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Introduction
Dans la foulée des grandes mobilisations qui se sont succédé en 2011 (printemps arabe, manifestations en Grèce, en Espagne et Occupy Wall Street), plusieurs groupes à travers le monde ont répondu favorablement à l’appel à l’occupation lancé par le mouvement Take the square pour le 15 octobre de la même année. À Montréal, des centaines de personnes se sont rassemblées pour ériger un campement autogéré au square Victoria, qu’elles ont rebaptisé « place du Peuple » pour l’occasion.
Nouvelles pratiques sociales (NPS) a voulu en savoir davantage sur les motivations des personnes qui y ont pris part, sur les moyens et stratégies qui ont été privilégiés, de même que sur les perspectives d’avenir de ce mouvement. Trois participants.es d’Occupons Montréal ont accepté de nous partager leur expérience : Kristian Gareau, travailleur communautaire dans le domaine de l’environnement, Josianne Millette, étudiante au doctorat en communication et assistante de recherche à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), et Valérie Provost, diplômée de deuxième cycle en études littéraires de l’UQAM. Fidèles aux structures décentralisées de leur mouvement, ils précisent qu’ils n’en sont pas des représentants.es officiels et qu’ils s’expriment à titre personnel.
Nous présentons dans ce qui suit une synthèse des propos qu’ils ont tenus lors d’une entrevue réalisée le 24 novembre 2011, quelques heures avant le démantèlement de l’occupation du square Victoria qui a eu lieu le lendemain matin.
Le sens de l’engagement et les particularités montréalaises
NPS — La grande diversité des participantes et participants a souvent été évoquée comme l’une des caractéristiques du mouvement Occupons Montréal. Selon vous, qu’est-ce qui a amené autant de personnes à se rassembler dans différentes villes à travers le monde?
Les gens ont été prompts à répondre à l’invitation, même si ce n’était pas nécessairement réfléchi au départ. Il y avait dans cette réponse quelque chose qui relevait du « ressenti », d’un sentiment d’injustice que certains ont nommé l’indignation et qui est difficile à expliquer parce qu’il est jusqu’à un certain point de l’ordre de l’indicible. Le mot « indignation » a toutefois été quelque peu galvaudé. Certaines personnes ont été mal à l’aise d’être qualifiées d’« indignées ». Les participantes et participants sentaient plus ou moins clairement qu’il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas, quelque chose qui ne faisait pas leur affaire. Par contre, ils ne trouvaient pas nécessairement de lieux ou d’occasions pour aller plus loin, pour que ce soit différent. Ils étaient à l’affût d’une occasion de joindre un mouvement qui leur parlerait.
Ce rassemblement a aussi été motivé par un désir de participer à la définition du destin collectif. Traditionnellement, les mouvements sociaux ont eu tendance à travailler en silo (féminisme, écologisme, etc.), à se ghettoïser. Maintenant, il y a une volonté de collaboration qui s’exprime dans une prise de conscience que nous faisons tous partie d’un même système et que nous pouvons agir ensemble. D’ailleurs, l’absence de chef, de porte-parole et de revendications précises, parfois reprochée au mouvement, était plutôt un choix cohérent avec le désir d’ouverture et d’accessibilité exprimé par celui-ci. Cela a permis aux gens de se sentir interpellés, de réaliser qu’il était possible de s’impliquer et de participer réellement.
NPS — Quelle était la signification du slogan « Nous sommes les 99 % » ? Ne s’agissait-il pas du point de rencontre pour toutes ces manifestantes et tous ces manifestants?
« Nous sommes les 99 % » est surtout un slogan symbolique qui met en perspective les écarts de richesse et le fait que 1 % de la population détient 40 % de la richesse financière. Il sert à illustrer qu’un nombre important d’individus sont dépossédés de leur pouvoir politique, du partage des richesses et de la participation publique. De plus, l’expression « Nous sommes les 99 % » n’a pas l’ambition de représenter le 99 % à la manière d’un tout englobant, mais renvoie plutôt à la somme de chacun de nous qui formons les 99 % : je suis les 99 %, tu es les 99 %, elle est les 99 %; ensemble, « Nous sommes les 99 % ». Ce slogan a la force de permettre à chacun de s’y reconnaître et de se sentir interpellé par ce qui se passe.
