Résumés
Résumé
Au Québec, la médiation familiale en contexte de violence conjugale est méconnue et controversée. Bien que la pratique soit débattue, elle existe ; il est donc important de savoir comment les médiateurs familiaux composent avec cette réalité dans leur quotidien. Cette étude fut menée dans le cadre d’une maîtrise en service social (UdeM) auprès de 8 médiateurs issus des domaines juridique et psychosocial, en collaboration avec le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale (COAMF). Les résultats permettent d’identifier divers moyens mis en place pour assurer la sécurité des personnes et les raisons qui motivent le choix de chacun d’entre eux.
Mots-clés :
- médiation familiale,
- violence conjugale,
- sécurité
Abstract
In Québec, family mediation in the context of domestic violence is controversial and little-known. Although this approach is debated, it is being used; therefore, it is important to properly understand how mediators deal with this reality in their professional practice. This study was conducted as a part of a master’s degree in Social Work, in collaboration with the “Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale” (COAMF). The results identify various methods put in place to ensure the security of everyone involved in the mediation process, as well as the reasons motivating the choice for each of these methods.
Keywords:
- family mediation,
- domestic violence,
- safety
Corps de l’article
Introduction
La sécurité des personnes est un élément clé de la médiation familiale en présence de violence conjugale. Au Québec, bien que plusieurs enjeux soient soulevés à l’égard de la sécurité des personnes, les médiateurs familiaux qui ont une connaissance approfondie de la problématique de la violence conjugale proposent des solutions et des recommandations pour améliorer la pratique et bien assurer la sécurité des parties qui participent au processus de médiation familiale.
Tout d’abord, cet article explique l’encadrement actuel de la pratique de la médiation familiale en présence de violence conjugale au Québec. Puis, il présente les principaux débats des milieux scientifiques et des milieux de pratique en lien avec la sécurité des personnes participant à une médiation familiale en présence de violence conjugale ainsi que la méthodologie de recherche de l’étude. Les objectifs de cet article sont d’identifier les principales préoccupations des médiateurs familiaux en ce qui a trait à la sécurité des personnes (la personne violentée, la personne ayant des comportements violents et les enfants exposés à la violence conjugale), de répertorier les moyens mis en place par les médiateurs pour assurer la sécurité de chacun pendant le processus de médiation et de présenter les recommandations et les pistes de solutions formulées par les médiateurs pour améliorer la pratique.
ProblÉmatique
La médiation familiale est définie comme étant un mode de résolution des conflits liés à la séparation ou au divorce où « un tiers impartial, dûment accrédité en vertu du Règlement sur la médiation familiale (L.R.Q., c. C-25, r.2.1), intervient dans le conflit, avec le consentement des parties, et les aide à négocier une entente équitable faisant l’objet d’un consentement libre et éclairé » (Groupe de travail sur l’éthique en médiation familiale, 2001, p. 4). Le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale (COAMF) (2016) précise que le médiateur familial a plusieurs devoirs : il doit assurer la sécurité des parties participant au processus, agir avec compétence, dépister la présence de violence conjugale et déterminer l’intervention appropriée. Le médiateur aide les parents à conclure une entente libre, volontaire, sans abus d’influence et en pleine connaissance de cause. S’il considère qu’il est contre-indiqué de poursuivre la médiation, il doit alors suspendre ou mettre fin au processus et référer les parties aux ressources spécialisées.
Au Québec, la médiation familiale en présence de violence conjugale est controversée, mais la pratique est très peu documentée et est donc mal connue. Elle fait l’objet de points de vue divergents.
Débats entourant la définition de la violence conjugale
La définition de la violence conjugale est un premier élément au coeur des débats liés à la médiation familiale en contexte de violence conjugale. Actuellement au Québec, il y a absence de consensus quant à la définition de violence conjugale à privilégier. La problématique de la violence conjugale étant très complexe, elle peut donc être analysée sous plusieurs angles, notamment par le biais des « caractéristiques psychologiques, biologiques ou comportementales des personnes ou des familles impliquées » (Laforest et Gagné, 2018, p. 133) ou de lecture davantage macrosociale. Par exemple, le modèle écologique s’intéresse aux facteurs de risque se situant à quatre principaux niveaux, notamment au niveau individuel, relationnel, communautaire et sociétal (Heise et Garcia-Moreno, 2002 ; Institut national de santé publique, 2012), alors que la perspective sociologique s’appuie sur la culture et les normes sociales pour expliquer le phénomène de la violence conjugale. La lecture féministe de la violence conjugale, quant à elle, se penche sur les rapports sociaux, les inégalités entre les sexes et les enjeux de pouvoir donnant lieu à des oppressions multiples faites par les hommes envers les femmes, donnant ainsi le droit à l’homme de dominer la femme et lui permettant de détenir du pouvoir au sein des diverses institutions sociales (Anderson, 1997 ; Bilodeau, 1990 ; Dorvil et Mayer, 2001 ; Laughrea et al., 1996). Compte tenu de différentes lectures possibles de la problématique et des répercussions (par exemple, une lecture genrée de la violence conjugale identifiera les actes de violence conjugale commis par les hommes violents envers les femmes victimes, mais donnera lieu à l’omission des cas minoritaires où les hommes sont victimes de violence conjugale) liées au choix d’une lecture spécifique au détriment d’une autre, il faut donc demeurer vigilant et soucieux des débats actuels lorsqu’on se positionne sur le sujet.
