Résumés
Résumé
Le Québec compte la plus haute proportion de couples vivant en union de fait au monde. Pourtant, contrairement aux autres provinces canadiennes, les conjoints de fait défavorisés ne bénéficient d’aucune protection législative en matière alimentaire et patrimoniale en cas de rupture.
L’auteure critique la récente décision de la Cour supérieure Droit de la famille — 091768, qui maintient cet état du droit. La Cour a jugé que le traitement législatif différencié entre les couples mariés et ceux en union de fait, qui exclut ces derniers des protections prévues au Code civil en cas de rupture, n’est pas discriminatoire pour les conjoints de fait au sens de l’article 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.
La chronique de l’auteure s’inscrit dans un cadre théorique féministe qui dénonce les rapports sociaux de sexe et la position d’inégalité des femmes dans la société. Ainsi, elle rejette le postulat de l’arrêt Walsh voulant que la Cour doive respecter la liberté de choix des couples mariés et non mariés. L’auteure croit que la juge Hallée aurait dû prendre connaissance d’office des travaux de recherche sur la pauvreté des familles monoparentales dirigées par des femmes, qui démontrent les effets néfastes du traitement législatif différencié envers les couples non mariés. La distinction qu’établit la juge Hallée entre les fonctions judiciaires et législatives pour éviter d’intervenir, au nom du respect de la diversité et de la liberté de choix, ne fait qu’alimenter une fausse distinction entre la sphère privée et la sphère publique. L’auteure rappelle que l’État impose le partage du patrimoine familial aux couples mariés et qu’il intervient aussi dans la vie des ex-conjointes de fait qui ont besoin d’aide sociale à la suite de leur rupture conjugale.
L’auteure espère que la Cour d’appel sera moins frileuse dans son interprétation du Code civil, afin que le droit reflète véritablement la réalité sociale d’une proportion importante de la population adulte du Québec.
Abstract
Quebec contains the highest proportion of couples living in de facto relationships in the world. Yet, in contrast to other Canadian provinces, cohabiting couples do not benefit from any legislative protection regarding support and the division of property following the end of a relationship.
The author critiques the recent decision of the Superior Court of Québec in Droit de la famille—091768, which maintains this state of the law. The court held that the legal distinction between married couples and those in de facto relationships, which excludes the latter from the protections set out in the Civil Code of Québec in the event that the relationship ends, is not discriminatory under article 15(1) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms.
The author’s case comment ascribes to a feminist theoretical framework that denounces gender roles and the unequal status of women in society. Thus, she rejects the postulation set out in Walsh that the courts must respect married and unmarried couples’ freedom of choice. The author believes that Justice Hallée should have taken judicial notice of research on the poverty of single-parent households headed by women, which demonstrates the adverse effects of the legislative distinction between married and unmarried couples. The distinction that Justice Hallée establishes between the judicial and legislative roles in order to avoid intervening, ostensibly out of respect for diversity and freedom of choice, only serves to encourage a false distinction between the private and public sphere. The author notes that the state imposes the partition of family patrimony between married couples and that it also intervenes in the lives of women who require social assistance following the end of a de facto relationship.
The author hopes that the Court of Appeal of Québec will be less reluctant to interpret the Civil Code of Québec to reflect the social reality of an important proportion of the adult population of Québec.
Corps de l’article
Introduction
[T]here is no private domain of a person’s life that is not political and there is no political issue that is not ultimately personal.
Charlotte Bunch[1]
Le Québec est distinct du reste du Canada tant par sa langue, sa culture, que son droit privé. Il se distingue aussi par ses modes de vie et ses tendances sociales. Ainsi, c’est au Québec que se retrouvent le plus de conjoints de fait : 34,6 pour cent des couples vivent en union libre, comparativement à 13,4 pour cent pour le reste du pays[2]. Le Québec occupe même le premier rang mondial au niveau de la proportion de couples vivant en union de fait[3]. Cette réalité conjugale concerne particulièrement les couples de moins de vingt-cinq ans, dont plus de 80 pour cent ont choisi ce type d’union[4]. Selon l’Institut de la statistique du Québec, plus de 60 pour cent des enfants québécois naissent hors mariage[5].
Pourtant, contrairement à d’autres provinces canadiennes, le Code civil ne reconnaît pas les unions de fait en cas de rupture[6] et les ex-conjoints de fait ne sont pas protégés sur le plan juridique comme le sont les couples mariés. La pension alimentaire entre conjoints et le partage des biens matrimoniaux ne s’appliquent pas aux conjoints de fait, alors qu’au Canada de common law, les conjoints de fait dans le besoin ont droit à une pension alimentaire en cas de rupture[7]. Par contre, pour compliquer davantage le portrait, les lois québécoises à caractère social et fiscal reconnaissent les conjoints de fait[8], ce qui peut expliquer que la plupart des couples québécois non mariés se croient protégés juridiquement contre les effets économiques de la rupture[9]. Un nombre important de couples québécois en union de fait, et de femmes dans ces unions, échappent donc à la loi, qui se trouve en décalage avec la nouvelle réalité sociale.
Par ailleurs, depuis 1989, les couples mariés du Québec se voient automatiquement imposés le partage du patrimoine familial à la suite de la dissolution du lien matrimonial[10], contrairement à la Colombie-Britannique où les couples peuvent librement choisir leur régime matrimonial[11]. Pour les biens qui ne sont pas visés par le patrimoine familial, les couples québécois mariés peuvent choisir la société d’acquêts, qui est le régime par défaut, ou la séparation de biens[12]. En somme, la position législative du Québec est difficile à comprendre et témoigne des complexes interactions entre les différents intérêts concernés par la question, soit la liberté contractuelle, la protection des femmes et des enfants, la paupérisation des femmes à la suite de la rupture conjugale, la diversité des familles, le rôle de la famille dans la société, la valorisation du mariage et le rôle de l’État dans les relations conjugales.
Au cours des années, les élu(e)s québécois(e)s se sont penchés sur l’adéquation entre les solutions juridiques et les nouvelles réalités familiales. La question de la protection juridique des conjoints de fait en cas de rupture, et surtout des conjointes de fait et de leurs enfants, est souvent revenue au coeur des débats[13]. La Cour supérieure du Québec s’est prononcée sur cette question à l’été 2009 dans l’affaire Droit de la famille — 091768[14]. La Cour d’appel aura aussi à le faire[15].
Je résumerai d’abord les faits et les motifs du tribunal de première instance dans cette affaire très médiatisée en raison des montants en jeu et des personnes concernées. Je marcherai ensuite sur une corde raide, bien que le funambulisme ne soit pas mon métier : selon moi, le postulat de base dans le jugement de la Cour supérieure, lui-même emprunté à la Cour suprême, soit le respect de la liberté de choix des couples non mariés, n’est que poussière aux yeux. De quelle liberté la Cour parle-t-elle ? Il faut aller au-delà des apparences. La distinction qu’établit la juge Hallée entre les fonctions judiciaires et législatives pour éviter de se prononcer ne fait qu’approfondir la séparation entre la sphère privée et la sphère publique.
Dans mon commentaire, j’adopte un cadre théorique féministe[16]. Je dénonce les rapports sociaux de sexe et la position d’inégalité des femmes dans la société, spécialement dans la sphère privée. Le droit consacre des inégalités existantes entre hommes et femmes et dans certains cas, il les construit. Il s’agit donc de poser la «question sur les femmes»[17] : quels sont les effets néfastes sur les femmes des politiques publiques, des lois ou des décisions jurisprudentielles qui semblent neutres à première vue ? Je considère que les militantes et juristes féministes doivent utiliser le droit comme instrument de changement social, même si les résultats ne sont pas toujours prévisibles[18]. Elles doivent critiquer et dénoncer son caractère patriarcal, mais aussi et nécessairement repenser le droit de l’intérieur, ne pas se contenter «d’être contre» le droit[19]. L’objectif ultime de toute critique fondée sur le genre vise à atteindre l’égalité réelle pour les femmes. Je considère donc ma position comme étant féministe. Pourtant, d’autres féministes adoptent une opinion différente tout aussi valable[20]. Le féminisme n’est pas monolithique.
