Corps de l’article

Pax5 : du début à la fin ?

Les mécanismes par lesquels les cellules souches hématopoïétiques se différencient vers les voies lymphoïdes (T, B et NK) et myéloïdes (lignée rouge, polynucléaires, plaquettes) impliquent la mise en oeuvre de programmes géniques spécifiques contrôlés par l’expression coordonnée de facteurs de transcription clés. Pax5 est l’un de ces régulateurs transcriptionnels. Il est essentiel à la différenciation des progéniteurs lymphoïdes (CLP) vers le lignage lymphoïde B dans la moelle osseuse [1]. Ainsi, chez les souris déficientes pour le gène Pax5 (souris Pax5–/–), le développement lymphoïde B est bloqué au stade Pro-B précoce, et ces cellules expriment des caractéristiques et des potentialités à la fois lymphoïdes et myéloïdes. La ré-expression de Pax5 entraîne la restauration de l’engagement vers la voie lymphoïde (perte des potentialités myéloïdes) et le déblocage de la différenciation vers des lymphocytes B mûrs. L’inactivation conditionnelle du gène Pax-5 transforme des cellules pro-B restreintes à la voie lymphoïde B en progéniteurs lymphoïdes avec des potentialités de différenciation restaurées vers des lymphocytes T ou macrophages. Pax-5 est non seulement essentiel au déterminisme vers la voie B, mais il permet également la répression de gènes impliqués dans le développement des autres lignages tels que Notch-1, ou csf1r [2]. Ce mécanisme de répression par Pax-5 est-il nécessaire tout le long de la différenciation B ? Quelle est exactement l’étendue du nombre de gènes réprimés ? L’expression de Pax-5 est perdue au cours de la différenciation terminale en plasmocyte, Pax-5 est-il également nécessaire à la répression des gènes de la différenciation plasmocytaire ? C’est à ces questions que répondent deux articles publiés récemment dans la revue Immunity. L’équipe de Busslinger a identifié, chez la souris, 110 gènes réprimés par Pax-5, en comparant le profil transcriptionnel de cellules Pro-B Pax–5–/– et Pax-5+/+ [3]. Parmi ceux-ci, on trouve des gènes contrôlant diverses activités biologiques comme le contrôle transcriptionnel, la migration ou la signalisation, tous exprimés dans des cellules myéloïdes ou des lymphocytes T, ou les CLP. De plus, la répression de ces gènes nécessite une expression continue de Pax-5 durant le développement des cellules B. Ainsi, comme dans les cellules pro-B, l’inactivation conditionnelle de Pax-5 dans des cellules B mûres entraîne la réactivation de l’expression de ces gènes non-B. En outre, les gènes réprimés (dont Blimp-1, CD28 et CCR2), sont également ré-exprimés dans les plasmocytes où l’expression de Pax-5 est perdue de façon physiologique. Ce dernier point est confirmé par le travail d’une équipe nipponne qui a étudié une lignée B aviaire (DT-40) dont ils ont inactivé le gène Pax-5 [4]. Ils ont observé que l’absence de ce facteur de transcription promeut la différenciation plasmocytaire de la lignée, notamment en induisant l’expression de gènes clés de la différenciation terminale B que sont Blimp-1 et XBP-1. Cette différenciation s’accompagne d’une altération du caractère B avec la perte d’expression de marqueurs membranaires et la perte de signalisation via le BCR, malgré la persistance d’une expression faible d’IgM à la membrane. Malgré des approches expérimentales différentes, ces deux articles démontrent que la persistance de l’expression de Pax-5 est nécessaire pour la maintenance de l’identité B et la répression de la différenciation plasmocytaire.