D’ailleurs, il est important de souligner que le Guide des normes de pratique en médiation familiale, produit par le COAMF (2016), emploie la définition de la violence conjugale proposée par le gouvernement du Québec (2018) dans le cadre de ses politiques gouvernementales : « La violence conjugale se caractérise par une série d’actes répétitifs, qui se produisent généralement selon une courbe ascendante. […] La violence conjugale comprend les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique. Elle ne résulte pas d’une perte de contrôle, mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle » (p. 23). Cette définition a d’ailleurs été retenue dans le cadre du projet d’étude actuel, notamment parce qu’il s’agit d’une vision globale et non genrée de la violence conjugale, qui tient compte de la notion de domination par le contrôle (tel que rapporté par Johnson lorsqu’il décrit le terrorisme intime) et des différentes formes de violence possibles (physique, psychologique, sexuelle et verbale). Par ailleurs, cette définition permet de prendre en compte la sécurité de tous les acteurs impliqués dans un processus de médiation familiale en contexte de violence conjugale : la femme violentée, l’homme ayant les comportements violents et les enfants exposés à la violence conjugale.
En plus de cette définition de la violence conjugale, celle du concept de la violence post-séparation doit également être prise en considération dans le cadre de la médiation familiale. En effet, selon Brownridge (2006), il y a un risque élevé que la violence se poursuive ou s’aggrave au moment de la séparation. Ou encore, la violence peut également apparaître pour la première fois à la suite de la séparation ou du divorce, et ce, sans aucun antécédent dans la relation conjugale. De ce fait, puisque l’agresseur se sent trahi, abandonné, qu’il soit en colère ou enragé par le fait que sa partenaire l’ait quitté, il peut recourir à des comportements violents pour reprendre le contrôle sur elle et la dominer. D’ailleurs, la vengeance et les représailles figurent parmi les motifs les plus fréquents donnant lieu à des comportements violents dans ces circonstances.
Prévalence de la problématique
Comme le souligne L’Enquête sociale générale (ESG) menée par Statistique Canada en 2014, 41 % des victimes de violence rapportent avoir été agressées par un ex-conjoint suivant une rupture et 49 % de ces victimes soutiennent que « la gravité de la violence a augmenté » après la fin de leur union. La grande majorité des personnes victimes (78 %) déclarent que cette violence a eu lieu alors qu’elles habitaient encore sous le même toit que leur ex-conjoint.
Il est important de souligner qu’une certaine vigilance s’impose à la lecture des statistiques rapportant les incidences de violence conjugale car, tout comme le choix de la définition de la violence conjugale adoptée, la méthodologie employée pour documenter la problématique peut influencer la lecture de celle-ci, notamment s’il s’agit d’enquêtes épidémiologiques, d’études effectuées par les centres l’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, de statistiques provenant de milieux hospitaliers et de milieux offrant des services pour hommes ayant des comportements violents. Une chose est claire, peu importe la méthodologie, les femmes demeurent majoritairement les victimes dans les cas de violence conjugale.
Principaux enjeux liés à la sécurité
D’une part, certains soulignent que la médiation familiale en présence de violence conjugale est contre-indiquée, car elle présente plusieurs enjeux liés à la sécurité des victimes de violence conjugale. D’abord, un premier enjeu soulevé est l’impossibilité de contrôler les agirs des membres pendant la médiation (Fédération de ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec [FRHFVDQ] et al., 2004 ; Hart, 1990 ; Johnson et al., 2005). D’ailleurs, Hart (1990) considère qu’aucun médiateur, peu importe son niveau d’expertise et sa sensibilité à l’égard de la violence conjugale, ne serait en mesure de contrôler les agirs de l’agresseur pendant le déroulement de la médiation familiale. La sécurité des femmes et des enfants, de même que leurs intérêts légaux et personnels, leur autonomie et leur droit d’être libres de toute forme de violence seraient donc compromis.
De plus, selon Johnson, Sacusson et Koen (2005), les personnes violentées ne sont pas bien protégées en ce qui a trait aux visites supervisées et aux échanges d’enfants. L’entente convenue en médiation peut donc mettre la personne violentée à risque de subir de la violence de la part de son agresseur parce qu’elle doit continuer à être en lien avec lui dans le cadre d’une garde partagée. En effet, « la garde partagée permet souvent à l’agresseur de maintenir son contrôle sur son ex-conjointe en s’immisçant constamment dans sa vie et dans ses choix » (Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale [RPMHTFVVC], 2009, p. 3). Le meilleur intérêt des enfants, de même que leur sécurité, peuvent également être compromis, car dans ce contexte, ils continuent à être exposés à la violence conjugale.
