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CD36, un senseur gustatif qui oriente notre alimentation
De nombreux travaux ont été consacrés ces dernières années au rôle de l’alimentation dans la fréquence de problèmes souvent graves tels que l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, ainsi qu’à la part qu’une prédisposition génétique et/ou un mode de vie peuvent jouer dans leur apparition. Des différences interindividuelles sont évidentes, mais le choix de notre alimentation retentit aussi sur notre poids. Quel est l’impact de la sensation buccale ? Pourquoi aimons-nous les corps gras ? Un article récent, qui cible la protéine CD36 comme récepteur du goût, est publié par une équipe de Dijon (France), ville de gastronomie [1]. On connaissait la sensation de satiété que provoque l’ingestion de matières grasses, et on a évoqué, à ce propos, la notion d’un 6e sens gustatif. Les mécanismes de signal évoqués incluaient l’élévation d’opiates endogènes, l’inhibition d’un canal K+ normalement rectificateur. L’expression de CD36 au pôle apical des cellules gustatives a été notée dès 1997 [2]. Plus récemment, on a montré que le stimulus buccal s’exerce sur les acides gras à longue chaîne (LCFA), et mis en évidence le rôle de la lipase linguale, exprimée dans les papilles à proximité de CD36, dans la transformation des triglycérides en LCFA [3]. Le travail actuel a précisé, chez des souris, le rôle de CD36 dans le choix de l’alimentation, et le déclenchement d’un signal améliorant la digestion : (1) la localisation de CD36 au pôle apical des cellules gustatives est spécifique et strictement restrictive ; (2) l’invalidation du gène abolit la préférence spontanée pour les LCFA (comparaison de souris sauvages et de souris LCFA-/- en présence de solutions d’acide linoléique ou de gomme xantha). Cette préférence ne joue que sur les lipides ; (3) l’absorption orale d’acides gras déclenche une modification des sécrétions hépatobiliaires chez des animaux oesophagectomisés. CD36 se présente donc comme un senseur buccal. Cette propriété semble en accord avec la structure de la protéine qui comporte une boucle hydrophobe extracellulaire, deux domaines transmembranaires et deux extrémités cytoplasmiques. Cette structure, facilitant la capture d’acides gras et la transduction d’un signal, est comparable à celle de la protéine SR-B1, capteur spécifique du cholestérol. On a constaté aussi que les animaux CD36-/- utilisent uniquement le glucose pour leurs besoins métaboliques. D’autres questions restent encore en suspens [4]. Il y aurait, en cas de besoin énergétique, relocalisation de CD36 des lysosomes vers la membrane. Divers mécanismes ont été proposés pour la transduction du signal : association avec des Src-like tyrosine-kinases, activation de la NO synthase, rôle des intégrines membranaires, inhibition d’un canal K+. Il semble en tout cas intéressant de noter que des polymorphismes ont été observés au niveau du locus CD36, et qu’un certain haplotype serait associé à un risque accru de maladies cardiovasculaires [5]. L’importance physiologique est évidente. Y aurait-il une implication clinique, en particulier dans le traitement de certaines obésités ? Le rapport avec des changements environnementaux mérite aussi d’être exploré.
Coordination dans les rythmes circadiens : la remise à l’heure est quotidienne
Tous les organismes, du plus élémentaire jusqu’à l’homme, fonctionnent, on le sait, selon un rythme d’environ 24 heures, maintenu dans l’obscurité (DD), atténué seulement de façon progressive par la rotation de la terre. Ce rythme est retrouvé en culture de cellules. Une nouvelle de médecine/sciences a présenté récemment les travaux menés chez la drosophile simultanément par deux équipes de recherche ((→) m/s 2005, n° 10, p. 808).