Le VIP aime le Sushi

Le vasoactive intestinal peptide (VIP) est un neuromédiateur dont de nombreux travaux montrent l’intérêt grandissant en physiologie et physiopathologie humaine, en particulier, par la découverte récente de ses propriétés immunosuppressives. Des études dans des modèles animaux ont montré que le VIP est un candidat très prometteur dans le traitement de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, de pathologies inflammatoires telles que le choc septique ou l’asthme, de maladies inflammatoires auto-immunes incluant la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn et la sclérose en plaques. Afin d’élucider le mécanisme d’action du VIP, il est essentiel de comprendre son mode d’action sur ses récepteurs, ces derniers représentant des cibles thérapeutiques potentielles. Les récepteurs du VIP sont des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplés aux protéines G (RCPG). Ils appartiennent à la classe II des RCPG, classe qui regroupe des récepteurs de peptides tels que le glucagon et les peptides apparentés au glucagon (GLP), la sécrétine, la parathormone ou la calcitonine. Les RCPG de classe II sont mal connus en termes de relation structure/fonction pour plusieurs raisons : découverte assez tardive (dernière décennie) ; homologie faible avec la plupart des autres RCPG ; existence d’un grand ectodomaine spécifique à cette classe de récepteurs. Il en résulte une pharmacologie encore balbutiante. Depuis plusieurs années, l’équipe de Marc Laburthe s’est attachée à comprendre la relation structure/fonction du récepteur VPAC1 humain du VIP, considéré comme un archétype de RCPG de classe II. Cette équipe vient de conjuguer des techniques de biochimie (marquage de photo-affinité), biophysique (résonance magnétique nucléaire) et bio-informatique (modélisation moléculaire) pour définir la façon dont le VIP interagit avec son récepteur [5]. Il est montré que la plus grande partie du VIP, constitué d’une hélice α, entre en contact étroit avec l’ectodomaine amino-terminal du récepteur qui est lui-même structuré par deux feuillets β antiparallèles (domaine Sushi) stabilisés par trois ponts disulfure. La conservation de ce domaine Sushi dans les récepteurs de classe II, et l’existence d’une grande hélice α dans tous les ligands peptidiques naturels des récepteurs de classe II, suggèrent que les modalités d’interaction entre VIP et récepteurs VPAC1 sont généralisables à l’ensemble des membres de cette famille de récepteurs. Ces résultats ouvrent la voie à une meilleure compréhension du fonctionnement des récepteurs RCPG de classe II et, à terme, devraient permettre de concevoir de nouvelles molécules, utilisables en thérapie, agonistes ou antagonistes de cette famille de récepteurs.

Les épidémies de WNV : pourquoi en Amérique, et pourquoi saisonnières ?

Le virus du Nil Occidental (WNV, West Nile virus), connu initialement au Soudan, a été observé pour la première fois en 1999 à New York. Transmis par un moustique ornitophile, c’est-à-dire piquant ou les oiseaux ou les humains, le Culex pipiens, le WNV a été depuis lors responsable d’épidémies à répétition, souvent graves, puisque plus de 20 000 cas ont été rapportés, entraînant au moins 770 décès. Ces épidémies présentent deux caractéristiques : elles sont plus fréquentes et plus sévères en Amérique de Nord qu’en Europe, où l’on n’observe que quelques centaines de cas ; elles sont saisonnières, à la fin de l’été et en automne. Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer la disparité entre Amérique et Europe : une souche plus virulente, l’absence d’immunité chez les oiseaux d’Amérique du Nord, un phénomène d’hybridation du virus chez le moustique vecteur en Amérique. Un groupe de chercheurs américains de l’État de New York propose une autre hypothèse fondée sur les modes alimentaires du vecteur [6]. Les arguments reposent sur une étude simultanée du comportement alimentaire du moustique, de la dynamique des populations, et de l’épidémiologie chez les moustiques, les oiseaux et les humains. L’alimentation de Cx pipiens a été déterminée par séquençage de l’ADN du dernier repas après PCR. C’est au cours de l’été, de la fin juin jusqu’en septembre, qu’un passage progressif de l’alimentation se fait de l’oiseau vers l’homme. L’hôte préféré de Cx pipiens est le merle américain (Turdus migratorius), oiseau migrateur dont la fréquence dans les villes diminue dans les mêmes mois où a lieu cette progression, remplacé par une dominante de moineaux (Passer domesticus). Il existe une corrélation nette dans le temps entre cette transition et la survenue des épidémies. Alors que Cx pipiens est un vecteur dans le nord des États-Unis, une observation similaire a été faite en Floride, le vecteur étant alors Cx nigripalpus [7]. Le phénomène s’étend donc à tout le continent. On explique par cette transition la fréquence saisonnière des cas humains. Mais, comme il n’y a pas de transmission du virus à partir d’un piqûre faite à l’homme (hôte défini comme une impasse), il faut donc que le moustique se réinfecte sur des oiseaux compétents. L’amplification nécessaire s’effectue alors par passage entre oiseaux et vecteurs. Le merle américain est pour cela un hôte nettement plus compétent que le moineau. L’explication des épidémies serait une synergie entre la dispersion géographique des oiseaux et les habitudes alimentaires du moustique. Expliquerait-on de la même façon d’autres maladies virales dont on sait que des oiseaux sont les hôtes de réserve ?