Ensuite, le fait de questionner les parties au sujet de la violence, alors que les deux sont présents dans la même salle, est une pratique pouvant poser problème ; lorsqu’une personne est intimidée par l’autre, elle risque de ne pas être transparente et d’être réticente à parler librement de la violence subie ainsi que de ses besoins, par crainte de représailles (Holtzwoth-Munroe, 2011). Riendeau (2012) explique que « l’équilibre des forces en présence, la capacité à négocier d’égal à égal et le consentement libre et éclairé de chacun des conjoints, tous des éléments indispensables à la réussite de la médiation familiale, sont absents lorsqu’il y a de la violence conjugale » (p. 160). Conséquemment, au détriment de la personne violentée, les décisions prises pendant les séances de médiation peuvent avantager la personne ayant des comportements violents puisque celle-ci détient le pouvoir au sein de la relation de couple. Cela risque de donner lieu à une négociation injuste, à des renonciations de droits et à des concessions inacceptables de la part de la personne violentée pour acheter la paix avec la personne ayant des comportements violents.
Enfin, Murphy et Rubinson (2005) ont noté que la médiation familiale peut donner lieu à une revictimisation de la personne violentée par la personne ayant des comportements violents. Dans leur étude, leurs participants ont rapporté avoir été témoins des comportements violents à l’égard de la personne violentée pendant les séances de médiation. Toutefois, ces participants intervenaient immédiatement pour cesser les comportements, séparer les parents et rencontrer chaque parent individuellement pour discuter de l’incident et s’assurer de la sécurité des personnes.
D’autre part, d’autres estiment que la médiation familiale en contexte de violence conjugale est possible, car un médiateur est capable de dépister la violence, d’aider à améliorer la communication entre les parents et surtout, de pourvoir à la sécurité des personnes violentées au cours du processus et dans le cadre de l’entente convenue (Beck et Raghavan, 2010). En adaptant le processus de médiation familiale, par le biais de modifications tels le dépistage obligatoire de la violence conjugale, la mise en place de conditions à respecter pendant et entre les rencontres de médiation, la réduction au maximum des contacts entre les parents en dehors de la médiation familiale, l’adaptation du processus selon les besoins des parties et l’arrêt de la médiation s’il est contre-indiqué de poursuivre, le médiateur peut rendre le processus sécuritaire pour les personnes impliquées (COAMF, 2016 ; Comité de suivi sur l’implantation de la médiation familiale, 2008).
Ver Steegh (2003) recommande que les conditions pour participer au processus de médiation soient écrites et révisées à chaque séance. En plus de réviser les conditions à respecter durant les séances, les conduites entre les séances doivent également être régies. Comme le soulignent Geffner et Pagelow (1990), les contacts entre la personne violentée et la personne ayant des comportements violents doivent être réduits au maximum à la suite de la séparation. Ver Steegh (2003) estime que les enfants doivent aussi être pris en considération lors de l’élaboration de l’entente de médiation familiale et des conditions à respecter, car leur sécurité doit autant être assurée. Par exemple, l’échange des enfants peut se faire en un lieu neutre (école, garderie, etc.) ou sous forme de visites supervisées.
Au Québec, il est prévu que plusieurs accommodements puissent être apportés au processus de médiation familiale pour assurer la sécurité des personnes violentées, et ce, tant pendant les séances de médiation qu’entre les séances : la médiation par téléphone, prévoir des heures d’arrivée et de départ séparées pour chaque partie, faire la navette[1] (« shuttle mediation »), intégrer un co-médiateur[2], accompagnement aux séances par des tiers, recours à la police pour surveiller les lieux, engagement à respecter certaines règles de conduite au départ, proscription de toute négociation en dehors des séances de médiation, faire l’ajout d’un addenda[3] au contrat de médiation, orienter la personne violentée et la personne ayant des comportements violents vers des thérapies appropriées, inviter les parents à consulter un avocat (Comité de suivi sur l’implantation de la médiation familiale, 2008). Au besoin, le médiateur familial peut proposer un interdit de contact direct (Comité de suivi sur l’implantation de la médiation familiale, 2008). Il peut également mettre en place des balises claires à l’égard des échanges des enfants afin d’assurer la sécurité de tous les membres de la famille. Dans l’éventualité où les parents ne respectent pas les interventions mises en place par le médiateur familial pour assurer un cadre sécuritaire, ce dernier se voit obligé de mettre fin au processus de médiation (COAMF, 2016). La médiation familiale fonctionnant sur une base de collaboration, les conjoints doivent respecter les règles mises en place, sinon le processus prend fin. C’est la sécurité des parties qui prime.
