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Introduction

Les politiques colonialistes et assimilatrices envers les peuples autochtones au Canada ont entraîné un ensemble de ruptures. En particulier, la coupure des liens familiaux, lesquels étaient intimement liés au mode de vie sur le territoire, a considérablement altéré la vie des familles autochtones (Mashford-Pringle et Stewart, 2019). Aujourd’hui, on reconnaît que la dépossession territoriale ainsi que la dévalorisation des pratiques culturelles autochtones ont engendré des traumatismes intergénérationnels sur le plan de la santé physique, mentale et spirituelle (CRPA, 1996). On le sait, de nombreux problèmes sociaux (ex. dépendances, problèmes de santé mentale, pauvreté, suicide, comportements criminalisés) affligent les peuples autochtones au Canada de façon disproportionnée. Pour y faire face, un nombre croissant d’études soulignent l’importance de renforcer les liens familiaux, sociaux, culturels et spirituels par le biais d’approches culturellement sécuritaires (Redvers, 2016). À cet égard, plusieurs auteurs en travail social insistent sur l’urgence de reconnaître la diversité des perspectives d’intervention sociale et la pluralité des savoirs, afin de se conformer davantage aux valeurs de respect et d’autodétermination de cette profession (Baskin et Sinclair, 2015; Guay, 2017). Il ne fait aucun doute qu’une telle reconnaissance est une des manières de contribuer au processus de réconciliation auquel nous sommes tous conviés.

Dans ce contexte, le potentiel des pratiques de séjours sur le territoire afin de favoriser le mieux-être des peuples autochtones apparaît de plus en plus dans les écrits scientifiques (Borrows, 2016 ; Hirsch, Furgal, Hackett et al., 2016). D’ailleurs, le potentiel thérapeutique du territoire est maintenant reconnu et considéré par les intervenants sociojudiciaires dans les dossiers criminels, tant lors de la détermination de la peine que lors des libérations conditionnelles[2]. Néanmoins, rares sont les études qui considèrent ces séjours dans une perspective d’intervention sociale (Guay et Delisle-L’Heureux, 2019 ; Radu, House et Pashagumskum, 2014). Elles ont même tendance à être encore ignorées, voire dévalorisées, notamment dans les interventions en protection de la jeunesse[3].

Cet article vise à faire état d’une étude portant sur de tels séjours sur le territoire. Nous avons divisé notre propos en trois parties. D’abord, nous faisons état des pratiques et des programmes axés sur le territoire et le bien-être, recensées en contexte autochtone au Québec et ailleurs au Canada. Nous décrivons ensuite brièvement la méthodologie de l’étude et les trois initiatives sur le territoire déployées à Uashat mak Mani-utenam qui font l’objet de l’analyse. Enfin, nous présentons les retombées individuelles et collectives de ces projets, tout en discutant de leur portée sur le plan du renouvellement des pratiques d’intervention sociale.

Les résultats de cette recherche ont également fait l’objet d’un autre article (Guay et Delisle-L’Heureux, 2019). Celui-ci traitait principalement du rôle et de la place que prend le territoire dans le bien-être des Innus d’Uashat mak Mani-utenam.

Le territoire comme source de bien-Être et de guÉrison

Les pratiques et les programmes axés sur le territoire sont très diversifiés. Ils sont présents dans plusieurs nations autochtones au Canada comme ailleurs dans le monde. Certains d’entre eux visent à renforcer les facteurs de protection des communautés en encourageant les comportements prosociaux (Janelle, Laliberté et Ottawa, 2009), alors que d’autres ont été pensés en réponse aux traumatismes intergénérationnels et à leurs effets contemporains (Radu, House et Pashagumskum, 2014 ; Saint-Arnaud et Bélanger, 2005). D’autres encore sont plutôt axés sur l’éducation ou sur des compétences spécifiques à acquérir, telles que les techniques de chasse, de trappe ou de pêche (Tuck, McKenzie et McCoy, 2014). Si certains programmes misent presque exclusivement sur l’intégration des pratiques de guérison autochtone lors des séjours sur le territoire, d’autres les combinent avec des approches occidentales, comme la thérapie cognitive-comportementale ou des outils de psychologie transculturelle (Beaulieu, 2012 ; Dendys, 2013).

Peu importe l’objectif de départ et l’hybridation ou non des approches préconisées, les études démontrent que les séjours sur le territoire apportent plusieurs bienfaits, tant sur le plan individuel que communautaire (Guay et Delisle-L’Heureux, 2019 ; Redvers, 2016). Premièrement, les programmes sur le territoire permettent de stimuler la fierté identitaire et culturelle des participants autochtones. C’est le cas, par exemple, de recherches menées avec des communautés cries (Radu, House et Pashagumskum, 2014 ; Roué, 2006), atikamekw (Clément, 2007 ; Janelle, Laliberté et Ottawa, 2009), innues (Saint-Arnaud et Bélanger, 2005 ; Samson, 2008) et mohawk (Alfred, 2014) au Québec. Certains auteurs font d’ailleurs clairement ressortir que l’accès au territoire, la fierté identitaire et la réduction des problèmes sociaux et psychologiques sont intimement liés (Kant et al., 2013).

