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Du nouveau pour le traitement de la douleur?
La sérotonine (5-HT) est un neurotransmetteur aux effets très complexes, en raison du nombre élevé (>15) de ses récepteurs, et donc de voies de transduction. Parmi ceux-ci, le récepteur 5-HT4 exerce principalement son action en stimulant l’adénylyl cyclase par l’intermédiaire de protéines Gs hétérotrimériques. La localisation immunohistochimique de ce récepteur dans le système nerveux central vient de révéler sa présence dans le complexe pré-Boetzinger (CPB), une petite région du tronc cérébral dans laquelle sont concentrés les neurones rythmiques qui contrôlent la respiration [1]. Une approche d’immunofluorescence couplée à l’analyse des transcrits sur des cellules uniques montre que plus de 95 % des neurones rythmiques inspiratoires du CPB coexpriment des récepteurs μ opiacés et des récepteurs 5-HT4. Les auteurs ont donc émis l’hypothèse selon laquelle les récepteurs 5-HT4 qui stimulent les protéines Gs pourraient contrebalancer les effets bloquants des opiacés sur la respiration qui passent par l’intermédiaire de protéines Gi/o. Cette hypothèse a été testée en analysant les effets de l’administration simultanée de deux agonistes, l’un du 5-HT4 (BIMU8), l’autre, un opioïde synthétique (fentanyl). Ce dernier est utilisé pour ses propriétés anesthésiantes et antalgiques, mais il présente de sérieux effets secondaires de bloquant respiratoire (il semble que ce soit le fentanyl qui ait causé la mort de 129 personnes lors du dénouement de la prise d’otages du théâtre de Moscou en décembre 2002…). Utilisé seul, le BIMU8 augmente l’activité des neurones inspiratoires in vitro, puis le volume respiratoire chez l’animal entier ; ces effets étant bloqués par un antagoniste spécifique. En présence du BIMU8, le fentanyl maintient son effet antinociceptif, mais n’induit plus de dépression respiratoire ou d’apnée. Une application immédiate de cette étude pourrait être le traitement des états respiratoires critiques induits par le fentanyl en postopératoire. L’absence d’effet de l’agoniste 5-HT4 sur les effets antinociceptifs du fentanyl s’explique vraisemblablement par le fait que les interneurones antinociceptifs de la corne dorsale de la moelle épinière n’expriment pas le récepteur 5-HT4. Une deuxième application potentielle sera donc de tenter de contrebalancer les effets de surdosage des opiacés dans le traitement des douleurs chroniques.
Le parfum des cellules mortes
On sait que plus rapidement une cellule morte sera éliminée par les phagocytes-fossoyeurs, moins grand sera le risque de nécrose secondaire et d’inflammation. Certes, les cellules apoptotiques expriment à leur surface des marqueurs permettant de les identifier, mais encore faut-il que les cellules phagocytaires se trouvent à proximité pour les reconnaître. Quoi de plus simple que de les attirer avec un chimioattractant? C’est ce que démontre un article publié dans Cell cet été [2]. Les auteurs ont trouvé, dans le surnageant de lignées cellulaires dont la mort par apoptose avait été induite (ultraviolet, staurosporine), des substances capables de provoquer la migration de cellules cibles monocytaires dans un test in vitro classique, et in vivo après injection.Ces substances n’étaient relarguées que par des cellules apoptotiques possédant la caspase 3. Parmi les nombreux lipides connus testés, soit pour leur pouvoir chimiotactique direct, soit parce qu’ils entraient en compétition avec le lipide relargué par les cellules apoptotiques, deux candidats émergeaient : la lysophosphatidylcholine (LPC) et le platelet-activating factor (PAF), mais seul le LPC induisait une migration des phagocytes. Le LPC est produit dans les cellules en apoptose en réponse à l’activation, par la caspase 3, de l’enzyme calcium-indépendante phospholipase A2.
Calcineurine et schizophrénie
La calcineurine (ou protéine-phosphatase 2B) est une sérine/thréonine protéine phosphatase Ca2+/ calmoduline dépendante. Originellement identifiée dans le cerveau, elle joue un rôle important dans l’extension neuritique et elle intéresse énormément les prix Nobel. Trois d’entre eux, E. Kandel, P.Greengard et S. Tonegawa, avaient montré l’action de la PP2B sur les différents aspects de la plasticité synaptique, de l’apprentissage et de la mémoire [3, 4], et sur la régulation en aval de la transduction du signal dopaminergique par les récepteurs au glutamate [5]. S. Tonegawa persiste en complétant cette première analyse par une batterie très étendue de tests comportementaux et biochimiques chez les souris dépourvues de calcineurine [6]. Plus maigres et de moindre longévité que les souris contrôles, ces souris présentent les symptômes décrits classiquement chez les patients schizophrènes, une affection psychiatrique sévère, dont la composante multigénique n’est plus à démontrer. Ceci a conduit les auteurs à rechercher une association entre schizophrénie et variations géniques sur les différentes sous-unités qui composent la calcineurine [7]. La protéine est un hétérodimère composé d’une sous-unité régulatrice, CNB, et d’une sous-unité catalytique, CNA, et existe sous trois formes distinctes codées par les gènes PP3CA-C. L’approche choisie fut le séquençage génomique des différents gènes codant pour ces sous-unités qui sera suivi, à terme, par celui d’une dizaine de gènes codant pour des protéines se liant ou fonctionnellement couplées à la calcineurine et localisés dans des régions de susceptibilité putative de la maladie, identifiées par des études antérieures d’association génétique. Une fois ces premiers polymorphismes établis, la recherche de déséquilibres de transmission débuta sur 210 trios, formés des deux parents et du propositus. Chaque allèle de chaque marqueur puis la combinaison des deux marqueurs adjacents furent testés pour un déséquilibre de transmission. Seuls trois des cinq SNP (single-nucleotide polymorphism) et deux SNP-haplotypes dans le gène de la sous unité catalytique PPP3CC, localisé en 8p21.3, révélèrent une association significative. En particulier, l’haplotype A824G est présent chez 38% des parents et est sur-transmis dans un rapport transmis/non transmis de 1,23/1 (p = 0,002). Une étude de 200 autres trios, en provenance d’Afrique du Sud mais ne présentant pas d’association avec le locus 8p21.3, s’avéra négative, mais le rapport T/NT de l’haplotype à risque était du même ordre de grandeur (1,29, p = 0,07), augmentant le degré de signification du déséquilibre de transmission. A824G n’est pas localisé dans la séquence codante de PP3CC. Peut-être affecte-t-il la transcription ou la maturation de la protéine, ou l’association reflète-t-elle la modification d’un autre gène voisin de PP3CC. La grande surprise est que, jusqu’à présent, PP3CC était plutôt connue comme la sous-unité catalytique spécifique du testicule ! Toutes les interprétations sont permises, même si les auteurs ont pris la précaution d’évaluer son expression par PCR dans différentes régions du cerveau humain...