Le Guide des normes de pratique en médiation familiale (COAMF, 2016) indique que le dépistage de la violence conjugale doit se faire de manière continue tout au cours de la médiation. Aussi, ce guide précise que les médiateurs doivent connaître au moins deux outils de dépistage de la violence conjugale et être aptes à différencier le type de violence conjugale observé (conflit circonstanciel[4] ou domination conjugale[5]). Dans le cadre de leur formation, les médiateurs apprennent à utiliser les outils de dépistage suivants : le protocole de dépistage de la violence pour l’entretien téléphonique initial avec chaque conjoint ; le protocole de dépistage de la violence pour l’entrevue conjointe ; le protocole de dépistage de la violence pour l’entrevue individuelle ; et la grille d’observation du comportement des individus au moment des séances de médiation (Torkia, 2011). Une fois la violence conjugale dépistée, les médiateurs doivent mettre en place les interventions adaptées, assurer la sécurité des parties, faire l’ajout d’un addenda au contrat de médiation et référer aux ressources appropriées. Or, si la violence conjugale persiste entre les parents après que celle-ci eut été dépistée, le médiateur familial doit suspendre ou mettre un terme à la médiation familiale (COAMF, 2016). Le COAMF (2016) a d’ailleurs créé le Guide de normes de pratique en médiation familiale dans le but d’assurer une pratique uniforme et adéquate pour tous les médiateurs familiaux au Québec. En 2012, ce guide a été modifié afin de faire l’ajout d’une section portant sur la violence conjugale et les interventions appropriées à adopter auprès de ces cas (Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, 2012 ; Lambert et Bérubé, 2009). Toujours dans le but de répondre aux enjeux et inquiétudes soulevées, de même qu’améliorer la pratique en ce qui a trait à la médiation familiale en présence de violence conjugale, le Comité de suivi sur l’implantation de la médiation familiale au Québec (2008), en collaboration avec des personnes-ressources possédant une expertise en violence conjugale, a mis sur pied une formation plus approfondie en violence conjugale, des outils de dépistage de la violence conjugale ainsi qu’un bottin de ressources offrant des services spécialisés en violence conjugale.
Cela dit, bien que les diverses mesures énumérées ci-haut ont été mises en place pour mieux protéger les victimes de violence conjugale, plusieurs questionnements persistent à savoir si ces mesures sont pertinentes et suffisantes. Les personnes-ressources qui viennent en aide aux femmes victimes de violence conjugale signalent le fait que la médiation familiale n’est pas recommandée et que les parents devraient s’orienter vers un autre mode de résolution de conflit (FRHFVDQ et al., 2004). Elles soutiennent qu'à la suite d'une séparation, le souci de ces femmes devrait être d’abord et avant tout être axé sur leur sécurité et celle de leurs enfants, et non sur leur rôle en tant que parent et l’établissement d’une coparentalité avec la personne violente. Conséquemment, les parents vivant une situation de violence conjugale devraient être orientés vers un avocat.
Puisque la pratique est très mal connue et qu’elle est le sujet de beaucoup de controverses, il est donc nécessaire de comprendre comment elle s’opère sur le terrain et de déterminer s’il y a matière à l’ajuster.
MÉthodologie
Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un mémoire de maîtrise, sous la direction de Sonia Gauthier, professeure agrégée à l’Université de Montréal. Il s’agit d’une étude qualitative menée en 2015 au Québec auprès de 8 participants ; 5 participants sont des médiateurs familiaux issus du domaine psychosocial et 3 participants sont des médiateurs familiaux issus du domaine juridique. Les participants ont entre 12 ans et 32 ans d’expérience et possèdent une formation approfondie en violence conjugale. La majorité des participants a travaillé en maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale par le passé, ou a agi à titre de formateurs en médiation familiale en présence de violence conjugale.
L’objectif principal de l’étude est de comprendre comment les médiateurs familiaux composent avec la présence de violence conjugale dans le cadre de leur pratique. Plus spécifiquement, nous voulions savoir comment les médiateurs familiaux dépistent la violence conjugale, comment ils interviennent en présence de violence conjugale une fois cette violence dépistée, et quels sont les défis et les préoccupations rencontrés par les médiateurs dans ces dossiers.
Les participants ont été recrutés comme suit : d’abord, une annonce envoyée par la COAMF à ses membres, ensuite par le biais de références des participants (échantillonnage par « boule de neige »). Les médiateurs désirant participer à notre recherche devaient répondre aux critères suivants : 1) être médiateur familial accrédité et 2) avoir suivi la formation Médiation familiale et violence conjugale organisée par le COAMF en collaboration avec l’AMFQ (Association de médiation familiale du Québec) entre 2009 et 2011, soit la formation de 6 heures portant sur le dépistage de la violence conjugale. Les participants furent rencontrés dans le cadre d’entrevues semi-dirigées où les thèmes[6] suivants ont été abordés : le profil et la formation du médiateur familial ; la violence conjugale ; le dépistage de la violence conjugale ; la médiation familiale en présence de violence conjugale ; la sécurité ; les bonnes pratiques d’intervention ; les avantages, les inconvénients, les défis et les pistes de solutions ; et les recommandations.
Les entrevues ont été enregistrées, avec l’accord des participants, puis transcrites ultérieurement. Par la suite, nous avons identifié et codifié les thèmes, les sous-thèmes et les catégories émergeant du contenu ; ceux-ci ont été classés dans le cadre d’une grille de codification. La codification des données a d’abord été effectuée à la main, puis reproduite dans des fichiers Word. Ensuite, nous avons procédé à une analyse thématique des entrevues, selon la méthode de Paillé et Mucchielli (2013).