I. Résumé des faits
Dans l’affaire Droit de la famille — 091768, les parties ont fait vie commune pendant environ sept ans. Trois enfants sont nés de leur union. Madame souhaite se marier, mais Monsieur ne croit pas à l’institution du mariage. Pendant leur union, Madame accompagne Monsieur dans ses nombreux déplacements à l’étranger. Elle ne travaille pas à l’extérieur du foyer. En 2002, à la suite de leur séparation, elle entreprend des procédures judiciaires. En 2006, un jugement de la Cour supérieure confirme la garde partagée des trois enfants et accorde à Madame une pension alimentaire de 34 260 dollars par mois pour les trois enfants mineurs[21]. Monsieur continue à assumer d’autres frais particuliers.
II. La décision de la Cour supérieure
La requérante intente la présente action pour obtenir une pension alimentaire de 56 000 dollars par mois pour elle-même, une somme forfaitaire de cinquante millions de dollars et le partage de ce qui aurait constitué le patrimoine familial et la société d’acquêts si les parties avaient été mariées. Le débat judiciaire de l’affaire se scinde en deux parties. La décision que j’analyse ne porte que sur l’aspect constitutionnel du litige, les questions financières étant réglées dans une autre décision. Le nom des parties ne peut être dévoilé afin de protéger leur vie privée[22].
La Cour supérieure doit décider si la différence de traitement en cas de rupture entre les conjoints mariés et les conjoints de fait, prévue au Code civil, est discriminatoire pour les conjoints de fait au sens de l’article 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés[23].
La requérante présente deux arguments afin que les conjoints de fait aient accès aux protections du Code civil en cas de rupture de l’union conjugale. Je récapitulerai rapidement le premier argument, qui a peu retenu l’attention du tribunal. D’abord, la requérante considère que la définition du mariage adoptée par le gouvernement fédéral en 2005 dans la Loi sur le mariage civil[24] inclut les conjoints de fait. Ainsi, les dispositions du Code civil accordant des droits et obligations patrimoniales aux époux seraient également applicables aux conjoints de fait par définition. Cette première prétention est rejetée par la juge Hallée. Le seul but poursuivi par le Parlement en adoptant la Loi sur le mariage civil était de modifier la définition traditionnelle du mariage comme institution hétérosexuelle. La juge souligne que l’union de la requérante et de la partie défenderesse était terminée depuis 2002, bien avant l’adoption de la Loi sur le mariage civil en 2005.
Ensuite, la requérante remet en question le partage constitutionnel des compétences en matière de mariage. Elle affirme que seule une loi fédérale peut édicter la procédure applicable pour contracter le mariage et que les dispositions du Code civil dans ce domaine sont ultra vires de la constitution. Elle cherche ainsi à faire déclarer inopérant l’article 365 C.c.Q. qui précise que «[l]e mariage doit être contracté publiquement devant un célébrant compétent et en présence de deux témoins». Rappelons qu’en vertu de la constitution canadienne, les provinces ont compétence en matière de célébration du mariage, alors que le gouvernement fédéral peut adopter des lois en matière de mariage et de divorce[25]. Selon la requérante, la compétence provinciale se résume au mariage religieux et le Parlement fédéral pourrait ainsi considérer les conjoints de fait comme des personnes «mariées» afin que les dispositions du Code civil en matière d’obligation alimentaire leur soient également applicables. Cette acrobatie juridique est rejetée. Dès 1912, le comité judiciaire du Conseil privé a jugé inconstitutionnelle une loi qui viserait à valider des mariages qui ne respecteraient pas les conditions de célébration essentielles imposées par le droit provincial[26]. Le pouvoir des provinces ne se limite pas à la célébration du mariage religieux, comme le soutient la requérante. Fait à noter, la Procureure générale du Québec et le Procureur général du Canada s’entendaient tous deux sur cette interprétation à donner à la compétence constitutionnelle partagée en matière de mariage.
Le second argument de la requérante, et véritable noeud de l’affaire, porte sur le caractère discriminatoire des dispositions du Code civil en matière d’obligation alimentaire en cas de rupture. Étant exclus des protections du Code civil[27] qui s’appliquent aux couples mariés et unis civilement, les conjoints de fait seraient victimes de discrimination fondée sur leur état matrimonial au sens de l’article 15(1) de la Charte canadienne[28]. La juge Hallée rejette cette prétention sur deux bases : une absence de preuve et la position de la Cour suprême dans l’arrêt Nouvelle-Écosse (P.G.) c. Walsh[29].
Tout d’abord, à la lumière des enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Kapp[30], la juge Hallée considère que la requérante n’a pas fait la démonstration que la différence de traitement législatif entre les conjoints de fait et ceux mariés ou unis civilement, lors de la rupture, produit des effets réellement discriminatoires à l’égard des conjoints de fait. Aucune preuve présentée par les expert(e)s de la requérante ne porte sur la situation après rupture des familles mariées et en union de fait. Cette absence de preuve s’avère fatale pour la requérante[31].
Or, la juge Hallée estime que l’absence de preuve de discrimination réelle n’est pas la seule faiblesse du numéro. À son avis, l’arrêt Walsh[32] de la Cour suprême s’applique en l’espèce et scelle l’issue du débat. Dans ce litige de la Nouvelle-Écosse, les conjoints de fait ont fait vie commune pendant dix ans et deux enfants sont nés de cette union. Lors de la rupture, Madame Walsh obtient une pension alimentaire pour elle-même et pour les enfants. Elle demande en plus le partage du patrimoine familial en vertu du Matrimonial Property Act[33], loi qui ne s’applique toutefois qu’aux couples mariés. Comme la requérante ici, Madame Walsh plaide le caractère discriminatoire de cette loi, qui traite différemment les couples mariés et non mariés quant au partage du patrimoine familial. À la suite de la décision de la Cour d’appel déclarant l’article 2(g) de la loi discriminatoire et inopérant[34], la législature de la Nouvelle-Écosse se voit accorder un délai de douze mois pour y modifier la définition du terme conjoint et ainsi permettre aux conjoints de fait de bénéficier des mêmes protections que les couples mariés. La Cour suprême rejette toutefois les prétentions de Madame Walsh. Selon le plus haut tribunal, les similitudes fonctionnelles entre les couples mariés et non mariés doivent céder le pas face aux différences qui existent parmi les couples non mariés et entre les couples mariés et non mariés. La Cour suprême considère que la liberté de choix des couples de ne pas se marier doit être respectée. Elle précise que les conjoints de fait ont la possibilité d’enregistrer leur union pour avoir droit aux mêmes bénéfices que les couples mariés, de devenir copropriétaires de certains biens, ou de rédiger un contrat de cohabitation leur permettant de se doter d’un régime matrimonial sur mesure. Le tribunal peut par ailleurs recourir aux mécanismes de droit commun (par exemple, la fiducie par interprétation) pour assurer un partage équitable de certains biens patrimoniaux en cas de rupture de l’union.
