Résumés
Résumé
Ce document constitue un état de la réflexion et des débats qui ont eu lieu cette dernière année au sein de l’Inserm. Afin que cette consultation soit le plus large possible, le Conseil scientifique a privilégié deux approches : la divulgation d’un questionnaire de plus de 100 questions adressé à l’ensemble des personnels membres des unités de recherche de l’Inserm (voir l’analyse succincte des réponses sur le sitehttp://cythere.polytechnique.fr/inserm/QUESTIONNAIRE-CS-Rep1.pdf) et l’organisation d’un colloque qui s’est tenu à Lyon les 9 et 10 avril derniers.
Corps de l’article
La mise en place prochaine d’une Loi d’orientation et de programmation pluri-annuelle de la recherche dans notre pays donne actuellement lieu à de nombreuses réflexions et propositions dans le cadre des États généraux de la recherche. Elle conduit les responsables des établissements chargés de mettre en oeuvre la recherche scientifique française, notamment ceux des Universités et EPST, à proposer les modifications structurelles qui leur semblent les plus à même de favoriser le développement de la recherche scientifique dans notre pays.Le Conseil scientifique de l’Inserm, conscient de l’importance des enjeux sociaux, économiques, culturels et politiques qui se sont constitués autour des problèmes de santé, considère qu’il se doit d’élaborer et faire largement connaître son point de vue sur ces questions tant elles seront déterminantes pour le développement de la recherche biomédicale française au cours des prochaines années.
Sans prétendre en aucune façon traiter exhaustivement une problématique complexe qui fait intervenir nombre d’autres partenaires de tout premier plan, parmi lesquels les Universités et autres EPST, les Hôpitaux et autres agents du système de santé qui occupent une place privilégiée, le Conseil scientifique de l’Inserm tient à souligner ici un certain nombre de points qu’il considère comme déterminants pour l’avenir de la recherche biomédicale française dans le contexte européen.
I. Consolider la place de la recherche biomédicale dans les priorités nationales, clarifier et stabiliser sa gouvernance
Depuis environ une décennie, la recherche biomédicale prend tous les aspects d’une science « lourde » nécessitant une mobilisation de moyens et une concentration de compétences sans précédent. Prenant la mesure de ces nouveaux enjeux, les gouvernements des pays traditionnellement sur le devant de la scène en recherche biomédicale ont très rapidement entrepris une restructuration de leurs efforts de recherche associée à un accroissement très significatif des moyens mis à la disposition de leurs chercheurs.
Dans ce contexte international, la recherche scientifique biomédicale française, pénalisée par une gouvernance incertaine, peine à conserver un rang que devrait lui conférer le potentiel économique et scientifique de la France.
Cette inconstance chronique de la politique de la France en matière de recherche biomédicale et de sa mise en oeuvre se manifeste à au moins trois niveaux :
au niveau de l’État avec l’instabilité de la priorité qui est donnée globalement à cette recherche dans les grandes priorités nationales.
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au niveau de l’exécutif national :
avec des attributions aux établissements chargés de la recherche qui semblent ignorer le contexte international et connaissent des fluctuations majeures à court terme tant en moyens financiers qu’en personnels permanents ou temporaires,
avec la confusion des niveaux de décision stratégique, qui relèvent des autorités ministérielles, et opérationnelle, dont la responsabilité devrait clairement relever des établissements.
au niveau des établissements chargés de la recherche qui tentent, sans véritable concertation, de pallier la faible réactivité et le soutien aléatoire de leurs tutelles ministérielles par la mise en place de programmes d’action trop nombreux, redondants, le plus souvent éphémères et de faible portée.
Dans un contexte de compétition internationale accrue, cette instabilité de la gouvernance de la recherche biomédicale ne peut qu’altérer gravement sa compétitivité en compromettant sa productivité scientifique, économique, sociale et culturelle, son pouvoir d’attraction des meilleurs talents.