Cette étude comporte certaines limites. Puisque nous avons recruté des participants volontaires et que nous avons eu recours à des méthodes d’échantillonnage non probabilistes, notamment l’échantillonnage de type boule de neige, nos résultats ne peuvent pas être statistiquement généralisés à l’ensemble des médiateurs familiaux. Le profil des participants, soit des médiateurs d’expérience ayant des connaissances approfondies de la problématique de la violence conjugale et majoritairement issus du domaine psychosocial, n’est pas représentatif des médiateurs familiaux dans leur ensemble au Québec (la majorité provient du domaine juridique et une minorité provient du domaine psychosocial ; environ un tiers des médiateurs familiaux au Québec a bénéficié d’une formation approfondie en violence conjugale). Or, l’intention n’est pas de faire une telle généralisation puisqu’il s’agit d’une étude de nature exploratoire et que notre but est de documenter en profondeur les pratiques d’intervention en présence de violence conjugale pour assurer la sécurité des personnes.
RÉsultats
Dans les prochaines pages, nous présentons les diverses préoccupations des médiateurs familiaux rencontrés par rapport à la sécurité de la personne violentée, celle de la personne ayant des comportements violents et celle des enfants exposés à la violence conjugale. Nous rapporterons les moyens concrets proposés par les médiateurs rencontrés pour répondre à ces préoccupations concernant ces trois catégories de personnes.
La sécurité de la personne violentée
Les principales préoccupations soulevées en ce qui a trait à la sécurité de la personne violentée sont de l’ordre de la prévention. Les médiateurs rencontrés nomment de manière unanime des préoccupations par rapport à la sécurité de la personne violentée et la cessation des comportements violents entre les séances de médiation. Les médiateurs expliquent qu’ils n’ont pas de contrôle sur ce qui se passe en dehors des séances de médiation, et que les risques d’agressions au domicile ou au lieu de travail, de harcèlement, d’intimidation et de meurtre les préoccupent beaucoup.
La médiation est le lieu de communication où des choses peuvent sortir et puis ne plaisent pas à l’un ou à l’autre. Et la réaction vient toujours à la sortie. Jamais en rentrant. Avant, on a le contrôle. Après, on s’aperçoit qu’on n’avait pas le contrôle. Donc, c’est toujours après qui est la période la plus critique s’il y a violence présente et active.
Participant #1, milieu psychosocial
Pour faire face aux dangers de violence conjugale, les médiateurs rencontrés disent mettre en place des protocoles de sécurité avec la personne violentée afin que celle-ci soit autant en sécurité que possible tout au cours du processus. Ces protocoles de sécurité comprennent de lui attribuer la garde des enfants pendant que le conjoint ayant des comportements violents consulte les ressources appropriées et de s’assurer que la personne violentée ait un suivi ou un hébergement dans un centre pour femmes victimes de violence conjugale pendant la durée de la médiation. Les médiateurs peuvent aussi lui recommander de se prémunir d’un engagement 810 du Code criminel si jugé pertinent.
Les médiateurs rencontrés rapportent également qu’ils régissent la communication entre les parents en dehors des séances de médiation familiale. En effet, ils décident du contenu pouvant être discuté entre les parents, du moyen de la communication (téléphone ou écrit) ainsi que du moment et du lieu de cette communication. Quelques médiateurs précisent que les parents répondent à des questions spécifiques sur papier entre les séances et que le contenu est discuté en présence du médiateur seulement. Les médiateurs communiquent avec chaque parent en dehors des séances de médiation et ils laissent leurs coordonnées aux parents pour que ceux-ci les contactent au besoin.
Toujours dans le but d’assurer la sécurité de la personne violentée entre les séances de médiation, certains médiateurs vont aussi impliquer le réseau de la personne violentée (support social, famille et amis). La personne violentée est invitée à préparer une liste de contacts en cas d’urgence, d’aviser son entourage de ses rencontres en médiation (son heure de départ pour ses rencontres et son heure de retour) et de leur faire signe dès qu’elle est de retour à la maison à la suite de ces rencontres. Si la personne violentée ne les contacte pas aux heures prévues, les membres de son entourage vont la relancer ou se déplacer chez elle et s’ils n’arrivent pas à la rejoindre, ils feront le 911. Le médiateur peut aussi demander à ce qu’une tierce personne l’accompagne aux séances de médiation.
Les médiateurs sont également préoccupés par la sécurité de la personne violentée pendant que celle-ci se trouve dans leur bureau en présence du conjoint ayant des comportements violents. Les médiateurs proposent les moyens suivants pour assurer la sécurité de la personne violentée pendant les rencontres : prévoir des heures d’arrivée et de départ séparées, mettre en place des règles de conduite, prendre des pauses pour calmer les tensions qui montent, faire des caucus ou des rencontres individuelles pour rencontrer les parents séparément et vérifier leur état ainsi que leur capacité à poursuivre ou non la séance, et placer la personne violentée près de la porte lors des rencontres conjointes. Certains médiateurs auront également recours à la navette diplomatique. De plus, dans le but de faciliter la négociation entre les parents, certains médiateurs négocient un élément à la fois, s’assurent que chacun puisse s’exprimer et avoir un temps de parole égal, et prévoient un ordre du jour pour chaque rencontre. Cela dit, bien que toutes les mesures énumérées ci-haut soient mises en place, les médiateurs expliquent qu’il y a toujours un risque que la personne violentée ne respecte pas les règles établies et qu’elle communique avec la personne ayant des comportements violents.