Deuxièmement, les séjours sur le territoire sont associés à une plus grande résilience et à un plus fort sentiment d’appartenance, qui sont des facteurs de protection liés au mieux-être et à la guérison des peuples autochtones (Hirsch et al., 2016). C’est par le biais d’activités de groupe, qui les mettent en contact avec la nature et la spiritualité, que les personnes développent de nouvelles compétences et font de nouveaux apprentissages. Ce type d’activité renforce le pouvoir d’agir des individus et la cohésion sociale (Mearns et Healey, 2015). Par exemple, certains séjours permettent aux familles, aux Aînés et aux enfants de créer ou de recréer des liens sociaux et familiaux malmenés par les années de politiques oppressives (Radu, House et Pashagumskum, 2014). De manière similaire, des recherches démontrent que le territoire est un lieu propice aux approches collaboratives qui stimulent le travail en équipe, la résolution de problèmes (Janelle, Laliberté et Ottawa, 2009) et les stratégies de coping (Mearns et Healey, 2015).

Enfin, l’observation et l’expérimentation de pratiques traditionnelles par les jeunes autochtones sur le territoire peuvent aussi avoir une visée éducative. Par exemple, elles permettent de comprendre les normes, les valeurs et les modes de vie qui découlent des visions cosmocentriques du monde des peuples autochtones, notamment la résolution consensuelle et harmonieuse des conflits et le respect de toutes les formes de vie (Borrows, 2016).

En somme, les études sur le sujet nous apprennent que le territoire foisonne d’occasions pour apprendre, transmettre, créer, se transformer et guérir, ce qui en fait un levier d’intervention sociale pertinent à explorer et à valoriser. D’ailleurs, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a mis l’accent sur la fréquentation du territoire, la promotion des traditions et la (re)découverte identitaire comme moyens d’assurer la guérison individuelle et collective (ENFFADA, 2019). De la même manière, la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics recommande le soutien financier des programmes de guérison sur le territoire, afin d’assurer le bien-être des collectivités (CERP, 2019). Toutefois, les activités qui mobilisent le territoire, qu’elles soient intégrées ou non aux services sociaux offerts au sein des communautés autochtones, demeurent généralement méconnues dans la discipline du travail social et méritent qu’on s’y attarde (Guay et Delisle-L’Heureux, 2019).

La mÉthodologie de l’Étude et les projets ÉtudiÉs

L’étude dont nous faisons état ici tire son origine d’une demande d’Uauitshitun, le centre de santé et de services sociaux de la communauté innue d’Uashat mak Mani-utenam[4]. En accord avec les protocoles acceptés pour la recherche avec les Premières Nations (APNQL, 2014), les objectifs et les modalités de la recherche ont été définis conjointement avec les responsables de l’organisation. Les objectifs visent à 1) saisir la conception que les Innus ont du rôle et de la place du territoire dans le bien-être des membres de la communauté ; 2) mettre en lumière les pratiques existantes de séjours sur le territoire, et 3) comprendre la conception qu’ont les Innus du potentiel de guérison des activités réalisées lors des séjours sur le territoire.

L’étude a été réalisée auprès de 17 Innus de la communauté d’Uashat mak Mani-utenam. Le recrutement s’est fait sur une base volontaire à partir d’un communiqué diffusé à la radio communautaire et affiché dans certains endroits clés de la communauté. Il s’agit de 4 Aînés ayant organisé les séjours sur le territoire et de 13 adultes ayant une expérience avec de tels séjours, soit en tant que participants ou organisateurs. L’analyse s’appuie également sur huit récits individuels et quatre récits communautaires réalisés dans le cadre de trois autres recherches menées en parallèle au sein de la même communauté, lorsque ceux-ci traitent de séjours sur le territoire[5]. Toutes ces recherches se sont appuyées sur l’approche biographique, une méthode rendue culturellement sensible au contexte autochtone et théorisée par la chercheure principale (Guay, 2015). Des récits d’expérience ont été construits et validés avec les participants à la suite d’entrevues semi-dirigées[6] réalisées auprès d’eux. Enfin, nous avons opté pour l’analyse compréhensive de Kaufmann (2004) pour formaliser des récits.

L’article porte principalement sur trois initiatives : le programme Nutshimiu Atusseun qui s’adressait aux jeunes de 16-30 ans dans une perspective d’insertion à l’emploi et visait à relancer les activités de trappe dans la communauté ; le projet Kupaniesh s’adressait aux jeunes et visait à contrer les effets des pensionnats ; et les expéditions en forêt organisées par la psychologue Danielle Descent, qui s’adressaient notamment aux jeunes ainsi qu’aux adultes victimes d’agressions durant l’enfance.