Aux yeux de la juge Hallée, l’élément fondamental de l’arrêt Walsh porte sur la distinction entre le rôle des tribunaux et celui du législateur : «Il revient en effet au législateur de déterminer s’il est nécessaire d’imposer, en partie ou en totalité, un régime de protection universel et uniforme qui ne tient pas compte de l’état matrimonial des conjoints de fait»[35]. Selon la juge, le choix éclairé du législateur québécois d’exclure les conjoints de fait des protections du Code civil en cas de rupture n’est pas fondé sur des préjugés et des stéréotypes ou sur l’idée que ces unions sont moins importantes ou sérieuses[36]. La juge se base ici sur le rapport de l’expert Alain Roy, qui analyse l’évolution législative dans le domaine[37], et sur le rapport du Comité interministériel sur les unions de fait de 1996[38] pour justifier sa déférence devant la position du législateur.
Quant à la question de la pension alimentaire versée au conjoint de fait (que Madame Walsh reçoit, contrairement à la requérante dans la présente affaire), la juge Hallée affirme qu’il ne s’agit pas de «la pierre angulaire des motifs majoritaires»[39] de la Cour suprême dans l’affaire Walsh, qui «est [...] essentiellement fondée sur l’importance fondamentale de la liberté de choix»[40]. La juge rappelle à son tour que les conjoints de fait qui ne désirent pas se marier peuvent opter pour l’union civile ou encore rédiger une convention de cohabitation prévoyant un régime matrimonial sur mesure selon leurs besoins et leurs aspirations.
Dans son dispositif de la décision, la juge Hallée refuse d’accorder à la requérante que ses honoraires extrajudiciaires de 1,5 millions de dollars, dont 345 000 dollars de frais d’expertise, soient assumés par la partie défenderesse et par les Procureurs généraux, puisqu’il n’y a pas eu d’abus du droit d’ester en justice de leur part.
III. Commentaire
Mon exercice de funambulisme — sans filet — portera sur trois aspects du jugement par ailleurs très fouillé de la Cour supérieure, soit la preuve des effets économiques de la rupture, le respect de la liberté de choix des conjoints de fait et le rôle des tribunaux dans l’interprétation des lois.
Signe de l’importance de cette décision, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec a agi comme intervenante[41]. Elle a présenté un point de vue qui tient compte des effets sur les enfants des choix matrimoniaux de leurs parents. Même si la juge Hallée ne semble pas avoir considéré ces effets dans sa prise de décision, l’intervenante a marqué un point : la juge lance à tout le moins un appel aux élu(e)s. Peut-être faudra-il tôt ou tard se pencher sur les effets économiques difficiles pour les enfants de la rupture conjugale de leurs parents non mariés, puisque plus de 60 pour cent d’entre eux naissent hors mariage au Québec[42] ?
A. La preuve des effets économiques de la rupture
La requérante et la Procureure générale du Québec ont fait appel à plusieurs expert(e)s en droit et en sciences sociales pour appuyer leurs arguments[43]. La juge Hallée affirme que la requérante ne lui a pas soumis de preuve portant sur les effets économiques difficiles de l’après rupture vécus par les ex-conjoints de fait (par rapport aux conjoints mariés et divorcés) et causés par leur traitement législatif différencié, absence de preuve fatale pour la requérante[44]. Elle conclut au sujet de la preuve :
Que les conjoints de fait au Québec ne font l’objet d’aucun désavantage stéréotypé ou préjugé ;
Que l’objectif du législateur, en conservant une distinction entre le mariage et l’union de fait, est de préserver le libre choix et de respecter la dignité et l’autonomie des conjoints de fait ;
Qu’aucun effet concret n’a été présenté relativement à la distinction, au moment de la rupture, entre les conjoints de fait et les conjoints mariés[45].
Deux questions se posent : d’abord, quelle sorte de preuve aurait pu convaincre la juge, selon la prépondérance des probabilités, des effets économiques difficiles de la rupture pour les «familles post rupture non mariées» causés par le traitement différencié du Code civil ? Ensuite, ce genre de preuve est-il nécessaire ?
À partir de l’arrêt Andrews[46] de la Cour suprême et dans de nombreux arrêts subséquents qui ont tenté de définir la portée de l’article 15(1) et (2) de la Charte canadienne[47], il est clair que le seul traitement législatif différencié de deux groupes (ici les couples mariés et non mariés) n’est pas suffisant pour conclure à un traitement néfaste et possiblement discriminatoire au sens de la Charte canadienne. Comme le précise le juge McIntyre dans l’arrêt Andrews, «toute différence de traitement entre des individus dans la loi ne produira pas forcément une inégalité» et «un traitement identique peut fréquemment engendrer de graves inégalités»[48]. La partie demanderesse doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les distinctions fondées sur des motifs énumérés à l’article 15(1) de la Charte canadienne ou analogues à ces derniers ont pour effet de perpétuer un désavantage ou un préjugé dont un groupe est victime, ou encore qu’elles imposent un désavantage fondé sur l’application de stéréotypes.
Mais quelle sorte de preuve doit être faite par la partie demanderesse pour démontrer le préjudice engendré par le caractère discriminatoire de la loi ? Dans l’arrêt Moge, la juge L’Heureux-Dubé fait référence à la paupérisation accrue des femmes à la suite de la rupture conjugale, citant des études doctrinales et statistiques sur le sujet[49]. Elle reprend son opinion dans l’arrêt Walsh : «Il est bien connu que le divorce accroît la probabilité qu’un des conjoints divorcés vivra au-dessous du seuil de pauvreté. Ce problème touche de la même façon les conjoints de fait hétérosexuels qui vivent une rupture»[50]. La juge Hallée aurait pu faire de même et prendre connaissance d’office des faits nécessaires à la démonstration de l’allégation de discrimination[51]. Elle mentionne d’ailleurs les statistiques sur la proportion de couples vivant en union libre au Québec et sur la proportion d’enfants nés hors mariage. Les statistiques sur la pauvreté des familles monoparentales dirigées par des femmes ne sont-elles pas suffisantes pour démontrer les effets néfastes du traitement législatif différencié envers les couples non mariés[52] ?
La pauvreté des familles monoparentales n’est peut-être pas causée uniquement par l’absence de versement de pension alimentaire et de partage du patrimoine familial en cas de rupture, mais cette absence de revenus y contribue certainement. D’ailleurs, les élu(e)s québécois(e)s se sont penché(e)s à plusieurs reprises au cours des années sur la question de la protection du conjoint économiquement défavorisé (habituellement la femme) à la suite de la rupture, ce qui démontre que ces effets économiques négatifs sont réels et présents[53]. Plusieurs autres provinces canadiennes ont aussi jugé de la sorte, puisqu’elles sont intervenues pour accorder le droit à une pension alimentaire aux conjoints de fait défavorisés en cas de rupture[54]. La juge Hallée, si elle est consciente de la position vulnérable de certains conjoints de fait, considère qu’il revient au législateur québécois de faire le choix entre aider ces derniers ou respecter leur liberté de choix de ne pas se marier[55].
