Résumés
Résumé
Cet article s’intéresse aux caractéristiques et aux formes de confiance dans la création et le développement d’alliances entre Très Petites Entreprises (TPE). Les résultats des études de cas d’une alliance stratégique domestique et d’une alliance stratégique internationale dans un pays en développement montrent que : (i) les formes de confiance dans les deux cas d’alliance sont de nature calculée, affective et cognitive; (ii) des différences apparaissent dans les principales caractéristiques rattachées à chaque forme de confiance lors de la formation ou du maintien de l’alliance (iii); la confiance relationnelle est le socle de la coopération dans les deux alliances alors que la confiance institutionnelle intervient exclusivement dans l’alliance stratégique domestique.
Mots-clés :
- Alliance stratégique,
- Très Petites Entreprises,
- Confiance,
- Pays en développement,
- Etude de cas multiples
Abstract
This article investigates the characteristics and forms of trust in the creation and development of alliances between very small enterprises. The results of the case studies of a domestic strategic alliance and an international strategic alliance in a developing country show that: (i) the forms of trust in the two alliance cases are calculated, emotional and cognitive trust; (ii) there are differences in the main characteristics of each form of trust when forming or maintaining the alliance (iii); Relational trust is the foundation of cooperation in both alliances, while institutional trust operates exclusively in the domestic alliance.
Keywords:
- Strategic alliance,
- Very Small Enterprises,
- Trust,
- Developing countries,
- Multiple case studies
Resumen
Este artículo analiza las características y formas de confianza en el proceso de creación y desarrollo de alianzas entre muy pequeñas empresas. Los resultados de los estudios de casos de una alianza estratégica nacional y una alianza estratégica internacional en un país en desarrollo muestran que: (i) las formas de confianza en los dos casos de alianza son calculadas, de naturaleza emocional y cognitiva; (ii) existen diferencias en las características principales de cada forma de confianza al formar o mantener la alianza (iii); La confianza relacional es la base de la cooperación en ambas alianzas, mientras que la confianza institucional opera exclusivamente en la alianza nacional.
Palabras clave:
- Alianza estratégica,
- Muy Pequeñas empresas,
- Confianza,
- País en desarrollo,
- Estudio de caso múltiple
Corps de l’article
Depuis une trentaine d’années de nombreuses entreprises signent des accords de coopération avec d’autres entreprises, y compris des entreprises concurrentes, pour assurer leur survie-développement (Doz et Hamel, 1998; Koka et Prescott, 2002; Kim, 2014). Cette prolifération de la coopération entre entreprises s’est traduite sur le plan académique par un nombre croissant de recherche sur les alliances stratégiques qui sont considérées comme des accords de coopération à long terme entre entreprises juridiquement indépendantes qui impliquent la mise en commun de ressources tangibles et/ou intangibles pour réaliser leurs objectifs stratégiques (Garrette et Dussauge, 1995). De nombreuses études affirment que ce type de manoeuvres stratégiques repose sur la confiance qui semble être considérée comme un facteur de réussite ou d’échec (Vidot-Delerue et Simon, 2005; Jaouen, 2006; Brûlé-Gapihan et Boudes, 2015).