En accord avec les principes de la recherche auprès des peuples autochtones (APNQL, 2014), nous avons respecté le choix des participants d’être identifiés afin de les positionner clairement comme les détenteurs des savoirs. Ainsi, certains participants ont choisi d’être identifiés, alors que d’autres ont préféré garder l’anonymat. Les résultats sont donc présentés en conséquence de ces choix.

Les retombÉes positives des sÉjours sur le territoire

Les résultats de la recherche menée chez les Innus rejoignent, en bonne partie, les études recensées plus haut. Ils mettent en lumière de nombreux bienfaits associés à la participation aux séjours sur le territoire et les retombées positives qui se font sentir sur les plans individuel, social et collectif. Dans les lignes qui suivent, nous faisons état d’un certain nombre de constats. D’abord, nous démontrons en quoi les séjours sur le territoire permettent aux Innus de renouer avec leur propre histoire et de renforcer le cercle des relations familiales. Par la suite, nous expliquons que les séjours sur le territoire sont des occasions privilégiées pour établir une relation d’aide et un mentorat par les Aînés. Nous faisons également ressortir que la fréquentation du territoire contribue à une fierté identitaire et à l’augmentation de l’estime de soi. Enfin, les résultats de la recherche montrent que les apprentissages et les transformations individuelles perdurent dans le temps et sont transférables à d’autres contextes.

Renouer avec sa propre histoire

L’Histoire des Premières Nations au Québec est un sujet trouble, marqué par un ensemble de politiques assimilationnistes qui perdurent depuis des siècles. Elle est aussi celle enseignée à l’école, toujours incomplète, jamais présentée à partir du point de vue des Autochtones eux-mêmes (Gabriel et al., 2019). Or, dans le discours des participants, l’Histoire, c’est aussi celle des familles, des ancêtres et du peuple innu qui est, encore aujourd’hui, intimement ancrée dans le Nitassinan, leur territoire traditionnel. Ainsi, une des forces des séjours sur le territoire, c’est qu’ils permettent aux Innus de se réconcilier avec le passé en renouant avec des pans importants de leur histoire. À ce sujet, une Aînée reflète le changement de perspective qui s’opère lorsque les jeunes comprennent l’importance de la rivière Moisie pour les Innus de Mani-utenam :

C’est comme une route pour nous autres, les Aînés. Quand on montait dans le bois, on prenait la rivière Moisie, on montait en canot. Les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas. Pour eux, il y a la route 138. Pour nous, la Moisie, c’est comme notre route 138. C’est tellement important pour nous. Il y a nos ancêtres qui sont passés là. Encore aujourd’hui on passe par là. Les jeunes ne connaissaient pas ça. Ils étaient surpris d’entendre parler de ça, d’apprendre que l’on descend de personnes qui ont passé par là.

Le territoire est chargé d’une histoire singulière qui ne se révèle qu’en le parcourant. En allant sur le territoire, les Innus marchent littéralement sur les traces physiques laissées par leurs ancêtres et qui sont encore visibles de nos jours. Danielle souligne qu’elle parcourt avec les jeunes une portion d’une route très ancienne, laquelle part de Kuujjuaq et va jusqu’à Sept-Îles : « Cette route-là c’est le highway traditionnel. C’est cette route-là qui m’a toujours intéressée parce que c’est comme la muraille de Chine, mais plutôt qu’être élevée en muraille, elle est creusée. Certains sentiers sont parfois creux d’un pied. » Marcher sur de tels sentiers est, pour plusieurs Innus, une rencontre bouleversante :

À un moment donné, quelqu’un m’a dit que le sentier dans lequel je m’apprêtais à marcher, eh bien mon arrière-grand-père y avait marché aussi. J’ai pleuré quand j’y ai déposé mon pied. Mon arrière-grand-père et mon père ont marché là et maintenant, c’est à mon tour de marcher dans ces sentiers-là. […] Ça m’a émue de savoir que ma famille était passée par ici, qu’elle avait chassé dans le bois. C’était tellement beau.

Aînée

Certains jeunes pleurent quand ils passent à cet endroit, parce qu’en mettant les pieds dedans, c’est à ce moment-là qu’ils réalisent que leurs ancêtres ont pris la même route. Tout ce qu’ils voient dans les musées ne les émeut pas autant que mettre les pieds dedans.

Danielle

En réalité, le territoire est marqué de toutes sortes de manières ; il est habité, rempli d’histoires, de relations et de sens :

Quand nous voyons une tombe sur la montagne, je leur dis qui est enterré à cet endroit. Une telle est née là, sur les roches, et les enfants étaient allés chercher de l’eau au ruisseau qui est là. Ici, c’est là que les gens se rassemblaient pour attendre la petite bernache.