Ces travaux montraient que la distribution de l’activité, matin et soir, est sous le contrôle de deux oscillateurs, localisés eux-mêmes dans deux groupes de neurones, l’un latéro-ventral, l’autre dorsal. L’oscillateur du matin exprimerait un neuropeptide PDF (pigment-dispersing factor), alors que l’oscillateur du soir serait PDF négatif. Le travail poursuivi par une des deux équipes donne lieu à une nouvelle publication concernant le mode de synchronisation des deux signaux [6]. La question abordée concerne la nature de la relation existant entre eux : échangent-ils une influence reçue de l’environnement, ou l’un d’eux est-il sous le contrôle de l’autre ? Les auteurs ont pour cela créé des animaux transgéniques, chez lesquels l’oscillateur du matin (M), et l’oscillateur du soir (E), ont des périodes intrinsèques qui diffèrent entre elles de 3 à 4 heures. En conditions d’obscurité DD, c’est le rythme M qui est maintenu, c’est donc lui qui est le « maître ». Le mode de ce contrôle a ensuite été exploré au niveau cellulaire : contrôle permanent, ou remise à l’heure périodique ? C’est cette deuxième hypothèse qui s’est avérée bonne ; on observe, en effet, quotidiennement une avance du pic du soir E, la périodicité sur 24 heures étant chaque jour rétablie par l’oscillateur du matin M. Une étape de plus a été envisagée, l’implication du neuropeptide PDF, présent ou absent dans les neurones impliqués. La mise en évidence de l’expression de PDF, au moins dans certaines cellules responsables du signal E, remet peut-être en question cette dernière étape [7]. La recherche va se poursuivre, il reste à l’étendre aux mammifères, puis à l’homme.
D’où sort l’axone ?
La polarité est une question fondamentale de la biologie. Sans polarité, point d’avant et d’arrière, de tête ni de queue (voir Dossiers thématiques m/s, Polarité cellulaire [8]). La polarité neuronale est à la base de la communication entre les neurones du cerveau, l’axone libérant les messagers chimiques reçus par les récepteurs des corps cellulaires et dendrites. La fonction de l’axone diffère de celle de l’arborisation somatodendritique et sa composition biochimique aussi. La polarité axone/dendrite s’établit rapidement au cours de la différenciation du neurone, peu de temps après la dernière mitose. Comment une telle forme de cellule s’engendre-t-elle ? Quels facteurs déterminent la polarité neuronale ? Quelles sont les parts respectives du programme intrinsèque du neurone et des influences provenant de l’environnement cellulaire ? Le groupe de Carlos Dotti (Université de Turin, Italie) montre que les centrosomes, l’appareil de Golgi et des vésicules endosomiques pas très bien définies, s’assemblent près de l’endroit d’où sortira le futur premier neurite qui deviendra l’axone [9]. Cette zone est opposée au plan de la dernière mitose. La polarisation neuronale dépend de la dynamique asymétrique des centrosomes, des microtubules et des membranes car des traitements pharmacologiques et l’inactivation par photo-ablation assistée par chromophore (chromophore-assisted laser inactivation, CALI) des centrosomes contenant la GFP-centrosomine dans des neurones de drosophile affectent la formation de l’axone. Les auteurs suggèrent que la polarité neuronale serait ainsi définie avant même que le neurone ne soit fait. On peut aussi se demander si l’environnement ne joue pas un rôle dans la détermination de l’axe de la dernière mitose, contrôlant ainsi l’endroit d’où sort l’axone.
Analyse structurale d’un virus géant
Le mimivirus a été isolé d’une amibe se développant dans un château d’eau en Angleterre au cours d’une épidémie de pneumopathies [10]. L’ADN du mimivirus et des anticorps dirigés contre le mimivirus ont été retrouvés chez des patients présentant des pneumopathies communautaires ou nosocomiales [11]. Le diamètre et le génome des mimivirus sont trois fois plus grands que les plus grands virus étudiés par microscopie cryo-électronique et plus grands que ceux de certaines bactéries. Le mimivirus est l’unique membre d’une nouvelle famille de virus : la famille des Mimiviridae. Le grand génome du mimivirus permet de remplir la plupart des fonctions des cellules vivantes. L’étude du mimivirus par microscopie cryo-électronique a montré des particules virales icosaédriques, une capside de 50 00 Å recouverte de fibres de 1 250 Å de long, probablement liées par du collagène glycosylé [12]. La capside semble avoir trois couches correspondant à deux membranes lipidiques épaisses de 40 Å à l’intérieur d’une capside protéique. Un compartiment contenant le génome est inséré dans les trois couches denses du mimivirus et un vertex unique est observé, probablement voué à l’infection de l’hôte.