Remédier à cette instabilité aux niveaux gouvernemental, ministériel et des établissements constitue un préalable à toute restructuration du dispositif de recherche et nécessite :
la définition de priorités stratégiques nationales et la mise en place de dispositifs de rattachements ministériels permettant d’en assurer la pérennité,
la définition de grands programmes scientifiques à moyen et long termes,
la clarification du rôle spécifique des Établissements Publics de Recherche dans la production et la valorisation de la connaissance - leur nombre et domaines d’intervention devant être rationalisés -, des Universités, dont la mission comporte au tout premier plan la transmission du savoir et des Grandes Écoles qui contribuent à l’ingénierie des connaissances,
l’identification de responsables missionnés et personnellement évalués a posteriori pour leur gestion de ces programmes par des comités scientifiques faisant largement appel à la communauté internationale,
la rationalisation des niveaux hiérarchiques de responsabilité de mise en oeuvre de ces programmes et de leurs diverses composantes.
II. Recrutements et carrières, évaluation scientifique
Organiser une compétition très ouverte au niveau des recrutements et promotions pour recruter les meilleurs talents à tous les niveaux de responsabilité, préserver les possibilités actuelles de mobilité professionnelle pour favoriser l’innovation et dynamiser les carrières
Deux éléments sont au coeur du potentiel de succès de la recherche biomédicale française :
l’existence de compétitions très ouvertes, sans lauréat pré-désigné et sans aucun quota rigide de répartition préalable des moyens en termes de disciplines, domaines scientifiques, laboratoires, équipes, sites géographiques,
l’existence de possibilités très souples de mobilité des personnels de la recherche en termes de domaines, sites géographiques, disciplines d’exercice de leurs compétences.
Ces deux éléments constituent le fondement de l’Inserm dont les règles de fonctionnement garantissent l’existence de compétitions très ouvertes à tous les niveaux (recrutements et promotions des chercheurs, création et fermeture des laboratoires) et une très grande fluidité des carrières des chercheurs en termes de domaines, disciplines, lieux et laboratoires d’exercice de leurs compétences.
Aucune réforme de l’organisation actuelle des recrutements et carrières, création et fermeture de laboratoires qui ne respecterait intégralement ces deux éléments ne saurait représenter le moindre progrès en efficacité et capacité d’innovation par rapport à la situation actuelle.
De ce point de vue, il est essentiel de souligner que les instances et procédures d’évaluation de l’Inserm combinent de façon irremplaçable à ce jour :
une représentation très diversifiée des disciplines et domaines de recherche mais aussi des établissements intéressés par la recherche biomédicale (Inserm mais aussi très largement, Universités, Hôpitaux, autres EPST…), des régions et pôles de recherche,
une participation de personnalités élues ou nommées, de rangs A, B et C,
des procédures associant, dans un très grand respect de l’indépendance et de la responsabilité de chaque étape « compétition large - évaluation par discussion approfondie au sein des instances scientifiques - décision du directeur général ».
Recruter à l’Inserm les jeunes chercheurs sur poste statutaire sans délai contractuel supplémentaire après le doctorat et une période post-doctorale de deux à trois années
Les jeunes chercheurs travaillant à l’Inserm sont aujourd’hui recrutés sur poste statutaire après avoir reçu une formation de niveau Master (baccalauréat + 5), effectué un Doctorat (3 à 4 ans), puis un séjour post-doctoral de deux à trois ans, le plus souvent dans un laboratoire étranger. C’est donc de 9 à 11 ans après le baccalauréat, quand ils sont âgés de 28 à 30 ans - 30 à 35 ans pour ceux d’entre eux qui ont également acquis une formation médicale - qu’ils peuvent se présenter pour la première fois aux concours de recrutement à l’Inserm (700 candidats pour environ 10 fois moins de postes en 2003). Il convient donc d’être très prudent avec l’idée qui fait actuellement débat de prolonger au-delà l’activité de ces jeunes chercheurs sous forme de contrats à durée déterminée (CDD). En dehors des difficultés que cela induirait sur le plan social (prêts bancaires, logement…) à une période critique pour la construction de la vie familiale, proposer de retarder le recrutement de jeunes chercheurs sur poste statutaire par la généralisation d’un système de CDD sur plusieurs années ne présenterait que peu d’avantages du point de vue de l’efficacité de la sélection des meilleurs talents et de la fécondité des jeunes chercheurs.