Danielle

Ce retour aux sources et la connexion avec les histoires familiales sont également porteurs de transformations et de guérison :

Le territoire est là quand on a besoin de guérison, quand on a un problème de consommation ou quoi que ce soit. Moi, j’ai passé du temps en forêt, je crois que ça a guéri presque tout. J’ai eu des maux vraiment forts dans ma tête, des difficultés comme tout le monde. Ce qui m’a aidé, c’est le territoire. Le territoire m’a donné la force de réussir, de guérir par moi-même.

Tshiuetin

Bref, les séjours sur le territoire permettent de maintenir en vie la relation avec le territoire et toutes les histoires qu’il recèle. D’une certaine manière, le territoire crée un pont entre le présent, le passé et l’avenir. Le passage sur les lieux qui autrefois étaient fréquentés par les ancêtres offre des occasions uniques pour libérer des émotions négatives, qui a le potentiel d’aider les Innus à faire la paix avec le passé et avec eux-mêmes.

Développer l’estime de soi et la fierté identitaire

La mise en réserve, la sédentarisation des Innus et l’époque des pensionnats ont créé des ruptures importantes au sein des familles, mais ont également entravé la possibilité de transmettre les savoirs, la culture et la langue aux générations futures (Guay, 2017). Plusieurs participants ont soulevé la question de la « crise identitaire » des Innus, qui affecte tout particulièrement la jeune génération. Comme le dit Jean-Claude : « Le défi, c’est de réconcilier notre identité, nos valeurs, ce que nous étions comme personnes, à la réalité et à la manière dont nous vivons aujourd’hui. » Un répondant ajoute que « partout au Canada, les communautés autochtones tentent de se guérir. Pendant cette phase, il faut se réapproprier notre culture pour renforcer notre identité. » Or, le fait de retourner sur le territoire et de renouer avec le mode de vie des ancêtres favorise la fierté identitaire.

Dans les faits, les séjours sur le territoire constituent pour les participants de véritables défis, puisque les règles établies sont liées à l’impératif de survie en forêt. Ainsi, plusieurs participants ont fait valoir que les jeunes s’exposent à un vaste ensemble d’apprentissages en matière de savoir-faire, de savoir-être et de valeurs. Ces séjours impliquent d’apprendre les techniques de chasse : où vivent les animaux, comment tendre les pièges, poser les collets, apprêter la viande de bois, etc. Les jeunes apprennent aussi comment faire les raquettes et la couture, comment ramer, portager, trouver le bon bois de chauffage et ne pas se perdre dans le bois (Rolland ; deux Aînées). Une Aînée traduit bien l’ampleur de ces activités : « toutes ces choses reliées à la survie en forêt, ils les apprenaient comme ça. Nous n’avions pas de scie mécanique. Il fallait tout faire soi-même. » Les jeunes doivent également parler la langue innue et s’initier à la médecine traditionnelle. Bref, il s’agit de séjours qui portent leur lot de difficultés et les participants en ressortent avec une fierté d’avoir réussi et d’avoir appris des méthodes et des techniques utilisées par les générations qui les ont précédés. Comme le souligne Bernadette :

[…] après onze jours, j’ai commencé à vivre l’expérience et à réaliser que mes parents et mes ancêtres étaient passés par là. C’était leur vie quotidienne et ce n’était pas facile. Tous les jours, il fallait enlever la tente, aller chercher du bois et trouver quelque chose à manger. […] Je suis contente de l’avoir fait ; il fallait que je le fasse au moins une fois dans ma vie.

Bernadette

Pour la majorité des participants, la fréquentation du territoire permet de se reconnecter aux valeurs innues. Par exemple la coopération, la patience, le sens des responsabilités, l’interdépendance, la recherche de consensus, le respect, la recherche du bien commun et la reconnaissance des compétences de chacun sont ainsi mis en pratique lorsque les participants se retrouvent en forêt (deux Aînés ; Danielle ; Luc ; Réginald ; Rolland).

Selon Danielle, la pratique d’activités traditionnelles permet également la transmission de valeurs sans que personne n’ait à dire : « Voici les valeurs ! »

Dès le début du voyage, il est nécessaire de faire prendre conscience aux jeunes que la survie des familles en forêt reposait non seulement sur l’expérience de la chasse et des techniques, mais sur l’adhésion à des valeurs qui permettaient, justement, la survie en créant une harmonie dans le groupe. Le respect des limites de chacun, le respect dans ses paroles, prendre l’habitude de s’adresser au début par un mot qui indique le lien qu’on a avec lui.

Danielle

Plus que de simples ressourcements en nature, ces séjours impliquent la pratique d’un mode de vie, l’apprentissage de la culture innue et la connaissance de son identité. Le projet Nutshimiu Atusseun, par exemple, bien qu’orienté vers l’insertion à l’emploi, a provoqué des changements inattendus :

C’est drôle, il n’y en a pas beaucoup qui sont devenus trappeurs. […] Par contre, je pense, non, je suis sûr et tout le monde le dit que nous avons été plus loin que simplement former des gens à un métier. Nous avons transmis des valeurs à des individus. […] C’était fort ! Tous les jeunes revenaient de ces expériences-là grandis.