La juge voulait-elle une enquête longitudinale sur un certain nombre d’années comparant la situation économique des conjoints (surtout des femmes) non mariés et mariés et de leurs enfants à la suite de la rupture conjugale[56] ? S’agirait-il alors de la preuve d’une discrimination systémique dont seraient victimes les femmes dans la famille ? Dans l’arrêt Law, la Cour suprême précise, au sujet de la nature et de l’étendue du fardeau de preuve du demandeur, que «des données ou autres éléments de preuve du domaine des sciences sociales qui ne sont pas accessibles à tous [...] ne sont pas obligatoires»[57]. Le plus haut tribunal n’a d’ailleurs pas joui d’une preuve statistique ou d’une étude longitudinale pour rendre sa décision dans l’affaire Walsh, décision sur laquelle s’appuie la juge Hallée dans la présente affaire. Les coûts d’une telle enquête sont tels que peu de justiciables peuvent se payer ce genre de justice. Voilà clairement un mandat pour l’Institut de la statistique du Québec. Rappelons ici qu’il ne s’agit pas de présenter une preuve hors de tout doute, ou même une preuve scientifique, mais une preuve selon la prépondérance des probabilités. Même si ce genre d’étude avait été commandé et avait démontré une différence économique entre les deux groupes comparés, quel écart aurait été considéré comme significatif d’un préjudice réel ? À mon avis, les travaux de Statistique Canada et d’autres instituts de recherche sur la pauvreté des femmes en général et sur la pauvreté des femmes seules avec enfants auraient pu servir de preuve. Je pense que la juge a fait fausse route en exigeant une preuve supplémentaire sur les effets économiques concrets du traitement législatif différencié entre les couples mariés et non mariés.
La discussion sur la nature de la preuve exigée m’amène sur le terrain du groupe de comparaison. Ici, la requérante a décidé de comparer les couples mariés et les conjoints de fait[58], en raison du motif allégué de discrimination fondée sur l’état matrimonial contrevenant à l’article 15(1) de la Charte canadienne. En utilisant les statistiques sur le temps que les femmes consacrent aux soins des enfants (le travail invisible)[59], sur le travail à temps partiel des femmes (très souvent en raison des tâches familiales)[60], sur l’écart salarial entre les deux sexes (qui s’explique en partie par le travail invisible des femmes)[61] et sur la plus grande pauvreté des femmes (en général et comme mères), n’aurait-il pas été stratégiquement préférable de comparer plutôt la situation économique des femmes mariées, à la suite d’une rupture conjugale, et celle des femmes conjointes de fait dans la même situation, la discrimination étant ici fondée sur l’état matrimonial ? Si la rupture conjugale a des effets économiques négatifs sur les femmes mariées en raison de leur plus grand investissement de temps et d’énergie dans la famille, elle a encore plus d’effets négatifs sur les femmes qui n’ont pas droit à une pension alimentaire et au partage du patrimoine familial. D’ailleurs, tant les arguments de la requérante que ceux de la juge ignorent la discrimination systémique que vivent les femmes dans la relation conjugale et maintiennent l’idée de l’égalité formelle entre les conjoints.
B. La liberté de choix pour qui [62] ?
S’exprimant au nom de la majorité de la Cour suprême dans l’affaire Walsh, le juge Bastarache considère que la liberté de choix des couples non mariés doit être respectée. Comme le démontrent les nombreux extraits du jugement de la Cour suprême cités avec approbation par la juge Hallée, elle se dit liée par cette décision. L’arrêt Walsh s’ajoute à d’autres décisions de la Cour suprême qui sacralisent le respect de la liberté de choix en matière conjugale[63]. Cet argument appelle des commentaires. Qui peut exercer concrètement cette liberté de choix ?
Dans sa dissidence dans l’affaire Walsh, la juge L’Heureux-Dubé aborde cette question. Elle conclut d’abord à un désavantage préexistant des conjoints de fait hétérosexuels, malgré les récents progrès accomplis vers une reconnaissance de leurs unions. Ces couples «ont historiquement souffert et continuent de souffrir dans une certaine mesure de l’existence de désavantages liés à l’absence de lien matrimonial»[64]. Elle reconnaît ensuite une similarité fonctionnelle (interdépendance sociale, économique et émotive) entre les couples mariés et non mariés et des problèmes similaires lors de la rupture de ces unions. Ces prises de position l’amènent à rejeter le fondement même de l’argument de la majorité. Elle refuse entièrement l’argument de la liberté de choix des couples mariés et non mariés : «Les couples ne conçoivent pas leur union en termes de contrats»[65] ; «le fait que le mariage donne lieu à des obligations juridiques n’indique pas en soi que la source de ces obligations résulte d’un échange négocié ou d’un consensus»[66]. D’ailleurs, elle souligne que le Matrimonial Property Act de la Nouvelle-Écosse s’applique à des gens qui s’étaient mariés sous un régime matrimonial différent avant l’entrée en vigueur de la loi et que le législateur n’a pas hésité à modifier leur régime matrimonial malgré leur consensus antérieur (si consensus il y avait).
L’argument du choix du statut matrimonial ne s’applique pas non plus aux couples non mariés : que faire si l’autre conjoint ne veut pas se marier ou s’unir civilement ou conclure une convention de cohabitation ? Nul ne peut forcer une personne à signer un contrat. La femme doit-elle alors quitter un conjoint qui ne veut pas officialiser leur union ? Ou encore déménager dans une province qui reconnaît les conjoints de fait lors de la rupture ? Il est difficile de croire à la liberté de choix des deux parties dans ces cas. De nombreuses contraintes sociales, religieuses ou financières influent sur la décision de se marier ou non. Le besoin de protection de ces femmes est réel et plusieurs provinces canadiennes ont à cet égard adopté des lois qui protègent les conjoints vulnérables dans les unions civiles (celles qui respectent certaines formalités d’enregistrement), les mariages et les unions de fait[67]. Pour reprendre la question si bien posée par la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Walsh[68], les couples non mariés sont-ils à ce point différents des couples mariés pour justifier la différence de traitement législatif ?
Par ailleurs, d’autres avancent l’argument que les conjointes de fait n’ont pas toutes besoin d’être protégées par le législateur, parce que certaines d’entre elles sont maintenant actives sur le marché du travail et indépendantes financièrement[69]. L’égalité entre les femmes et les hommes serait atteinte et une intervention législative assimilant couples mariés et non mariés dans le Code civil découlerait plutôt d’une attitude paternaliste visant à maintenir les femmes dans un rôle de victimes, alors qu’elles sont en mesure de prendre leurs propres décisions dans tous les domaines. Le droit à l’autonomie de reproduction est notamment basé sur cette idée[70]. D’ailleurs, qui voudrait revenir à l’incapacité juridique des femmes mariées[71] ? Dans son avis de 1991 intitulé Les partenaires en union libre et l’État, le Conseil du statut de la femme du Québec avait proposé au gouvernement de ne pas encadrer juridiquement les couples non mariés[72]. Le Conseil estimait que les jeunes femmes étaient en meilleure position économique que leurs mères et que l’accès au marché du travail représentait une meilleure solution que la dépendance économique des femmes envers l’ex-conjoint. La position du Conseil est tout à fait défendable d’un point de vue féministe qui prône l’indépendance économique des femmes, mais dans la réalité, leur situation économique a-t-elle progressé aussi vite qu’espéré ? Les femmes prennent-elles toujours en compte les effets économiques à long terme de leurs décisions personnelles et familiales ?
En droit des contrats, diverses interventions législatives destinées à assurer une véritable liberté contractuelle ont été perçues comme la voie nécessaire pour atteindre l’égalité réelle entre les cocontractants, sans arrière-pensée paternaliste. C’est notamment le cas des protections législatives en faveur des consommateurs et des consommatrices (exigences du contrat écrit, imposition au commerçant de garanties de durabilité et de qualité du produit vendu, faculté pour le consommateur de résoudre ou résilier le contrat)[73]. Des interventions législatives ont aussi été nécessaires pour assurer un meilleur partage de certains biens patrimoniaux à la suite de la rupture du mariage, malgré l’atteinte à la liberté de choix des couples qui avaient opté pour un autre régime matrimonial[74]. Il doit en aller de même pour la protection des conjointes de fait.