Nonobstant la diversité des définitions et la multiplicité des conceptualisations de la confiance qui tiennent aux postures épistémologiques (Faems et al; et 2008), la littérature managériale considère la confiance comme une volonté délibérée des acteurs et/ou des organisations d’entretenir des échanges avec d’autres parties en anticipant des attentes positives dans des situations où il est difficile de gérer les risques et les incertitudes comportementales et environnementales (Yberra et Turk, 2009). Or, si certains auteurs ont identifié trois formes de confiance (confiance calculée, confiance affective, confiance cognitive) au fil de l’évolution des relations d’alliance révélant ainsi son caractère dynamique (Yberra et Turk, 2009), il se trouve que pour d’autres auteurs, les formes de la confiance changent (en caractéristiques et en intensité) suivant les phases de formation et de développement de l’alliance (Faems et al, 2008). Cette controverse sur la dynamique de la confiance dans le processus de développement des relations d’alliance amène à s’interroger sur comment se construisent les formes de confiance dans des alliances stratégiques entre Très Petites Entreprises (TPE) appartenant à des secteurs d’activités différents. Ce d’autant plus que les TPE se distinguent des autres entreprises (PME ou grandes entreprises) par une relation de proximité forte entre les parties prenantes (propriétaire-dirigeant, clients, personnel, partenaires, etc.) qui repose le plus souvent sur le seul propriétaire-dirigeant de la TPE au centre de la confiance interpersonnelle (Hambrick, 1989). Etant donné que les alliances impliquent plusieurs acteurs, il paraît intéressant d’interroger deux autres niveaux de confiance que sont la confiance relationnelle (interpersonnelle et inter-organisationnelle) fondée sur le partage de routines (Zaheer et al, 1998; Lewicki et al, 2006) et la confiance institutionnelle qui encastre les échanges entre entreprises dans des structures sociales et le cadre réglementaire pour mieux sécuriser la relation (Meyer et Rowan, 1977; Zucker, 1986). L’objectif de cet article est de comprendre la dynamique de la construction de la confiance dans les formes de confiance et les niveaux de confiance en oeuvre, au fil de l’évolution de la relation d’alliance entre les TPE dans un pays en développement. L’intérêt scientifique et managérial se trouve dans la rareté des travaux sur les alliances stratégiques entre TPE (Jaouen, 2006). Il se trouve également dans les singularités du contexte africain (Ouedraogo, 2003; Gomes et al, 2011). En effet, la culture africaine est réputée communautaire, marquée par l’importance de l’appartenance à un même groupe ethnique ou par l’importance de la parole donnée dans les relations d’affaires (Kamdem, 2002). La confiance qui fonde le respect de la parole donnée est une construction sociale qui régule le fonctionnement des organisations (Bernoux et Servet, 1997, Nizet et Pichault, 2007) et le développement des relations inter-organisationnelles en Afrique (Ouedraogo, 2003, Djeumene, 2010). Etant donné que le Cameroun occupe de façon continue les derniers rangs dans les rapports successifs sur le climat des affaires (The World Bank, 2018), s’interroger sur le rôle de la confiance dans les relations d’affaires permettrait de mettre en évidence les comportements opportunistes inhérents au contexte.
Après avoir explicité l’ancrage théorique de la recherche portant sur la confiance et les alliances stratégiques entre TPE, nous présenterons successivement la méthodologie adoptée, fondée sur une étude de cas multiples, l’approche contextualiste (Pettigrew, 1990) et l’approche enracinée (Strauss et Corbin, 1967), enfin les résultats et les discussions qui en résultent.
Ancrage théorique des alliances stratégiques impulsées par la confiance
Définitions et typologie des alliances stratégiques
Dans le champ du management stratégique, les alliances stratégiques font partie des relations inter-organisationnelles et se construisent en creux autour des relations contractuelles et/ou conventionnelles entre les entreprises (Vidot-Delerue et Simon, 2005; Cheriet, et Gorini, 2014). La littérature fournit une diversité de définitions dont trois – celle de Garrette et Dussauge (1991), de Jolly (2001) et de Jaouen (2006) nous semblent caractériser le mieux les alliances stratégiques. Garrette et Dussauge (1991, p. 4) définissent les alliances stratégiques comme « des associations entre plusieurs entreprises indépendantes qui choisissent de mener à bien un projet ou une activité spécifique en coordonnant les compétences, moyens et ressources nécessaires ». Cette définition rejoint celle de Jolly pour qui « une alliance interentreprises est un lien tissé volontairement entre plusieurs firmes souveraines, restant indépendantes en dehors de ce lien. Elle se caractérise par la mise en commun, par au moins deux entreprises, d’une fraction de leurs ressources pour la poursuite d’objectifs conjoints dans un espace donné et l’obtention d’avantages réciproques » (Jolly, 2001, p. 17).