Réginald

S’éloignant des méthodes d’intervention classiques axées sur le problème, les déficits individuels, la « protection » ou la gestion des « risques », les séjours sur le territoire à Uashat mak Mani-utenam misent plutôt sur les forces et la résilience des individus. Cette manière de faire renforce la capacité des jeunes à s’aider eux-mêmes et à croire en leurs compétences.

Renforcer le cercle des relations

Les politiques d’assimilation et l’imposition de structures de gouvernance occidentales ont aussi eu pour effet de miner un ensemble de relations qui sont intimement liées à la vie sur le territoire, notamment les liens spirituels, familiaux et sociaux. De telles relations étaient au centre de la gouvernance traditionnelle, laquelle assurait non seulement le maintien des solidarités, mais aussi la mise en place de mécanismes de régulation sociale conformes aux croyances et aux valeurs autochtones. La perte de ces repères culturels a généré une quantité de problèmes sociaux, qui auraient été autrement résolus (Monchalin, 2016). Or, la fréquentation du territoire permet de rétablir ces liens.

D’abord, les séjours en forêt favorisent le rétablissement des relations avec les animaux et tout ce qui fait partie de la nature. Plusieurs participants ont expliqué en quoi leur expérience lors de ces séjours a été riche en occasions pour se rappeler certains des enseignements traditionnels innus, tels que l’importance des rêves, des visions et du rapport égalitaire entre les humains, les animaux et la nature.

Dans un de mes rêves, une martre est venue me parler et elle m’a dit : « Si tu veux me tuer, porte un foulard rouge. » […]. Plus tard, j’ai décidé de raconter mon rêve à quelqu’un. Cette personne m’a dit que si j’avais écouté la martre dans mes rêves, je serais devenu un excellent chasseur de martres. C’est un don !

Participant

Des fois, quand je suis à l’ombre d’un arbre, les feuilles de l’arbre bougent. Les gens pensent qu’un arbre c’est un arbre, mais c’est un être vivant. […] il n’y a personne de plus important que quelque chose d’autre. Ce ne sont pas les humains, ni les animaux ni les arbres. On doit vivre tous ensemble. L’ours, je le respecte. En général, quand on respecte les animaux, on devient égal à égal avec les animaux et la nature. L’Homme n’est pas plus haut que les animaux ou que rien.

Martial

Ce dernier extrait rappelle le caractère cosmocentrique de la vision du monde innue (Lacasse, 2004). Celle-ci conçoit l’humain comme faisant partie de l’environnement, partagé avec les autres formes de vie et au sein duquel il n’existe aucune hiérarchie. Plusieurs auteurs décrivent les liens de réciprocité avec les animaux, les plantes et les montagnes, considérés comme des êtres vivants comparables aux humains (Descola, 2005 ; Keewatin, 2002). L’utilisation de l’écosystème comme un moyen de communication intime et spirituel entre l’individu et la nature est pourtant peu abordée dans les approches d’intervention en travail social, alors qu’elle est l’un des fondements de la guérison en contexte autochtone (Guay, 2017).

Les séjours sur le territoire favorisent également le renforcement ou le rétablissement des relations sociales et familiales qui ont été malmenées par des décennies de politiques colonisatrices. À cet effet, la description que font les répondants de la vie quotidienne au sein des programmes témoigne des liens profonds qui s’établissent entre tous les membres du groupe. Ainsi, une Aînée précise : « Ici, avec les personnes avec qui nous étions, c’était comme une vraie famille. » De la même manière, un intervenant des services communautaires explique : « Tous les enfants qui ont fréquenté le programme [Kupaniesh] se sentaient comme chez eux. Des liens significatifs se tissaient entre eux : ils devenaient comme frères et soeurs. » Comme l’explique Réginald : « Chaque groupe était composé d’un couple d’Aînés, accompagné d’un homme et de six jeunes qui se connaissent, mais qui ne se côtoient pas et qui apprennent à grandir dans une cellule familiale où l’on dépend de chacun pour la survie. »

Différentes raisons permettent de comprendre en quoi la vie sur le territoire permet de rétablir les relations familiales. La grande proximité physique fait en sorte que les participants font rapidement face à l’importance de valeurs innues (qui étaient essentielles à la survie sur le territoire) telles que la tolérance, le respect des autres, le partage et l’entraide.

Dans mon groupe de neuf personnes, [n]ous avons tous vécu dans la même tente pendant deux mois et demi. […] [Cette]proximité demande beaucoup de tolérance.