NPS — Lorsqu’on les compare à d’autres régimes politiques, le Québec et le Canada sont souvent décrits comme des sociétés démocratiques. En quoi la démocratie « à l’occidentale » pose-t-elle problème à votre avis?
La démocratie au Canada et au Québec est désengageante dans sa forme actuelle. Elle est construite sur une contradiction paradoxale. D’un côté, on dit vouloir un système où toutes et tous peuvent s’exprimer. De l’autre, on empêche la réalisation de cet objectif. Par exemple, dans le modèle électoral québécois, qui n’est pas proportionnel, un parti politique peut avoir la pleine majorité et faire ce qu’il veut pendant quatre ans avec 30 % du vote total. De plus, contrairement à d’autres pays, les votes annulés ne sont pas comptabilisés, comme c’est le cas pour les bulletins remplis avec un mauvais crayon. Un vote annulé exprime toutefois quelque chose, c’est un acte de protestation. À cela s’ajoutent les problèmes du financement des partis, de la corruption et de la proximité des élus avec le secteur financier, qui font en sorte que ce système ne tiendra jamais ses promesses.
Jusqu’à un certain point, le système actuel est totalitaire dans le sens où il n’admet pas la nouveauté. Il n’est en effet possible d’y participer que dans la mesure où la forme de l’action et ce qui est proposé s’inscrivent dans un cadre prédéterminé. Par exemple, dans la démocratie « à l’occidentale », il est nécessaire de savoir parler aux médias, d’avoir une visibilité médiatique, sans quoi il est difficile d’avoir voix au chapitre. Sur le plan politique, il n’y a pas d’ouverture à l’autogestion. La volonté et le pouvoir de faire un changement sont réduits, car nous n’avons pas vraiment le choix de laisser le pouvoir entre les mains d’individus qui sont délégués à notre place, ce qui limite les possibilités d’être proactifs. La proactivité est d’ailleurs l’un des trois principes, avec la dignité et la démocratie participative, qui se dégagent du manifeste tiré de l’expérience Take the square en Espagne[1]. Ces trois principes sont absents de la politique au Québec, au Canada et dans la société en général.
De plus, les autorités ont beaucoup de difficulté à faire preuve d’autocritique : pendant que des milliers de personnes manifestent, elles persistent à dire que tout va bien. En soi, c’est un problème de démocratie quand des représentantes et des représentants ne sont pas capables d’être à l’écoute de ceux au nom de qui ils sont censés parler et qu’ils sont plutôt occupés à minimiser l’importance ou la pertinence du mouvement. Devons-nous attendre que la situation devienne catastrophique et intenable pour faire quelque chose? Finalement, c’est comme s’il n’y avait d’autre choix que de se placer complètement en marge pour faire changer le système. Il est d’ailleurs considéré comme dérangeant d’avoir une lecture différente de la réalité, de proposer un autre paradigme. Dans un contexte où le gouvernement agit en « bon comptable » et nie le caractère idéologique de son discours, les échanges pour essayer de nous comprendre et de confronter des lectures différentes du monde sont bloqués. La plupart du temps, nous essayons de nous convaincre plutôt que d’arriver à partager des visions du monde.
NPS — Selon vous, y avait-il une ou des particularités au mouvement montréalais ?
À la base, le mouvement était global parce que le problème est global, donc il a rejoint de la même façon des gens d’ici et d’ailleurs. Cependant, tout mouvement local ne peut qu’être traversé par la culture dans laquelle il s’inscrit. Le mouvement n’est pas désincarné : ce sont des gens qui le composent et ces gens sont ancrés dans une société avec des préoccupations ou des façons de penser qui sont précisément liées à cette société qu’ils essaient de changer, mais dont ils font également partie. Par exemple, au Québec autour du 15 octobre 2011, nous étions au début de la tempête créée par les révélations sur la corruption du monde politique et de l’industrie de la construction. Les revendications par rapport au système financier et aux dérives démocratiques ont pris une couleur particulière selon les pays et les régions du monde. Cela se voyait dans les slogans ou sur les pancartes des gens qui ont participé au mouvement. Ici, le sauvetage des banques n’a pas été décrié avec autant de force qu’ailleurs, quoique, en y réfléchissant, cette dénonciation aurait également pu être pertinente.