NRAMP1, facteur de risque de la tuberculose chez l’enfant
L’infection par la bactérie Mycobacterium tuberculosis est à l’heure actuelle une cause majeure de morbidité (plus de 8 millions de cas annuels) et de mortalité (~ 2 millions de décès par an). Il est notoire, cependant, que 90 % des sujets infectés ne développent pas la maladie. Parmi les malades, une classification déjà ancienne a distingué ceux chez qui l’évolution est rapide (< 2 ans) de ceux chez qui la maladie se présente comme une réactivation tardive. La forme dite primaire est particulièrement fréquente chez l’enfant. De nombreux arguments, expérimentaux, ethniques, familiaux, suggèrent que le contexte génétique de l’hôte joue un rôle important dans la susceptibilité à la tuberculose. Paradoxalement, la plupart des études ont été menées sur des populations adultes, quoique la moitié des cas de tuberculose environ soient des formes primaires. Une étude pédiatrique, menée à Houston (Texas, États-Unis), en collaboration avec une équipe de l’Université McGill (Montréal, Canada), démontre le rôle de certains allèles du gène NRAMP1 comme facteur de risque [13]. Ce travail, voulu pluri-ethnique, est cependant à large prédominance hispanique (136/184 familles). L’étude a comporté, dans des familles nucléaires, 234 malades dont 206 enfants. Les polymorphismes du gène NRAMP1 (ou SLC1A1) ont déjà été décrits, associés au développement de la tuberculose chez l’adulte à Houston, mais aussi en Afrique du Sud et de l’Ouest, et en Corée entre autres [14-16]. Son exploration se justifie par une homologie avec Nramp1 chez la souris. Ce dernier gène est, en effet, impliqué dans le trafic intracellulaire membranaire dans le macrophage. Un polymorphisme avec absence de maturation de la protéine cause une susceptibilité accrue à divers pathogènes intracellulaires dont Mycobacterium bovis. Plusieurs polymorphismes de NRAMP1 ont été explorés de façon systématique dans le présent travail, sur toute la longueur du gène. Une association significative a été observée avec un polymorphisme intragénique, 274C/T (p < 0,01), et, à un degré moindre, avec un polymorphisme du promoteur, (GT)n, ainsi qu’au codon 469. Curieusement, cependant, c’est l’allèle commun, 274C, qui est un facteur de risque pour la tuberculose chez l’enfant, à l’inverse de ce qui a été constaté pour la tuberculose de réactivation de l’adulte. Puisque tous les sujets porteurs de cet allèle n’évoluent pas vers la maladie, d’autres facteurs de risque sont vraisemblables. On observerait une prédominance chez les garçons, mais aussi dans les familles où il n’y aurait pas eu d’exposition préalable à M. tuberculosis et où le cas est unique. D’autres facteurs restent peut-être à identifier. Mais il apparaît clairement que l’allèle 274C est sûrement un élément important de la rapidité de progression vers la maladie chez l’enfant primo-infecté.
La télomérase urinaire : nouveau marqueur du cancer de la vessie
Les télomères situés aux extrémités des chromosomes sont constitués de séquences nucléotidiques répétées. Ils ont un rôle protecteur et leur raccourcissement progressif accompagne le vieillissement. Les télomères sont le substrat de la télomérase qui est une ADN polymérase dont l’activation aboutit à l’allongement des télomères. Cette enzyme est surexprimée dans de nombreux cancers, ce qui contribuerait à assurer la prolifération et l’immortalisation des cellules cancéreuses. Sanchini et al. [17] proposent d’utiliser l’activité de la télomérase dans les cellules du culot urinaire comme marqueur du cancer de la vessie, cancer au 4e rang, par sa fréquence, dans le sexe masculin et dont l’incidence est en augmentation dans les sociétés industrialisées. Pour cela, ils ont utilisé la technique d’amplification des répétitions nucléotidiques des télomères (TRAP, telomeric repeat amplification protocol). Il s’agit d’une technique d’amplification en chaîne (PCR) semi-quantitative incluant un standard interne de télomérase. L’activité est exprimée en unités enzymatiques arbitraires (AEU). L’étude a été menée chez 218 hommes, dont 84 en bonne santé, et 134 atteints de cancer de la vessie dans la même tranche d’âge (médianes de 62,4 et 69,8 ans, respectivement). Le diagnostic de cancer fut établi par cystoscopie et examen histologique après exérèse, et la valeur diagnostique de l’activité de la télomérase fut comparée à celle de la cytologie urinaire. On observa une activité médiane de 27 AEU (de 0 à 88) chez les témoins et de 112 AEU (de 30 à 382) chez les malades. Sur ces bases, les auteurs ont choisi une valeur seuil de 50 AEU au-dessus de laquelle le cancer doit être suspecté. Une telle valeur est associée à une spécificité de 88 % (pourcentage de sujets sains en dessous de la valeur seuil) et à une sensibilité de 90 % (pourcentage de sujets atteints au-dessus de la valeur seuil). La spécificité passe à 94 % chez les sujets âgés de 75 ans ou moins. La même puissance prédictive de l’activité de la télomérase a été observée chez les patients atteints d’un cancer débutant ou dont la cytologie urinaire était négative. Ce nouveau marqueur de dosage facile et peu coûteux doit être conseillé comme test de dépistage dans les populations à risque (fumeurs et travailleurs exposés), même si la cystoscopie reste l’examen de choix devant tout symptôme d’alerte comme une hématurie.