Certains ont proposé d’imposer une obligation alimentaire (et non le partage du patrimoine familial) envers le parent qui s’est investi dans le soin des enfants, habituellement la femme, en cas de rupture de couples non mariés. Ainsi, les enfants sont protégés des effets des décisions parentales et la liberté de choix des conjoints non mariés sans enfants est respectée[75]. La proposition présente un certain mérite, mais ne me semble pas aller assez loin. D’abord, bien que la rupture conjugale rende précaire la situation économique des femmes avec des enfants, elle peut aussi placer des femmes sans enfants dans la gêne financière. Pourquoi le législateur devrait-il respecter davantage la liberté de choix de ces femmes sans enfants ? Il est difficile de croire qu’elles ont vraiment «choisi» leur statut conjugal, à la différence des femmes avec enfants, qui selon cette proposition n’auraient quant à elles pas pu vraiment choisir. Les femmes, avec ou sans enfants, font souvent des choix dictés par la solidarité familiale et conjugale pouvant avoir des effets sur leurs capacités financières. Les lois des autres provinces canadiennes ne limitent pas le versement de la pension alimentaire aux cas de rupture de conjoints de fait avec enfants. De même, chez les couples mariés, le versement d’une pension alimentaire en cas de rupture n’est pas lié seulement à la présence d’enfants.
À mon avis, et malgré l’opinion contraire de la Cour suprême, les couples mariés et non mariés vivent des situations conjugales identiques en termes de vulnérabilité et d’attentes[76]. En matière de politiques publiques et de législation, ces similarités doivent être prises en compte, car elles surpassent les différences qui peuvent exister. Les conjoints de fait ne refusent pas nécessairement le mariage pour des raisons juridiques. Plusieurs motifs peuvent expliquer leur décision et il ne faut pas nécessairement y voir l’exercice de la liberté. Je ne peux donc partager le postulat de base de la juge Hallée et de la majorité de la Cour suprême dans l’arrêt Walsh, selon lequel les unions de fait constituent une manifestation claire de la liberté de choix des couples.
C. Renforcement de la sphère privée : les limites des fonctions judiciaires
Depuis l’adoption de la Charte canadienne, nombreuses ont été les critiques contre le «gouvernement des juges»[77]. Dans une société démocratique, il vaudrait mieux faire confiance aux élu(e)s pour régler les questions sociétales complexes. Pourtant, ce sont les élu(e)s qui ont donné le mandat aux tribunaux d’interpréter la portée des droits protégés par la Charte canadienne, et les juges ont le devoir, dans certains cas, d’invalider des lois votées démocratiquement. Dans la présente affaire, après avoir décidé que le droit à l’égalité des conjoints de fait n’est pas violé par leur traitement législatif différencié, mais plutôt que leur liberté de choix est respectée, la juge Hallée refuse d’aller plus loin : «En tentant de transposer un débat de politique publique au sein d’un forum judiciaire, la requérante fait abstraction des rôles institutionnels respectifs du pouvoir judiciaire et du pouvoir politique»[78].
La juge aurait pu distinguer la situation de Madame Walsh, qui reçoit une pension alimentaire personnelle en vertu de la loi de la Nouvelle-Écosse[79], de celle de la requérante (et d’autres ex-conjointes de fait au Québec), qui n’en reçoit pas. Si la fiducie par interprétation peut servir en common law à corriger des injustices entre conjoints de fait séparés, le recours en enrichissement injustifié du droit civil québécois se limite à la reconnaissance d’un droit personnel et non réel pour la partie appauvrie, en plus d’être interprété de façon très étroite par les tribunaux envers les conjoints de fait[80]. L’argument des limites aux fonctions judiciaires constitue une façon facile de s’en sortir et de renforcer la distinction entre la sphère privée et la sphère publique. Il rappelle l’entêtement de certains juges, au début du vingtième siècle, à s’en remettre au jugement des élus plutôt que d’autoriser l’admission des femmes au Barreau du Québec[81].
La dichotomie entre la sphère privée et la sphère publique me semble ici à l’oeuvre. En effet, comme le législateur ne doit pas discriminer dans ses politiques publiques et ses lois à l’égard des différentes formes de familles et de couples[82], au nom du respect de la diversité et du droit à l’égalité, il reconnaît les couples mariés et non mariés dans de nombreuses politiques publiques. Dans l’arrêt Walsh, la Cour suprême distingue toutefois la relation du couple par rapport à un tiers, l’État, des rapports entre les conjoints ou parties au mariage même[83]. Et lorsque l’État refuse d’intervenir dans la liberté de choix des couples non mariés, c’est encore une fois au nom du respect de la diversité. Cet argument ne me convainc pas. Il ne fait que renforcer davantage la distinction entre la sphère privée et la sphère publique. L’État refuse d’intervenir (ce qui n’est pas une décision neutre) dans la décision des couples non mariés au nom du respect de la sphère privée, mais pourtant, il intervient dans tous les aspects de la vie des justiciables (et des payeurs de taxes). Avec l’adoption des chartes, le droit de la famille n’est-il pas de plus en plus l’objet de débats sur la place publique et soumis au jugement des tribunaux[84] ? Voilà un paradoxe de la présente affaire : l’État ne veut pas intervenir dans les choix privés des couples non mariés (et des femmes), mais il le fait pour les couples mariés et il intervient dans la vie d’ex-conjointes de fait qui auront besoin d’aide sociale en raison de leur vulnérabilité économique causée en grande partie par leur situation conjugale antérieure.
Conclusion
Cette décision de la Cour supérieure ramène à l’avant-scène tous les débats de la fin des années 1980 sur l’atteinte à la liberté contractuelle des couples mariés (ou plutôt des hommes) que représentait supposément la constitution impérative du patrimoine familial[85]. Rappelons que le législateur a créé le patrimoine familial en raison de la retenue judiciaire au sujet de l’interprétation de la prestation compensatoire[86]. Vingt ans plus tard, la réflexion ne semble pas avoir progressé.
S’agit-il d’une bonne décision pour les femmes, c’est-à-dire d’une décision qui permet la pleine participation des femmes dans la société ? D’un côté, il s’agit effectivement d’une décision qui leur est favorable. Les conjointes de fait ne sont pas dépendantes de leurs ex-conjoints, et celles dans le besoin ont toujours la possibilité de recevoir de l’aide de l’État. Cette décision renforce donc aussi le rôle de ce dernier, qui doit voir à l’adoption de programmes sociaux qui prennent en compte la paupérisation des femmes à la suite de la rupture conjugale. Elle reconnaît la liberté de choix des femmes, qui ne sont pas toujours aveuglées par leurs émotions dans leurs relations conjugales.
D’un autre côté, cette décision nuit aux femmes. Elle refuse d’appliquer le même raisonnement aux conjoints de fait qu’aux couples mariés, c’est-à-dire que le contrat n’est pas un bon outil pour régler les questions patrimoniales lors de la rupture de l’union, parce qu’il n’y a pas eu de réelle négociation entre les parties. Par ailleurs, elle privatise les ententes conjugales pour certains couples et permet à certains conjoints de fuir leur responsabilité à l’égard de leurs ex-conjoints, comme à l’époque des couples mariés en séparation de biens. En fait, cette décision respecte essentiellement la liberté de choix de la partie la plus forte dans le couple, qui n’est pas souvent la femme. À la suite de la rupture, s’il revient à l’État de prendre en charge l’ex-conjoint vulnérable économiquement, il n’est pas certain que celui-ci améliorera effectivement les programmes sociaux qui s’adressent aux femmes avec enfants dans le besoin.