Une telle mesure présenterait à l’inverse de graves dangers et inconvénients :
celui de réduire sensiblement l’attractivité du secteur de la recherche biomédicale par rapport à bien d’autres domaines d’excellence de notre pays qui recrutent et stabilisent beaucoup plus précocement leurs jeunes talents,
celui de se priver d’un facteur d’attractivité à l’international pour se placer dans une compétition des moyens dans laquelle on ne peut espérer jouer les premiers rôles,
celui de privilégier le développement de projets de recherche peu originaux, dépourvus de toute prise de risque et ayant comme objectif premier l’amélioration du score bibliométrique,
celui de laisser la porte ouverte à des fluctuations majeures des recrutements liées à une instabilité de la partie contractuelle des recrutements qui invaliderait par ailleurs totalement la capacité des laboratoires à conduire des recherches de façon autonome, responsable et suivie.
Le Conseil scientifique de l’Inserm recommande de recruter les jeunes chercheurs, sur postes permanents, après les deux périodes contractuelles d’apprentissage du métier de chercheur que sont le doctorat (3 à 4 ans) et le post-doctorat (2 à 3 ans), dans le cadre d’une compétition scientifique très ouverte et rigoureuse et selon les procédures de sélection qui ont largement fait la preuve de leur efficacité à l’Inserm.
III. Financements
Conserver le financement de base du fonctionnement des laboratoires de recherche mais aussi favoriser la clarification-simplification des sources de financement contractuelles et développer une politique de financements compétitifs sur projets d’envergure
Le développement de recherches biomédicales de haut niveau ne peut souvent plus être envisagé sans que les dotations budgétaires ordinaires des laboratoires de recherche soient largement complétées par des ressources financières externes sur « contrats et projets ».
Une politique contractuelle efficace pourrait être utilisée comme un puissant levier stratégique. Or, les laboratoires, dont le besoin en financements lourds sur projet s’accroît doivent faire face aujourd’hui à un émiettement extrême de l’offre de financement en termes :
de multiplicité des sources de financements d’un même projet (établissements, ministères, collectivités locales, partenaires industriels, associations caritatives, agences de santé, organismes européens et internationaux…),
de limitation des niveaux et durées de chacun de ces financements,
de contraintes de gestion.
Cet extrême morcellement des sources de financement de chaque projet scientifique en rend illisible la cohérence et masque les priorités scientifiques biomédicales actuelles tant pour les équipes scientifiques elles-mêmes que pour leurs partenaires étrangers et pour les partenaires économiques, sociaux et culturels de la recherche. Cela se traduit par une charge administrative et de gestion majeure qui nuit gravement à la capacité des plus entreprenants de nos chercheurs à engager des programmes de recherche d’envergure et innovants.
La réduction du nombre d’acteurs intervenant dans ce domaine, la clarification de leurs rôles et la définition d’une politique réfléchie et compétitive de subventions « lourdes » sur projet, sont des objectifs d’une importance stratégique.
Dans le cadre des grandes priorités définies au niveau gouvernemental, il appartient :
aux Ministères intervenant dans le domaine de la recherche de définir de façon coordonnée des grands programmes scientifiques, d’en identifier les acteurs et responsables au niveau des établissements et de confier à ceux-ci la mise en place des mécanismes d’évaluation et de suivi,
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aux établissements d’assurer la mise en oeuvre de ces grands programmes :
en organisant la compétition scientifique qui garantira la qualité des équipes et des projets mis en place,
en assurant des soutiens financiers et administratifs dont le niveau, la durée et la nature permettront aux responsables des équipes scientifiques de concentrer leurs efforts sur la recherche elle-même en toute responsabilité,
aux équipes de présenter des projets s’inscrivant dans les priorités stratégiques et de les réaliser dans les délais proposés et avec les moyens attribués.