Antidépresseurs et neurogenèse
La plupart des antidépresseurs agissent en provoquant une augmentation des taux de noradrénaline (NA) et /ou de sérotonine (5-HT), deux neurotransmetteurs monoaminergiques impliqués dans le contrôle de l’humeur. Ces augmentations sont pratiquement immédiates, mais, paradoxalement pour l’hypothèse monoaminergique de la dépression, l’effet thérapeutique est retardé de plusieurs semaines. Un tel délai suggère l’intervention de modifications neurochimiques et structurelles plus lentes à se mettre en place dans les régions limbiques innervées par les deux systèmes monoaminergiques. Un mécanisme éventuel pourrait faire intervenir une induction de la neurogenèse. On savait déjà qu’un traitement chronique par les antidépresseurs était capable d’augmenter la neurogenèse cérébrale chez le rongeur, et les études en imagerie cérébrale et en neuropathologie chez des patients déprimés indiquaient une atrophie et/ou une perte neuronale dans le cortex préfrontal et l’hippocampe. Un article récent de l’équipe de R. Hen [8] confirme l’importance de la neurogenèse hippocampique et la relie à un changement comportemental de type anxieux, dans le modèle du jeûne induit par la nouveauté chez la souris. Ainsi, des souris sauvages, traitées pendant 28 jours par des antidépresseurs de nature sérotoninergique (fluoxétine) ou noradrénergique (imipramine, désimipramine), se remettent à manger plus rapidement (elles sont donc moins anxieuses) que les souris non traitées et le nombre de neurones nouvellement produits dans l’hippocampe y est plus important de 60 % . En outre, les souris invalidées pour le gène du récepteur 5-HT1 ne répondent plus au traitement par la fluoxétine alors que les antidépresseurs noradrénergiques restent efficaces, sur le comportement comme sur la neurogenèse. Enfin, l’irradiation de l’hippocampe bloque les effets de tous les antidépresseurs. Bien que ces résultats indiquent une corrélation remarquable entre comportement et neurogenèse hippocampique, les auteurs soulignent un point qui ne va pas tout à fait dans ce sens : les souris irradiées non traitées par les antidépresseurs, qui ne font donc plus de neurogenèse hippocampique, ne présentent cependant aucun déficit comportemental… Quoi qu’il en soit, la recherche de substances stimulant la neurogenèse hippocampique va certainement consolider la renaissance du concept de neurogenèse chez l’adulte !
SRAS : l’enquête continue…
La civette (Paguma larvata), mammifère très prisé de la gastronomie chinoise, pourrait bien être l’un des réservoirs d’origine du SCoV, le coronavirus responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) chez l’homme [9]. Sachant que le foyer supposé de transmission de l’animal à l’homme est localisé dans la province du Guangdong, au sud de la Chine, des chercheurs ont analysé le sérum et les fluides corporels de 25 animaux de 8 espèces différentes, capturés à l’état sauvage et vendus sur un marché du Guangdong. Les prélèvements de quatre des six civettes analysées et d’un chien viverrin (Nyctereutes procyonoides) révèlent des transcrits d’un gène spécifique du ScoV. Les six autres espèces testées sont négatives. Les civettes positives par RT-PCR sont porteuses d’anticorps qui reconnaissent une protéine de la nucléocapside du ScoV. Le séquençage total ou partiel des coronavirus isolés à partir de 4 de ces animaux indique une homologie de séquence de 99,8 % avec le ScoV, avec seulement 43 à 57 différences entre les 2génomes. Ces différences de séquences, aussi limitées soit-elles, indiquent cependant que les coronavirus humain et de la civette sont phylogénétiquement distincts et proviennent peut-être d’un ancêtre commun, peut-être d’un autre animal sauvage non encore identifié. Y. Guan et al. ont recherché la présence d’anticorps contre l’un des virus isolé de la civette dans le sérum des commerçants de ce même marché. Une réaction positive a été trouvée chez 20 à 40 % des commerçants impliqués dans le commerce ou le sacrifice des animaux, mais seulement chez 5 % des marchands de légumes, bien qu’aucun d’entre eux n’ait présenté de symptômes du SRAS dans les six derniers mois. Ainsi, il n’est pas exclu que l’événement de mutation ou de recombinaison qui a donné naissance au ScoV ait eu lieu chez un porteur sain humain plutôt que chez un animal sauvage. Entre l’existence d’un réservoir humain de porteurs sains et l’exceptionnelle capacité de mutation des coronavirus, les craintes d’une résurgence de l’épidémie pourraient ne pas être vaines.