S’agit-il d’une affaire privée ? Souvent, les litiges dont les faits sont peu sympathiques produisent du mauvais droit. Le présent conflit fait certainement partie des «mauvaises affaires» dans la mesure où Madame reçoit déjà des sommes importantes pour les besoins des enfants et est très bien logée. Bref, le niveau de vie de Madame reflète la fortune de Monsieur. Elle n’est pas à plaindre, n’attire pas la sympathie et n’est pas représentative de la réalité de la majorité des couples et des femmes avec enfants. Pourtant, la présente décision, même si elle concerne d’abord les parties, s’applique à tous les autres conjoints de fait du Québec et a des effets sur les ressources publiques, puisque les conjointes de fait dans le besoin auront recours à l’assistance sociale à défaut d’obtenir une pension alimentaire. Voilà une belle illustration de la maxime selon laquelle «le privé est politique»[87]. Évidemment, nul ne saura quelle a été l’influence sur le tribunal des montants imposants demandés, même si seuls des patrimoines importants à partager permettent à des ex-conjointes de fait d’utiliser la voie judiciaire.
Les décisions judiciaires qui maintiennent le status quo ont moins de chance de provoquer des changements sociaux. Toutefois, même si les élu(e)s n’entendent pas l’appel clair de la juge Hallée à se pencher sur les nouvelles réalités familiales, cette décision aura au moins eu le mérite, en raison de tout le cirque médiatique l’entourant, d’informer les conjointes de fait du Québec : non, leur union n’est pas reconnue sur le plan juridique au même titre que le mariage ou l’union civile et non, elles ne seront donc pas protégées en cas de rupture, peu importe la durée de l’union et la présence d’enfants. Mais quand le couple nage dans le bonheur (encadré juridiquement ou pas), qui pense à la rupture ? La Cour d’appel sera-t-elle moins frileuse et fera-t-elle preuve d’imagination et de courage, comme l’ont fait d’autres cours d’appel du pays[88] ? Sera-t-elle en mesure de tenir compte des réalités sociales particulières du Québec ? Comment le Code civil, qui est le droit commun du Québec, tel que le rappelle sa disposition préliminaire, peut-il ignorer une proportion si importante de la population adulte ?
Parties annexes
Notes
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[1]
Passionate Politics, New York, St. Martin’s Press, 1987 à la p. 29. Voir aussi l’oeuvre phare de Kate Millett, La politique du mâle, Paris, Stock, 1971.
-
[2]
Statistique Canada, «Recensement de 2006 : Portrait de famille : continuité et changement dans les familles et les ménages du Canada en 2006 : Provinces et territoires. Québec : plus du tiers des couples vivent en union libre» (2006), en ligne : Statistique Canada <http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2006/as-sa/97-553/p24-fra.cfm> [Statistique Canada, «Portrait de famille»].
-
[3]
Viennent par la suite la Suède (25,4 pour cent), la Finlande (23,9 pour cent), la Nouvelle-Zélande (23,7 pour cent) et le Danemark (22,2 pour cent) (Statistique Canada, «Portrait de famille», ibid.).
-
[4]
«Chez les jeunes Québécois de moins de 25 ans, plus de 80 % de ceux qui sont en couple vivent en union libre. La proportion diminue et passe sous la barre du 50 % à 35-39 ans. Elle est de 11 % à 65-69 ans. Dans le reste du Canada, la part de l’union libre est assez élevée avant 25 ans, mais elle n’est que de 14 % à 35-39 ans et de 4 % à 65-69 ans» (Québec, Institut de la statistique du Québec, Le bilan démographique du Québec par Chantal Girard, Québec, Institut de la statistique du Québec, 2008 à la p. 72, en ligne : Institut de la statistique du Québec <http://www.bdso.gouv.qc.ca/doc-ken/multimedia/PB01614FR_Bilandemo2008F00.pdf>.
-
[5]
Ibid. aux pp. 33, 37. Voir aussi Québec, Institut de la statistique du Québec, La diffusion des naissances hors mariage, 1950-2003 par Louis Duchesne, Québec, Institut de la statistique du Québec, 2004, en ligne : Institut de la statistique du Québec <http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/demograp/extraits/extrait_bilan2004.pdf>.
-
[6]
Dans certains cas, les conjoints de fait sont assimilés à des époux : en matière d’assurance vie (art. 2419 C.c.Q.), de rentes (art. 2380 C.c.Q.) et de régime de protection (art. 264, 266, 269 C.c.Q.). L’art. 15 C.c.Q. accorde aux conjoints de fait une pleine reconnaissance en matière de consentement aux soins destinés au majeur inapte.
-
[7]
Pour un portrait de la situation au Canada de common law, voir Jocelyne Jarry, Les conjoints de fait au Québec : vers un encadrement légal, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2008 aux pp. 58-78.
-
[8]
Voir par ex. Loi sur le régime de rentes du Québec, L.R.Q. c. R-9, art. 91 ; Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q. c. A-3.001, art. 2.
-
[9]
Voir Annie Mathieu, «Égaux devant la loi» La Gazette des femmes 30:1 (mai-juin 2008) 29 ; Hélène Belleau, «Entre le partage des revenus et le partage des dépenses : le “revenu familial” existe-t-il ?» (2008), en ligne : Université féministe d’été <http://www.fss.ulaval.ca/universitefeministedete/programme.htm>.
-
[10]
Loi modifiant le Code civil du Québec et d’autres dispositions législatives afin de favoriser l’égalité économique des époux, L.Q. 1989, c. 55, art. 8 [Loi modifiant le Code civil du Québec] ; art. 414 et s. C.c.Q.
-
[11]
Le Family Relations Act, R.S.B.C. 1996, c. 128, art. 61(4), est la seule loi provinciale qui permet aux conjoints mariés d’écarter le partage des «family assets» en cas de rupture par un contrat de mariage. Le tribunal peut toutefois intervenir si le partage des biens est injuste. Voir Hartshorne c. Hartshorne, 2004 CSC 22, [2004] 1 R.C.S. 550, 236 D.L.R. (4e) 193, infirmant 2002 BCCA 587, 6 B.C.L.R. (4e) 250, 220 D.L.R. (4e) 655, confirmant 2001 BCSC 325, 89 B.C.L.R. (3e) 110 [Hartshorne avec renvois aux R.C.S.].
-
[12]
Art. 431-32 C.c.Q. (pour la société d’acquêts), art. 485 et s. C.c.Q. (pour la séparation de biens).
-
[13]
Voir Dominique Goubau, Ghislain Otis et David Robitaille, «La spécificité patrimoniale de l’union de fait : le libre choix et ses “dommages collatéraux”» (2003) 44 C. de D. 3 ; Dominique Goubau, «La conjugalité en droit privé : comment concilier “autonomie” et “protection” ?» dans Pierre-Claude Lafond et Brigitte Lefebvre, dir., L’union civile : nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au 21e siècle, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2003, 153 ; Christine Morin, «La contractualisation du mariage : réflexions sur les fonctions du Code civil du Québec dans la famille» (2008) 49 C. de D. 527. Voir Québec, Ministère de la Justice, L’évolution de la politique législative de l’union de fait au Québec : Analyse de l’approche autonomiste du législateur québécois sous l’éclairage du droit comparé par Alain Roy, Québec, Ministère de la Justice, 2008 [non publié]. Ce rapport d’expertise a été produit à la demande de la Procureure générale du Québec dans la présente affaire.
-
[14]
2009 QCCS 3210, [2009] R.J.Q. 2070, 67 R.J.F. (6e) 315, juge Hallée [Droit de la famille — 091768 avec renvois aux R.J.Q.].
-
[15]
L’inscription de la demande d’appel a été déposée le 17 août 2009. Voir «Lola interjette appel» La Presse [de Montréal] (18 août 2009) A6.
