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L’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML) est un organisme à but non lucratif dont la mission consiste à promouvoir une plus grande connaissance de la situation des minorités de langue officielle du Canada et une meilleure compréhension des enjeux prioritaires qui les concernent. C’est pour contribuer à cette plus grande connaissance que l’ICRML créa à la toute fin de l’année 2010 la revue Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society. Son mandat ou champ d’étude était de faire connaître, dans une perspective pluridisciplinaire et interdisciplinaire en sciences du langage et en sciences sociales et humaines, les résultats de recherches et les réflexions sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire du Canada et sur les autres minorités linguistiques du Canada et d’ailleurs dans le monde. L’ICRML souhaitait de plus répondre à un intérêt grandissant, d’une part, pour la recherche scientifique sur les minorités linguistiques de langues officielles et co-officielles et, d’autre part, pour la publication des résultats de ces recherches dans l’une ou l’autre des langues officielles du Canada.

Depuis sa création, l’ICRML assure le fonctionnement de la revue en apportant un soutien financier essentiel permettant de couvrir les frais liés à la direction, au graphisme, à la révision linguistique, à la traduction de textes et la publication des numéros, notamment leur mise en ligne par Érudit. L’adjointe administrative de l’ICRML appuie la direction de la revue et agit comme coordonnatrice, tout en assurant la gestion du budget de la revue. À sa création, la revue a bénéficié d’un appui financier et en nature de Patrimoine canadien, du Commissaire aux langues officielles et du Consortium national de formation en santé (CNFS) et de l’Institut d’études acadiennes. Prenant le relais du CNFS, l’Association des collèges et universités francophones du Canada est toujours partenaire de la revue en lui offrant un appui financier.

La direction de la revue est choisie par la direction de l’ICRML et relève de celui-ci. La direction de la revue est appuyée par un comité de rédaction auprès de qui elle peut solliciter des orientations pour la revue et à qui elle peut demander des suggestions de thèmes. Les membres du comité de rédaction sont appelés à se prononcer sur les propositions de numéros thématiques incluant les thèmes, les appels et les directions. Ses membres peuvent aussi, de façon facultative, participer à l’évaluation par les pairs à l’aveugle. La direction de la revue a depuis sa création sollicité leurs avis à différents moments, ce qu’elle se propose de continuer à faire.

Réal Allard a été le premier directeur de la revue. Professeur émérite en sciences de l’éducation, il a été professeur et chercheur associé à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML) de l’Université de Moncton. Après avoir pris ce qu’il appelle sa « retraite formelle » en 1997, il est demeuré actif en enseignement au troisième cycle, en recherche et en services à la collectivité. Il a en outre dirigé le Centre de recherche et de développement en éducation de 1991 à 2003. Ses recherches ont porté et portent sur l’éducation en milieu linguistique minoritaire, la vitalité ethnolinguistique subjective, le désir d’intégration et l’identité ethnolinguistique, la conscientisation ethnolangagière, l’engagement identitaire et le comportement engagé, les croyances et le comportement ethnolangagier en milieu linguistique minoritaire, l’éducation et le développement bilingue.

Jason Luckerhoff a pris la relève de la direction de la revue en 2021. Auparavant, il avait cofondé la revue Approches inductives ainsi que la revue Enjeux et société qui est gérée par l’Université de l’Ontario français à Toronto. Il avait aussi cofondé la collection Culture et publics aux Presses de l’Université du Québec et était impliqué dans Coalition Publica, un partenariat entre Érudit et le Public Knowledge Project pour promouvoir la diffusion de la recherche et l’édition savante numérique canadienne. Afin d’assurer une transition harmonieuse à la direction de la revue, Réal Allard est d’abord demeuré comme co-directeur de la revue pour ensuite en devenir directeur honoraire.

Vers un traitement XML plus performant

Depuis sa création, la revue a été diffusée en libre accès dans la plateforme Érudit. Érudit a conclu des ententes avec la plupart des outils d’indexation et d’agrégation les plus utilisés dans le monde, permettant à la revue d’être référencée au Canada et à l’international. Le traitement XML complet adopté à partir du numéro 20, en 2023, permet d’améliorer leur découvrabilité en rendant l’entièreté de leur contenu accessible et repérable par les moteurs de recherche. En effet, Érudit précise que l’encodage des fichiers selon ce format répond mieux aux normes appliquées en matière de conservation et d’archivage numérique à long terme. Au même moment, la direction de la revue a fait en sorte que les autrices et auteurs puissent publier sous la licence la moins restrictive parmi celles proposées, afin de préciser les modalités d’utilisation des oeuvres et de concéder des droits d’utilisation non exclusifs, tout en conservant les prérogatives d’auteur. Le choix d’une licence Creative Commons a rendu la revue, qui était publiée en libre accès sur Érudit depuis sa fondation, plus conforme aux bonnes pratiques du libre accès.