Une adresse sulfureuse pour lymphocytes !
Les lymphocytes sanguins migrent vers les organes lymphoïdes secondaires (ganglions lymphatiques, plaques de Peyer…) où ils peuvent rencontrer leur antigène, et rejoignent la circulation sanguine via le réseau lymphatique. Cette migration ou homing vers les organes lymphoïdes secondaires se fait par diapédèse à travers la paroi de capillaires spécialisés, les HEV (high endothelial venules). Ces HEV expriment des molécules d’adhérence qui constituent un véritable adressage pour les lymphocytes. Ceux-ci longent la paroi des veinules et y roulent (rolling) grâce à l’interaction d’une intégrine, la L-sélectine avec ses ligands, les groupes mucines des glycoprotéines d’adressage de l’endothélium telles que GlyCAM, MadCAM-1, CD34, endomucine… [18]. Ce rolling est une étape essentielle dans la cascade d’événements conduisant à la transmigration des lymphocytes vers les ganglions lymphatiques, qui dépend de l’interaction entre la L-sélectine et ses ligands O-glycosidiques. Un anticorps monoclonal, MECA-79, a la capacité de bloquer le homing des lymphocytes vers les ganglions in vivo, chez la souris, et inhibe le rolling des lymphocytes sur les HEV in vitro. L’épitope reconnu par MECA-79 recouvre un groupement clé de reconnaissance des glycoprotéines d’adressage par la L-sélectine. Ce groupement, appelé sialyl-6-sulfo-Lewis X, constitue l’extrémité de l’arborescence des sucres O-liés de ces glycoprotéines. En fait, si le groupe sialyl et le fucose du Lewis X sont importants pour le homing, c’est la présence du groupement sulfate qui est requise pour la fixation de MECA-79. Le rôle essentiel de la sulfatation des groupes sialyl-Lewis X vient d’être démontré in vivo par deux équipes à travers l’action coopérative de deux sulfotransférases [19, 20]. Parmi les quatre N-acétylglucosamine-6-O-sulfotransférases (GlcNAcST) qui ont été identifiées chez la souris, ce sont les GlcNAcST-1 et 2, bien qu’exprimées dans divers tissus, qui participent à la biosynthèse des ligands de la L-sélectine dans les HEV. Les auteurs ont produit des souris où ces deux gènes sont invalidés (souris KO, knock-out). Ils démontrent que si les souris GlcNAcST-2 KO montrent la plus forte réduction de sulfatation des ligands de L-sélectine et de migration des lymphocytes dans les ganglions (40 % d’inhibition), c’est chez les souris double-KO (déficientes pour les deux enzymes) que la perte de la capacité de homing est la plus importante (75 % d’inhibition). Comme cela était attendu, la perte de la capacité de homing dans les ganglions lymphatiques périphériques s’accompagne d’une altération de la réponse immunitaire, sous la forme d’une diminution de la réponse d’hypersensibilité de contact, chez les souris double-KO. Ces études démontrent donc que la modification structurale des glycanes exprimés au niveau des HEV est essentielle à l’adressage des lymphocytes vers les organes lymphoïdes secondaires.