Une dernière préoccupation partagée par les médiateurs rencontrés est la revictimisation de la personne violentée pendant les séances de médiation. Ils mettent également beaucoup de moyens en place pour éviter toute revictimisation de la personne violentée pendant les séances. Lorsqu’une telle chose se produit, ils affirment intervenir immédiatement, ils font cesser les comportements, ils séparent les parents et rencontrent chacun individuellement pour évaluer leur état et leur capacité à poursuivre ou non la séance.
Les moyens mis en place pour assurer la sécurité de la personne violentée énumérés ci-haut sont conformes à ceux indiqués dans le Guide des normes de pratique en médiation familiale (COAMF, 2016) et dans le cadre de leurs formations. Les préoccupations nommées par les participants à l’égard de la sécurité des personnes violentées en dehors des séances de médiation sont les mêmes que celles identifiées par le RPMHTFVVC (2009), Riendeau (2012) et la FRHFVDQ, la FAFMRQ (Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec) et le RPMHTFVVC (2004), parmi d’autres.
La personne ayant des comportements violents
Tous les médiateurs partagent le même avis ; leurs principales préoccupations à l’égard de la personne ayant des comportements violents sont le passage à l’acte sur elle-même (suicide) ou sur l’ex-partenaire et sur les enfants (allant jusqu’à l’homicide) ainsi que la dépression.
Dans l’entretien individuel, je pose des questions là-dessus ; jusqu’où la personne va dans ses idées ? « Moi j’ai des idées noires », oui, comment noires ? Un peu comme on fait quand on est en situation de crise. Jusqu’où la personne a un plan d’action pour agir soit sur elle, soit sur ses enfants ? Par exemple, le genre de monsieur qui me dit « en tout cas, moi si je ne peux pas voir mes enfants, je ne sais pas trop ce qui va arriver ». Il va arriver à quoi ? À qui ? Quand ?
Participant #3, milieu psychosocial
Pour éviter ces drames, ils demandent à la personne ayant des comportements violents de contacter les ressources d’aide (si la personne dit ne pas se sentir apte à faire cet appel par elle-même, le médiateur offre de le faire avec elle) et ils font le suivi des références.
Tout comme pour la personne violentée, les médiateurs soulignent que le non-respect des règles établies par la personne ayant des comportements violents est toujours possible entre les séances de médiation. Pour éviter qu’il y ait des comportements violents entre les séances de médiation, les médiateurs proposent des moyens semblables à ceux proposés pour la personne violentée. De plus, les médiateurs donnent des outils à la personne ayant des comportements violents afin qu’elle puisse reconnaître les indices d’une perte de contrôle et l’éviter.
Les médiateurs proposent aussi plusieurs moyens pour éviter qu’il y ait des comportements violents pendant les séances de médiation, et ces moyens sont sensiblement les mêmes que ceux proposés pour la personne violentée. Les médiateurs suggèrent également d’autres moyens visant spécifiquement à éviter ou faire cesser les comportements violents pendant les séances de médiation : préciser la pensée et les choix de mots, responsabiliser la personne par rapport à ses comportements violents, interrompre les échanges inappropriés et rediriger le discours vers le médiateur, nommer les comportements inacceptables, lui demander de signer un engagement à ne pas être violente, lui demander de présenter des excuses à la personne violentée au besoin, et mettre fin à la rencontre si des comportements violents ont lieu. Certains médiateurs précisent qu’ils rencontrent la personne individuellement lorsqu’elle a des propos inquiétants. Les moyens mis en place pour que la personne cesse d’adopter des comportements violents sont les mêmes que ceux prescrits dans le Guide des normes de pratique en médiation familiale (COAMF, 2016) et dans les formations.
Les enfants exposés à la violence conjugale
Les médiateurs ont également été interrogés par rapport aux enfants exposés à la violence conjugale. Ils ont noté l’importance d’amener les parents à prendre en compte les besoins liés à la sécurité des enfants exposés à la violence conjugale. Pour ce faire, ils proposent plusieurs moyens, notamment de conscientiser les parents à l’égard des impacts de la violence conjugale chez l’enfant, de leur remettre des documents d’information sur le sujet et de leur nommer les besoins des enfants.
Les médiateurs cherchent à responsabiliser les parents à l’égard de leurs enfants et leur rappeler qu’il s’agit de leur rôle en tant que parent de s’assurer de leur bien-être. Les médiateurs rencontrés disent faire leur possible pour mobiliser les parents pendant qu’ils se trouvent dans leur bureau et les rallier autour de leurs enfants. Or, en dehors de leur bureau, ils n’ont pas de contrôle sur ce qui arrive.
Quelques médiateurs expliquent en détail les mesures mises en place pour assurer la sécurité des enfants entre les séances de médiation. Ces mesures sont : d’effectuer les échanges des enfants dans des lieux neutres (par exemple, l’école ou la garderie) et à des moments propices afin que les parents ne soient pas en présence l’un de l’autre au moment de ces échanges, d’avoir une tierce personne présente pour superviser les échanges des enfants, de demander aux parents de se téléphoner seulement une fois que les enfants sont couchés et de faire attention aux propos discutés afin d’éviter que les enfants entendent. Des médiateurs vont également remettre leurs coordonnées aux enfants dans le but qu’ils puissent les rejoindre en tout temps au besoin, ainsi que référer les enfants vers des professionnels spécialisés.