Figure

Merle américain

Merle américain

-> Voir la liste des figures

Un variant intronique sur le gène du récepteur 5HT2A de la sérotonine associé à la réponse à un antidépresseur

Statistiquement, les antidépresseurs améliorent les symptômes d’environ deux tiers des patients déprimés. Mais, pour un sujet donné, il est pour l’instant impossible de prédire l’effet thérapeutique d’un traitement antidépresseur. Dans le cadre de l’étude STAR*D (Sequenced Treatment Alternatives for Depression), Francis McMahon et ses collègues [8] ont recherché des indicateurs génétiques de la réponse au traitement par le citalopram, un inhibiteur de recapture de la sérotonine, sur un échantillon de 1 953 patients présentant une dépression majeure. Bien que les études de pharmacogénétique soient peu reproductibles en psychiatrie, 68 gènes furent sélectionnés sur la base des données d’association disponibles dans la littérature et de la présence de variants génétiques avec une fréquence supérieure à 7,5 %. Plusieurs catégories furent définies dont, en particulier, les gènes liés à la transmission sérotoninergique (n = 20), au glutamate (n = 16) et aux catécholamines (n = 7). En évaluant 768 marqueurs de polymorphismes sur ces 68 gènes, une association significative et reproductible de la réponse au traitement ne fut observée qu’avec un seul SNP (rs7991012) situé sur le second intron dans le gène HTR2A. De manière tout à fait intéressante, ce gène code pour le récepteur 5HT2A de la sérotonine, lequel est connu pour désensibiliser sous l’effet du citalopram avec une cinétique parallèle à celle des effets thérapeutiques [9]. L’allèle A du rs7991012 est sept fois plus répandu chez les patients caucasiens que chez les Afro-américains chez qui le traitement apparaît moins efficace. En fait, l’association avec l’allèle A n’est vraiment apparente que dans la population caucasienne. Dans cette sous-population, 79,7 % des patients homozygotes AA répondent au traitement contre 63,5 % pour les homozygotes GG. Les patients homozygotes pour l’allèle A présentent donc un risque réduit de 19 % de non réponse au traitement, comparés aux homozygotes GG. Le paradoxe de cette étude est qu’elle ne conforte pas forcément l’importance des systèmes sérotoninergiques, et particulièrement du récepteur 5HT2A, dans les mécanismes d’action des antidépresseurs. En effet, le SNP rs7991012 ne correspond à aucun des variants fonctionnels du récepteur mais à un variant intronique dont la fonctionnalité est inconnue. Les auteurs n’excluent d’ailleurs pas que l’association soit liée à un gène voisin, mais non étudié dans leur étude. Ils proposent cependant de continuer à rechercher des variants fonctionnels du gène HTR2A dans sa partie 3’…