Participante

Ici, dans la communauté, tu te fais ton petit repas pour toi. Là-bas, tu vas faire une grosse bannique pour tout le monde. […] Il y a des gestes qui sont posés qui font en sorte qu’ils t’apprennent à partager. Le partage, c’est une forme de respect. C’est donc très important. Tu vas être tellement content de pouvoir partager avec ceux qui ont travaillé toute la journée à bûcher du bois de chauffage. C’est toujours de penser pour le groupe.

Réginald

Enfin, une dernière raison, c’est qu’il règne dans le bois une atmosphère paisible, une tranquillité qui sont propices aux discussions et aux échanges. Les jeunes sont plus calmes et moins distraits par les jeux vidéo ou leur téléphone cellulaire. Le fait d’être dans le bois permet aux Innus d’être plus présents les uns pour les autres, si bien que les échanges y sont plus faciles, plus naturels et plus authentiques (Guay et Delisle-L’Heureux, 2019). La fréquentation du territoire favorise ainsi les dynamiques sociales et familiales positives, en soulignant le rôle important de chacun pour l’harmonie et l’équilibre au sein des groupes.

Un environnement propice à la relation d’aide et au mentorat par les Aînés

Les liens qui se tissent entre les jeunes et les Aînés, lors des séjours sur le territoire, permettent de contrer les effets historiques et actuels des politiques d’assimilation. Tout comme l’ont démontré Radu et ses collègues (2014), la transmission des savoirs par les Aînés permet à ces derniers de jouer leur rôle traditionnel de mentor auprès des jeunes.

Les Aînés sont considérés comme les dépositaires des enseignements philosophiques liés à la vie sur le territoire et possèdent une sagesse et une connaissance approfondie de la culture, des traditions, des rituels, de la langue et des valeurs de leur peuple (CRPA, 1996). Les Aînés sont respectés parce qu’ils représentent la voix de la modération et de l’expérience ainsi que le pont entre les générations. Considérés comme des modèles, on les consulte pour toutes sortes de difficultés personnelles, familiales ou autres (Guay, 2017). Par conséquent, ils jouent un rôle important dans la vitalité et le bien-être des membres de leur communauté.

Lors des séjours sur le territoire, les Aînés parlent aux jeunes et racontent des histoires. Celles-ci sont porteuses de sens, de valeurs et de leçons de vie qui se transmettent indirectement.

Aller sur le territoire, c’est une manière de jaser et de partager. […] C’est un milieu qui permet la transmission de messages, de leçons de vie. Les valeurs se transmettent plus facilement dans la forêt à écouter les Aînés. On y apprend le respect des choses de la vie.

Participant

Pendant cinq ans, je suis parti en forêt avec les Aînés. Cela m’a permis de découvrir beaucoup de choses sur ma culture. Avant, j’avais toujours dit que j’étais Innu, mais quand je suis parti en forêt avec eux, j’ai pris la mesure de mon ignorance. La langue innue s’est transformée sous mes yeux : les Aînés m’ont nommé des choses que je n’arrivais même pas à reconnaître.

Participant

Nous l’avons dit, la vie quotidienne sur le territoire est propice aux échanges et favorise le dialogue avec les jeunes. Rolland explique qu’en se rendant sur le territoire, les jeunes se libèrent progressivement du stress qu’ils peuvent éprouver en communauté. À un certain moment, les langues se délient : « On le sent dans le bois, quand ils sont prêts », dit-il. De la même manière, une Aînée souligne à quel point les jeunes Innus ont souvent besoin de parler et comment le quotidien sur le territoire est parsemé d’occasions pour permettre aux jeunes de s’exprimer. Pour faciliter l’expression des jeunes, elle les invitait à formuler leurs besoins et à prendre la parole. Elle avait également mis au point une stratégie personnelle :

J’ai aussi décidé que je garderais un des jeunes du groupe avec moi pour m’aider à faire à manger pendant que les autres iraient à la pêche avec mon mari. Comme ça, le jeune se sentait plus à l’aise pour poser des questions et c’est comme ça qu’il commençait à parler. Et là, il n’arrêtait plus de parler [rires]. Les jeunes avaient beaucoup de choses à dire. C’est comme ça que j’ai fonctionné. Ça a marché. [...] Au fond, ils avaient juste besoin d’être écoutés. L’écoute ! C’est juste ça. On dirait que les parents n’entendent pas.

Aînée

À cet égard, plusieurs Innus racontent comment les paroles des Aînés leur ont permis de mieux comprendre leur réalité et de progresser dans leur vie. Le récit de l’une d’entre elles est éloquent à cet égard :

Je vivais quelque chose de difficile et un Aîné m’a dit : « Lâche prise. Il faut que tu lâches prise. Quand tu ne lâches pas prise, tu te prives du bonheur. » Il m’a alors raconté une histoire […] À ce moment-là, il m’a ouvert les yeux. J’étais tellement dans le noir et les ténèbres que lorsqu’il m’a dit que j’étais le pont entre les deux cultures, tout est devenu clair. C’était la première fois que je voyais une lueur d’espoir. Ce qu’il venait de me dire à ce moment-là sur la glace, j’y ai cru et j’ai ainsi pu compléter mon stage comme tous les autres.