Langues des publications de la revue

Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society est depuis sa fondation une revue scientifique bilingue (français et anglais) de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML). L’ICRML précisait que les articles seraient publiés soit en anglais, soit en français, mais pas dans les deux langues officielles simultanément. Il a choisi de traduire dans les deux langues officielles l’introduction aux numéros thématiques et les sommaires ou résumés.

Des démarches ont été menées afin d’augmenter le nombre de publications de langue anglaise et portant sur la minorité anglophone du Québec. En partenariat avec le Réseau de recherche sur les communautés québécoises d’expression anglaise (QUESCREN), la revue s’est fixé comme objectif de travailler davantage avec les communautés d’expression anglaise du Québec pour solliciter des articles et même des propositions de numéros thématiques qui seraient publiés en anglais dans la revue. Enfin, par respect pour des communautés de langues officielles ou co-officielles qui ont fait l’objet d’articles, il a été convenu que les résumés des nos 15-16 soient non seulement publiés en anglais et en français, mais aussi dans la langue de la communauté minoritaire, soit en basque, catalan, finlandais, gallois et suédois.

Des enjeux des communautés autochtones

Comme le mentionnent Rémi Léger et Timothy van den Brink dans leur article de ce numéro anniversaire, il était souhaité que la revue publie des recherches sur les minorités de langue officielle au Canada tout en s’ouvrant sur les Premiers Peuples du Canada, sur d’autres minorités linguistiques canadiennes et sur des études internationales. Des publications ont donc été consacrées aux minorités de langue officielle du Canada et aux études internationales (nos 12 et 15-16) ainsi qu’aux enjeux autochtones (no 18) dans un article intitulé La Décennie des langues autochtones (2022-2032) : la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO peut contribuer à la préservation et à la revitalisation des langues autochtones. Un appel à textes sur la préservation, la revitalisation et la promotion des langues autochtones a été diffusé et un numéro devrait paraitre sous peu. Une membre d’une communauté autochtone sera co-directrice du numéro. Par ailleurs, une membre d’une communauté autochtone fait maintenant partie du comité de rédaction de la revue. Par son ouverture aux études comparatives et internationales, la revue devrait, dans les années à venir, accueillir des articles plus nombreux portant sur la situation de minorités linguistiques à l’extérieur du Canada.

Comité de rédaction

La revue a pris soin d’assurer une représentativité régionale au Canada, une représentativité internationale ainsi qu’une représentativité selon les disciplines, les spécialisations et le genre. Récemment, la direction a procédé à un renouvellement des sièges au comité de rédaction en assurant sa représentativité selon les critères précédents, mais en assurant aussi une représentation des communautés autochtones. Les membres du comité de rédaction sont régulièrement invités à se prononcer sur des sujets abordés par la direction lors de réunions sur Internet et par courriel. Leurs riches propos à titre d’experts ont fourni un éclairage important pour la prise de décisions.

Tous les numéros sont dorénavant thématiques et incluent une section Varia pour publier les articles hors thème. Le comité de rédaction est consulté, sur présentation d’un dossier complet, chaque fois qu’un numéro thématique est proposé.

Récemment, le mandat de la revue a été clarifié. La revue accepte des contributions qui portent sur les minorités de langue officielle et les artisans des politiques publiques en matière linguistique. Les travaux de recherche qui peuvent appuyer les divers intervenants et intervenantes des minorités de langue officielle et les artisans des politiques publiques en matière linguistique ainsi que ceux qui permettent de mieux comprendre les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) se trouvent au coeur des appels à textes pour les numéros thématiques. Ces articles doivent participer à la production de nouvelles connaissances sur les enjeux des CLOSM ou permettre la comparaison avec d’autres groupes linguistiques minoritaires au Canada (Premières Nations, Métis, Inuit et populations de langues non officielles) ou ailleurs dans le monde. La direction de la revue a clarifié qu’elle souhaite particulièrement recevoir des propositions sur les populations vivant en situation minoritaire, le développement des communautés, le politique, l’influence et la gouvernance, les droits linguistiques, la reconnaissance et la légitimité ainsi que la mémoire, l’identité et la diversité. Elle a aussi clarifié que bien que l’interdisciplinarité soit valorisée, les objets d’étude doivent avoir un lien direct avec les minorités linguistiques. Par exemple, l’immigration ou la diversité sont des thèmes pertinents s’ils sont envisagés sous l’angle des minorités linguistiques. Les médias peuvent également constituer un objet d’étude pertinent pour la revue s’il s’agit, par exemple, d’étudier la situation des médias dans les communautés linguistiques en situation minoritaire ou les discours concernant la langue ou les droits linguistiques dans les médias.