Clonalité des tumeurs: secrets de femme
Chez les mammifères, le chromosome X est porteur de nombreux gènes dont l’Y est dépourvu. Mais entre cellules mâles et femelles, l’équilibre du dosage génique est respecté car un des deux X est inactivé dans chaque cellule femelle. Dans l’espèce humaine, cette inactivation s’effectue dans les cellules du bouton embryonnaire au 16e jour lorsqu’il s’agit d’une fille. Il se fait au hasard, soit sur l’X paternel, soit sur l’X maternel. Une fois établi, il est stable et se transmet aux cellules filles : toutes les cellules issues d’une cellule à X paternel inactivé (Xpat i) seront Xpati, toutes les cellules issues d’une cellule à X maternel inactivé (Xmat i) seront Xmati. Chez l’embryon féminin normal, les cellules en se divisant forment par contiguïté des plages monoclonales: groupements de cellules Xmati côtoyant des plages de cellules Xpati. En raison des différences importantes dans la croissance des tissus, des modelages de ces plages se produisent, reflétant les processus de développement. Ce phénomène est très bien illustré par les images cutanées ob-servées entre zones pigmentées et zones dépigmentées apparaissant dans l’incontinentia pigmenti (voir ci-dessus). Toutefois, à l’exception de ces « lignes de Blaschko » observées dans quelques maladies cutanées dues à des mutations de gènes portés par l’X, la taille, l’aspect, la répartition de ces plages chez la femme étaient jusqu’à présent restés inconnus, surtout pour des organes internes comme le sein, le tube digestif ou la thyroïde. On peut désormais s’en faire une idée grâce à un travail récent, fondé sur la mise en évidence de l’activité G6PD (glucose-6-phosphate déshydrogénase) in situ sur coupe de tissus. Chez des femmes sardes, hétérozygotes pour la déficience en G6PD (mutation méditerranéenne 563 C->T), une équipe anglo-italienne vient de montrer que, sur l’aorte, le sein, la thyroïde, le côlon et l’intestin grêle, les plages, à contours irréguliers, sont beaucoup plus étendues qu’on ne le supposait jusqu’alors [10]. Cette exploration de la géographie de la mosaïque physiologique féminine serait déjà en soi intéressante. Mais elle a une tout autre portée, bien plus considérable en tumorigenèse. En effet, la mono- ou la polyclonalité d’une tumeur repose souvent sur lde l’expression des gènes portés par l’X : si toutes les cellules ont le même X inactivé, on conclut à la monoclonalité de la tumeur, sans tenir compte de la taille du tissu étudié. Or, plus les plages sont grandes, et il apparaît qu’elles le sont, moins on a de chance de tomber sur les marges et de découvrir une polyclonalité. Par conséquent, si cette observation est confirmée, il faudra désormais analyser un volume tumoral important ou avoir recours à d’autres méthodes que celles reposant sur l’inactivation de l’X pour pouvoir conclure à la monoclonalité d’une tumeur.
Une tasse d’OGM décaféiné?
Même si les bases scientifiques en sont encore imprécises, il est classique d’attribuer à la caféine des effets nocifs, et la demande de café décaféiné augmente sans cesse. La caféine est un alcaloïde présent dans les feuilles jeunes de thé et de café, ainsi que dans les fruits immatures. Son métabolisme n’a été identifié qu’assez récemment. Trois N-méthyltransférases successives en font la synthèse à partir de la xanthosine, transformée successivement en dérivés méthylés, théobromine, puis caféine [11]. La teneur varie selon les plants, environ 1 % dans le Coffea Arabica, un peu plus, 1,7% dans le C. canephora (cv. Robusta). Les techniques commerciales de décaféination reposent sur des extractions liquides en présence de CO2, qui sont onéreuses et amputent largement le café de son arôme et de sa saveur. Le clonage récent des différentes enzymes de conversion ouvrait la possibilité de produire un café transgénique décaféiné. C’est ce qui vient d’être réalisé par une équipe de l’Université de Nara au Japon [12]. Les auteurs ont utilisé un « ARN interférant » ciblé sur la région 3’ non traduite de la théobromine synthase CaMXMT1 pour invalider le gène. Ils ont ainsi transformé des plants de C. canephora. Malgré un départ difficile, ceux-ci ont pu être régénérés. Les plants sauvages et une série exprimant la GFP (green fluorescent protein) ont servi de contrôle. Dès ce premier essai, portant sur 35 plants, le dosage des alcaloïdes après 2-3 semaines montrait une réduction de 30-80 % de la théobromine et de 50-70 % de la caféine. Les qualités du café devraient être respectées. La même technique d’interférence par ARN est en cours d’application sur le C. arabica, plus recherché et sans doute meilleur. Elle devrait avoir un avenir : elle est plus rapide, moins onéreuse, et produit un meilleur café que les méthodes actuelles.