C’est notamment par une politique suivie et évaluée sur le moyen terme d’attribution sélective, compétitive, de subventions conséquentes que l’on peut envisager de soutenir les équipes de recherche les plus innovantes et productives dans notre pays. De telles subventions devraient pouvoir couvrir aussi bien les besoins en équipement et fonctionnement que la prise en charge de salaires de doctorants, post-doctorants, ingénieurs et techniciens mobilisés par un projet spécifique. Elles devraient également permettre aux enseignants-chercheurs les plus actifs et productifs sur le plan scientifique, de proposer à leur Université de rattachement le reversement de sommes leur permettant de voir leur temps d’enseignement réduit pendant la mise en oeuvre de leur projet et d’intéresser leur Université de rattachement au succès scientifique de leurs enseignants-chercheurs.
La mise en place d’une telle politique ambitieuse de financement devrait jouer un rôle majeur dans la rationalisation de la gouvernance de la recherche, l’importance des subventions « lourdes » attribuées ne pouvant être envisagée que dans le cadre de la définition de politiques explicites, suivies et évaluées comme telles.
Dans le cadre de certains programmes spécifiques, cette politique pourrait aussi être l’occasion de développer des politiques de partenariat avec des institutions européennes de recherche de pays voisins en mettant en place des programmes concertés, associant des scientifiques des pays impliqués dans des procédures d’évaluation communes aussi bien au niveau des programmes et de leurs responsables qu’à celui des projets et de leurs résultats.
L’utilisation des fonds publics, par la redistribution des ressources fiscales collectées sur les entreprises, devrait permettre la mise en place d’une grande fondation généraliste, couvrant l’ensemble des pathologies relevant des domaines de la recherche biomédicale et en santé publique. Une telle fondation, sur le modèle des Wellcome Trust britannique et Howard Hugues Foundation aux États-Unis, aurait pour mission de distribuer les financements en fonction de la qualité scientifique des projets, selon des axes stratégiques définis, et sur des critères internationaux d’évaluation compétitive par les pairs.
IV. Centres de recherche et politique de sites
Le développement de « Centres de recherche », réunissant sur un même site les laboratoires, services d’enseignement et de santé, partenaires industriels, interagissant dans le domaine de la recherche biomédicale, visibles au niveau européen, spécialisés dans certains secteurs de la recherche biomédicale et associant étroitement les activités de recherche, de formation supérieure et de transfert est aujourd’hui un objectif d’une importance stratégique du point de vue du rang de la France dans le contexte scientifique international, notamment européen. La création du programme des Instituts Fédératifs de Recherche (IFR) est une première étape, significative, dans cette direction.
Les dispositions prises dans ce domaine au cours des récentes années, malgré quelques succès, ne sont pas suffisamment incitatives pour encourager et améliorer la structuration en centres de recherche dont on attend qu’ils soient attractifs en matière de recrutement de nouveaux chercheurs - y compris au niveau international - et d’accueil de nouvelles équipes.
Avec comme objectif une telle structuration, les conventions de partenariats entre l’Inserm et les Universités, qui restent des cadres trop généraux, devraient permettre un accroissement substantiel des efforts financiers des partenaires, notamment en matière immobilière. La création de formations de recherche de très petite taille reste favorisée alors même que la créativité individuelle peut être protégée dans des structures plus importantes dès lors que celles-ci adoptent des règles de fonctionnement assurant explicitement cette protection.