Participante

Bref, le discours des participants illustre l’importance et la portée du rôle que les Aînés jouent dans le cheminement personnel des Innus, en particulier celui des jeunes. Tout comme les intervenants sociaux, les Aînés sont à même d’offrir un soutien, une relation d’aide qui favorise le développement personnel. Toutefois, les Aînés présentent un avantage additionnel puisqu’ils assurent la continuité culturelle ainsi qu’un ancrage identitaire solide. À cet égard, dans son étude du retour à la terre des jeunes cris à Chisasibi, Roué (2006) s’est interrogé sur le succès des Aînés en tant que nouvelle figure de « thérapeute », là où tous les professionnels de santé avaient échoué. Sa conclusion est la suivante : « Guidés par un ancien, ils peuvent acquérir à travers une expérience personnelle et de façon holistique des savoirs, savoir-faire et un lien spirituel au territoire qui les insère dans une lignée. C’est seulement alors qu’ils peuvent être Cris et fiers de l’être » (p. 27). Nous sommes d’avis que c’est aussi en partie grâce à leur posture égalitaire, d’ouverture et de respect que les Aînés arrivent à créer un environnement propice à la relation d’aide et au dialogue avec les jeunes et qu’ils obtiennent des résultats qui, comme nous le verrons plus loin, persistent dans le temps.

Transférer les apprentissages à la vie en communauté

Parmi l’ensemble des retombées positives des séjours sur le territoire, il est difficile de passer sous silence celle qui porte sur le transfert des apprentissages dans la vie quotidienne et par conséquent le maintien des acquis. Les changements qui s’opèrent au fil des semaines ne sont pas que passagers. Au contraire, ces transformations sont bénéfiques et persistent bien au-delà des séjours sur le territoire. Il en est ainsi parce que les apprentissages réalisés (ex. la patience) sont facilement transférables dans la vie de tous les jours. Comme l’explique ce participant : « Il y a aussi des portages, certains courts et d’autres moins courts. Les courts tu les apprécies. Les plus longs, tu réfléchis. On développe la patience, le goût de la liberté […] les qualités comme la patience et la fierté [ce sont tous des] impacts que cette expérience a eus sur moi » (Martial). De la même manière, Luc et Réginald évoquent les changements qui s’opèrent plus profondément sur le plan de l’attitude générale et qu’ils ont observés chez des jeunes qui ont participé aux séjours :

Je crois que ce projet a donné aux jeunes un mode de vie différent, une façon de penser différente. […]. Au début […] ils avaient de la difficulté à articuler, ils rougissaient à cause de leur gêne, mais à travers le projet, ils ont appris à prendre conscience de leur valeur et à s’exprimer en groupe.

Luc, un Aîné

Je n’oublierai jamais la fois où j’ai reçu un téléphone. […] [Un parent a dit :] « Écoute Réginald, je ne sais pas ce que vous avez fait avec mon jeune. Je ne sais pas du tout, mais ce n’est plus le même. C’est complètement une autre personne. Il a changé d’attitude. Dans ma maison, il prend soin de lui, il nous donne un coup de main et il est respectueux. Puis, merci ! » Il a raccroché le téléphone. Ça, c’est grand, c’est merveilleux !

Réginald

Une chose est certaine, les apprentissages faits sur le territoire engendrent une transformation qui s’accompagne bien souvent de changements concrets dans la vie des individus, en particulier celle des jeunes. Il peut s’agir de l’adoption de nouveaux comportements ou de nouveaux choix de vie. Une participante explique que « la plupart des jeunes qui consomment ne trouvent pas de sens à la vie et ils se cherchent. Le séjour dans la forêt permet de se reconnecter. » D’autres ont été témoins d’une nouvelle persévérance des jeunes dans certains projets, notamment le retour aux études (Aînée ; Danielle ; participante).

C’est parce qu’on observe le maintien des acquis que l’on peut réellement parler du potentiel thérapeutique lié à la fréquentation du territoire. D’ailleurs, plusieurs participants n’hésitent pas à parler du pouvoir de guérison qu’il recèle.

J’ai tellement changé dans le bois. C’est le meilleur remède au monde. Il faut aller dans le bois pour faire le vide. Chez les jeunes, j’ai vu comment cela leur faisait du bien.

Aînée

Le stage en forêt a duré trois mois. […] Je suis revenue du stage en connexion totale : ma tête et mon coeur étaient en communion. [Après cette expérience], j’ai repris mes études au Cégep.

Participante

Le territoire a vraiment un pouvoir de guérison. Ça ramène à qui on est. Je sais que ça pourrait guérir un grand nombre de jeunes. Je le sais parce que je l’ai vécu avec le programme Nutshimiu Atusseun.

