était hyper difficile de trouver du temps ensemble, finalement tout le monde a travaillé tout seul, ce qui, bien évidemment, ne correspond que peu à une activité de travail réflexif collectif et autonome.
3.4 Le temps d’apprendre
Plusieurs répondants mettent en opposition le temps nécessaire à l’apprentissage avec le rythme effréné qu’ils ont vécu durant la formation. GrA : 4 min 32 Parce que entre écouter une théorie frontale et la comprendre ou se l’approprier, l’intégrer et pouvoir l’utiliser pour être critique, c’est pas forcément évident, et pour assimiler des éléments comme ceux-ci, il faut un temps qui n’est pas négligeable.
Un temps nécessaire à l’assimilation qui est appuyé également par les propos de Etu9, étudiant qui a déjà fini sa formation : 8 min 00 des cours dont la qualité n’était pas au rendez-vous de mon point de vue, mais dont des éléments ont résonné en moi deux ans plus tard.
Etu6, de son côté, nous offre une lecture plus nuancée du rythme imposé par la formation et met en lumière un effet positif de ce rythme selon lui 2 min 00 : J’ai pas assez de temps pour apprendre, pour lire tous les éléments théoriques que je devrais savoir, et en même temps, ça m’a aussi mis dans une dynamique dans laquelle j’apprends plus vite que ce que j’aurais imaginé. Donc je sens cette tension du temps du côté ah ça va trop vite et en même temps ah, c’est chouette, ça va vite.
Il semble important de préciser, face aux deux premiers extraits présentés dans ce point, que les propos de GrA et Etu9 concernent des cours présentiels et de conception plutôt traditionnelle, plutôt construits selon une logique transmissive. Le rythme trop rapide de la formation n’est pas évoqué lorsque les cours sont articulés autour d’analyses de pratiques sous quelque forme que ce soit.
La temporalité des expériences menées en parallèle
Les situations d’analyse de pratiques provoquent également quelques réactions intéressantes. Tout d’abord, le fait d’appuyer les cours sur les expériences de chacun semble bien apprécié. Etu7 : 1 min 30 D’abord enseigner puis se former, cela permet de mieux comprendre et comparer la théorie avec une réalité. Cette démarche, plutôt inductive ou du moins appuyée sur les expériences de la personne, paraît donner du sens aux apprentissages. Mais tous ne vivent pas les mêmes expériences en même temps alors que les cours ne peuvent se permettre d’être individualisés pour des questions économiques évidentes. Ce processus demande donc une temporalité différente d’une personne à l’autre pour lui permettre l’apprentissage Etu2 : 32 min30 j’aimerais avoir du temps pour faire des liens. Par ces propos, Etu2 nous rappelle que si l’enseignement peut être dispensé uniformément à un groupe de personnes, l’apprentissage, lui, suit des règles et des temporalités très différentes.
Mais si l’apprentissage en situation et par situation semble convenir généralement aux étudiants, le fait de suivre plusieurs modules en parallèle, et donc de devoir analyser plusieurs situations en parallèle, semble plus problématique. Tout d’abord parce que revenir sur une situation antérieure demande un effort particulier Etu4 : 19 min 30 Moi, ça m’a demandé une énergie considérable de retourner en arrière pour me remettre dedans... mais également parce que jongler avec plusieurs analyses de situations en parallèle complexifie nettement le dispositif. C’est en tous cas ce que relève Etu1 dans ses propos : 18 min 30 Même s’il y a des concepts théoriques qui se regroupent d’un module à l’autre, ben ce sont chaque fois des situations qui sont différentes. Des fois, de rester concentré sur cette situation, ce n’est pas seulement dans l’écriture, c’est ce qui se passe dans la tête, ce que je ressens, ce que je vais en faire.
Cette centration sur une seule situation semble encore plus souhaitable lorsque les cours s’articulent principalement autour de l’analyse de celles-ci. Etu1 20 min 22 Déjà qu’une seule situation ça fait comme une balle de ping-pong « boum boum boum » dans tous les sens, alors quand on a deux situations, ça fait fois deux dans ma tête... et on a eu jusqu’à trois modules en même temps.
Prenons un temps pour revenir sur les éléments mis en évidence à travers ces sept points de résultats.
Tout d’abord, cette recherche part d’un constat : les personnes étudiant dans cette institution parlent régulièrement de souffrance lorsqu’elles évoquent leur formation. Nous pouvons estimer que la quantité de travail exigée par ces études, accumulée à la charge professionnelle nécessaire pour s’assurer un apport économique suffisant aux besoins familiaux représente l’origine principale de cette souffrance. Assumer des études et un travail représentant presque 140 % d’un équivalent plein temps et gérer, à côté de cela, une vie familiale et éventuellement associative semble bien ambitieux.
En parallèle à cette surcharge, un deuxième élément semble s’inviter ici : les temporalités habituelles des adultes en formation semblent se synchroniser entre temps de travail et temps de loisirs, entre temps professionnels et temps privés. Mais le temps d’apprendre et d’expérimenter répond-il aux mêmes logiques que le temps institutionnel (Maubant, 2013, p. 162) ? Certainement pas et, comme nous le montrent nos données, les personnes en formation souffrent également de ce manque de ces espaces-temps nécessaires aux apprentissages.