Il apparaît que, quelles que soient la taille de l’entreprise et des parties prenantes, l’indépendance de chaque partenaire et le partage des ressources et des objectifs visant à réduire le risque et l’incertitude comportementale et environnementale sont au centre des alliances stratégiques. Ainsi les alliances stratégiques se caractérisent par une action conjointe, le partage de ressources, des avantages réciproques ou une dépendance mutuelle des parties prenantes (Jolly, 2001). En contexte de TPE, nous retenons la définition proposée par Jaouen pour caractériser une alliance stratégique dyadique d’une TPE. Elle est un « accord de coopération symétrique entre deux firmes, basé sur un contrat, formel ou non, dans le but de réaliser ensemble un projet ou d’établir une collaboration durable. Cet accord repose sur l’échange, le partage, l’acquisition ou la cession de ressources ou compétences, de façon réciproque entre les partenaires » (Jaouen, 2006, p. 113). Pour l’auteure, l’alliance prend un caractère stratégique si les ressources apportées par chaque partenaire de l’alliance sont essentielles à la survie ou au développement de la firme. Car l’alliance permet aux parties prenantes de mieux se connaître et favorise l’apprentissage, toutes choses qui constituent des sources relationnelles d’avantage concurrentiel (Kim, 2014).
Outre la profusion de définitions, la littérature révèle plusieurs types d’alliances stratégiques (Das et Teng 2001). A l’origine Hennart (1988) identifie deux types d’alliances : la création d’une entité juridique avec partage de capital et la convention de coopération sans structure sociétaire ni apport capitalistique. Un rapprochement peut être fait entre la typologie de Hennart et deux formes dominantes de la typologie de Das et Teng (2001) : les engagements contractuels ou alliances contractuelles (licence, coproduction) s’appuient sur une structure de pilotage non équitable et favorisent l’autonomie des partenaires (Das et Teng, 2001). Le fonctionnement de ce type d’alliance exige un faible niveau de connaissance entre partenaires. En revanche les coopérations capitalistiques ou alliances capitalistiques (joint-ventures, prises de participations minoritaires…) privilégient l’interdépendance entre les structures alliées pour dissuader les comportements opportunistes, réduire l’asymétrie informationnelle et assurer un transfert efficace de l’information, des compétences et des ressources. En outre, les coopérations capitalistiques sont établies entre des entreprises qui décident de partager des ressources similaires ou différentes tels que les actifs tangibles et/ou intangibles (Doz et Hamel, 1998). Dans cette perspective, les alliances conclues entre les firmes qui apportent des ressources similaires sont productrices d’économies d’échelles et d’expérience alors que les alliances conclues entre les firmes qui apportent des ressources distinctes permettent de créer voire de développer des synergies de portefeuilles et/ou de marchés (Garrette et Dussauge, 1991). Ainsi, il apparaît intéressant de comprendre comment la confiance se construit dans des situations d’alliances stratégiques contractuelles ou d’alliances capitalistiques entre TPE.
La confiance dans la formation et le maintien des alliances stratégiques entre TPE
Les TPE se distinguant des autres entreprises, la présentation de leurs spécificités rend féconde la compréhension de la dynamique de construction de la confiance dans la formation et le maintien des alliances.
Les spécificités des TPE
Les travaux sur les entreprises de petite taille, et en particulier les TPE se fondent sur deux caractéristiques majeures, la petitesse de l’entreprise qui est un marqueur de la place centrale du fondateur (propriétaire) dans la gestion de l’entreprise d’une part, et la gestion de la proximité d’autre part en résonance avec l’Ecole de Montpellier (Torrès, 2015), pour caractériser les entreprises de petite dimension et souligner leurs particularités par rapport aux entreprises de taille moyenne ou grande. La petitesse de l’entreprise se traduit par l’omnipotence et l’omniprésence du propriétaire (fondateur) dans la TPE (Jaouen, 2006) qui gère l’entreprise (Hambrick, 1989) et détient de ce fait tous les pouvoirs pour nouer des accords de coopération. La gestion de la petite entreprise, comme l’a montré Torrès (2015), est une gestion de proximité : proximité spatiale, système d’information de proximité, proximité hiérarchique, proximité temporelle. En effet le dirigeant de la TPE privilégie une structure simple bâtie sur des contacts directs et informels entre le dirigeant et les parties prenantes (salariés, fournisseurs, partenaires). Dans la perspective des manoeuvres stratégiques qui sont davantage intuitives en contexte de TPE (Jaouen, 2006; Callot, 2014), la gestion de proximité signifie alors que dans ses relations avec les partenaires d’affaires, en particulier dans le cas des alliances, le dirigeant de TPE va opter pour les relations informelles avec son réseau relationnel (Jaouen, 2006) surtout dans les sociétés africaines qui promeuvent les solidarités organiques comme socle d’activités entreprenantes sécurisées et performantes (Kamdem, 2002). En outre, en l’absence de ressources financières et de compétences suffisantes qui sont une caractéristique de la TPE (Callot, 2014; Torrès, 2015), les dirigeants des TPE africaines vont privilégier des partenaires d’affaires issus de leur groupe d’appartenance (ethnique, culturelle, religieuse, ou d’affaires) parce qu’ils pourront accéder plus facilement aux ressources (Ouedraogo, 2003; Djeumene, 2010), limitant ainsi les risques contractuels liés à la signature des accords de coopération avec des personnes qu’ils ne connaissent pas et qui peuvent adopter, chemin faisant, des comportements opportunistes de nature à réduire les possibilités de gains.