Le langage des fleurs
L’adaptation des organismes vivants à leur environnement est un des principaux facteurs de l’évolution, les co-adaptations plantes/animaux en sont un exemple, illustré par l’étude convaincante mais aussi poétiquement exotique de chercheurs américains [13]. Dans deux îles des Antilles britanniques, la Dominique et Sainte-Lucie, seuls les Eulampis jugularis sont capables de polliniser certaines espèces d’Heliconia dont les grosses fleurs rouges ou jaunes sont les plus beaux ornements des jardins botaniques et des réserves végétales des Antilles. Ils y puisent en même temps leur nourriture, nectar et petits insectes. Les E. jugularis font partie de la famille des colibris - encore appelés oiseaux-mouches - tellement certaines espè-ces sont minuscules. Dans le couple d’E. jugularis, le mâle, gorge rubis et bec droit, est plus chatoyant et plus gros que la femelle. Mais celle-ci a un bec nettement plus long et recourbé. à Sainte-Lucie, les Heliconia caribae, dont les inflorescences sont courtes, reçoivent la visite des mâles. Les H. bihai, qui ont des inflorescences vertes à fleurs profondes et recourbées, sont surtout fréquentées par les femelles. Mais dans certaines forêts où les H. caribae sont rares, on trouve des H. bihai à inflorescences rouges et vertes plus courtes et plus droites, morphologiquement accessibles aux becs des E. jugularis mâles. Effectivement ceux-ci les visitent, les femelles venant indifféremment sur les deux types de fleurs, vertes, ou rouges-vertes. Pour confirmer l’hypothèse d’une adaptation des fleurs à leurs pollinisateurs, une étude analogue a été réalisée à l’île Dominique, où H. caribae produit des inflorescences tantôt rouges, profondes et courbes, tantôt jaunes, courtes et droites. Comme on pouvait s’y attendre, les rouges sont presque exclusivement visitées par des femelles. Si les plantes se sont adaptées, les colibris ont aussi évolué de leur côté. Le dimorphisme sexuel considérable d’E. jugularis est plus important que dans toutes les autres espèces de colibris, la longueur du bec évoluant en sens inverse de la taille du corps. Cette évolution peut résulter d’une absence de compétition avec d’autres espèces de colibris sur ces îles très petites, mais plus probablement elle est la conséquence d’une domination des mâles qui ont accès à des fleurs nombreuses et riches en nectar, alors que les femelles n’ont que des fleurs dispersées à cavité profonde et plus petite, d’où l’allongement de leur bec... Sous les tropiques comme ailleurs, on le voit, l’évolution ne se fait pas vers la parité.
Télomérase et cancer : le coupable est en amont
Si la télomérase est exprimée dans la plupart des cancers humains, l’absence d’amplification ou de mutation du gène dans les cellules tumorales pouvait faire douter de la responsabilité directe de l’enzyme dans la genèse de cette pathologie ((→) m/s 2000, n° 4, p.481). Comme le démontrent S.Y. Lin et S. Elledge dans un travail publié dans Cell [14], le dérèglement de protéines contrôlant l’expression de TERT - la partie protéique du complexe télomérase - en amont est probablement en cause. Par une technique proche du gene trap ((→) m/s 2002, n°6-7, p.667) dans les cellules HeLa (TERT+), ces auteurs identifient plusieurs inhibiteurs du gène Tert, trois inhibiteurs transcriptionnels, menin, MAD1, SIP1, une protéine kinase, RAK1. La déplétion de trois de ces protéines par interférence ARN (ARNi) dans des cellules n’exprimant pas TERT spontanément (U2OS) réactivent le gène Tert et, dans le cas de MAD1 et menin, aboutit à la production de la protéine, et à l’extension des télomères. Dans des expériences d’immunoprécipitation de chromatine, MAD1 et ménin se lient directement au promoteur de Tert, et MAD1 agit comme antagoniste de MYC, qui, elle, induit Tert. Or ménin est un gène suppresseur de tumeur, et peut-être son rôle principal est-il de réprimer Tert. C’est d’autant plus plausible que la déplétion de menin par ARNi, lorsqu’elle est associée à la transfection de l’oncogène Ras, et à l’infection par l’antigène T de SV40, entraîne la transformation des cellules, comme le fait l’association TERT-RAS-SV40 ((→) m/s 1999, n°8-9, p.1061). Quant à SIP1, un autre inhibiteur identifié par le crible, il agit en aval du TGF-β, que l’on pense être aussi un répresseur de Tert. Mais trouvera-t-on une altération de ces gènes suppresseurs de tumeur? Ou Pénélope reprendra-t-elle son ouvrage ?