Une véritable politique de sites, visant à définir des « Centres de recherche » d’excellence de niveau européen, en nombre nécessairement limité, doit être mise en place de façon concertée entre partenaires impliqués (Universités, Grandes Ecoles, Hôpitaux, EPST, jeunes-pousses…) et dotée des moyens et structures d’évaluation internationales, sans lesquels elle ne peut qu’être d’une portée extrêmement limitée. La structuration entamée autour des IFR peut servir de base à une telle politique.
V. La mise en place d’expériences pilotes sur des sites labellisés
L’offre de positions permanentes après une courte période post-doctorale est la voie de recrutement qui doit rester la règle générale comme proposé plus haut. Sauf à réduire drastiquement le nombre de positions offertes au recrutement, l’accompagnement financier (crédits de fonctionnement) qui doit être associé à ces recrutements ne saurait atteindre les montants proposés par la plupart des pays concurrents. Il nous apparaît donc essentiel que - pour un nombre limité de positions et sur des sites labellisés - notre pays soit en mesure de faire une offre compétitive suivant les critères de sélection en vigueur au plan international, pour un nombre limité de positions et sur des sites labellisés.
Suivant ces critères le Conseil scientifique de l’Inserm propose le co-recrutement de jeunes chercheurs et enseignants (moins de 35 ans et faisant preuve de mobilité) désirant développer de manière autonome un projet de recherche sur 4 ans tout en participant de manière modérée (40 heures/an) à la mise en place d’un enseignement de haut niveau ou à une activité clinique. Ils bénéficieront de financements d’amorce d’un niveau comparable à ceux en vigueur dans la compétition internationale, la proposition étant de ne pas limiter ces contrats au seul fonctionnement mais d’y associer pour toute leur durée, à l’exemple des financements existant en Allemagne :
une ligne budgétaire permettant de financer le salaire du lauréat pendant la durée du contrat. Le montant du salaire serait équivalent à 150 % de celui des CR1 actuels, notamment pour tenir compte de la participation aux enseignements,
la possibilité de recruter et de financer un étudiant en thèse,
la possibilité de rémunérer un CDD ITA,
la possibilité de rémunérer un post-docteur.
Une fois créé, ce package, de l’ordre de 400 000 €/an (soit 1,6 million d’€ sur 4 ans), doit pouvoir conduire au (co-) recrutement, selon un engagement à long terme de l’institution.
Dans la configuration actuelle, l’ampleur de tels packages nécessite une intégration des moyens des EPST dans le prolongement des actions déjà mises en place (contrats Avenir et d’Interface) et de ceux accordés à différentes actions spécifiques du Ministère. Par ailleurs, l’importance de tels financements implique une évaluation des projets au niveau des standards internationaux, par une « agence » majoritairement internationale dans sa composition. Une ébauche d’une telle « agence » pourrait être une émanation des instances d’évaluation du Medical Research Center, du Max Planck Gesellschaft et de l’Inserm.
VI. Valorisation et transferts
Innovation technologique
La valorisation économique des connaissances connaît, en France, un déficit d’efficacité malgré les efforts remarquables entrepris par les différents établissements de recherche depuis quelques années.
Un des freins majeurs à l’accroissement de la valorisation, et surtout à sa visibilité au niveau national et international, est dû au manque de réactivité dans la relation des chercheurs avec le monde industriel, et à un déficit de crédibilité dans la défense des brevets. Cela est expliqué en partie par la multiplicité des « guichets » et par l’absence d’accompagnement des chercheurs - souvent peu informés - des possibilités de valorisation et de leurs résultats - dans la démarche de valorisation et le dialogue avec les industriels.
Le conseil scientifique de l’Inserm propose la création d’un Office de Transfert Technologique (OTT), agence de valorisation qui serait unique et commune aux différents organismes, et aurait pour mission :
le dépistage des résultats valorisables,
le dépôt des brevets en intervenant dès la phase préparatoire,
la cession des licences,
l’accompagnement les laboratoires de « l’invention au produit »,
l’incitation à la valorisation par la présence de représentants de l’OTT lors de l’évaluation des IFR, des Unités ou des CIC.
