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The misrepresented minority : New insights on Asian American and Pacific Islanders, and the implications for higher education est un ouvrage collectif dirigé par Samuel D. Museus, professeur adjoint en éducation administrative à l’Université d’Hawaii à Manoa, Dina C. Maramba, professeure associée en administration des affaires étudiantes à State University of New York (SUNY) et Robert T. Teranishi, professeur en sciences sociales et en éducation comparative à University of California Los Angeles (UCLA). À travers ces 18 chapitres, les autrices et les auteurs, de jeunes chercheuses et chercheurs issus du groupe ethnique Asian American and Pacific Islanders (AAPI), partagent leurs travaux afin de mettre en valeur leur communauté. S’inscrivant dans une dynamique d’émergence des connaissances en lien avec les AAPIs, il est question de facteurs d’exclusion, de construction identitaire, de culture, du genre, de croyance et de leadership. S’intéressant plus particulièrement aux AAPIs ayant suivi des études postsecondaires et collégiales, les auteurs ont mené une recherche empirique permettant de porter un regard nouveau sur ces communautés bien distinctes.

Samuel D. Museus amorce l’ouvrage avec son chapitre Asian American and Pacific Islanders : A national portrait of growth, diversity, and inequality, dans lequel il relate les nombreux facteurs qui contribuent à l’exclusion. Il est notamment question de l’absence de discours portant sur les AAPIs aux études postsecondaires, des attentes face aux choix de discipline lors d’études aux cycles supérieurs ainsi que l’absence de données pour mieux comprendre cette population. En s’y intéressant, l’auteur constate un déséquilibre économique dû aux embûches rencontrées lors du passage des AAPIs aux études postsecondaires, collégiales et supérieures.

Dans leur chapitre A southeast asian American identity model: Merging theoretical perspectives and considering intersecting identities, Samuel D. Museus, Rican Vue, Tu-lien Kim Nguyen et Fanny PF Yeung s’intéressent à un sous-groupe des AAPIs : les Southeast Asian Americans (SEAAs). Ils mettent en lumière les différents contextes d’immigration : historiques, culturels et sociaux. Selon les auteurs, l’arrivée d’un AAPI peut se faire de différentes façons : en tant que personne réfugiée ou personne immigrante volontaire. Ces subtilités permettent de mieux saisir la perspective de SEAAs et les traumas pouvant résulter de ces processus d’immigration. Ainsi, il est plus aisé de comprendre l’impact sur leur intégration et les répercussions sur le développement de leur identité raciale à travers les générations.

Minh C. Tran et Mitchell J. Chang, quant à eux, s’intéressent à l’influence des stéréotypes de genre et aux freins dans le développement identitaire qu’ils causent. Leur chapitre, To be mice or men : Gender identity and the development of masculinity through participation in Asian American interest fraternities, relate les effets de ces stéréotypes et les façons dont les institutions peuvent jouer un rôle déterminant dans le développement de l’identité des hommes AAPIs. Il est question notamment de l’importance de soutenir les fraternités pour rompre l’isolement et ainsi permettre aux hommes AAPIs de se libérer de certains stéréotypes tels que la misogynie, l’effémination ou encore le statut de ressources bon marché.

Alina Wong poursuit dans son chapitre Racial identity construction among Chinese American and Filipino American undergraduates en relatant les façons dont les institutions scolaires peuvent favoriser la construction identitaire et ethnique des AAPIs. En s’intéressant au vécu scolaire et social de ces étudiantes et étudiants, les institutions peuvent devenir des vecteurs positifs pour accroître la confiance et la perception de soi de ces derniers. Dans leur chapitre Engaging Asian American and Pacific Islander culture and identity in graduate education, Samuel D. Museus, M. Kalehua Mueller et Kamakana Aquino soulignent le nombre insuffisant de données relatives à l’étude des AAPIs. Cette lacune confirme l’importance de s’intéresser aux AAPIs afin de comprendre le processus d’accessibilité à l’éducation universitaire. Ainsi, les auteurs parviennent à mettre en exergue les facteurs qui permettent aux AAPIs de réussir leur scolarité au-delà du niveau collégial. Pour ce faire, la science doit s’intéresser aux origines culturelles et à son rôle dans l’accès aux études. C’est ce que soulignent également Jane E. Pizzolato, Tu-Lien Kim Nguyen, Marc P. Johnston et Prema Chaudari dans leur chapitre Naming our identity : Diverse understandings of Asian Americanness and student development research. En étudiant les « cultural selfways » et le développement académique qui en découle, il est possible d’avoir un meilleur aperçu sur le vécu et les racines culturelles de ce groupe. En effet, comme le mentionnent Erin Kahunawaika’ala Wright et Brandi Jean Nalani Balutski, dans leur chapitre The role of context, critical theory, and counter-narratives in understanding Pacific Islander indigeneity, le rôle du contexte permet de comprendre la structure unique dans laquelle les AAPIs évoluent. En s’intéressant à l’environnement, à son contexte sociopolitique et historique, les auteurs parviennent à mettre en lumière des pistes de réflexion nécessaires pour les institutions désireuses d’aider ces groupes à partager leurs expériences et leur vécu.

Julie J. Park, Jonathan W. Lew et Warren Chiang, dans leur chapitre Hybrid faith, hybrid identities : Asian American evangelical Christian students on campus, tentent de démontrer la dualité entre la foi et la communauté AAPI. En effet, selon eux, la camaraderie résultant de leur communauté religieuse ou spirituelle permet de développer l’identité ethnique des AAPIs. Ils peuvent ainsi se regrouper et briser l’isolement causé par la discrimination et la répression émotionnelle. D’ailleurs, Rican Vue, dans son chapitre Campus contexts and Hmong students’ experiences negotiating identity and higher education, relate l’importance pour ces groupes de faire partie d’un groupe social. Dans ce cas précis, est exposé la construction d’expériences relatives à l’adhésion à un groupe étudiant et comment cette dernière influence positivement l’expérience individuelle et culturelle.