Des anticorps monoclonaux contre les prions
Les prions sont des agents infectieux responsables de maladies neurodégénératives fatales chez l’homme et l’animal et pour lesquelles on ne dispose d’aucun traitement. Les stratégies modernes de développement de drogues par des approches rationnelles sont freinées par l’absence de données sur la structure tertiaire et quaternaire de la protéine du prion normale (PrPC) et pathologique (PrPSc). Le manque de connaissances concernant le cycle de réplication des prions ainsi que la fonction de la PrP ne facilite pas la mise en place des méthodes de criblage de drogues à haut débit. Seuls les anticorps peuvent s’affranchir de ces « barrières » car ils reconnaissent spécifiquement la PrP avec une haute affinité. D. Peretz et al. [15] ont montré que les fragments d’anticorps Fab D13 et D18, reconnaissant les résidus 97-106 et 132-156 de la PrP respectivement, bloquent la réplication des prions en culture cellulaire. Récemment, A.R.White et al. [16] ont testé, in vivo chez des souris FVB/N, le potentiel thérapeutique de deux anticorps, ICSM18 et ICSM35 qui reconnaissent sensiblement les mêmes régions que les anticorps D13 et D18. Les souris ont été préalablement inoculées par voie intrapéritonéale avec la souche de prions RML, puis traitées avec 2 mg d’anticorps purifiés, à raison de deux injections par semaine. Une augmentation du temps de survie des animaux de 253% est observée, lorsque le traitement avec les anticorps commence 7 ou 30 jours après l’inoculation des souris par le prion, avec une diminution nette du taux de PrPSc dans la rate de ces animaux. En revanche, aucun effet sur le temps d’incubation de la maladie n’a été observé si les anticorps sont administrés chez les souris au moment de l’apparition des signes cliniques. De même, le traitement avec les anticorps est inefficace si les souris sont inoculées avec les prions par voie intracérébrale. Parmi les approches thérapeutiques testées jusqu’à présent, celle-ci est celle qui a donné les meilleurs résultats en termes de prolongement du temps de survie chez des animaux infectés par le prion.
Par les cheveux
Il existe de très nombreuses formes d’hypotrichoses héréditaires associées ou non à des troubles des phanères ; parmi elles, l’hypotrichose simplex du cuir chevelu (HSCC) occupe une place à part : (1) les cheveux sont normaux à la naissance et ne se raréfient progressivement qu’au cours de la première décennie pour aboutir à une calvitie à peu près totale entre trente et quarante ans ; (2) le reste de la pilosité est normal. Cette maladie génétique transmise en dominance qui touche également les hommes et les femmes est rare. D’abord décrite dans une grande famille espagnole [17], elle a été retrouvée dans deux familles danoises et une famille juive d’origine yéménite. Les analyses de ségrégation ont permis de trouver le locus, en 6p21.3 [18]. Récemment le gène en cause a été découvert. Il s’agit du gène CDSN qui code pour la cornéodesmosine, molécule d’adhérence exprimée dans l’épiderme et les follicules pileux, et constitutive des cornéodesmosomes [19]. Ces structures intercellulaires interviennent dans la desquamation des cornéocytes, stade ultime de la différenciation terminale des kératinocytes. Cette perte de cohésion des cellules cornifiées est corrélée avec la dégradation de la cornéodesmosine (52-55 kDa) en molécules plus petites (15 kDa). Les malades atteints de HSCC sont porteurs de mutations non-sens de CDSN. Il semble que les molécules de CDSN anormales se lient avec la CDSN normale et forment des agrégats toxiques pour les follicules pileux, essentiellement localisés dans le cuir chevelu, et très peu au niveau de la peau pubienne. L’épiderme d’autres régions du corps est histologiquement normal. Pour expliquer l’atteinte sélective de la chevelure, les auteurs émettent l’hypothèse selon laquelle les agrégats seraient digérés par les protéases de l’épiderme. Pourtant, lors de la découverte du gène CDNS, qui avait été initialement appelé gène S (pour skin), on avait supposé qu’il pouvait intervenir dans le psoriasis. Les troubles de la desquamation et la composante génétique indiscutable de cette maladie dermatologique faisaient de CDSN un excellent candidat en raison de sa proximité avec HLA-C (160 kb), et de son expression exclusivement cutanée. Mais, outre l’absence de manifestations psoriasiques et d’anomalies histologiques chez les sujets atteints d’HSCC, les études de polymorphismes et de recherche de déséquilibre de liaison qui avaient paru initialement encourageantes se sont finalement révélées négatives [20].
Un vaccin contre le pneumocoque et l’athérosclérose
Les lipoprotéines à basse densité (LDL) oxydées interviennent dans le processus inflammatoire chronique à l’origine des lésions d’athérosclérose. Elles expriment des épitopes néoformés à l’origine d’auto-anticorps, et l’immunisation active de souris hypercholestérolémiques par des LDL oxydées réduit le développement de l’athérosclérose. P.X. Shaw et al. [21] ont découvert par hasard que des auto-anticorps contre les LDL oxydées produits par des souris porteuses de lésions d’athérosclérose (souris déficientes en apolipoprotéine E) étaient identiques à des anticorps protégeant la souris d’une infection par Streptococcus pneumoniae, produits spontanément in vivo, ou in vitro (clone T15), reconnaissant la phosphorylcholine et se fixant aux LDL oxydées. Le même groupe démontre maintenant que l’infection de souris Ldlr-/- avec S. pneumoniae provoque des lésions d’athérosclérose chez la souris, et que l’immunisation contre cette bactérie provoque l’apparition dans le sang d’IgM anti-pneumocoques et reconnaissant les LDL oxydées, avec pour conséquence une protection contre l’athérosclérose de souris soumises à un régime riche en cholestérol et athérogène [22]. Le plasma des souris immunisées bloque la captation des LDL oxydées par les macrophages. Afin de savoir si le même processus existe chez l’homme, les anticorps obtenus chez des patients hypercholestérolémiques ou atteints récemment de pneumopathie à pneumocoque ont été étudiés. Dans les deux cas, seules les IgM et non les IgG se fixent à la fois aux antigènes de surface du pneumocoque et aux LDL oxydées. L’application à l’homme des résultats obtenus chez la souris supposerait donc la mise au point d’un vaccin entraînant comme chez la souris une réponse de type IgM. On pourrait espérer ainsi ouvrir la voie au traitement de l’athérosclérose et des autres maladies inflammatoires associées à la production de LDL oxydées.