Les étonnants effets de la reconstitution de la voie de signalisation Sonic Hedgehog dans le coeur
Il existe toujours une très grande effervescence autour des questions de la régénération et de la réparation du coeur avec, notamment, la place des thérapies cellulaires et géniques, le rôle de la mobilisation des cellules souches endogènes… L’article de Kusano et al. [21] apporte des éléments de réponse à plusieurs de ces questions et souligne le rôle du morphogène Sonic Hedgehog, initialement découvert chez la drosophile et dont les mutations, désorganisant les denticules de l’épiderme larvaire, lui ont valu le nom de hérisson (hedgehog en anglais) [22]. Les auteurs montrent en effet que ce morphogène (shh) qui contrôle la destinée des cellules au cours de l’embryogenèse est toujours actif dans le coeur adulte et pourrait y jouer un rôle thérapeutique majeur. Tout d’abord, la voie de signalisation hedgehog s’allume quelques jours après la constitution d’un infarctus myocardique chez la souris (augmentation des transcrits shh et du récepteur du ligand hedgehog, Ptc1). L’injection à l’aide d’un adénovirus du gène shh augmente l’activité de cette voie, et notamment stimule la production de nombreuses cytokines par les fibroblastes. Cela s’accompagne, dans un modèle d’infarctus chez le rat, d’une diminution de la taille de la cicatrice fibreuse, d’une augmentation de la densité capillaire et d’une amélioration des performances cardiaques. Chez le porc, la surexpression de shh permet la réduction de la zone de myocarde ischémiée dans le territoire d’une sténose coronarienne, en augmentant la vascularisation collatérale. Dans les fibroblastes cardiaques, shh stimule le gène SDF-1α, un facteur chimiotactique pour les cellules souches hématopoïétiques. Cet effet est probablement à l’origine, chez la souris, de la colonisation prolongée du myocarde ischémié surexprimant shh par des cellules souches de la moelle osseuse marquées par la protéine LacZ. Le schéma pourrait être le suivant : la surexpression myocardique de shh stimule la voie de signalisation shh-Ptc1-Gli (un facteur de transcription) des fibroblastes qui, à leur tour, sécrètent de nombreuses cytokines qui vont agir sur l’angiogenèse, la survie des myocytes et le recrutement de cellules souches. Les fibroblastes, les cellules les plus abondantes du myocarde, apparaissent de plus en plus comme des acteurs majeurs de la réparation myocardique. !
Hélios : comme le soleil point trop n'en faut !
Le développement des cellules lymphoïdes T et B à partir des cellules souches hématopoïétiques nécessite l’action de facteurs de transcription qui président à l’engagement vers les voies T ou B, par l’induction d’un programme génétique spécifique. Ainsi, l’engagement vers le lignage T induit par Notch1 bloque le développement B alors que l’engagement vers la voie B est provoqué par les facteurs EBF1 et Pax5 qui bloquent le développement vers la voie lymphoïde T. Ikaros est le représentant d’une famille de régulateurs transcriptionnels dont la liaison à l’ADN est essentielle à un développement lymphoïde normal. Parmi les cinq membres que comprend cette famille : Ikaros, Aiolos, Hélios, Éos et Pegasus, seuls les trois premiers sont principalement exprimés dans les cellules hématopoïétiques. Ces protéines possèdent deux domaines à doigts de zinc, l’un amino-terminal effectue la liaison à l’ADN et l’autre en carboxy-terminal sert à l’homo- ou à l’hétérodimérisation de ces molécules [23]. La présence de nombreuses isoformes des protéines Ikaros, engendrées par épissage alternatif, augmente encore l’hétérogénéité des complexes moléculaires exprimés. Des expériences d’invalidation des gènes Ikaros et Aiolos ont montré leur rôle essentiel dans le développement lymphoïde qui, selon les mutations, va de l’absence totale de lymphocytes T, B et NK, à leur présence quantitativement normale, mais associée à des anomalies fonctionnelles. Celles-ci comprennent principalement une réponse exacerbée à la stimulation (diminution du seuil d’activation via le récepteur de l’antigène) et le développement de lymphomes [24, 25]. Le cas d’Hélios vient d’être examiné dans un article récent du groupe de Smale, l’un des découvreurs