La confiance au centre des relations d’alliances stratégiques entre TPE
La confiance est une notion polymorphe suivant les perspectives psychologique, psychosociologique, sociologique, économique et managériale (Lewicki et al, 1998; Faems et al, 2008). Une synthèse des recherches en gestion menée par Rousseau et al. (1998) souligne que la confiance fait référence d’une part, à la notion de risque qui renvoie à une perte probable en situation d’incertitude comportementale des acteurs ou d’incertitude environnementale, et d’autre part, à la condition d’interdépendance entre les individus ou les organisations, parties prenantes de l’échange économique qui doit être socialement encastré, selon Granovetter (1985), pour aboutir à une relation gagnante pour les alliés. Ainsi la confiance, selon Rousseau et al. (1998), « n’est pas un comportement, (e.g. coopérer), ni un choix (e.g. prendre un risque), mais une condition psychologique sous-jacente » (p. 395, cité par Philippart, 2005, p. 178). Dans la littérature managériale dominante (cf. tableau 2) les définitions de la confiance sont consensuelles et donnent du sens à la confiance par rapport à la perte probable en situation d’incertitude et d’acceptation de vulnérabilité opposable aux attentes positives résultant des comportements coopératifs des acteurs.
Il apparaît que les recherches en sciences de gestion soutiennent que l’incertitude, le risque, la vulnérabilité et les attentes positives sont au centre des relations d’échange fondées sur la confiance en raison de la rationalité limitée des acteurs. Ainsi, nous retenons que la confiance est la volonté délibérée des parties qui anticipent des comportements acceptables des autres face à des situations imprévues et de risque de se rendre vulnérables. Dans ces conditions, la confiance dans les alliances est souvent associée à la dynamique de sa construction (Ring et Van de Ven, 1994). Il est admis que non seulement un minimum de confiance et l’existence des liens antérieurs sont nécessaires pour nouer des accords de coopération, mais la durée de la relation reste déterminante (Ring et Van de Ven, 1994; Philippart, 2005).
Des chercheurs ont mis en relief des formes et niveaux de confiance à la base de la formation et du maintien des relations d’alliances (Le Gall, 2012). Trois formes de confiance résultent de l’analyse des motivations des alliés à accorder ou non leur confiance : La relation d’alliance se noue et se maintient grâce au calcul rationnel que font les acteurs par l’anticipation de comportements coopératifs; la confiance basée sur le calcul (confiance calculée) est motivée par la crainte de sanctions en cas de violation de la confiance ou les espérances de gains tirés de la continuité ou du maintien de la relation d’alliance (Rousseau et al. 1998). La confiance basée sur les connaissances quant à elle est de nature cognitive parce qu’elle repose sur les connaissances et les informations concernant les compétences d’un partenaire; ces connaissances se fondent sur des éléments objectifs tels les compétences, les résultats et le sens de responsabilité de chacun des alliés qui s’apprécient dans le temps en fonction de l’interaction commune (Doz et Hamel, 1998). La troisième forme de confiance est de nature affective et traduit l’attachement affectif ou le lien affectif d’identification des alliés qui partagent un ensemble de valeurs (Lewicki et al, 1998). Des auteurs soutiennent que la confiance affective est surtout mobilisée par les TPE dans le cadre de relations informelles et à partir desquelles les relations d’alliances s’établissent dans la durée (Jaouen, 2006).