La licence utilisée par la revue a été mise à jour récemment. En conformité avec les bonnes pratiques du libre accès et du Plan S, la revue est maintenant diffusée sous Licence Creative Commons CC BY 4.0. Elle offre la publication continue, en procédant à la mise en ligne d’articles jusqu’à trois fois pour chaque numéro. Les numéros sont réalisés en traitement complet sur Érudit et la fonction pour générer automatiquement des PDF à partir du XML est disponible. Les articles sont donc accessibles en format PDF et HTML. La publication en continu ainsi que la section Varia dans chaque numéro permettent à la revue MLS‑LMS de réduire considérablement le délai de publication.

Il est maintenant possible de publier quatre types de textes. En effet, la revue Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society publie des articles scientifiques évalués par les pairs dans des numéros thématiques approuvés par le comité de rédaction et la direction de la revue et dans des numéros ou certaines de leurs sections qui comportent une variété d’articles portant sur divers sujets (Varia). Une troisième section, Perspectives, permet à des chercheuses et chercheurs, à des professionnelles et professionnels de publier des notes de recherche, des recensions critiques des écrits ou des textes de réflexion ne correspondant pas à un article scientifique, mais qui proposent une qualité d’argumentation et de raisonnement intéressante pour cette revue. Par exemple, nous retrouvons dans cette section des problématiques de recherche, des recensions critiques des écrits, des recherches en cours, des travaux de synthèse ou des entretiens avec des figures importantes du champ de recherche. Les articles de la section Perspectives ne sont pas évalués par les pairs, mais par la direction de la revue qui au besoin peut faire appel à des membres du comité de rédaction. Dans une quatrième section, nous retrouvons des comptes rendus d’ouvrages qui sont évalués par la personne responsable des comptes rendus et par la direction de la revue. Éric Forgues a été le premier responsable des comptes rendus. Par la suite, les professeurs de sciences politiques Rémi Léger de l’Université Simon Fraser et Stéphanie Chouinard du Collège militaire royal du Canada et de l’Université Queen’s ont été responsables des comptes rendus soumis pour publication dans la revue. François-René Lord, professeur à la Téluq est l’actuel responsable des comptes rendus.

Tous les textes font l’objet d’une révision linguistique professionnelle. Un comité de réflexion a été mis en place par la direction de la revue et la direction de l’Institut pour réfléchir aux bonnes pratiques du bilinguisme au sein de l’Institut et de la revue comme organisations, et un autre pour suivre l’évolution des sensibilités et normes en matière d’écriture inclusive. La publication de résumés dans des langues minoritaires autres que le français et l’anglais a aussi fait l’objet de discussions en comité, en plus de décisions visant à le permettre.

Ce numéro anniversaire, dirigé par le premier directeur de la revue et par celui qui lui a succédé, est une idée que tous deux ont eu pour inviter des collaborateurs à participer à un bilan collectif et regarder vers l’avenir. Ce fut une occasion de constater tout le chemin parcouru ainsi que le rôle de cette revue dans ce champ de recherche. Les échanges entourant les contributions qui composent ce numéro ont aussi alimenté les discussions stratégiques et les prises de décisions.

Présentation des textes du numéro anniversaire 

Éric Forgues signe un texte intitulé « Les modèles de gouvernance des communautés francophones en situation minoritaire ». Dans ce texte, il revient sur son parcours de chercheur sur la gouvernance des communautés francophones en situation minoritaire (CFSM). Éric Forgues a été embauché par l’ICRML en 2003, à sa deuxième année d’existence, et en est devenu le directeur en 2012. Il revient sur un terrain d’enquête une quinzaine d’années plus tard, en prenant du recul, pour brosser un portrait de l’ensemble des mécanismes de gouvernance dans l’ensemble des communautés francophones dans les provinces. Il présente l’origine de la gouvernance communautaire francophone, après quoi il explique que son texte vise à contribuer à une meilleure compréhension des instances qui sont au coeur de la gouvernance communautaire en contexte francophone et des modalités prévues pour la prise de décisions collectives et l’élaboration des plans de développement des CFSM.