Discussion et conclusion
La médiation familiale en présence de violence conjugale comporte de nombreux dangers, enjeux et suscite d’importantes préoccupations chez les médiateurs familiaux rencontrés. Bien que les médiateurs rencontrés proposent plusieurs moyens pour assurer la sécurité des personnes, tant pendant qu’entre les séances de médiation, les préoccupations des participants sont non négligeables, notamment en ce qui a trait au passage à l’acte de la personne ayant des comportements violents, au risque que les parents retournent dans une dynamique de violence conjugale, que la personne violentée soit davantage atteinte dans sa vulnérabilité, qu’il y ait une recrudescence ou une poursuite de la violence et que la personne violentée et ses enfants soient en danger. Ces enjeux et préoccupations sont d’ailleurs partagés par plusieurs chercheurs (Hart, 1990 ; Grillo, 1991 ; Benjamin et Irving, 1992 ; Johnson et al., 2005 ; Murphy et Rubinson, 2005 ; Holtzwoth-Munroe, 2011 ; Rivera, Sullivan et Zeoli, 2012) et groupes (la Fédération de ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec et al., 2004). Bien que tous semblent partager les mêmes préoccupations à l’égard des dangers et enjeux liés à la sécurité des femmes victimes de violence conjugale et celle de leurs enfants, les réponses à ceux-ci varient. Alors que certains soutiennent que la médiation familiale en contexte de violence conjugale est dangereuse et inappropriée, et que ces cas doivent être orientés vers des ressources spécialisées en violence conjugale, de même que d’autres modes de résolution de conflit, d’autres estiment que la médiation familiale dans ces cas est possible, pourvu que des accommodements soient apportés au processus pour le rendre plus sécuritaire.
Tout comme pour la personne violentée, les médiateurs considèrent qu’un travail de collaboration entre les membres de l’entourage, les ressources spécialisées, le médiateur et la personne ayant des comportements violents est à encourager. Nous partageons cet avis. De plus, nous estimons aussi que les médiateurs devraient consulter les centres de crise et les lignes de prévention du suicide en cas d’incertitude, puisque l’évaluation de la dangerosité et du risque d’un passage à l’acte est leur champ de spécialisation. Dans le cadre des ouvrages consultés, la sécurité de la personne ayant des comportements violents est trop souvent absente. Le principal intérêt de ces ouvrages porte soit sur les dangers de la médiation familiale pour les victimes de violence conjugale et la reconnaissance des actes violents commis par l’agresseur, soit sur des moyens pouvant être mis en place pour adapter le processus pour ces cas. Or, le risque d’un passage à l’acte suicidaire et les symptômes dépressifs pouvant être vécus par la personne ayant des comportements violents passent souvent sous silence, d’où la pertinence de se pencher davantage sur la question et de proposer des moyens concrets à cet effet. Une chose est claire, la responsabilité doit être partagée entre plusieurs acteurs et non incomber à une seule personne, soit le médiateur.
Compte tenu de la complexité de la problématique de la violence conjugale, nous évaluons qu’il faut procéder au cas par cas, et qu’il faut déterminer si les avantages surpassent ou non les inconvénients pour chaque cas particulier, opinion partagée par Clemants et Gross (2007), Lowenstein (2009) et Ver Steegh (2003). De plus, nous estimons qu’il faut évaluer la dangerosité, l’élément du contrôle et le risque d’un homicide en lien avec une séparation. Rappelons d’ailleurs que, dans Guide des normes de pratique en médiation familiale (COAMF, 2016), les médiateurs ont le devoir de suspendre et référer les parents aux ressources appropriées ou de mettre fin au processus si celui-ci n’est pas adéquat pour certains cas de violence conjugale (dont la domination conjugale).
Tel que mis de l’avant par le Comité de suivi sur l’implantation de la médiation familiale (2008), Torkia (2011) et le COAMF (2016), une première piste de solution proposée par les médiateurs pour assurer la sécurité des personnes est le dépistage précoce. Ils expliquent que l’entrevue téléphonique individuelle avec chaque parent permet d’avoir un premier aperçu de la relation entre les conjoints. C’est lors de cette prise de contact qu’ils posent des questions pour en savoir davantage sur la situation des parents et pour voir si des indices de violence conjugale apparaissent. Or, l’entrevue téléphonique n’est pas rémunérée par le gouvernement québécois. Cela dit, les médiateurs et nous partageons l’avis qu’il faudrait encourager le gouvernement à financer cette entrevue téléphonique afin que tous les médiateurs à travers le Québec puissent commencer à procéder de manière systématique au dépistage de la violence dès l’entrevue téléphonique initiale.
Une autre piste de solution avancée par les médiateurs rencontrés est que la médiation familiale en présence de violence conjugale soit un champ de pratique dans lequel on doit se spécialiser pour intervenir. Cette position fait écho à celle d’Erickson et McKnight (1990), qui soutiennent que la médiation familiale dans ce contexte peut être possible si c’est un médiateur d’expérience spécialisé en violence conjugale qui gère le dossier. Comme mentionné plus haut, la problématique de la violence conjugale est complexe et comprend beaucoup d’enjeux en ce qui a trait à la sécurité des personnes, d’où la pertinence de s’assurer que seuls des médiateurs ayant des connaissances approfondies de la violence conjugale soient appelés à intervenir dans ces dossiers. Pour ce faire, les médiateurs rencontrés et nous proposons que les médiateurs familiaux spécialisés en violence conjugale soient explicitement identifiés ainsi, afin que tout médiateur ayant un tel dossier sache vers qui l’orienter.