Le mésoangioblaste au secours des dystrophies musculaires
Le traitement par thérapie génique de la dystrophie musculaire de Du-chenne se heurte à de nombreux problèmes techniques, la taille du gène codant pour la dystrophine (2,4 Mb) et la difficulté de délivrer un vecteur viral à l’ensemble des fibres musculaires n’étant pas des moindres. En quête de nouvelles approches thérapeutiques, des chercheurs ont utilisé les mésoangioblastes pour coloniser les muscles d’un modèle murin de dystrophie musculaire [23]. Ces cellules souches associées au tissu vasculaire foetal peuvent se diviser jusqu’à 50 fois en culture sans potentiel oncogénique, et sont capables, sous l’effet de cytokines appropriées, de se différencier dans la plupart des types cellulaires issus du mésoderme. Alors que des cellules satellites musculaires injectées par voie artérielle restent adhérentes à la paroi vasculaire et ne la traversent pas, les mésoangioblastes s’accumulent dans les premiers capillaires rencontrés et peuvent migrer vers le tissu voisin s’il est le siège d’une inflammation source de chimioattractants, ce qui est le cas des muscles dystrophiques. M. Sampaolesi et al. ont donc injecté des mésoangio- blastes, transduits ou non par un vecteur lentiviral porteur d’un gène Lacz, dans l’artère fémorale de souris dystrophiques délétées du gène de l’α-sarcoglycane (α-SG), une protéine qui interagit avec la dystrophine. Ces cellules ont migré des vaisseaux vers les muscles squelettiques les plus proches, où elles se sont différenciées en cellules satellites, et ont participé aux fibres musculaires matures multinucléées. Deux mois après une seule injection de 5 x 105 cellules, les zones musculaires colonisées expriment encore des marqueurs de différenciation musculaires, en particulier l’α-SG et les protéines du complexe glycoprotéique de la dystrophine. Des injections répétées (3 injections à 40 jours d’intervalles) de mésoangioblastes entraînent l’accroissement du nombre et de la taille des fibres musculaires et réduisent les zones musculaires nécrosées. Cet enrichissement en fibres musculaires normales s’accompagne d’une amélioration significative de la mobilité des souris traitées. L’utilisation de mésoangioblastes autologues issus de jeunes souris α-SG-/- et transduits par un lentivirus porteur du gène α-SG produit des résultats similaires, malgré le potentiel de prolifération très inférieur de ces cellules non foetales. Chez l’homme, l’équivalent du mésangioblaste n’a été caractérisé pour l’instant qu’au stade foetal, ce qui est un obstacle évident pour une application thérapeutique, car la source est rare, et la situation allogénique imposerait un traitement immunosuppresseur au receveur. À moins que ces cellules ne soient un jour décrites chez l’adulte ?
Une nouvelle cible thérapeutique dans le cancer de la prostate
Le cancer de la prostate représente la deuxième cause de décès par cancer chez l’homme. Le traitement par les anti-androgènes occupe une place majeure à la phase métastatique et l’aggravation de la maladie est souvent corrélée au développement d’une résistance aux androgènes. S. Thebault et al. [24] viennent de démontrer que le récepteur adrénergique α-1 pourrait être une cible intéressante. Les antagonistes de ce récepteur sont déjà utilisés dans l’hypertrophie prostatique bénigne pour faciliter la miction en agissant sur la contraction du muscle lisse sphinctérien. Les cellules épithéliales de la prostate expriment également le récepteur adrénergique α-1 sous la forme du sous type α-1A. Or, le récepteur α-1A est exprimé dans deux lignées cellulaires dérivées de cancers de la prostate humain, et il est couplé à un canal calcique. En effet, la phényléphrine qui est l’agoniste adrénergique α-1 de référence provoque l’apparition d’oscillations calciques dans le cytosol. Celles-ci disparaissent en présence de prazosine, un antagoniste α-1, et en l’absence de Ca2+ dans le milieu extracellulaire, prouvant ainsi l’implication d’un canal calcique membranaire. Il s’agit d’un canal cationique non spécifique perméable au Ca2+ appartenant à la famille des canaux récepteurs à potentiel transitoire (TRPC). La liaison de l’agoniste au récepteur active la phospholipase C qui va hydrolyser le 4, 5 phosphatidyl inositol biphosphate en diacylglycérol et inositol triphosphate. Le diacylglycérol active ensuite le canal calcique comme le montre l’augmentation du Ca2+ cytosolique en présence d’un de ses analogues, l’oléoyl-acétyl-glycérol. On constate également dans ces conditions l’apparition d’un courant de membrane inhibé par les antagonistes α-1 et les bloqueurs des TRPC. Le plus remarquable est que les deux lignées cellulaires prolifèrent en présence d’épinéphrine, cet effet étant également supprimé par les antagonistes α-1 ou les bloqueurs des TRPC. Cette étude établit le lien entre récepteurs adrénergiques α-1, canaux calciques membranaires et prolifération cellulaire. Elle ouvre la voie à l’utilisation des antagonistes α-1 et des bloqueurs des TRPC dans le traitement des cancers de la prostate ayant perdu leur sensibilité aux androgènes.
So British!