Chromatides bras dessus bras dessous dans les cellules souches

Plus qu’à un hypothétique gène de l’autorenouvellement auquel plus personne ne croit, les cellules souches se singularisent par un contrôle très particulier de processus ubiquitaires, dont le remodelage chromatinien et le cycle cellulaire (par exemple, l’absence de phase G1 du cycle cellulaire caractérise les cellules ES). M. Damelin et al. révèlent, dans un article récent de Cancer Cell, que les cellules souches se distinguent aussi des cellules plus différenciées par une anomalie du point de contrôle de décaténation en phase G2 du cycle cellulaire [10]. Lors de la réplication de l’ADN, des contacts (enlacements ou caténanes) s’établissent entre les deux chromatides soeurs. Aussi douloureuse soit la séparation des brins d’ADN, elle doit être complète avant la migration le long du fuseau mitotique, afin d’assurer une répartition identique de chaque copie d’ADN entre les deux cellules filles. La topo-isomérase II, qui introduit dans l’ADN des cassures double brin transitoires, défait sans pitié les enlacements trop prolongés et, si besoin, la phase G2 peut être prolongée jusqu’à ce que ce processus soit achevé. Il faut distinguer ce point de contrôle d’un second, distinct, intervenant aussi en G2 lors de la réparation d’éventuelles lésions de l’ADN. Expérimentalement, on peut distinguer ces deux points de contrôle de la phase G2 selon l’inhibiteur de topo-isomérase II utilisé : ICRF-193 pour la décaténation, étoposide pour les lésions de l’ADN. En l’absence de point de contrôle de décaténation, l’entrée en mitose se produit alors que les chromosomes n’ont pas été encore décaténés, avec un risque d’aneuploïdie dans les cellules filles. C’est ce qui se passe dans les cellules souches de type ES (embryonic stem cells) ou hématopoïétiques CD34+ traitées par l’ICRF-193, alors que la réponse à l’étoposide n’est pas modifiée, indiquant une anomalie du point de contrôle de décaténation (la mitose n’est pas retardée alors qu’elle devrait l’être), le point de contrôle de la réparation de l’ADN étant intact. Lorsqu’on induit la différenciation des cellules ES, cette anomalie se corrige rapidement, et, dans les cellules différenciées issues de cellules CD34+ ou de cellules ES, la mitose est correctement retardée jusqu’à une complète décaténation. Faut-il voir un lien entre cette observation et l’émergence d’anomalies chromosomiques dans les cellules ES maintenues longtemps en culture ? Et puis, « éternité est l’anagramme d’étreinte » [11].

Deux siècles plus tard, transgenèse du polype de Trembley

Le polype de Trembley, ou hydre d’eau douce, est un cnidaire, sorte de sac, attaché au substrat par un pied, et dont l’orifice supérieur, entouré de tentacules flexibles, lui sert à la fois de bouche et d’anus. La paroi de cette « cavité gastrale » est faite de deux couches de cellules épithéliales, ectoderme externe (paroi tégumentaire), endoderme interne (paroi digestive) séparées par une matrice, la mésoglée, et parsemée de cellules interstitielles. Les cnidaires se reproduisent à la fois asexuellement par bourgeonnement, et sexuellement en disséminant à l’extérieur les gamètes mâles et femelles, issus des cellules interstitielles, et que le hasard accouplera. Ces polypes que Trembley, en 1744, hésitait à classer dans le genre animal ou végétal ont la propriété extraordinaire de reformer une hydre complète à partir d’un simple agrégat cellulaire [12]. Peut-être notre salut se trouve-t-il dans la compréhension des mécanismes de régénération, de migration, et d’organisation cellulaire qui gouvernent ces « êtres » dits « simples ». En effet, le génome complet de l’espèce Hydra magnipaillata est en cours de séquençage (www.hydrabase.org), et la purification des protéines est grandement facilitée par la production aisée et rapide de 500 grammes ou plus de polypes d’eau douce. Ne manquait que la possibilité de manipuler génétiquement ces hydres, pour exploiter les données du séquençage. C’est maintenant chose faite avec la description d’hydres transgéniques pour le gène codant pour la GFP (sous le contrôle d’un promoteur actine), par l’équipe de T.C. Bosch, au Max Plank Institute de Tübingen (Allemagne) [13, 14], également célèbre par les études de C. Nüsslein-Volhard sur le poisson zèbre. Après micro-injection de l’ADNc dans un blastomère, au stade 2-8 cellules, environ 10 % d’hydres expriment la GFP à long terme soit dans l’ectoderme, l’endoderme ou les cellules interstitielles, mais, curieusement, pas dans les trois feuillets. Le polype étant transparent, les auteurs ont pu facilement suivre le devenir de cellules fluorescentes après induction de bourgeonnements ou greffe de cellules uniques. De multiples informations (et de superbes photos) en résultent sur la multipotentialité des cellules épithéliales, le pouvoir migratoire des cellules, leur réponse à un signal chimiotactique, ce qui est d’excellent augure pour l’analyse du génome… On devrait prêter plus d’attention à la recherche en zoologie, future source de pilules de jouvence pour nous, pauvres mortels !