d’Ikaros [26]. Alors qu’Ikaros et Aiolos sont exprimés dans l’ensemble des cellules hématopoïétiques, Hélios est principalement observé dans les progéniteurs lymphoïdes et dans les cellules du lignage T mais est absent des cellules lymphoïdes B. Bien que 5 à 10 fois moins exprimées qu’Ikaros, les protéines Hélios sont surtout associées à Ikaros. L’expression d'Hélios, restreinte aux cellules T, laissait entrevoir un rôle de ce facteur dans l’engagement T, tout en bloquant l’engagement vers la voie B. Pour valider cette hypothèse, des souris transgéniques, exprimant Hélios dans les cellules B (sous le contrôle d’Igµ), ont été produites. Leur étude montre qu'Hélios n’empêche pas le développement des progéniteurs lymphoïdes vers la voie B, les cellules B étant présentes en nombre normal. Cependant, ces cellules B transgéniques manifestent des caractéristiques fonctionnelles qui rappellent celles des souris Aiolos-/-, à savoir : (1) une réponse proliférative B exacerbée ; (2) une diminution du seuil de réponse à l’antigène ; (3) une survie prolongée des cellules B ; (4) et le développement de lymphomes B chez les animaux de plus d’un an. Il faut noter qu’Helios, chez des animaux transgéniques, est exprimé à un niveau près de 10 fois inférieur à Ikaros dans les cellules B, et donc proche du niveau physiologique d’expression d’Hélios dans les thymocytes. Il est également intéressant de remarquer qu’une expression d’Hélios a été observée dans un nombre significatif de cas de leucémies aiguës lymphoblastiques B chez l’homme. En résumé, l’expression ectopique d’Hélios dans les lymphocytes B conduit à un phénotype similaire à celui de la suppression de l’expression d’Aiolos dans ces cellules. Hélios représente donc un élément régulateur de la fonction des protéines Ikaros et sa répression dans les lymphocytes B est indispensable à leur fonction normale.
Identification d'un gène de la peur innée et acquise : la stathmine
Qui gouverne nos peurs ? Les réactions liées à la peur représentent un spectre de comportements innés et acquis. Le noyau latéral de l'amygdale (LA) est une aire d'information de la peur et le lieu de convergence de son apprentissage. Une équipe américaine vient de démontrer que l'expression de la stathmine est hautement enrichie dans ce noyau et restreinte aux régions du cerveau connues pour relayer les informations provoquées par la peur induite (stimulus conditionné et non conditionné) [27]. La stathmine, ou oncoprotéine 18, est une phosphoprotéine cytosolique qui interagit avec des hétérodimères de tubuline, les empêchant de former des microtubules. Les animaux invalidés pour ce gène présentent une augmentation de leurs microtubules dans le LA, suggérant une stabilisation de ces derniers et une diminution de leur dynamique. Néanmoins, cette anomalie n'affecte ni la morphologie des neurones pyramidaux, ni la transmission synaptique des neurones afférents qui transmettent les signaux auditifs essentiels pour la peur acquise. En revanche, les cellules de l'amygdale des animaux mutants ont un déficit en LTP (long term potentiation). Les auteurs ont alors étudié la réponse comportementale des animaux mutants à des situations de peur conditionnée. Ceux-ci ont un déficit de mémorisation de la peur acquise. De même, lorsque les mutants sont placés dans des champs ouverts, ils n'évitent pas la zone centrale comme le font leurs congénères sauvages, suggérant une altération des comportements de peur innée. En revanche, les tests comportementaux permettant de tester la mémorisation spatiale dépendant de l'hippocampe sont tout à fait normaux. Pour la première fois, un gène est associé à des réactions comportementales de peur innée et acquise, ouvrant des perspectives thérapeutiques pour les désordres anxiogènes, certaines phobies ou des syndromes post-traumatiques. Cependant, certains contrôles ne sont pas mentionnés dans l'article. Par exemple, le fonds génétique potentiellement hétérogène des animaux pourrait jouer un rôle dans les différences physiologiques et comportementales… Vues la qualité et l'expérience des auteurs, on peut cependant conclure que tel le chevalier Bayard les souris sans stathmine sont sans peur et sans reproche.