L’histoire des migrations humaines a grandement bénéficié de l’analyse de l’ADN des mitochondries et du chromosome Y. Des haplogroupes ont été déterminés par le consortium du chromosome Y [25]. Leur répartition chez des hommes vivant présentement dans un pays, peut être très éclairante sur l’histoire de celui-ci. Les Iles britanniques représentaient une terre de choix pour ce type d’étude. Envahies au cours des siècles par les Romains, les Anglo-Saxons, les Vikings et les Normands, elles possèdent un riche éventail de traditions. Bien distincte des autres îles, de l’Écosse et du Pays de Galles, l’Angleterre revendique une culture anglo-saxonne, héritage des Angles, Jutes et Saxons qui l’envahirent à partir du ve siècle. Pourtant les résultats obtenus par des chercheurs du Royaume-Uni ne confirment pas totalement cette prédominance anglo-saxonne en Angleterre [26]. L’étude a porté sur l’Y de 1772 hommes de 25 bourgades ou petites villes réparties sur l’ensemble des Iles britanniques dont deux échantillons en Irlande. Les hommes sélectionnés devaient être originaires de la région (grand-père paternel né dans un rayon de moins de 20 miles de leur lieu de vie). Une comparaison a été effectuée avec les haplotypes d’Y d’hommes européens. La similitude entre les Basques et les Celtes, déjà rapportée [27], est retrouvée ici au Pays de Galles et en Irlande. Il s’agit très probablement de la population la plus ancienne d’Europe, remontant à l’ère paléolithique. L’apport en provenance des Vikings est perceptible dans les îles du Nord (Orcades), ce qui n’a rien d’étonnant. Mais cet apport est plus limité qu’on aurait pu l’imaginer en Écosse, alors qu’on le retrouve au Cumberland, comté du Nord de l’Angleterre dont le dialecte est justement influencé par les langues scandinaves. Enfin, les influences anglo-saxonnes (d’après les Y du Danemark et du Schleswig-Holstein) sont certes importantes dans l’Est et dans le centre de l’Angleterre, mais moins qu’on ne le supposait, car il subsiste beaucoup d’Y d’origine celte qui n’ont pas été repoussés vers les marges de l’Écosse et du Pays de Galles. Ainsi, même si l’héritage anglo-saxon apparaît culturellement plus important que celui des Celtes, cette étude très complète du Nord au Sud des Iles britanniques révèle un mélange, avec variations douces, entre les populations autochtones et celles des envahisseurs successifs.
S’étirer pour se diviver
Une cellule adhérente qui se divise change de forme, et se détache transitoirement de son substrat. Voilà pourquoi il ne faut pas changer trop vigoureusement le milieu de culture de cellules adhérant au plastique ou à un substrat fait de matrice extracellulaire (MEC). Mais in vivo, les cellules sont dans un environnement à trois dimensions (3D), et peut-être ne prêtons-nous pas suffisamment d’attention au contrôle des fonctions cellulaires par les contraintes géométriques et physiques. Un très beau papier paru dans Cell nous le rappelle [28]. Dans un système de culture 2D classique, l’ajout de métalloprotéases (huit ont été testées) ou de leurs inhibiteurs (TIMP) n’affecte en rien la croissance de cellules adhérentes (normales ou tumorales). Mais si ces mêmes cellules (tumorales comme la lignée HT-1080 ou non comme MDCK) sont cultivées en 3D dans un sphéroïde de collagène 1, leur croissance spontanée est très ralentie, et elle est totalement inhibée par l’ajout de TIMP-2. La surexpression accrue de diverses MMP par ces cellules est sans effet, en revanche celle de MT1-MMP (et aussi MT2-MMP), une métalloprotéase transmembranaire, accélère la croissance cellulaire dans un gel de collagène 3D, mais est sans effet lorsque les cellules sont cultivées sur une surface plane recouverte de ce même collagène 1 (2D). Pour être efficace, MT1-MMP requiert son domaine transmembranaire et la protéase est inactive dans sa forme soluble. Comment se fait le contrôle de la prolifération ? L’action de MT1-MMP est directe, et ne requiert aucune autre MMP intermédiaire, ni le relargage d’un facteur de croissance qui aurait pu être adsorbé sur la MEC. Il s’agirait plutôt d’un contrôle du cycle cellulaire par la forme de la cellule, ou la contrainte physique à laquelle celle-ci est soumise lorsqu’elle est enchassée dans un réseau fibrillaire, et dont elle doit se libérer. De fait, on peut substituer le collagène 1 par la fibrine, mais la croissance restera faible si le collagène 1 utilisé est muté dans son site sensible à la collagénase. En présence de MT1-MMP, les cellules s’étirent dans le gel 3D, et l’actine s’organise en fibres de stress, ce qui contraste avec une structure très compacte en présence de l’inhibiteur TIMP-2. La spécificité tumorale de ce comportement n’est pas très claire dans l’article, mais il a le mérite de nous rappeler que nos systèmes in vitro sont « simplistes » et que les changements de forme sont de puissants inducteurs sur le plan génétique [29].