Figure

Hydra magnipaillata

Hydra magnipaillata

-> Voir la liste des figures

Redonner la vue aux aveugles par nanotechnologie

Les dommages reliés à un traumatisme du système nerveux central provenant, par exemple, de la section d’un nerf, demeurent irréversibles. Dans un article paru en mars 2006 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, Rutledge Ellis-Behnke et al. [15] proposent l’utilisation d’un treillis de nanofibres ou SAPNS (self-assembling peptide nanofiber scaffold), [16] pour engendrer un support favorable à la régénération axonale. Ces nanofibres sont obtenues par l’auto-assemblage de peptides ioniques complémentaires synthétisés en juxtaposant en alternance des acides aminés chargés positivement et négativement. En présence d’une solution saline physiologique, ces peptides (ils ont la forme de peigne) interagissent de façon à former des nanofibres d’un diamètre de 10 nm dont l’intérieur est constitué d’acides aminés hydrophobes isolés du milieu aqueux par les acides aminés hydrophiles orientés vers l’extérieur. L’enchevêtrement de ces nanofibres forme une structure qui ressemble à une matrice extracellulaire propice à la croissance et à la différenciation cellulaire. Dans cette étude, les auteurs démontrent que l’injection d’une solution contenant du SAPNS dans l’incision ayant servi à sectionner le nerf optique de deux cohortes de hamsters âgés soit de 2 jours, soit de 8 semaines, mène à une régénérescence axonale chez les animaux traités au SAPNS et non chez les animaux du groupe témoin (p = 0,0000008). De plus, des expériences effectuées chez 8 hamsters adultes, 90 jours après la chirurgie, ont démontré que 75 % des animaux traités avec une solution contenant du SAPNS se sont systématiquement orientés en direction d’un stimulus visuel, comparativement à moins de 30 % pour le groupe témoin aveugle. Ces résultats semblent donc indiquer que la présence de SAPNS a permis une restructuration fonctionnelle du tissu nerveux. L’utilisation de nanofibres peptidiques pourrait dès lors représenter une approche prometteuse pour le traitement des traumas du système nerveux central.

ADN mitochondrial et neurones dopaminergiques

Le génome mitochondrial code 13 protéines de la chaîne respiratoire. Il est présent dans toutes les cellules en copies multiples. De nombreuses mutations de l’ADN mitochondrial (ADNmt), d’héritage maternel, sont à l’origine de maladies humaines. Si toutes les copies sont touchées, les mutations sont dites homoplasmiques ; si certaines seulement sont affectées, elles sont dites hétéroplamiques. Au cours du vieillissement, des mutations somatiques se produisent. Par ailleurs, on a observé que, chez les souris transgéniques dont la fréquence des mutations acquises est augmentée, des phénomènes de sénescence apparaissent. Dans les neurodégénérescences et le vieillissement, certaines régions cérébrales semblent plus touchées que d’autres par ce type de mutations de l’ADNmt. Dans la maladie de Parkinson, la substantia nigra est le site primaire de dégénérescence [17]. Outre leur diminution, on observe à la fois une déficience en cytochrome C oxydase des neurones et une fréquence élevée de délétion d’ADNmt. Deux publications récentes viennent de montrer que ces délétions somatiques, en grand nombre dans une cellule, pourraient être associées à un trouble de la chaîne respiratoire et entraîner la mort cellulaire [18, 19]. Dans la substantia nigra prise dans son ensemble, le pourcentage d’ADNmt délété semblait insuffisant pour provoquer une dégénérescence neuronale. Mais par des techniques sophistiquées analysant individuellement les neurones dopaminergiques de la substantia nigra (après dissection post-mortem de cerveau humain), il apparaît que 60 % des mitochondries sont porteuses de délétion, et que celles-ci se multiplient de façon clonale dans certaines cellules. Bender et al. proposent donc une hypothèse pathogénique unificatrice : dans la maladie de Parkinson, les neurones dopaminergiques accumuleraient un taux de mutations suffisamment élevé pour entraîner un dysfonctionnement responsable de l’apparition de la maladie et de sa progression. Il subsiste toutefois de nombreuses questions : pourquoi les mutations s’accumulent-elles sélectivement dans les neurones de la subsantia nigra ? L’ADNmt délété possède-t-il un avantage réplicatif ? Si les délétions d’ADNmt sont un phénomène commun au cours du vieillissement, pour quelle raison seuls certains sujets développent-t-ils une maladie de Parkinson ? Peut-être le développement de modèles animaux permettra-t-il d’apporter une réponse à ces questions essentielles ?