L’une des distinctions les plus communes concerne le niveau de confiance qui permet dans la lignée des travaux de Giddens (1990) d’utiliser les référents sur lesquels porte la confiance comme critère de différenciation de la confiance pour distinguer trois niveaux de confiance : la confiance interpersonnelle, la confiance inter-organisationnelle et la confiance institutionnelle (Faems et al, 2008). La confiance interpersonnelle et la confiance inter-organisationnelle se fondent sur la perspective relationnelle (Mc Neil, 1979) : la confiance interpersonnelle lubrifie la relation d’échange entre partenaires dans le cadre des relations interpersonnelles (Zaheer et al. 1998). Ce type de confiance est souvent mobilisé par les TPE pour construire les relations d’alliance dans la mesure où la confiance interpersonnelle se base sur l’appartenance au sein d’une même communauté et la connaissance mutuelle (Jaouen, 2006) ou sur les résultats des échanges passés et des expériences antérieures (Ring et Van de Ven, 1994). La confiance inter-organisationnelle s’établit entre organisations partenaires et implique tout comme la confiance interpersonnelle, des personnes physiques qui doivent développer collectivement des processus organisationnels devant faciliter et consolider les relations d’alliance (Faems et al, 2008). La confiance institutionnelle, quant à elle, est le support des relations d’alliances en ce sens que les relations d’alliance sont encastrées dans des structures sociales (Kim, 2014) et sont gouvernées par des institutions qui produisent des arrangements formels (cadre réglementaire et juridique) et informels (normes sociales) pour légitimer et sécuriser les relations (Meyer et Rowan, 1977; Zucker, 1986). La relation d’alliance impulsée par la confiance relationnelle (confiance interpersonnelle ou confiance inter-organisationnelle) se maintient dans le temps grâce au support de la confiance institutionnelle (Zucker, 1986; Kim, 2014).
En contexte africain et camerounais en particulier, la confiance perçue comme la capacité des acteurs à honorer leurs engagements est une construction sociale qui régule le fonctionnement des organisations (Bernoux et Servet, 1997). A cet égard, les dynamiques culturelles au centre des réseaux informels d’échanges, la mutation de l’environnement des affaires et du contexte institutionnel sont des facteurs explicatifs de la dynamique des organisations africaines (Kamdem, 2002; Ouedraogo, 2003; Gomes et al, 2011). Ces facteurs sont susceptibles de renforcer la confiance ou de générer a contrario la méfiance ou la défiance (Lewicki et al, 1998; Servet, 1997) dans le cadre des alliances stratégiques en Afrique (Gomes et al, 2011; Ibeh, 2012, Okpara, 2012, Munemo, 2012).
Aussi supposons-nous l’existence de différences dans les caractéristiques associées aux formes de confiance dans la création et le développement des alliances entre TPE en contexte camerounais.
Méthodologie qualitative fondée sur une étude de cas multiples
Notre recherche ayant une visée compréhensive, nous avons adopté la méthodologie qualitative basée sur une étude de cas multiples (Yin, 2013). Elle est une stratégie de recherche appropriée pour comprendre comment se créent et se développent la confiance dans les alliances stratégiques entre TPE. La démarche qualitative retenue dans le cadre de cette recherche s’explique notamment par le domaine d’application et l’objet de l’étude, à savoir la construction de la confiance dans les alliances entre TPE au Cameroun durant le processus d’alliance. Il est probable que les formes et niveaux de confiance diffèrent suivant la formation et le développement de la relation d’alliance et compte tenu des motivations et comportements divergents ou convergents des acteurs. La confiance s’appréciant au fil de l’évolution de la relation d’alliance, nous allons nous référer au cadre d’analyse contextualiste de Pettigrew (1990) développé autour de trois pôles saillants – le contexte, le contenu et le processus – pour comprendre comment les alliés se font confiance dans deux cas contrastants d’alliance stratégique : Une alliance stratégique internationale entre une TPE camerounaise (ALPHA Conseil) et une TPE française dans le secteur de la formation et du conseil en management, et une alliance stratégique capitalistique entre deux TPE camerounaises, BETA Finance et son partenaire spécialisé en ingénierie financière (cf. tableau 3). Nos deux cas d’alliance font partie de la typologie des cas multiples qui sont source d’informations riches (Yin, 2013). Les deux cas d’alliance sélectionnés de façon ad hoc sont contrastants parce qu’ils se distinguent par la nature de l’activité, le type d’alliance stratégique et le style managérial.
