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At a 2010 meeting in Grenoble, France, the idea emerged to build an international network of researchers interested in the difficulties posed in the law of civil liability by uncertainties and risks inherent in contemporary science and technology. Teams from McGill University and the University of Grenoble initiated the project and established a network of European and North American academics interested in analyzing the relationship between the law of civil liability and science and technology.
Traditionally, civil liability is a reparation mechanism grounded on wrongdoing. However, from the end of the nineteenth century, the field of civil liability began to undergo transformations in response to accidents tied to emerging technologies—initially developments in transportation and industrialization—for which proof of negligence was often difficult to establish or for which the causal link to the accident remained complex or unknown. Throughout the modern era, science and civil liability have become closely intertwined due to risks tied to innovative technologies, and each discipline has informed the other. Science’s rational analysis has contributed certainty to legal decision-making both inside and outside of courtrooms. Civil liability’s corresponding contribution to science, however, has traditionally been limited to questions surrounding accidents arising within the ambit of technological risks which are scientifically known, or at least knowable.
Twenty-first century civil liability law is now grappling with the possibility of expanding this scope to also consider uncertain risks and to offer protection to individuals against this type of uncertainty. This question is beginning to emerge simultaneously within legal, normative, and conceptual orders. Courts are increasingly confronted with litigation grounded in real or alleged risks—litigation that questions or even contradicts scientific findings. This situation now commonly arises in cases involving health products, industrial accidents, damage brought about by the dissemination of genetically modified organisms, and risks posed by electromagnetic waves or nuclear energy. There now appears to be an entrenched tension between responsibility and science in the context of technological risks, and this tension has guided the evolution and transformation of civil liability. The essence of the research project that led to the articles that appear in this issue is precisely this legal evolution and transformation.
The project aimed to examine the role that civil liability plays—and that it can or should play—in the face of uncertainty in governing the allocation of modern technological risks and compensation for damage tied to those risks. The junction of civil liability and science and technology gives rise to questions about law’s understanding of risk and uncertainty across contemporary legal systems, as well as between the two predominant legal traditions—civil law and the common law. Creating an international network of researchers therefore made it possible to design a research project capable of exploring these questions from a global perspective. The first phase of the research project took the form of an international research seminar held at McGill University’s Faculty of Law in July 2012. This special issue of the McGill Law Journal now makes seven of the contributions presented during the meeting available to a wider audience.
Les grands thèmes ayant structuré cette réflexion sont les suivants : l’impact de l’évolution scientifique sur l’évolution juridique; la confrontation des approches juridiques et scientifiques de concepts communs (causalité, imputation, état des connaissances, précaution); et les évolutions du droit de la responsabilité vers un droit de l’indemnisation. Certains textes constituent donc des approches globales des relations entre les sciences et technologies et le droit. Le texte de Vincent Forray analyse l’effet de l’incertitude sur le droit de la responsabilité, prenant la forme d’une perturbation de ses discours théoriques, incluant une rupture de son unité conceptuelle. Il suggère une forme de dialectique permettant aux discours théoriques de soutenir cette incertitude. Par le biais de propositions pour une surveillance transparente et indépendante des médicaments postérieure à leur mise en marché, Trudo Lemmens et Shannon Gibson proposent de remédier au déficit des connaissances scientifiques quant à l’innocuité et l’efficacité des médicaments2010 QCTDP 16 engendré lorsque ces connaissances sont limitées à celles partagées dans le cadre des processus de recherche financés par l’industrie et des mécanismes d’approbation préalable à cette mise en marché.
D’autres contributions montrent que le droit de la responsabilité a connu des évolutions majeures pour s’adapter aux grands bouleversements des XIXe et XXe siècles, mais aussi comment ces évolutions ont pu se produire dans une continuité, notamment en adaptant les principes généraux de la responsabilité. Le texte d’Etienne Vergès fait cette démonstration en portant un regard d’ensemble sur l’évolution historique du droit de la responsabilité français sous l’influence des activités scientifiques et technologiques, en prenant appui sur l’analyse des principales lois et décisions de jurisprudence en France depuis 1896 dans le domaine scientifique et technologique. Le texte de Ken Oliphant s’intéresse lui aussi à l’impact des évolutions technologiques sur le développement du droit des délits (tort law) anglais, selon une perspective historique qui incorpore une réflexion quant à la relation entre le droit des délits, les avancées technologiques et certains phénomènes sociaux clés, dont le développement de l’assurance et de l’État providence.
D’autres études montrent la difficulté d’établir un dialogue entre les connaissances scientifiques et les décisions judiciaires. C’est évidemment le thème de la causalité qui est mis en avant, à travers notamment l’étude de Richard Goldberg sur le rôle que jouent, et devraient jouer, les connaissances épidémiologiques dans les décisions judiciaires, en particulier lors de l’évaluation de la causalité en matière de responsabilité des produits pharmaceutiques. Le texte de Lara Khoury se penche également sur la transformation du concept de causalité en réaction à l’incertitude scientifique par le biais d’une exploration de la prise en compte des concepts de création ou d’augmentation du risque, de la connaissance particulière des faits et de la perte de chance par la jurisprudence canadienne, anglaise et australienne en matière de responsabilité médicale. Le rapport complexe entre science et droit est encore illustré dans l’étude comparée de Marie-Ève Arbour portant sur le risque de développement en matière de responsabilité du fait des produits, dont la mise en oeuvre repose sur le concept « d’état des connaissances ».
L’intérêt des contributions contenues dans ce volume de la Revue de droit de McGill réside dans la perspective internationale qu’elles offrent. Dans tous les systèmes juridiques modernes se pose la question de l’appréhension du risque technologique incertain par le droit de la responsabilité. Chaque système y répond selon sa tradition et selon le contexte dans lequel s’est développé son régime de responsabilité. L’incertitude du risque technologique circule avec la science sur l’ensemble du globe, et les problèmes juridiques qui en découlent traversent les « frontières » des systèmes juridiques et des domaines du droit (responsabilité médicale, environnementale). L’irruption de la notion d’incertitude dans le débat juridique est donc un phénomène global, et les mouvements du droit de la responsabilité peuvent ainsi être pensés globalement à travers la comparaison et l’ébauche de solutions harmonisées.