Language, Federalism and Canadian Diplomacy, présenté par Graham Fraser, permet de revenir sur les événements historiques qui ont marqué les relations fédérales-provinciales au Canada. Selon Fraser, la diplomatie canadienne assure deux fonctions essentielles : promouvoir les intérêts du Canada dans un environnement mondial complexe et projeter la nature du pays dans un monde qui nous prend souvent pour des Américains de seconde zone. L’auteur considère que les compétences linguistiques et, en particulier, la connaissance des deux langues officielles du Canada sont essentielles à l’interprétation des intérêts nationaux. Elles jouent un rôle important dans la communication interculturelle et dans la représentation du pays. Il pose la question à savoir comment l’histoire de la diplomatie canadienne réfléchit le caractère bilingue et biculturel du pays et comment les débats canadiens sur la langue et le nationalisme québécois ont affecté la diplomatie canadienne. Graham Fraser considère que les diplomates francophones ont, à un certain moment, joué un rôle clé, mais que ce rôle est devenu moins visible par la suite. À mesure que les débats sur la langue et l’unité nationale passent au second plan, le rôle des francophones dans la diplomatie canadienne passe également au second plan.

Dans l’article « Six millions de solitudes : les francophones du Québec dans l’État fédéral canadien », Michel Seymour identifie des sources d’inquiétudes concernant l’avenir du français comme langue publique commune sur le territoire québécois. Seymour rappelle que les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont protégées, mais que la situation des francophones hors Québec est bien plus difficile que celle de la majorité francophone québécoise. Pour cet auteur, affirmer que le français est la langue officielle du Québec est compatible avec l’appui à la langue anglaise, aux institutions de la communauté anglophone du Québec et à son patrimoine et avec le fait de reconnaitre aux 11 peuples autochtones un statut égal à celui du peuple québécois. Il affirme que pour former une collectivité, il n’est pas nécessaire d’avoir une identité ethnique déterminée. Il est possible de partager une même identité publique commune tout en ayant des bagages culturels différents ainsi que des langues maternelles différentes. Il considère que le peuple québécois a le droit collectif de se doter d’une charte de la langue française, mais que les peuples autochtones et la minorité anglophone du Québec ont aussi des droits. L’immigration importante contribue, au Québec, à réduire le nombre de personnes qui ont le français comme langue maternelle ou comme langue principalement parlée à la maison. Mais, selon lui, il ne faut pas s’en offusquer, car l’important est de s’assurer que le français demeure la langue publique commune. L’indicateur essentiel pour mesurer l’identité publique commune est la première langue officielle parlée (PLOP). L’auteur présente un bon nombre de données qui permettent d’analyser la situation à partir de cet indicateur. Il pose notamment la question à savoir si l’attention portée aux francophones hors Québec est motivée par des objectifs visant à assurer l’unité nationale du pays plutôt que par le désir de renforcer les identités francophones partout au pays.

Dans « Les chemins de la recherche sur les minorités : minorités linguistiques et société en comparaison », Rémi Léger et Timothy van den Brink proposent un bilan d’une première décennie d’existence de la revue Minorités linguistiques et société. Quelles minorités ont fait l’objet de recherches et de réflexions dans les différents articles publiés? Qu’en est-il de la diversité des autrices et auteurs? La possibilité de publier en anglais ou en français a-t-elle donné lieu à des publications dans les deux langues officielles du pays? Voilà quelques questions qui ont guidé Léger et van den Brink dans la rédaction d’un article qui propose un regard rétrospectif. Les auteurs se sont librement inspirés d’exercices semblables réalisés pour la revue Francophonies d’Amérique et la Revue d’histoire de l’Amérique française. Ils proposent également une comparaison avec des revues au profil similaire : Béascna, Journal on Ethnopolitics and Minority Issues in Europe, Glottopol, Letopis et la Revista et Llengua I Dret. Leur bilan montre que la revue a publié en moyenne sept articles et quatre comptes rendus par numéro, pour un total de 139 articles scientifiques publiés de 2012 à 2022. Selon eux, la revue s’est établie comme revue de choix dans le champ consacré à l’étude des minorités francophones au Canada. 114 de ces articles ont été rédigés en français et 25 en anglais, ce qui pousse les auteurs de l’article à affirmer que Minorités linguistiques et société est une revue qui publie principalement des articles en français portant sur la francophonie canadienne. De 2012 à 2022, des autrices et auteurs affiliés à 45 universités différentes, dont 21 à l’international, ont publié dans la revue. Le lectorat de la revue n’a cessé d’augmenter depuis la parution du numéro inaugural.