Avec un guichet unique les bénéfices attendus sont une capacité de valorisation accrue, une meilleure lisibilité au niveau national et international, une meilleure réactivité avec le monde industriel, et une crédibilité dans la défense des brevets.
Par ailleurs, il apparaît indispensable de renforcer l’interaction public-privé par un soutien spécifique aux « preuves de concepts ». Il est proposé :
la mise en place de joint-venture dès cette phase de preuves de concepts,
de favoriser la création de centres d’innovations technologiques avec un intéressement des Universités favorisant l’implantation des entreprises.
Enfin, une analyse rétrospective globale des aides à la création d’entreprises devrait être réalisée, ainsi qu’un bilan des fonds engagés et des retours sur investissements.
Ces adaptations ne sauraient être dissociées d’une meilleure prise en compte de la valorisation dans l’évaluation des structures publiques et des chercheurs.
Transferts dans le domaine de la santé publique
Les connaissances sur lesquelles peuvent s’appuyer les politiques publiques de santé en matière de prévention, dépistage et prise en charge des pathologies sont nombreuses, complexes et en constante évolution.
C’est la raison pour laquelle les scientifiques impliqués dans la recherche en santé publique dans ses différentes dimensions, notamment épidémiologique, économique et sociologique, sont très largement sollicités pour participer à des activités d’expertise scientifique.
Pour autant, les activités de transfert en santé publique dans toutes leurs dimensions : transmission aux partenaires les plus concernés des derniers acquis scientifiques, contributions aux activités de synthèse des connaissances, réalisation d’études complémentaires indispensables à la prise de décision en santé publique, formation de cadres de haut niveau de la santé publique, restent largement confinées au domaine de l’invisible malgré leur très grand nombre et la place majeure prise dans la quasi totalité des laboratoires de recherche en santé publique de l’Inserm.
La recherche biomédicale et en santé publique réalisée en France, notamment à l’Inserm, est en effet très active dans les domaines de la connaissance et de la modélisation des risques, de la surveillance et de la méthodologie des alertes, de la mise en évidence des facteurs de risque (environnementaux, comportementaux, socio-économiques, nutritionnels, constitutionnels, … ), de l’évaluation des actions de prévention primaire et de dépistage, de l’évaluation des stratégies de prise en charge médicale et sociales aux stades précoces ou avancés des pathologies…
Si la valorisation des acquis des recherches en santé publique et les contributions de ceux qui la mettent en oeuvre se mesurent souvent mal en termes purement économiques, on ne cesse cependant d’en mesurer l’importance en termes sociaux, économiques et politiques. C’est par exemple le cas des enjeux majeurs de santé publique qui se sont constitués dans les années récentes autour de multiples facteurs de risque environnementaux, nutritionnels, socio-économiques, génétiques de pathologies graves, du dépistage précoce de nombre de pathologies chroniques, de l’évaluation des bénéfices, coûts et risques associés aux pratiques médicales, des politiques publiques en matière de prise en charge médicale et sociale des populations vulnérables…
À l’inverse des réponses individuelles des laboratoires et chercheurs en santé publique à la très forte demande de transferts de toutes natures qui leur est adressée, les réponses institutionnelles apparaissent comme extrêmement faibles. Une politique de grande envergure dans ce domaine serait pourtant d’un intérêt majeur pour les établissements impliqués dans la recherche en santé publique, notamment par les retombées positives qu’elle pourrait entraîner du point de vue de la lisibilité de l’intérêt de la recherche biomédicale auprès des tutelles et responsables politiques intervenant dans la définition des politiques scientifiques de notre pays.
Il est donc indispensable que soient mis en place les moyens d’une telle politique de transfert et qu’en soient définies les modalités, partenaires principaux et cibles.