En ce qui a trait à la sécurité des enfants, il est à noter que dans Guide des normes de pratique en médiation familiale (COAMF, 2016), il n’y a pas de section qui aborde les pratiques à adopter pour assurer la sécurité des enfants. D’ailleurs, jusqu’à présent, peu d’études[7] se sont intéressées à l’implication des enfants en médiation familiale (Achim et al., 1997 ; Lansky et al., 1996 ; Richard, 2014), notamment lorsqu’il y a présence de violence conjugale. La décision d’impliquer les enfants ou non dans le cadre du processus de médiation familiale revient au médiateur familial (Achim et al., 1997). Afin de faire ce choix, le médiateur familial doit d’abord bien connaître les parents, de même que la situation familiale (notamment le niveau des conflits parentaux, l’hostilité et la faible coopération entre les parents) afin de déterminer s’il est approprié d’impliquer les enfants (Richard, 2014). Après tout, il s’agit de sa responsabilité d’agir avec prudence, d’assurer la sécurité des enfants et de contrôler les risques associés à leur implication directe en médiation familiale (Achim et al., 1997 ; Lansky et al., 1996 ; Richard, 2014). Nous estimons que des recherches futures devraient porter spécifiquement sur les enjeux et les dangers liés à l’implication des enfants en médiation familiale lorsqu’il y a présence de violence conjugale. Nous croyons fortement que le COAMF devrait statuer à cet effet et faire l’ajout d’une section à cet égard dans le guide expliquant de manière détaillée comment assurer la sécurité des enfants ainsi qu’amener les parents à prendre en compte les besoins de sécurité de leurs enfants qui sont exposés à la violence conjugale. Nous considérons que les interventions proposées par les participants ci-haut peuvent contribuer à guider ces réflexions.
En terminant, bien que d’autres options existent, la médiation demeure la seule option financée par le gouvernement. Les autres options de résolution de conflit disponibles (qu’il s’agisse du tribunal ou de la justice participative) sont dispendieuses et, conséquemment, ne sont pas à la portée de tous. De ce fait, la pratique de la médiation familiale en présence de violence conjugale doit être étudiée davantage afin de savoir comment mieux répondre aux besoins de cette clientèle, notamment en matière de sécurité.
Parties annexes
Note biographique
Madeleine Huot, M. Sc., est travailleuse sociale au Collège Montmorency et étudiante au doctorat en travail social à l’Université de Montréal, sous la direction de Sonia Gauthier, professeure agrégée. Elle est membre étudiante du Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF) et de Trajetvi (Trajectoires de violence conjugale et de recherche d’aide). Ses champs d’intérêts sont la violence conjugale et familiale, la médiation familiale, la coparentalité et la communication parentale.
Notes
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[1]
La navette est une forme de médiation où les parents ne se retrouvent jamais en présence l’un de l’autre. Les parents discutent uniquement avec le médiateur et c’est lui qui est responsable de faire la navette entre les deux parents dans le but de les aider à conclure une entente satisfaisante pour les deux parties.
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[2]
La co-médiation comprend deux médiateurs familiaux qui dirigent la médiation familiale ensemble en même temps. Ces deux médiateurs familiaux peuvent être issus de deux domaines différents (psychosociaux ou juridiques) et peuvent être de sexe opposé.
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[3]
Un addenda au contrat de médiation consiste en un document signé par les parents dans lequel ils s’engagent à respecter des conditions et modalités afin d’assurer un déroulement harmonieux et efficace de la médiation familiale (COAMF, 2016).
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[4]
Le conflit circonstanciel comprend des situations où les deux conjoints s’affrontent à l’égard d’un thème précis. Ces confrontations ont lieu à l’occasion et comprennent des rapports égalitaires entre les personnes.
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[5]
La domination conjugale se caractérise par des rapports inégalitaires et déséquilibrés entre les personnes. L’un cherche à installer, maintenir ou reprendre le pouvoir et le contrôle sur l’autre. Cette autre personne, en retour, s’écrase ou s’efface. Afin d’éviter toute confusion, j’utiliserai le terme « violence conjugale » pour désigner les situations de domination conjugale.
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[6]
Une recension des écrits effectuée préalablement a permis d’identifier les thèmes clés et les questions spécifiques pour chaque thème à inclure dans le protocole d’entrevue. Subséquemment, le protocole d’entrevue fut révisé par les membres du COAMF, afin d’assurer la pertinence des questions pour bien cibler la pratique des médiateurs familiaux et saisir adéquatement leur réalité particulière lorsqu’ils travaillent avec des dossiers de violence conjugale.
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[7]
Voir Goldson (2006) et McInstoch (2000, 2007) pour plus d’informations à l’égard des études portant sur l’implication des enfants en médiation familiale.
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