Revenons ensuite sur les structures de temps proposées par Roquet (Roquet, 2013, p. 16). Le cadre proposé, qui permet de différencier les temporalités macro, méso et micro s’est avéré une aide fort utile pour analyser les propos de nos répondants. Petit à petit, une nouvelle structure s’est présentée dans nos données, que nous pourrions nommer temporalité multi-micro. Nous avions pensé que la temporalité méso dictée par l’institut de formation serait de loin la contrainte la plus lourde à porter pour les étudiants, mais cette dimension multi-micro semble encore plus contraignante. Elle est convoquée chaque fois que le dispositif demande aux participants de travailler par petits groupes hors du temps de cours. Cette attente répond naturellement à des intentions pédagogiques tout à fait légitimes, modalité permettant la confrontation à d’autres points de vue, à d’autres normes, à d’autres réflexivités individuelles, parfois aussi avec l’intention de faire naître une réflexivité collective dans un but de renormalisation. Mais dans le monde actuel, désobéir aux injonctions institutionnelles semble plus confortable que de désobéir aux attentes du groupe de pairs (Soulet, 2007). Et répondre aux attentes de cette équipe est finalement plus lourd à porter que les injonctions de l’institution qui n’institue plus beaucoup (Dubet, 2002), les propos émanant du focus group A en sont une belle illustration « Dans le groupe, je suis le boulet... ». En laissant une plus grande marge de manoeuvre aux apprenants — en offrant une liberté de rythme dans le cadre d’un travail d’équipe — c’est l’inverse qui en découle et les contraintes sont plus grandes et plus lourdes à gérer.
Autre élément à relever, le travail autour des situations semble une entrée très pertinente et porteuse de nombreux apprentissages. Mais cette ingénierie pédagogique entre en concurrence avec la logique purement organisationnelle d’une formation modulaire, avec une sorte d’habitus institutionnel de la conception des formations. Quitter la logique de référentiels de compétences répartis par modules pour passer à une logique d’apprentissage en situations représente une forme de perte de contrôle, perte également de prédictibilité des apprentissages abordés à tel ou tel moment de la formation.
La médiation de ces analyses de situations est relevée comme très positive par les répondants et représente une source importante d’apprentissage. Le médiateur devient fréquemment un autrui significatif aux yeux de la personne en formation, à tel point qu’il est parfois cité comme faisant partie des instants féconds d’apprentissage.
Enfin, le travail autour des situations est considéré par les répondants comme un travail en flux tendu. En cela, une interruption de cette réflexion est ressentie comme une contrainte peu souhaitable. Le cas des modules de formation comportant de trop longues pauses dans leur cursus est relevé, une analyse de situation à laisser de côté puis à reprendre est jugée comme une démarche très contraignante. De même, si apprendre en situation est relevé comme très profitable, apprendre en analysant plusieurs situations en parallèle est vécu comme perturbant. L’apprentissage en flux tendu n’est plus possible et la démarche semble perdre de son sens. Cette constatation nous rappelle la place centrale de l’expérience (Dewey et al., 2011) et la notion de continuum experimental nécessaire au travail d’enquête sur sa propre pratique. Cette continuité de l’expérience est un « construit individuel » et donc appartient au temps micro (Roquet, 2013). Elle est ainsi peu compatible avec la fragmentation des temps institutionnels des ingénieries de formation traditionnelles.
Pour que le temps nécessaire à l’apprentissage se synchronise avec la temporalité des situations rencontrées, des moratoires sont nécessaires pour permettre de relier « entreprendre et chercher » (Maubant, 2013, p. 185-186) à l’intérieur des cursus de formation. Mais les temps longs de la réflexion et de la critique entrent en tension avec les temps pluriels en concurrence dans les dispositifs de formation (Alhadeff-Jones, 2014).
Conclusion
Cette recherche avait pour intention de mieux comprendre les rythmes d’apprentissage des adultes en situation d’alternance pour influer sur les futurs dispositifs pédagogiques ou andragogiques. En guise de conclusion, nous posons ici, dans ce but, quelques pistes de réflexion.
L’articulation travail-famille-études est chose difficile. Quelle ingénierie de formation pourrait faciliter cette articulation ?
Dans le rythme effréné d’une formation en cours d’emploi, comment offrir les espaces-temps de respiration nécessaires à l’apprentissage ?
Les moments de travaux de groupe hors temps de cours sont fréquents dans les formations d’adultes. Comment orchestrer cela sans ajouter la contrainte supplémentaire que représente la synchronisation des différentes temporalités micros entre les participants ?
Apprendre en situation s’avère très efficace, mais chaque situation est unique et personnelle. Comment, dans ce cadre, articuler la formation pour développer les compétences professionnelles visées tout en s’appuyant sur les situations vécues ?
Les bénéfices que représente la médiation d’un tiers sont bien visibles. Dès lors, comment articuler une formation autour de cette médiation sans générer les coûts du préceptorat ?
La multiplication des situations analysées en parallèle semble parasiter l’apprentissage. Dans ces conditions et malgré des organisations modulaires imposées par certains systèmes scolaires, comment redonner aux moments d’enseignement collectif un rôle de ressource au service des situations vécues ?
Il nous semble qu’une ingénierie de formation conçue en réponse à ces questions pourrait faciliter le parcours et les apprentissages des adultes en formation.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Par souci de lisibilité, le masculin renvoie à un collectif fait tant d’hommes que de femmes.
-
[2]
Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle, http://www.ehb-schweiz.ch/
-
[3]
Éléments ressortis des évaluations des enseignements par les étudiants ainsi que des séances de régulation que l’institution organise, deux fois par année, pour chaque cohorte.
-
[4]
Très présente dans le « centre de développement des métiers » qui s’occupe d’accompagner les organisations du travail dans la redéfinition et l’actualisation des référentiels métier, en vue de l’adaptation des plans de formation et de la création des examens de fin d’apprentissage.
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