Obestatine et ghréline, les frères ennemis de l’appétit
À peine deux mois après avoir lu que « l’histoire fascinante de la ghréline et ses implications physiopathologiques potentielles en endocrinologie et en médecine interne sont encore en devenir » [28], voilà que ce curieux peptide, ou plutôt son précurseur, fait encore des siennes ! À partir d’une recherche bio-informatique fondée sur l’identification de signatures protéiques uniques, une équipe de Stanford (CA, États-Unis) a analysé environ 200 séquences de préprohormones en déterminant les sites de clivages mono- et dibasiques [29]. Les régions candidates furent ensuite évaluées pour la conservation des séquences maturées à travers 11 espèces de mammifères. Sur la séquence de la proghréline, un deuxième peptide, flanqué de deux résidus arginine en amino- et carboxy-terminal, est particulièrement conservé. Ce peptide se terminant par une glycine, cela suggérait une amidation post-traductionnelle. Les auteurs ont donc synthétisé les deux peptides, amidé et non amidé, et observé que le peptide amidé inhibait la prise alimentaire de base ainsi que celle stimulée par la ghréline. Non content d’antagoniser l’effet de son peptide jumeau sur cette fonction, l’obestatine, puisque c’est son nom, antagonise également l’effet de la ghréline sur la prise de poids et sur la contractilité musculaire intestinale. Les auteurs ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Ils ont développé un dosage radio-immunologique de l’obestatine et vérifié, en HPLC (high performance liquid chromatography) et même en spectroscopie de masse, sa présence dans l’estomac, site majeur de production de la ghréline. Le peptide est également présent dans le sérum. Curieusement, alors que la ghréline circulante est nettement augmentée par le jeûne et revient au niveau de base après un repas, les concentrations d’obestatine ne varient pas en fonction de l’état nutritionel des rats. Continuant sur leur lancée, les auteurs ont alors recherché le récepteur de l’obestatine. Raisonnant toujours par homologie, ils ont exploré les récepteurs orphelins de la famille motiline, à laquelle appartient le récepteur de la ghréline. Leur pari s’est avéré payant puisque, sur cellules transfectées, le GPR 39 reconnaît l’obestatine iodée de manière spécifique et l’obestatine stimule, entre autres, la production d’AMP cyclique. Enfin, la liaison d’obestatine iodée suit relativement bien l’expression du GPR39 évaluée en RT-PCR en temps réel sur une vingtaine de tissus, en étant la plus forte dans le jéjunum et l’hypophyse antérieure et la plus faible dans le côlon. Donc, à l’inverse de la ghréline qui augmente la prise alimentaire et diminue la dépense énergétique, rendant les rats hyperphages et obèses, l’obestatine est une hormone anorexigène qui diminue la vidange gastrique, la motricité jejunale et, conséquemment, le poids corporel. Outre le fait d’expliquer pourquoi les souris invalidées pour le gène de la ghréline ne présentent pas vraiment de phénotype en ce qui concerne la prise alimentaire ou l’équilibre énergétique, la découverte de l’obestatine constitue l’exemple ultime de la complexité de la maturation post-traductionnelle des peptides neuroendocriniens. Jusqu’à présent, la pro-opiomélanocortine paraissait la plus compliquée, donnant naissance - selon le type cellulaire et les clivages - à l’ACTH, aux endorphines ou aux mélanocortines. Cependant, ces peptides n’agissaient pas de manière antagoniste sur des récepteurs apparentés ! Il faudra désormais compter avec la proghrélo-obestatine, à moins qu’il ne s’agisse de la pro-obestatogrhéline…
Un gène Iroquois, ordonnateur de la repolarisation cardiaque
La repolarisation du coeur (l’événement initiateur de la relaxation diastolique) se fait selon une séquence précise de sa base à l’apex et des couches épicardiques du myocarde à l’endocarde. Ce processus, qui joue un rôle majeur dans la fonction de pompe du coeur, le protège aussi contre la survenue d’arythmie par ré-excitation d’une partie du myocarde qui serait sortie prématurément de sa période réfractaire. Cet asynchronisme physiologique de la repolarisation est connu depuis longtemps des électrophysiologistes. Il est dû à une durée plus longue du potentiel d’action des myocytes des couches endocardiques par rapport aux cellules de l’épicarde, et cela à cause d’un gradient de concentration des canaux potassiques repolarisant de type Shal, Kv4.2 (petits mammifères) et Kv 4.3 (gros mammifères). Quel est l’organisateur de cet asynchronisme ? L’étude de Costantini et al. [30] s’est intéressée aux gènes Iroquois homeobox (Irx). Découverts chez la drosophile en 1996 [31], ils ont été appelés ainsi car, chez les mutants, il ne subsiste plus qu’une bande de poils médiane évoquant la coiffure des Iroquois (ou Mohicans) qui se rasaient les cheveux en ne les laissant pousser que sur le milieu du crâne. Cette famille de gènes code des facteurs de transcription qui participent à la spécification territoriale de plusieurs organes. Seul Irx4 était connu à ce jour pour avoir un rôle dans le coeur. Dans cette étude, les souris invalidées pour le gène Irx5 ont un examen cardiaque normal, si ce n’est une diminution de l’amplitude de l’onde T de repolarisation sur l’électrocardiogramme et une vulnérabilité anormale aux déclenchements d’arythmie lors de l’électrostimulation endocavitaire. À l’échelon cellulaire, elles n’ont plus de gradient endocarde/épicarde de repolarisation, notamment la concentration du canal Kv4.2 est égale dans les différentes couches de myocarde. La co-transfection des myocytes cardiaques avec Irx5 et une construction contenant la région promotrice du gène codant le Kv4.2 et le gène de la luciférase a permis de démontrer que le facteur de transcription agit directement sur l’expression du canal. Restaurer le gradient de concentration des canaux potassiques du myocarde au cours des cardiopathies pourrait être une cible majeure pour traiter les arythmies cardiaques.
