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Ce livre a pour objectif d’étudier les familles immigrantes et les dynamiques familiales comme facteur d’intégration dans deux sociétés d’accueil : la France et le Québec. À partir du postulat que les « […] familles construisent dans le changement, diverses stratégies familiales issues des acquis, expériences, contraintes et ruptures ressentis et portés par chaque membre du groupe familial. Elles sont à l’articulation des stratégies de reconstruction identitaires mises en oeuvre par chaque membre de la famille pour faire sa place et des modalités de négociations du changement dans la famille ». Vatz Laaroussi pose une question pertinente : « Comment prendre en compte cette dimension familiale dans l’intervention sociale ? » De là elle poursuit un but important : « construire des interventions innovantes ».
Le livre comprend cinq chapitres illustrant les défis de l’adaptation et de l’intégration des familles par le biais de leurs trajectoires migratoires et leur insertion au sein de la société d’accueil en France et au Québec. Un chapitre exploratoire sur les nouvelles pistes d’intervention pour le travail social fournit au lecteur des réflexions pertinentes sur l’adaptation de nos pratiques d’intervention en milieu ethnoculturel. La démonstration de Vatz Laaroussi est fort intéressante à bien des égards, notamment pour la qualité des recherches / pistes étudiées et des questions posées. Nous trouvons légitime de tenter de comprendre l’intégration des immigrants par l’espace familial qui, selon nous, est un terrain fertile pour des recherches plus poussées en matière d’intégration.
Il nous reste toutefois quelques questions et remarques que nous aimerions ici exposer. Par exemple, Vatz Laaroussi nous parle « d’espace de citoyenneté dessiné pour les immigrants par les deux sociétés » (p. 30). Nous aurions souhaité en savoir plus d’un point de vue légal et politique, car c’est là que résident probablement les réelles différences entre les deux sociétés que sont la France et le Québec, différences qui, selon nous, les rendent difficilement comparables. De même, nous croyons qu’une illustration plus accentuée entre l’expérience familiale en matière d’intégration dans les différentes régions de la province du Québec aurait mérité une attention plus poussée. Nous ne pouvons que rappeler ici ce que certains auteurs de l’immigration au Québec appellent « l’échec de la politique de régionalisation en matière d’immigration ». Bref, il aurait été intéressant de connaître l’expérience relative aux stratégies de citoyenneté des familles immigrantes entre Montréal et Sherbrooke par exemple, ainsi que les facteurs déterminant ces stratégies.
Pour terminer, nous relevons tout au long du texte, les expressions « stratégies familiales de citoyenneté », « stratégies d’insertion et de citoyenneté », « mode d’adaptation, d’insertion et de citoyenneté ». Nous pensons qu’il n’y a pas, en dehors de la théorie politique et du concept légal, une seule façon d’être citoyen. La conception et le vécu de la citoyenneté diffèrent, croyons-nous, tant du côté des immigrants que chez les natifs de la société d’accueil. C’est pour cela que nous préférons parler de citoyennetés au pluriel qui, en fait, relèvent d’une préoccupation profonde relativement à laredéfinition de l’espace québécois en matière d’adaptation à la diversité.
En tant que praticienne et chercheure en intégration et relations interethniques, nous avons fort apprécié ce livre qui, par la qualité des recherches, la clarté de la démonstration et le risque assumé d’explorer de nouvelles avenues et perspectives en intervention sociale, représente un travail captivant et mobilisateur qui se révèle essentiel pour aiguiser nos habiletés ainsi que ceux de nos étudiantes. Ce livre est une perle rare en matière d’intégration / immigration et mérite d’être lu par tous ceux et celles qui oeuvrent dans les domaines d’intervention collective et de relation d’aide.