Transferts et synergies Inserm-Hôpital
La nécessité d’implanter des laboratoires sur le lieu même de l’offre de soins en vue d’une recherche biomédicale de qualité constitue le principe fondateur de la création de l’Inserm en 1964. Quarante ans plus tard, la renommée de l’Inserm repose sur la qualité de la recherche biomédicale qui y est produite comme en témoigne un indice d’impact à 177 % de la moyenne mondiale (source OST 2003). L’évolution de l’Institut a permis à la recherche clinique d’atteindre un niveau de compétitivité internationale grâce à l’implication des médecins hospitalo-universitaires dans les structures de recherche Inserm et de celle des chercheurs vers les problématiques médicales. La recherche clinique a été récemment renforcée par la mise en place conjointe de nouveaux outils par l’Inserm et les centres hospitalo-universitaires : Centres d’investigation cliniques (CIC) et biomédicaux (CIB), Unités de gestion de recherche clinique (URC) et contrats d’interface. Les CIC, et plus récemment les URC, grâce à leur activité de conseil méthodologique auprès des cliniciens et des chercheurs, contribuent de façon majeure à la compétitivité des programmes de recherche clinique. Ceux-ci (PHRC et CIRC) contribuent au financement de projets conjoints services hospitaliers-laboratoires de recherche Inserm.
Cette cohérence initiale s’inscrit aujourd’hui dans un contexte en profonde évolution :
une certaine hétérogénéité dans la concertation stratégique entre les ministères de la recherche et de la Santé, entre les EPST et les CHU menace le lien fondateur et fructueux entre CHU (ou CHR) et laboratoires de recherche Inserm, tant d’un point de vue structurel qu’humain.
la réforme actuelle de l’hôpital public tend à dissocier l’activité de recherche clinique et biologique de la pratique médicale. La réflexion stratégique semble focalisée sur les seuls aspects financiers sans prendre la mesure des conséquences de cette dissociation sur la recherche clinique.
l’évolution de la démographie médicale aggravée par le manque d’attractivité des carrières de recherche augmente les difficultés de recrutement des médecins, menaçant les possibilités pour ces derniers de s’investir dans une activité de recherche.
Dans ce contexte, l’Inserm se doit d’être le partenaire de l’évaluation, de l’organisation et de la valorisation de l’Hôpital au côté des instances décisionnelles et opérationnelles hospitalières locales et régionales, en particulier avec les Agences Régionales d’Hospitalisation. Nous proposons de :
renforcer et fédérer les structures (CIC, CIB et URC), pérenniser les actions existantes (contrats d’interface avec l’Hôpital, programmes « Avenir » de soutien à des projets novateurs de jeunes chercheurs) ;
stimuler par une meilleure utilisation des statuts (ou de leur aménagement), les passerelles entre l’Inserm et les Hôpitaux à tous les niveaux de compétence : médecins, chefs de projet, méthodologistes, attachés de recherche clinique et infirmièr(e)s. Ces nouveaux flux de compétences devront être garantis par l’évaluation nationale, le cofinancement spécifique (Santé-Recherche) et la valorisation de ces nouveaux métiers de la recherche biomédicale ;
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contribuer via ces personnels, à l’implémentation des systèmes d’information hospitaliers à des fins de recherche clinique et de santé publique. En effet, le secteur hospitalier français est la source d’une information médicale considérable et d’un savoir-faire exceptionnel du fait de l’importance numérique et de la diversité de son recrutement de patients ainsi que de la technicité de la prise en charge de ceux-ci. Pour que l’hôpital public puisse remplir au mieux sa mission de recherche biomédicale, l’objectif serait donc de créer les conditions pour que cette information médicale puisse être transformée en connaissance scientifique et de santé publique.
Cependant, l’atteinte d’un tel objectif nécessiterait la mise en place de forces importantes, actuellement non rassemblées au sein de la communauté hospitalière.