S’il y avait une particularité au mouvement montréalais, c’est sans doute son bilinguisme. Il a fallu développer des manières de travailler qui en tenaient compte. L’occupation montréalaise a aussi été marquée par une grande production d’oeuvres d’art qui ont servi de véhicules à l’expression au mécontentement. Finalement, les relations entre le groupe d’occupantes et d’occupants et les autorités municipales ont été différentes à Montréal. L’ouverture à négocier des deux partis a eu un impact sur la durée de l’occupation[2].
NPS — Diriez-vous que le mouvement mondial d’occupation est, en général ou dans sa version montréalaise, un mouvement inédit ou, au contraire, qu’il s’inscrit dans la continuité d’autres types d’actions? Comment situez-vous le mouvement par rapport à d’autres formes antérieures de mobilisation (syndicales, communautaires et/ou altermondialistes)?
Il y a des ressemblances avec le mode de fonctionnement du mouvement altermondialiste, par exemple avec celui des campements autogérés en marge des forums sociaux. Ce qui est nouveau toutefois, c’est que la culture d’autogestion émerge comme mouvement social presque «mainstream » et commence à s’affirmer en tant que mode d’organisation.
Cette mobilisation se distingue aussi des autres par le type d’engagement qu’elle implique. Dans les mouvements syndical et étudiant, il y a une identité de groupe définie. Occupons Montréal n’était pas un groupe avec des frontières définies ni un groupe doté d’une solidarité a priori du type
« je suis étudiante ou étudiant, toi aussi, alors on se bat ensemble pour notre cause à nous ». Les médias ont d’ailleurs bien essayée de donner une identité au mouvement.
Ce qui est contemporain, sans être nécessairement inédit d’un point de vue historique, c’est que des inconnus décident d’adopter une posture de collaboration non pas sur la base d’une identité commune ou d’un intérêt de groupe, mais parce qu’ils se reconnaissent un sentiment d’injustice ou une motivation semblable pour construire et dialoguer. D’ailleurs, au cours de la première semaine de l’occupation, beaucoup de gens ont constaté qu’ils collaboraient avec des personnes sans avoir pensé à leur demander ce qu’elles faisaient dans la vie. Le fait d’être travailleur,se, étudiant.e, chômeur.se, etc., n’était pas important, car nous faisions partie de la même société dont nous constations ensemble les problèmes. Parfois, il est même arrivé que nous oubliions de demander le nom des personnes que nous côtoyions à la « place du Peuple ». Cela n’était plus important parce que nous savions que nous pouvions travailler ensemble.
On nous a aussi souvent demandé quel était notre objectif. C’est une question qui s’adresse normalement à un groupe de pression, un groupe d’intérêt ou un lobby. De tels groupes ont des buts, un plan de campagne et des moyens d’action précis. On a bien voulu nous faire entrer dans ces logiques auxquelles nous sommes habitués : communiqués de presse, manifestations traditionnelles, etc., mais nous étions un mouvement, pas un groupe de pression engagé dans une campagne. Les médias n’ont pas trouvé les réponses à leurs questions souvent parce qu’ils ne posaient pas les « bonnes ».
Les strategies et les moyens
NPS — À l’automne 2011, le mouvement a entrepris l’occupation du square Victoria au centre-ville de Montréal. Quelle est pour vous la signification de ce moyen d’action et en quoi considérez-vous qu’il s’agissait d’une manière appropriée de faire entendre vos préoccupations?