-
[16]
Voir Michèle Ollivier et Manon Tremblay, Questionnements féministes et méthodologie de la recherche, Montréal, L’Harmattan, 2000 ; Huguette Dagenais, «Méthodologie féministe pour les femmes et le développement : Concepts, contextes et pratiques» dans Marie-France Labrecque, dir., L’égalité devant soi : sexes, rapports sociaux et développement international, Ottawa, Centre de recherches pour le développement international, 1994, 258 ; Denise G. Réaume, «What’s Distinctive About Feminist Analysis of Law?: A Conceptual Analysis of Women’s Exclusion from Law» (1996) 2 Legal Theory 265 ; Joanne Conaghan, «Reassessing the Feminist Theoretical Project in Law» (2000) 27 J.L. & Soc’y 351.
-
[17]
Katharine T. Bartlett, «Feminist Legal Methods» (1990) 103 Harv. L. Rev. 829.
-
[18]
Voir Carol Smart, Feminism and the Power of Law, Londres, Routledge, 1989.
-
[19]
Voir par ex. le travail du collectif de juristes féministes devant les tribunaux du Women’s Legal Education and Action Fund, Equality and the Charter: Ten Years of Feminist Advocacy Before the Supreme Court of Canada, Toronto, Emond Montgomery, 1996.
-
[20]
Québec, Conseil du statut de la femme, Les partenaires en union libre et l’État, Québec, Bibliothèque nationale du Québec, 1991.
-
[21]
R.M. c. G.L., [2005] J.Q. no 9641 (C.S.) (QL) (demande de provision pour frais par Madame, accueillie) ; R.M. c. G.L., [2005] J.Q. no 18393 (C.S.) (QL) (seconde demande de provision pour frais par Madame, accueillie) ; A. c. B., 2006 QCCS 2850, [2006] R.D.F. 620, J.E. 2006-1183. Cette décision fixe la pension alimentaire pour les enfants à 34 260, 24 dollars par mois.
-
[22]
Voir Droit de la famille — 08162, 2008 QCCS 285, [2008] R.J.Q. 449, [2008] R.D.F. 140 (l’ordonnance de mise sous scellés est toujours en vigueur afin de garder confidentiels les aspects familiaux du litige, mais les éléments relatifs aux questions constitutionnelles peuvent être rendus publics) ; Droit de la famille — 08698, 2008 QCCA 571 (requête pour permission d’appeler rejetée) ; Droit de la famille — 082831, 2008 QCCS 5287, [2008] R.D.F. 776, J.E. 2008-2241 (les faits personnels doivent être retirés de la requête).
-
[23]
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 [Charte canadienne].
-
[24]
L.C. 2005, c. 33, art. 2 : «Le mariage est, sur le plan civil, l’union légitime de deux personnes, à l’exclusion de toute autre personne».
-
[25]
Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, app. II, no 5, art. 91(26), 92(12)-(13).
-
[26]
Renvoi sur le mariage, [1912] A.C. 880, [1912] 1 C.R.A.C. 126 à la p. 429.
-
[27]
Art. 401 et s. (résidence familiale et meubles à l’usage du ménage) ; art. 414 et s. (patrimoine familial) ; art. 427 et s. (prestation compensatoire) ; art. 432 et s. (société d’acquêts) ; art. 585 et s. (pension alimentaire pour le conjoint).
-
[28]
Supra note 23.
-
[29]
2002 CSC 83, [2002] 4 R.C.S. 325, 221 D.L.R. (4e) 1 [Walsh avec renvois aux R.C.S.].
-
[30]
R. c. Kapp, 2008 CSC 41, [2008] 2 R.C.S. 483, 294 D.L.R. (4e) 1.
-
[31]
Droit de la famille — 091768, supra note 14 aux para. 70, 221-22.
-
[32]
Supra note 29. Pour une critique intéressante, voir D.A. Rollie Thompson, Commentaire de Nouvelle-Écosse (P.G.) c. Walsh, (2003) 32 R.J.F. (5e) 87.
-
[33]
R.S.N.S. 1989, c. 275, art. 12.
-
[34]
Walsh v. Bona, 2000 NSCA 53, 183 N.S.R. (2e) 74, 5 R.J.F. (5e) 188.
-
[35]
Droit de la famille — 091768, supra note 14 au para. 249.
-
[36]
Ibid. aux para. 277, 283.
-
[37]
Supra note 13.
-
[38]
Québec, Assemblée nationale, Comité interministériel sur les unions de fait, Propositions d’orientation quant à une politique gouvernementale concernant les unions de fait, Québec, Bibliothèque nationale du Québec, 1996.
-
[39]
Droit de la famille — 091768, supra note 14 au para. 262.
-
[40]
Ibid. au para. 263.
-
[41]
Droit de la famille — 082457, 2008 QCCS 4597, [2008] R.D.F. 768, J.E. 2008-1950 (demande d’intervention de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, accueillie).
-
[42]
Supra note 5.
-
[43]
La requérante a déposé cinq rapports d’experts, dont un en droit. La Procureure générale du Québec a déposé deux rapports d’experts, dont un en droit.
-
[44]
Droit de la famille — 091768, supra note 14 aux para. 70, 221-22.
-
[45]
Ibid. au para. 222.
-
[46]
Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, 56 D.L.R. (4e) 1 [Andrews avec renvois aux R.C.S.].
-
[47]
Supra note 23.
-
[48]
Andrews, supra note 46 à la p. 164.
-
[49]
Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813 aux pp. 853-58, 99 D.L.R. (4e) 456.
-
[50]
Walsh, supra note 29 au para. 116.
-
[51]
Voir Danielle Pinard, «Le domaine de la connaissance d’office des faits» dans Actes de la XVIe Conférence des juristes de l’État, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2004, 351.
-
[52]
Les données présentées par l’intervenante au litige sont à cet égard éloquentes :
Au Québec en 2001, il y avait plus de 335 595 familles monoparentales, avec plus de 500 000 enfants, soit une famille sur quatre (27 %), et 267 570 d’entre-elles (près de 80 %) étaient dirigées par une femme. C’est une augmentation de 3 % du nombre de familles monoparentales depuis le recensement de 1996.
Au Québec en 2003, le taux de faible revenu avant impôt pour l’ensemble de la population était de 22,5 %. Chez les familles biparentales, ce taux était de 9,5 %, alors qu’il grimpait à 40,9 % pour les familles monoparentales et à 46,9 % pour les familles monoparentales dirigées par une femme. En 2002, le revenu moyen avant impôt des familles biparentales était de 75 782 $ alors qu’il n’était que de 33 581 $ pour les familles monoparentales et 29 884 $ pour les familles monoparentales dirigées par une femme [notes omises] (Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, «Statistiques sur les familles monoparentales» (14 mai 2007), en ligne : Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec <http://www.fafmrq.org/federation/statistiques>).
-
[53]
Voir le rapport d’expertise d’Alain Roy déposé par la Procureure générale du Québec et résumé par la juge Hallée, supra note 13 ; Droit de la famille — 091768, supra note 14 aux para. 113-41.
-
[54]
Voir Walsh, supra note 29 au para. 160, juge L’Heureux-Dubé, dissidente ; Jarry, supra note 7, qui donne un portrait de la situation législative dans les autres provinces canadiennes.
-
[55]
Droit de la famille — 091768, supra note 14 au para. 283.
-
[56]
Voir ibid. au para. 98 au sujet des études quantitatives.
-
[57]
Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497 au para. 77, 170 D.L.R. (4e) 1.
-
[58]
Soit les «couples qui ont cohabité au moins trois ans sans enfant ou au moins un an et qui ont eu un enfant issu de leur union, ou encore ceux qui expriment mutuellement la permanence de leur engagement par un accord écrit conclu librement» (Droit de la famille — 091768, supra note 14 au para. 214).