Rolland

Ces résultats rejoignent ceux obtenus par Schulz et ses collègues (2016), qui soulignent non seulement le potentiel de guérison des séjours sur le territoire, mais également le maintien des acquis, qui perdurent longtemps après l’expérience des participants. Il s’agit là de résultats prometteurs, qui montrent que le territoire peut être utilisé afin de poursuivre des objectifs tels que la transformation de soi, l’actualisation concrète des valeurs innues dans la vie quotidienne, la persévérance scolaire et plus largement les changements positifs dans les attitudes et les comportements.

Discussion – conclusion

Le renouvellement des pratiques du travail social en contexte autochtone passe par une décolonisation des pratiques d’intervention sociale, en particulier en contexte de protection de la jeunesse, lesquelles ont dernièrement fait l’objet de critiques sévères (CERP, 2019 ; CVR, 2015). Il s’agit pour les travailleurs sociaux allochtones de s’ouvrir graduellement aux différentes conceptions du monde des peuples autochtones et de reconnaître la capacité des communautés et des familles autochtones de trouver des solutions plus appropriées à leur propre guérison (CVR, 2015).

Donner la parole aux Innus a permis de pénétrer au coeur d’une solution singulière, celle des séjours de guérison sur le territoire ; de comprendre comment elle s’actualise et d’éclairer les contours de celle-ci en mettant en lumière certains de ses éléments distinctifs, notamment la place et le rôle des Aînés dans les processus de guérison. Au terme de notre analyse, le territoire apparaît comme un espace spirituel et relationnel permettant aux Innus de renouer avec leur propre histoire, leur mode de vie traditionnel et leurs valeurs. Marcher sur la trace de leurs ancêtres renforce le sentiment d’appartenance et la fierté identitaire. Dans bien des cas, ce retour aux sources permet aux Innus non seulement de faire la paix entre leur passé et le présent, mais aussi de libérer des émotions pour appréhender le futur avec plus de confiance. Fréquenter le territoire et y séjourner permet également de (re)construire des liens sociaux et familiaux fragilisés par les décennies de politiques assimilationnistes qui persistent encore aujourd’hui et par conséquent de rendre la communauté plus forte. Dans les faits, les résultats de la recherche témoignent du potentiel thérapeutique des séjours sur le territoire.

Certes, la pratique des intervenants sociaux (qu’ils soient autochtones ou allochtones) est encadrée par un contexte juridique et institutionnel qui dicte des paramètres d’intervention peu compatibles avec les valeurs des peuples autochtones et sur lesquels ils ont souvent peu de contrôle. Cependant, parmi les participants, plusieurs intervenants sociaux innus considèrent les séjours sur le territoire comme une stratégie d’intervention tout à fait pertinente pour soutenir les familles et les jeunes de leur communauté et qu’ils devraient être davantage considérés dans les plans d’intervention (Guay, 2017).

Malheureusement, la mobilisation du territoire n’est pas encore vue comme un mode d’intervention sociale légitime, et c’est encore plus vrai en protection de la jeunesse. Des parents et des jeunes se font alors suggérer – ou imposer – des méthodes occidentales de guérison basées sur des valeurs et des perspectives allochtones (ex. thérapies formelles en dépendances ou sur la gestion de la colère, placements en milieu substitut, médication), ce qui contribue à accentuer la méfiance des jeunes et des familles autochtones à l’égard des services. Or, pour les intervenants sociaux innus, il serait tout à fait envisageable de repenser les mesures en protection de la jeunesse. Par exemple, un séjour sur le territoire avec un Aîné pourrait être considéré comme une mesure de protection pour un jeune plutôt qu’un séjour en centre de réadaptation. En effet, les séjours sur le territoire contiennent des ingrédients clés pour soutenir les individus, les familles et les communautés vers la confiance en soi, le mieux-être et l’équilibre (Redvers, 2016). Ainsi, les résultats de la recherche fournissent des pistes de réflexion qui permettent aux travailleurs sociaux allochtones d’élargir leur manière de définir et de pratiquer le travail social de façon à pouvoir admettre une pluralité de manières de penser et de concevoir l’intervention ou la guérison.

Enfin, si le potentiel de guérison des séjours sur le territoire semble avoir été bien étudié, des recherches additionnelles méritent d’être réalisées afin de mieux comprendre et d’identifier la pertinence, les enjeux et les défis de tels séjours pour certaines clientèles (ex. individus en sevrage, aux prises avec des problèmes de santé mentale ou avec des troubles sérieux de comportement). Des recherches portant sur des initiatives concrètes d’intégration de ces séjours au sein des services sociaux sont également nécessaires. Quoi qu’il en soit, nous sommes d’avis que la prise en considération du territoire comme un levier d’intervention sociale est l’une des voies vers la décolonisation de la pratique du travail social et un pas de plus vers la réconciliation entre les peuples autochtones et allochtones.