Cohésine et syndrome de Cornelia de Lange

Le syndrome de Cornelia de Lange (CDLS) est une maladie génétique comportant une dysmorphie faciale caractéristique : synophris[*], philtrum[**] long, narines antéversées, prognathisme, ainsi qu’un retard de croissance pré- et post-natal, un retard mental et des anomalies des doigts. La plupart des cas sont sporadiques. Chez 50 % des malades environ, on trouve une mutation dans le gène NIPBL [20, 21]. Ce gène, homologue du gène Scc2 de la levure et de Nipped B de la drosophile, fait partie, avec SMC1 et SMC3, de la famille des gènes qui assurent le maintien de la chromatine (d’où leur nom : structural maintenance of chromosome), et qui contribuent à la formation et à la fonction du complexe cohésine. Une étude récente vient de montrer que SMC1 (ou SMC1L1) pouvait aussi être impliqué dans des cas de CDLS [22]. Sur 53 malades, 24 étaient porteurs de mutation de NIPBL, mais dans un cas sporadique et dans une famille où deux frères et un cousins étaient atteints, des mutations de SCM1L1 (une délétion et une mutation faux-sens) ont été observées. Il existe donc des formes de CDLS liées à l’X, le gène SMC1L1 étant porté par ce chromosome. Le mode de transmission dans la famille étudiée en est une illustration. De plus, une observation d’une femme atteinte de CDLS et porteuse d’une translocation équilibrée avec point de cassure en Xp11.2 (locus de SMC1L1) vient conforter cette étude. Comme le gène SMC1L1 est censé échapper à l’inactivation de l’X, il est possible que des femmes ayant une mutation de SMC1L1 ne présentent pas ou peu de manifestations cliniques. Dans ces formes liées à l’X, les allèles mutés doivent permettre la production d’une protéine (une bande spécifique a été mise en évidence chez les garçons étudiés), la mutation nulle ayant, selon toute vraisemblance, un effet létal. Elles sont probablement rares et il est possible que d’autres gènes soient en cause dans les cas où NIPBL est indemne. Il est intéressant de noter que dans d’autres anomalies de développement dont la symptomatologie présente des analogies avec le CDLS, comme le syndrome de Roberts et la phocomélie SC, le gène ESCO2 – qui intervient aussi dans la maintenance de la chromatine – a été trouvé muté [23, 24].