Lorraine O’Donnell et Patrick Donovan proposent un texte portant sur les communautés québécoises d’expression anglaise et sur leur vitalité : Resources on English-Speaking Quebec: A field map. QUESCREN entre dans sa quinzième année en 2024. Cet article publié dans le numéro anniversaire de l’ICRML (20 ans) et de la revue (10 ans) sert donc aussi à commémorer une organisation également dédiée aux enjeux linguistiques. L’objectif de l’article est d’identifier les caractéristiques des ressources en langue anglaise au Québec ainsi que les tendances et les lacunes. Une analyse des thèmes, titres, résumés et références dans un peu plus de 14 000 ressources répertoriées dans la Bibliographie sur le Québec anglophone permet de jeter un regard sur un domaine méconnu, qui ne constitue pas, selon eux, une priorité au sein des institutions de recherches québécoises. Cette bibliographie a pour but d’aider toute personne étudiant le Québec d’expression anglaise à trouver des documents sur la nature, l’histoire, les contributions et les préoccupations de cette communauté minoritaire de langue officielle très diversifiée. Elle révèle la richesse de la documentation disponible et la répertorie de manière utile dans l’espoir de stimuler la recherche sur le Québec anglophone. 94 % de cette base est constituée de mémoires de maîtrise, de thèses de doctorat, de livres, de chapitres de livres et d’articles de revues scientifiques. Certains groupes ethnoculturels au sein des personnes d’expression anglaise au Québec font l’objet d’une attention plus grande. O’Donnell et Donovan considèrent que ce champ de recherche est diversifié et en expansion, mais également qu’il n’est ni uniforme ni cohérent. Il est même, toujours selon eux, plutôt inégal et disparate. Cela reflèterait, dans une certaine mesure, le fait que les institutions de recherche anglophones de la province ne se concentrent pas sur le Québec d’expression anglaise.

L’apport du CREFO dans le développement et la diversification des champs d’études sur les francophonies canadiennes est un article signé par Diane Farmer, Normand Labrie et Emmanuelle Le Pichon-Vorstman. Les auteurs et autrices de cette contribution profitent des anniversaires de l’ICRML et de la revue Minorités linguistiques et société pour faire un retour sur le travail réalisé par le Centre de recherches en éducation franco-ontarienne (CREFO) depuis presque un demi-siècle. Dès la création du CREFO, la volonté était de mettre en valeur la diversité dans les analyses de la francophonie canadienne. Le CREFO est abordé en tant qu’institution et lieu de production de connaissances au sein duquel des chercheuses et chercheurs se sont intéressés notamment aux variétés de français en Ontario, à l’étude des pratiques éducatives, sociales et langagières ainsi qu’à la lutte contre les phénomènes de marginalisation. L’accent, les langues en présence, la race, la religion, l’origine sociale, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, la situation de handicap et les âges de la vie sont mis en relation avec une pluralité de points de vue afin de mettre en évidence l’importance du contexte sociétal et historique dans lequel évoluent les francophonies canadiennes. La langue, l’éducation et l’immigration demeurent des thèmes porteurs au sein du CREFO. La pédagogie en contexte francophone minoritaire, le développement de ressources destinées aux écoles de la minorité, le plurilinguisme et la diversité culturelle en contexte minoritaire sont au nombre des objets d’étude valorisés par le CREFO qui tente de créer des ponts à travers les nombreux espaces de la francophonie au Canada et ailleurs dans le monde. Le maintien de la langue, de l’éducation et de l’immigration, la lutte contre le racisme anti-noir, l’étude du plurilinguisme en tant qu’approche pédagogique, la pédagogie en contexte de francophonie minoritaire et la mobilité et la francophonie dans le monde sont au nombre des thèmes porteurs dans les projets actuels du CREFO.