Vous peser est bien, mesurer votre tour de taille est mieux
Prévenir l’obésité et le risque d’accidents cardio-vasculaires auquel elle expose nécessite de définir quel est le meilleur test de dépistage et de le vérifier, non pas seulement dans les populations des pays à revenu élevé, mais aussi dans celles des pays en voie de développement qui sont maintenant les plus touchées. C’est ce qui a été fait par un groupe de chercheurs de divers pays dans le cadre du groupe d’étude INTERHEART [32]. Ce travail cas-témoin, publié dans le Lancet regroupe 12 461 patients ayant eu un infarctus du myocarde pour la 1re fois et 14 637 témoins ajustés pour l’âge et le sexe. L’étude a été réalisée dans 10 zones géographiques situées dans tous les continents et permettant ainsi de prendre en compte la diversité des modes de vie. Tous les sujets ont répondu à un questionnaire incluant les facteurs de risque connus, les antécédents personnels et familiaux et la situation sociale. On a mesuré leur poids, leur taille, leur tour de hanches et leur tour de taille (périmètre abdominal). En admettant des valeurs d’indice de masse corporelle de 30 kg/m2 ou plus pour définir l’obésité et de 25 à 30 kg/m2 pour définir le surpoids, et en considérant des valeurs de rapport tour de taille/tour de hanches supérieures à 1 chez les hommes ou à 0,95 chez les femmes comme élevées et de 0,95 à 1 chez les hommes ou 0,90 à 0,95 chez les femmes comme modérément élevées, on constata des différences considérables de répartition selon la zone géographique. Le risque d’infarctus du myocarde croît avec l’indice de masse corporelle. En effet, le risque estimé relatif (odds ratio) est de 1,44 lorsqu’on compare les sujets situés dans le quintile le plus élevé (>28,6 chez les hommes et > 28,2 chez les femmes) à ceux ou celles situés dans le quintile le plus bas (< 22,5 chez les hommes et < 22,7 chez les femmes). Mais ce risque diminue considérablement après ajustement pour le rapport tour de taille/tour de hanches et disparaît lorsqu’on tient compte des autres facteurs de risque. Le risque devient beaucoup plus élevé lorsqu’on remplace l’indice de masse corporelle par le rapport tour de taille/tour de hanches : 2,52 après ajustement pour l’âge, le sexe, la zone géographique et la consommation de tabac. Le tour de taille considéré séparément constitue également un facteur de risque probant (1,77) après ajustement sur l’indice de masse corporelle. Si on examine les 2 quintiles les plus élevés, le risque d’infarctus est de 24,3 % en tenant compte du rapport tour de taille/tour de hanches et de seulement 7,7 % en considérant l’indice de masse corporelle. Cette étude démontre que le rapport tour de taille/tour de hanches est le meilleur test prédictif d’infarctus du myocarde, et cela dans la plupart des zones géographiques. Si l’on en croit les auteurs, acheter un mètre de couturière plutôt qu’une balance fait faire des économies et est un meilleur moyen de surveillance. Un argument de plus pour les « régimes minceur » qui fleurissent dans les magazines.
Parties annexes
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