La cause du syndrome de Joubert et des néphronophtises dans le centrosome

Le syndrome de Joubert se caractérise par une ataxie, une apraxie oculomotrice, et des troubles respiratoires pendant la période néonatale. Ces atteintes neurologiques sont dues à des anomalies de développement du vermis et des pédoncules cérébelleux qui, en coupe axiale, donnent une image caractéristique en forme de molaire. À ce « signe de la molaire » se surajoutent de nombreuses atteintes viscérales, en particulier une néphronopthtise[***] et une dystrophie rétinienne qui rendent le syndrome très hétérogène. Cette hétérogénéité des syndromes, dits de type Joubert (JBRD, Joubert syndrome related), va de pair avec une hétérogénéité génétique avec deux gènes principaux JBTS3 ou AH1 (Abelson integration site-1) situé en 2q13, et JBTS4 ou HPNP1 (néphronophtise 1) qui doit son nom au fait que des mutations ont aussi été observées dans des cas de néphronophtise juvénile isolée. S’y ajoutent deux locus, JBTS1 en 9q34 et JBTS2 en 11p12-q13, dans lesquels les gènes responsables n’ont pas encore été trouvés. Le groupe d‘étude des JSRD vient de découvrir un nouveau gène impliqué dans les JSRD dont la fonction vient éclairer enfin le mécanisme pathogénique du syndrome de Joubert et des néphronophtises [25]. À partir de 18 familles consanguines dont le locus en 12q fut vérifié, des mutations furent observées dans le gène CEP290, codant pour une protéine du centrosome. Chez la souris, ce gène s’exprime dans les couches granuleuses internes et externes du cervelet et dans les cellules rénales au cours de la période embryonnaire. La protéine, presque exclusivement composée de domaines coiled-coil, agit sur le fuseau mitotique et l’activité ciliaire. Avec d’autres protéines, elle forme des complexes multimériques dans les centrosomes et les structures ciliées qui interviennent dans le transport axonal et l’homéostasie rétinienne. Ainsi s’établit la relation entre le syndrome de Joubert, et les pathologies rénales et rétiniennes [27, 28]. D’autant plus qu’une autre équipe internationale, en partant de malades atteints de néphronophtise juvénile, de syndrome de Senior-Loken (association de néphronophtise et de dégénérescence rétinienne) et de syndrome de Joubert a retrouvé aussi des mutations du gène CEP290 [29]. Elle a montré que CEP290 intervient sur ATF4, facteur de transcription impliqué dans la formation des kystes rénaux AMPc-dépendante. Enfin, une toute récente étude sur la souris vient de montrer qu’une délétion en phase de Cep290 entraîne uniquement une dégénérescence rétinienne sans atteinte rénale ni cérébelleuse [30]. Il est donc très important de rechercher la relation génotype-phénotype pour les formes où CEP290 est impliqué et de rechercher aussi la fonction des gènes déjà découverts dont le mécanisme d’action n’avait pas encore complètement été explicité [31].

Nogo donne sa forme au réticulum

La protéine Nogo-A est connue des neurobiologistes comme une protéine des oligodendrocytes qui inhibe la régénération axonale. Des peptides ou des anticorps bloquant Nogo-A ou son récepteur stimulent de manière très efficace la régénération axonale et sont en phase d’étude pour des applications chez l’homme. Dans ce contexte, l’article de Tom Rapoport et al. (Harvard Medical School, Boston, USA) montre des résultats a priori surprenants [32]. Les auteurs ont cherché les protéines impliquées dans la formation du réticulum endoplasmique. Ce dernier est un ensemble de tubules membranaires réticulés, d’où son nom. C’est en son sein que sont synthétisées les protéines membranaires et celles qui sont ensuite sécrétées. Le réticulum endoplasmique est aussi la source intracellulaire principale de calcium. Les auteurs avaient précédemment mis au point un test in vitro qui permet de reconstituer la biogenèse du réticulum endoplasmique à partir de vésicules lavées d’oeufs de xénope incubées en présence de GTP à 25 °C. Ils montrent qu’à de faibles concentrations, le N-éthyl-maléimide, un agent alkylant qui réagit sur les radicaux -SH, inhibe la formation du réseau membranaire. Afin de trouver la cible de la drogue, ils utilisent ensuite du maléimide couplé à de la biotine et isolent trois protéines. Seul Nogo-A réagit avec des concentrations croissantes du maléimide et l’efflux de calcium est inhibé par le même réactif en parallèle de la modification biochimique de Nogo-A. Des anticorps dirigés contre Nogo-A inhibent la formation du réseau, démontrant que cette protéine joue un rôle central dans ce processus. La localisation de Nogo-A dans la région périphérique du réticulum endoplasmique confirme que cette protéine joue bien un rôle dans ce compartiment, ce qui justifie son autre nom : réticulon 4 (Rtn4). De manière intéressante, la surexpression de Nogo-A induit la formation de longues extensions membranaires dans des cellules non neuronales, ce qui pourrait indiquer une fonction des oligodendrocytes car ils forment aussi de très longs enroulements de membranes autour de l’axone. Chez la levure, il faut l’absence simultanée des réticulons et d’un partenaire pour observer une désorganisation du réticulum endoplasmique tubulaire. Enfin, les auteurs montrent que Nogo-A adopte une topologie en forme d’épingle à cheveux insérée en deux points dans la membrane, mais dont les extrémités et la boucle sont cytoplasmiques. Cette dernière donnée rend encore plus difficile la compréhension du rôle de Nogo-A dans le contrôle de la régénération axonale et ouvre la voie à de nouvelles investigations passionnantes en biologie cellulaire et en neurosciences.