L’occupation a été un peu évacuée du répertoire contemporain d’actions alors qu’elle a des origines lointaines. Take the square a bien formulé la signification de l’occupation, qui est d’investir l’espace public en tant que peuple. Le fait de considérer un square comme un terrain municipal est très différent de le déclarer espace public appartenant à tout le monde. Il n’est pas ici question d’une appropriation ou de retirer à d’autres des usages ou des lieux, mais plutôt de ramener le politique dans la sphère publique, de permettre au peuple de prendre le pouvoir qui lui revient. En fait, l’occupation sous-entend que nous n’allons pas attendre d’être invités à participer, mais que nous allons investir un espace qui appartient à tout le monde, et ce, que l’on veuille ou non nous donner la parole ou que l’on soit ou non en accord avec ce que nous voulons exprimer. Gary Schneider, un poète américain, aurait dit à David Suzuki que la phrase la plus révolutionnaire que nous pouvons dire est « I’m staying », « je reste ». Il y a quelque chose de très symbolique et puissant dans le fait d’occuper un espace public et de dire : « Nous sommes là et nous allons rester. »
Par conséquent, il s’agit moins d’une stratégie pour faire entendre des demandes précises qu’un moyen pour les gens de s’habituer à l’espace public et de voir comment ils veulent y participer. C’est une forme d’apprentissage ou de réapprentissage à agir dans la sphère publique, ce que la plupart des gens n’ont pas couramment l’occasion d’expérimenter étant donné qu’ils ont, tout comme nous, une vie bien remplie et un horaire très serré. L’intervention dans l’espace public se limite pour plusieurs personnes à aller voter, et même encore. Bien sûr, avant l’occupation, il y avait des moyens de participer à la vie publique : écrire au député, faire du lobbying ou se joindre à un organisme. Ces façons de faire laissent toutefois l’impression que nous sommes seuls à nous engager dans la sphère publique, parfois avec quelques autres personnes. Il est vraiment différent d’occuper un square, même sans y dormir, d’aller y faire un tour un après-midi, de participer à une assemblée générale et de communiquer des idées dans le but de prendre des décisions collectives. En fait, c’est une chance unique, car il s’agit de quelque chose qui ne se vit pas souvent. L’occupation a permis une éducation politique à la vie publique. C’est une façon de développer notre pouvoir, car nous sommes analphabètes dans notre engagement politique. Le fait d’occuper l’espace public ne demande pas d’éducation particulière, de compétence langagière ou politique et, en ce sens, il s’agit d’un moyen d’action cohérent avec les principes d’ouverture et d’accessibilité qui étaient portés par le mouvement. Occupons Montréal a été un lieu de réappropriation du pouvoir politique individuel et collectif à l’extérieur de la politique qui, elle, était critiquée.
NPS — Croyez-vous que l’importance accordée à la durée de l’occupation et à la reconnaissance du droit de rester vous ait forcés à faire des compromis pour vous assurer des appuis plus larges et la sympathie du public? Est-ce que pour vous la durée et la perturbation étaient deux objectifs conciliables?
Dans chaque action directe, les participantes et participants sont appelés à se demander « jusqu’où le mouvement souhaite aller » et « jusqu’à quel point le groupe doit être conservé intact ». Ce n’est donc pas un questionnement propre à l’occupation de la « place du Peuple ». Par ailleurs, la perturbation aurait existé même s’il y avait eu seulement une tente à cet endroit pendant deux jours. Comme cette action était complètement hors du quotidien, elle était en elle-même perturbante. Par conséquent, il était moins important de se demander s’il y avait une frontière à ne pas traverser afin de demeurer dérangeant puisque la seule existence du mouvement perturbait.
À New York, le mouvement a pris le parti de respecter les règles et de ne pas désobéir, non pas dans le but d’être sympathique, mais afin de montrer qu’il n’était pas « antisociété » ou « hors la loi ». L’objectif était de changer la société et les gens devaient pouvoir se sentir à l’aise et libres de participer. Pour ces raisons, les règles ont été poussées à bout avec des manifestations sur les trottoirs et la technique du microphone humain. Ces exemples montrent qu’il est possible de concilier « perturbation » et « préservation », car ce n’est pas parce que les manifestants marchaient sur les trottoirs ou que les discours étaient répétés successivement dans les rangs que ce qu’ils faisaient était moins dérangeant.
Dans une certaine mesure, nous avons adopté la même position à Montréal par nos efforts pour respecter les règles et pour maintenir un dialogue avec la police, la Ville et le Service des incendies. Ainsi, lorsque la Ville nous a demandé de mettre fin à l’utilisation des poêles de camping pour des raisons de sécurité, nous avons réclamé un accès à l’électricité à partir des prises extérieures qui étaient d’ailleurs fonctionnelles au début de l’occupation. De plus, les gens pouvaient circuler librement sur le site et aucun accès au métro ou aux rues attenantes n’était bloqué. Il est évident que les autorités n’avaient pas intérêt à ce qu’il y ait une occupation et elles tentaient de décourager et de discréditer le mouvement. Cependant, lorsque des demandes de vérification nous étaient adressées, elles n’étaient pas systématiquement rejetées et les avis donnés par la Ville étaient même reçus comme de bons conseils. Il s’agissait de ne pas laisser les autorités se servir de l’argument du non-respect des règlements municipaux contre le mouvement. Par la même occasion, notre attitude conciliante nous permettait de mettre en lumière le double discours de la Ville : d’un côté, on nous demandait de nous conformer à la réglementation, de l’autre, on nous privait des moyens de le faire. C’est d’ailleurs ce motif de la sécurité qui a servi de prétexte au démantèlement des occupations partout en Amérique du Nord.