L’homme qui voulait imiter la salamandre
Une mini-revue récente dans Cell expose avec beaucoup de clarté le processus de régénération conduisant chez la salamandre à la réparation ad integrum d’un membre lésé, capacité dont nous autres, pauvres humains, sommes dépourvus [30]. La lésion est très rapidement recouverte d’une fine couche de cellules épidermiques «activées», ce qui permet la réorganisation du tissu sous-jacent en une structure clé, le « blastème ». Ce terme désigne une population de progéniteurs indifférenciés qui se multiplient (jusqu’à atteindre plusieurs centaines de milliers de cellules) avant que ne débute leur différenciation en muscle, cartilage, derme, cellules de Schwann, reconstituant la diversité des tissus du membre. L’interaction blastème-épiderme est indispensable au processus, comme elle l’est au cours de l’embryogenèse normale. La dernière étape étant la reconstitution spatiale à l’identique du membre fonctionnel. Dans une perspective thérapeutique, il serait fondamental de comprendre le processus de formation du blastème : dé-différenciation de cellules matures, et si oui, desquelles ? Plasticité du potentiel de cellules endothéliales ? Amplification d’une population de cellules souches multipotentes résiduelles ? Une partie du mystère a été levée grâce aux techniques de traçage cellulaire, et l’occurence d’une dé-différenciation est certaine. Celle-ci concerne des fibres musculaires différenciées, et aussi des cellules de la glie radiaire, ces dernières acquérant ensuite une identité différente, de type cartilage ou muscle ((→) m/s 2003, n°3, p.290). On ne sait pas encore précisément si toutes les cellules indifférenciées du blastème redeviennent « multipotentes», si certaines conservent la mémoire de leur spécialisation antérieure, ou encore si une «transdifférenciation» vraie, qui n’implique pas le passage par un stade intermédiaire de cellule souche multipotente, est possible. Si la formation du blastème est en partie sous le contrôle de signaux exogènes, alors nous avons un peu d’espoir... Deux « activités » ont en effet été décelées, mais les molécules correspondantes ne sont pas encore identifiées : un facteur sérique, activable par la thrombine, serait responsable de la mise en cycle des cellules ; malheureusement, s’il est présent dans le sérum des mammifères, il semble inactif; l’autre activité stimulerait la dé-différenciation (un processus indépendant de la mise en cycle), et pourrait avoir pour cible le gène msx1, impliqué dans la transformation de fibres musculaires multinucléées en cellules mononucléées. Le défi est donc le suivant : comment stimuler, chez les mammifères, la formation d’un blastème, autrement dit, la dé-différenciation contrôlée in situ de cellules réparatrices. Peut-on suggérer à nos instances un appel d’offres sur ce thème ?
Sémaphorines-intégrines : une liaison inattendue
Au cours du développement du système nerveux (SN), après une phase de prolifération, les neurones étendent des projections - axones - qui vont couvrir des distances considérables pour construire le très complexe réseau de connexions observé dans le SN adulte. Le processus de « guidage » de ces axones est conceptuellement simple : l’extrémité de l’axone appelée cône de croissance explore son environnement local à la recherche de molécules informatives dites molécules de guidage. Cependant, si le concept est simple, au cours des années passées, le mécanisme est devenu très complexe notamment avec l’identification de plusieurs familles de molécules de guidage comme les nétrines, les éphrines et les sémaphorines. Ces dernières forment une famille de plus de 20 membres dont seul un petit nombre a jusqu’à présent été impliqué dans le processus de guidage axonal. Certaines sémaphorines opèrent également hors du SN et participent, par exemple, à la formation ou au fonctionnement du système immunitaire ou cardiovasculaire. Le groupe de A. Kolodkin a récemment publié dans Nature que certaines sémaphorines pourraient avoir non pas un effet directionnel sur les axones, mais un effet de stimulation de leur croissance, en interagissant au niveau de l’extrémité de l’axone avec des récepteurs jusqu’ici dédiés à d’autres ligands, les intégrines [31]. La sémaphorine étudiée est la séma7a, active dans le système immunitaire, mais également impliquée dans le processus de guidage axonal [31]. Jusqu’à présent, la plupart des sémaphorines étudiées s’avèrent posséder une activité répulsive, c’est-à-dire la présence d’une telle molécule dans l’environnement de l’axone induit un changement de direction de celui-ci à l’opposé de la source de synthèse de cette molécule. Au contraire, séma7A est ici caractérisée par une activité de stimulation de la croissance. Il est classiquement admis que ces sémaphorines induisent une action sur l’axone en se fixant sur des récepteurs exprimés à la surface du cône de croissance, les neuropilines, les plexines et potentiellement certains récepteurs à activité tyrosine kinase de type c-MET. Ici pourtant, aucun de ces récepteurs n’est requis pour cette activité de séma7A, et R.J. Pasterkamp et al. montrent que des intégrines pourraient être les récepteurs à séma7A et qu’elles pourraient relayer les effets stimulants du facteur via l’activation de la voie des MAPK, une cascade de signalisation dont il est de plus en plus évident qu’elle est cruciale pour le processus de guidage. Ce point est tout à fait excitant puisque de nombreuses molécules de guidage possèdent le motif RGD permettant la liaison aux intégrines et pourraient donc se révéler être de nouveaux ligands des intégrines [32]. Cette observation permet en outre de voir les intégrines non plus comme de « simples » récepteurs des protéines de la matrice extracellulaire, mais comme de véritables acteurs du déplacement des axones. Dans le même numéro de Nature, un deuxième travail montre qu’une autre sémaphorine - séma3A - bien que ne possédant pas de motif RGD, module la formation des vaisseaux sanguins au cours du développement et ceci via un mécanisme dépendant également des intégrines [33]. Même si ces observations posent tout un ensemble de questions [32], les couples sémaphorines-intégrines pourraient ensemble être impliqués dans des mécanismes aussi distincts que la réponse immunitaire, l’angiogenèse et le guidage axonal.
Parties annexes
Références
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