La lipocaline vous pompe le fer

L’imagination de l’organisme n’a décidément aucune limite, mais la pugnacité des chercheurs lui dame le pion avec cette histoire superbe publiée dans Cell [33]. Privez des cellules pro-B murines de l’interleukine-3 nécessaire à leur prolifération : elles meurent. Prenez le surnageant de ces cellules mourantes, ajoutez-le au milieu de culture d’autres cellules florissantes : elles meurent. La coupable, identifiée en 2001 par l’équipe de M. Green [34], est la lipocaline 2 (ou 24p3), petite molécule secrétée qui se lie à des ligands de faible poids moléculaire [35] dont un sidérophore lui-même se complexant au fer ferrique avec une grande affinité. La lipocaline pénètre dans les cellules via un récepteur spécifique identifié par cette même équipe [33]. Une fois internalisée, elle joue un double jeu selon qu’elle est ou non complexée au couple sidérophore/fer. Dans le premier cas (forme holo-), la lipocaline apporte du fer à la cellule. Mais à l’inverse, si la lipocaline est internalisée seule (forme apo-), elle s’associe à un sidérophore intracellulaire, et chélate le fer intracellulaire, qu’elle exporte hors de la cellule, via la voie de recyclage endosomique. Vidée de son fer, la cellule meurt. Oui, mais comment ? La privation d’IL-3 induit et active Bim, une protéine BH-3 pro-apoptotique de la famille Bcl2, et ce via la déplétion en fer. La suite de l’histoire est encore plus fascinante : on sait que la transformation de certaines lignées cellulaires hématopoïétiques par un oncogène (par exemple, la protéine de fusion bcr-abl caractéristique des leucémies myéloïdes chroniques, LMC) abolit la dépendance de ces cellules vis-à-vis des cytokines normalement requises pour leur prolifération. Privées de cytokines, ces cellules sécrètent bien la lipocaline, mais ne meurent pas. Pourquoi ? Parce que l’expression du récepteur de la lipocaline est éteinte par bcr-abl. L’imatimib (Glivec®), qui inhibe l’activité tyrosine kinase de bcr-abl et a révolutionné le traitement des LMC ((→) m/s 1998, n° 2, p. 198, 2000, n° 5, p. 704 et  2001 n° 11, p. 1192) restaure l’expression du récepteur de la lipocaline, ce qui induit l’apoptose des cellules en l’absence de cytokines, via Bim. Ce même mécanisme est induit par l’expression de bcr-abl dans des cellules hématopoïétiques primaires, murines et humaines, suggérant qu’il intervient in vivo. Il est probable (ce que l’article ne dit pas) que les cellules transformées induisent l’apoptose des cellules normales qui, elles, expriment le récepteur à la lipocaline. Voici peut-être la clé du mystère de l’inhibition de l’hématopoïèse normale par les cellules leucémiques, phénomène connu depuis des générations, mais non expliqué jusqu’à présent. C’est la première démonstration d’un mécanisme d’apoptose contrôlé par la concentration du fer intracellulaire, détourné par un processus oncogénique à son avantage. On imagine déjà le parti thérapeutique qu’on pourrait tirer de ces résultats.