-
[59]
La grande majorité du travail non rémunéré au sein du ménage est encore effectué par les femmes. Voir Statistique Canada, «Données du recensement de 2001» (19 janvier 2007), en ligne : Statistique Canada <http://www12.statcan.gc.ca/francais/census01/Products/standard/themes/DataProducts.cfm>. Voir aussi Amber Gazso-Windle et Julie Ann McMullin, «Doing Domestic Labour: Strategising in a Gendered Domain» (2003) 28 Canadian Journal of Sociology 341.
-
[60]
Voir Canada, Chambres des communes, Comité permanent de la condition féminine, Vers l’amélioration de l’accès des femmes aux prestations d’assurance-emploi, Ottawa, Communication Canada, 2009 (Présidente : Hedy Fry).
-
[61]
Le revenu des femmes augmente graduellement, mais l’écart entre celui des femmes et celui des hommes demeure le même. Voir Statistique Canada, «Enquête sur la population active» (2002), en ligne : Statistique Canada <http://www.statcan.gc.ca> ; Statistique Canada, L’écart persistant : Nouvelle évidence empirique concernant l’écart salarial entre les hommes et les femmes au Canada par Marie Drolet, Ottawa, Ministre de l’Industrie, 1999.
-
[62]
Voir Louise Langevin, «Liberté contractuelle et relations conjugales : font-elles bon ménage ?» (2009) 28:2 Nouvelles questions féministes 24.
-
[63]
Hartshorne, supra note 11 (contrat de mariage prévoyant une répartition inégale du patrimoine familial à l’avantage du mari) ; Miglin c. Miglin, 2003 CSC 24, [2003] 1 R.C.S. 303, 224 D.L.R. (4e) 193, infirmant (2001), 53 O.R. (3e) 641, 198 D.L.R. (4e) 385, confirmant (1999), 3 R.J.F. (5e) 106 (entente de séparation ne prévoyant pas de pension alimentaire pour Madame) ; Carol Rogerson, «“They Are Agreements Nonetheless”: Miglinv.Miglin 2003 SCC 24» (2003) 20 Rev. Can. D. Fam. 197 ; Martha Shaffer, «Domestic Contracts, Part II: The Supreme Court’s Decision in Hartshorne v. Hartshorne» (2004) 20 Rev. Can. D. Fam. 261 ; Martha Bailey, «Marriage À La Carte: A Comment on Hartshorne v. Hartshorne» (2004) 20 Rev. Can. D. Fam. 249 ; Sam Margulies, «The Psychology of Prenuptial Agreements» (2003) 31 J. Psychiatry & L. 415.
-
[64]
Walsh, supra note 29 au para. 98.
-
[65]
Ibid. au para. 145.
-
[66]
Ibid. au para. 146.
-
[67]
Voir par ex. Jarry, supra note 7. L’Ontario a prévu le versement d’une pension alimentaire au conjoint de fait vulnérable économiquement en cas de séparation dès 1978 : voir TheFamily Law Reform Act, 1978, S.O. 1978, c. 2, art. 14-15.
-
[68]
Supra note 29 au para. 92.
-
[69]
Pour une critique intéressante de la position de certaines féministes canadiennes qui rejettent la liberté contractuelle en matière conjugale, voir Robert Leckey, «Contracting Claims and Family Law Feuds» (2007) 57 U.T.L.J. 1.
-
[70]
Voir R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30 à la p. 161 et s., juge Wilson, 44 D.L.R. (4e) 385.
-
[71]
Jusqu’en 1964, la femme mariée est une incapable au Québec. Voir art. 177 C.c.B.-C., mod. par Loi sur la capacité juridique de la femme mariée, L.Q. 1963-64, c. 66, art. 1.
-
[72]
Supra note 20.
-
[73]
Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q. c. P-40.1, art. 23, 37-38, 54.8 et s., 59, 193.
-
[74]
Loi modifiant le Code civil du Québec, supra note 10.
-
[75]
Voir Jarry, supra note 7 ; Goubau, Otis et Robitaille, supra note 13.
-
[76]
Voir les études citées par la juge L’Heureux-Dubé dans son opinion dissidente dans l’arrêt Walsh, supra note 29 aux para. 134 et s.
-
[77]
Voir par ex. Michel Troper, Le gouvernement des juges, mode d’emploi, coll. Verbatim, Québec, Presses de l’Université Laval, 2006.
-
[78]
Droit de la famille — 091768, supra note 14 au para. 291.
-
[79]
Family Maintenance Act, R.S.N.S. 1989, c. 160, art. 2-3.
-
[80]
Voir Mireille D.-Castelli et Dominique Goubau, Le droit de la famille au Québec, 5e éd., Québec, Presses de l’Université Laval, 2005 aux pp. 531-32 ; Bretonc. Asselin, 2008 QCCQ 5541, [2008] R.D.F. 554, J.E. 2008-1457.
-
[81]
Voir Langstaff v. The Bar of the Province of Quebec, [1916] 25 B.R. 11 aux pp. 15-18, juge Pelletier, confirmant [1915] 47 C.S. 131, juge Saint-Pierre.
-
[82]
Voir par ex. Mironc.Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418, 124 D.L.R. (4e) 693.
-
[83]
Walsh, supra note 29 aux para. 53-54.
-
[84]
Sur l’influence du discours des droits sur le droit de la famille, voir Alison Harvison Young, «The Changing Family, Rights Discourse and the Supreme Court of Canada» (2001) 80 R. du B. can. 749 ; Benoît Moore, «La discrimination dans la vie de la famille» dans La discrimination, t. 51, Travaux de l’Association Henri Capitant, Journées franco-belges, Paris, Société de législation comparée, 2001, 535 ; Marie-France Bureau, «La famille et la discrimination au Canada : conjugalité et parentalité en redéfinition» dans Marie Mercat-Bruns, dir., Personne et discrimination : perspectives historiques et comparées, Paris, Dalloz, 2006, 241.
-
[85]
Loi modifiant le Code civil du Québec, supra note 10. Voir Marlène Cano, «L’égalité formelle c. l’égalité véritable : exemples législatif et jurisprudentiel en droit de la famille au Québec» (1993) 11 Rev. Can. D. Fam. 233 ; Jean-Maurice Brisson et Nicholas Kasirer, «The Married Woman in Ascendance, the Mother Country in Retreat: From Legal Colonialism to Legal Nationalism in Quebec Matrimonial Law Reform, 1866-1991» (1995) 23 Man. L.J. 406 aux pp. 434-38 (qui décrivent les arguments des opposants à la prestation compensatoire et au régime primaire au nom de la liberté contractuelle «négative»).
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[86]
Voir Lucile Cipriani, «La justice matrimoniale à l’heure du féminisme : analyse critique de la jurisprudence québécoise sur la prestation compensatoire, 1983-1991» (1995) 36 C. de D. 209 ; Dominique Goubau, «La prestation compensatoire» dans Droit de la famille québécois, vol. 2, Farnham (Qc), CCH/Formules municipales ltée, 1985 au para. 90-000 et s. ; Alain Roy, «Le contrat de mariage en droit québécois : un destin marqué du sceau du paradoxe» (2006) 51 R.D. McGill 665.
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[87]
Voir Bunch, supra note 1.
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[88]
Voir notamment Taylor v. Rossu (1998), 216 A.R. 348, 161 D.L.R. (4e) 266 (C.A.) (la restriction législative octroyant uniquement une pension alimentaire aux ex-conjoints mariés viole l’article 15(1) de la Charte canadienne et n’est pas justifiée sous l’article premier).