Jean J. Ryoo et Rob Ho, quant à eux, retracent, dans leur chapitre Living the legacy of ’68 : The perspectives and experiences of Asian American student activists, l’évolution de l’oppression vécue par les AAPIs et leurs réclamations entre 1968 et 1980. Ainsi, ils parviennent à contextualiser les manifestations et les changements sociaux qui en découlent. Sean C. Pepin et Donna M. Talbot, poursuivent en s’intéressant plutôt à la communauté lesbienne, gai et bisexuelle (LGB). Dans leur chapitre Negotiating the complexities of being self-identified as both Asian American and lesbian, gay or bisexual, les auteurs révèlent les disparités entre la culture AAPI et leur identification sexuelle. Les auteurs ne tentent pas de brosser un portrait de la communauté LGB, mais plutôt de comprendre comment cette dernière est perçue. De cette façon, les facultés pourront mettre en place des espaces où les LGB-AAPIs se sentiront davantage en sécurité et ainsi réduire le discours homophobe et stéréotypé auquel ils sont souvent confrontés.

Tracy Lachina Buenavista et Angela Chuang-Ru Chen se sont intéressées au vécu d’étudiantes Philippines et comment leur sous-représentation crée une barrière à l’accessibilité académique. Dans leur chapitre Intersections and crossroads : A counter-story of a undocumented Asian American college student, les autrices tentent de comprendre ces femmes qui peinent à atteindre un statut socioéconomique leur permettant de se projeter au-delà d’études postsecondaires. De plus, ces dernières auraient de la difficulté à être soutenues par leurs familles. D’ailleurs, selon Wenfan Yan et Samuel D. Museus, les femmes tendent à frapper un plafond de verre lors de leurs études. Dans leur chapitre Asian American and Pacific Islander faculty and the glass ceiling in the academy: Findings from the National study of postsecondary faculty, les auteurs relèvent l’oppression ressentie par ces groupes dans les organisations. Ils mettent en exergue que le modèle méritocratique ancré dans les institutions devrait être une force suffisante pour briser le plafond de verre auquel font face les AAPIs, plus particulièrement les femmes. Belinda Lee Huang poursuit, dans son chapitre From revolving doors and chilly climates to crating inclusive environments for pre-tenure Asian American faulty, en présentant des stéréotypes de genres féminin et l’impact qu’ils ont sur ces femmes. Elle souligne que celles-ci étant perçues comme passives, exotiques et érotiques, elles subissent de la pression de la part de personnes d’autorité les incitant à participer à des rendez-vous et sorties. La sous-représentation des AAPIs dans la littérature constitue un autre défi professionnel. Fanny PF Young, dans son chapitre Struggles for professional and intellectual legitimacy : Experiences of Asian and Asian American female faculty members, porte un regard sur le vécu des femmes AAPIs dans les milieux scolaires. L’auteure rappelle qu’une généralisation excessive basée sur des stéréotypes de genre empêche de percevoir que ce groupe est plutôt sous-représenté dans ces espaces.

Oiyan A. Poon, dans son chapitre ‘’Think about it as decolonizing our minds’’ : Spaces for critical race pedagogy and transformative leadership development, expose les façons dont les AAPIs parviennent à se transformer par l’entremise du leadership. L’auteur souligne l’importance de soutenir les pratiques du leadership afin de permettre aux AAPIs de lutter contre les micro-agressions qu’ils subissent. D’ailleurs, dans le chapitre Beyond representation: Confronting the new frontier for Asian American leadership, Daniello G. Balón et Yen Ling Shek énoncent les besoins de développer davantage de programmes favorisant le leadership. En développant cette compétence, les AAPIs s’inscrivent dans ce que les auteurs appellent le modèle de l’expérience circulaire qui se base sur l’expérience. William E. Sedlacek et Hung-Bin Sheu, quant à eux, terminent l’ouvrage avec leur chapitre Selecting and supporting Asian American and Pacific Islander students in higher education. Les auteurs proposent des pistes de réflexion afin d’aider le développement de programme de soutien aux AAPIs faisant face à des difficultés économiques. Ils rappellent la complexité du rapport entre l’humain et les communautés ainsi que l’importance d’avoir accès à des ressources financières et psychologiques.

Publié en 2013, The Misrepresented Minority… est désormais offert depuis 2023 en version numérique. Malgré cet écart d’une décennie entre l’apparition de ces deux formats, ce recueil d’articles est toujours d’actualité et permet de constater l’évolution des problèmes auxquels font face les AAPIs. À partir de cet ouvrage, les institutions pourront poser un regard avisé sur les pratiques institutionnelles et soutenir ce groupe d’étudiants et étudiantes. En s’intéressant à la sous-représentation de ces minorités que sont les AAPIs, aux stéréotypes ainsi qu’au contexte social, environnemental et historique, il est possible d’adapter le discours et de le rendre plus inclusif. Bien que le vécu des AAPIs soit mis de l’avant à plusieurs reprises, il serait sans doute pertinent de s’y intéresser davantage. De cette façon, les AAPIs pourront bénéficier du soutien et de l’environnement dont ils ont besoin pour s’épanouir socialement, scolairement et professionnellement.