La plupart des gens semblaient néanmoins assez conscients qu’il ne fallait pas devenir prisonnier de l’occupation en tant que campement. Il n’était donc pas une finalité en soi. Par contre, une occupation de la « place du Peuple » inscrite dans la durée ne serait pas en contradiction avec d’autres formes de mobilisation que le mouvement pourrait adopter.
Les enjeux et l’avenir du mouvement
NPS — Comment évaluez-vous l’impact de l’occupation?
Comment entrevoyez-vous l’avenir?
Tout d’abord, il est indéniable que l’occupation a eu un impact individuel profond sur les gens qui y ont participé ou qui ont gravité autour de celle-ci. Cela fait partie de la psychosociologie des mouvements sociaux. Il y a une petite fenêtre qui s’est ouverte pour beaucoup de personnes notamment grâce à l’appropriation de la démocratie que cette occupation a permise. Le fait de s’investir dans un mouvement a constitué une source d’espoir, particulièrement chez les jeunes, pour qui la participation politique et publique a été vécue comme quelque chose de valorisant. Des personnes itinérantes ont aussi eu un apport positif sur le campement et c’était peut-être la première fois qu’elles étaient invitées à donner leur avis sur quelque chose, qu’elles pouvaient s’exprimer et participer à un processus.
Occupons Montréal a permis de créer de petites brèches qui rendent envisageables des discussions et qui remettent à l’avant-plan des discours qui étaient systématiquement évacués. Par exemple, il est maintenant moins tabou et un peu plus acceptable de parler d’« anticapitalisme » en public. C’est un peu comme si des fissures avaient été créées dans l’impression de vivre dans la meilleure forme de démocratie possible. Quelque chose est en train de mijoter, une occasion de sortir de la logique qui veut que nous ne puissions faire mieux et qu’il faille se contenter de ce que nous avons. L’occupation a permis de dévoiler sur la place publique que des choses complètement différentes sont possibles. Il est donc permis d’envisager que ce mouvement puisse durer. Occupons Montréal a fait la démonstration, au quotidien et sur la place publique, qu’un autre monde est possible, comme le dit le slogan des forums sociaux. Par contre, à la différence de ces forums qui ont une durée fixe, l’occupation était beaucoup plus ancrée dans le quotidien. Des gens dormaient dans des tentes tout en continuant d’aller travailler le matin. Des personnes qui n’étaient pas nécessairement des militants « traditionnels » apportaient des sacs d’épicerie, tandis que d’autres faisaient des petits gâteaux pour les occupantes et les occupants. Ces moments d’humanité profonde vécus à Occupons Montréal ont permis de mettre en contact des individualités qui fondaient sur ce mouvement l’espoir d’un monde meilleur.
Pour ce qui est de ce que les gens décideront de mettre en place par la suite, que cela s’inscrive ou non en continuité avec l’esprit du mouvement, nous l’ignorons, mais une chose est certaine : le sentiment qu’il est possible de s’engager et d’envisager autre chose persiste. Il se pourrait que d’ici quelques années de nouveaux leaders émergent, mais ce ne seront probablement pas des leaders traditionnels avec des « followers ». Des partis politiques voudront peut-être reprendre certaines propositions comme la taxe
« Robin des bois », par exemple. Il est stimulant de savoir que nous pourrons désormais parler de ces sujets. Occupons Montréal a suscité beaucoup de questions, beaucoup de curiosité dans l’entourage des gens qui s’y sont engagés. Même si l’occupation se termine, il est difficile de croire que les brèches qui ont été créées n’auront pas un effet quelque part, à un moment donné, sinon ce serait décourageant!
Parties annexes
Notes
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[1]
Voir Sánchez, J. L. (13 octobre 2011). « October 15th : Dreaming of a “New Global Citizen Power” », dans Take the square. En ligne, <http://takethesquare.net/2011/10/13/october-15th-dreaming-of-a-%E2%80%9Cnew-global-citizen-power%E2%80%9D/>. Consulté le 1er mars 2013.
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[2]
NDLR Montréal est l’une des dernières villes à avoir délogé ses occupants.