Dans la section Perspectives de ce numéro, Éric Forgues et Jason Luckerhoff signent un entretien qu’ils ont animé avec Rodrigue Landry et Yvon Fontaine. Éric Forgues, directeur de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, et Jason Luckerhoff, directeur de la revue Minorités linguistiques et société, ont rencontré Rodrigue Landry et Yvon Fontaine dans le cadre du 20e anniversaire de l’ICRML et du 10e anniversaire de la revue MLS. Rodrigue Landry a dirigé l’ICRML pendant dix ans, de 2002 à 2012, après avoir fondé le Centre de recherche et de développement en éducation de l’Université de Moncton et après avoir été professeur et doyen à l’Université de Moncton. Yvon Fontaine a été recteur de l’Université de Moncton de 2000 à 2012 après avoir été professeur, vice-doyen, doyen et vice-recteur de la même institution. Deux rencontres d’un peu plus d’une heure ont été complétées par des recherches dans les archives, des échanges par courriel et une dernière conversation visant à peaufiner le texte de l’entretien préparé par Éric Forgues et Jason Luckerhoff. Landry et Fontaine reviennent sur les événements précédant la création de l’ICRML ainsi que les années où ils ont travaillé ensemble à titre de directeur et de président du conseil d’administration. Cet entretien permet de mieux comprendre qu’au départ, il était question d’un institut sur la francophonie canadienne. Ce n’est que plus tard que les anglophones du Québec ont voulu obtenir l’équivalent et, éventuellement, faire partie de cet institut désormais consacré aux minorités linguistiques du Canada. C’est ce qui a mené à la création du QUESCREN qui a gardé des liens avec l’ICRML, mais a également gagné en autonomie. Rodrigue Landry le considère aujourd’hui comme un partenaire de l’ICRML. Rétrospectivement, Landry et Fontaine considèrent que cela a permis à l’Institut de s’intéresser à toutes les minorités linguistiques, en particulier aux langues officielles du Canada.

Toujours dans la section Perspectives, Marie-Hélène Gaudreault présente les résultats d’une recherche sur le leadership en contexte linguistique minoritaire francophone menée en 2021. Elle s’est entretenue avec quatre-vingts hautes directions francophones à travers le pays, à l’exception du Québec. Elle aborde notamment les principaux défis auxquels font face les dirigeants et dirigeantes francophones.

Le dernier texte de la section Perspectives est signé par Marc L. Johnson, sociologue-conseil et professeur associé en communication sociale à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Il traite de l’engagement du gouvernement fédéral envers l’éducation des minorités et plus spécifiquement en ce qui concerne l’apprentissage tout au long de la vie, incluant l’apprentissage en contextes formel, non formel et informel. À l’initiative du RESDAC, la Table nationale sur l’éducation a entrepris de redéfinir le continuum de l’éducation afin d’y inclure l’apprentissage tout au long de la vie. Le Sommet national sur l’apprentissage pour la francophonie canadienne a réuni 300 leaders de la francophonie à Ottawa en mars 2024. Le texte de Marc L. Johnson porte sur ce changement de paradigme.

Dans la section Varia, deux articles hors thème sont publiés. « L’obligation de communiquer en anglais dans les communautés francophones en contexte minoritaire : des futures infirmières issues de l’immigration témoignent de leur expérience en stage » est signé par Claire Duchesne, Catherine E. Déri et Josée Benoit. Elles ont animé des entretiens de recherche avec des stagiaires infirmières francophones issues de l’immigration. Elles proposent des pistes de solution pour soutenir l’intégration socioprofessionnelle des futures infirmières. Annabel Levesque, N’deye Rokhaya Gueye, Étienne Rivard, Danielle de Moissac et Hélène Archambault proposent pour leur part le texte intitulé « Collective Identity Profiles: The Case of Francophones in Manitoba ». Cette étude quantitative explore des profils identitaires collectifs : Bilingue optimiste, Franco-dominant optimiste, Indifférent pessimiste et Anglo-dominant pessimiste.

Huit comptes rendus d’ouvrages sont également publiés : « Langues, discours et identités au prisme des réseaux sociaux numériques » (2023), « Pourquoi la loi 101 est un échec (2020) », « Dire le silence : insécurité linguistique en Acadie 1867-1970 » (2021), « Fédéralisme et légitimation des langues minoritaires : le cas de la Lusace et des pays catalans » (2023), « L’anglais en débat au Québec : mythes et cadrage » (2021), « Le Canada français : écrits de Philippe Garigue » (2022), « La société acadienne sous la loupe du chercheur : parcours sociologique en Acadie du Nouveau-Brunswick » (2022) et « Délier la langue : pour un nouveau discours sur le français au Québec » (2022).