Collecte de données par la méthode de triangulation
Nous avons réalisé des entretiens d’une durée moyenne d’une heure, avec cinq personnes (le dirigeant de ALPHA Conseil, trois de ses collaborateurs et le dirigeant de l’entreprise alliée) dans l’alliance de complémentarité; et avec quatre personnes (trois administrateurs et le directeur de BETA Finance, le dirigeant de l’entreprise partenaire) dans l’alliance capitalistique. Les entretiens ont porté sur l’expérience et les responsabilités dans l’entreprise, la sélection des partenaires, le rôle et l’implication du dirigeant, les motivations à nouer un partenariat, le déroulement de l’alliance. En outre, nous avons procédé à l’analyse documentaire, profitant de l’accès privilégié[1] aux documents internes des entreprises. Nous avons procédé à la prise de notes et à l’enregistrement lors des entretiens. Cette triangulation des sources de données permet de minimiser les biais dus à la sélectivité de la mémoire des interviewés lors de la collecte des données (Webb et Weick, 1979).
Le choix de la théorisation ancrée et des indices de cooccurrence comme méthode d’analyse des données
L’approche enracinée (Glaser et Strauss, 1967) a été choisie pour l’analyse des données puisqu’il est possible que les discours des répondants révèlent des éléments déjà soulignés par la littérature, mais également des éléments (concepts) nouveaux permettant de caractériser la dynamique de la confiance, à travers ses trois formes, ainsi que les niveaux de confiance dans la formation et le maintien des relations d’alliance. Nous avons procédé, après l’analyse de contenu des discours (Yin, 2013), à la codification ouverte, à la codification axiale et à la codification sélective (Strauss et Corbin, 1990). La codification ouverte consiste à segmenter les idées contenues dans les discours des répondants et à attribuer des codes regroupés en concepts reliés entre eux par des catégories. Au terme de cette première étape, une liste de 50 codes en est issue. Nous avons procédé à une analyse comparative des codes à partir de leurs définitions et de leurs occurrences, et à l’épuration des codes en appliquant la méthode d’épuration préconisée par Miles et Huberman (2003). Ceci nous a permis de définir les caractéristiques associées aux trois formes de confiance. A titre d’illustration, les affinités (ethniques ou amicales) entre acteurs, en tant qu’une caractéristique de la confiance est rattachée à la confiance affective qui est une catégorie centrale reconnue par les travaux conceptuels et théoriques. La codification axiale a été utilisée pour évaluer la capacité explicative des concepts et des catégories centrales en fonction du cadre conceptuel (Strauss et Corbin, 1990). Nous avons regroupé les caractéristiques et formes de confiance en fonction de la durée de l’alliance; la formation de l’alliance est impulsée par la confiance ex-ante et le maintien de l’alliance est soutenu par la confiance ex-post (Le Gall, 2012). Nous nous sommes inspirés de la méthode de cooccurrence[2] (Garcia, 2005; Le Gall, 2012) pour recenser pour chacune des trois formes de confiance ex-ante (avant la formalisation du contrat d’alliance) et ex-post (en cours de relation d’alliance), le nombre de fois qu’une caractéristique rattachée à une forme de confiance particulière était en cooccurrence au début et en cours (maintien) de la relation. Enfin, nous avons analysé les discours des répondants sur le déroulement de l’alliance et les difficultés rencontrées pour situer les niveaux de confiance en oeuvre, de façon isolée ou combinée dans la relation d’alliance entre TPE camerounaises.
Présentation des deux cas d’alliance dyadique
En référence aux pôles « contexte » et « contenu » du cadre d’analyse contextualiste (Pettigrew, 1990; Pichault, 2003), les deux cas d’alliances dyadiques entre TPE sont une alliance internationale dans le conseil en management et une alliance domestique dans le secteur de la micro-finance.
L’alliance domestique entre deux TPE, BETA Finance et son partenaire spécialisé dans l’ingénierie financière, a démarré en 2014. Elle s’est faite sur la base de la prise de participation dans le capital de BETA Finance, et de la garantie de l’indépendance des deux entreprises alliées jusqu’à la phase développement de l’alliance. Evoluant dans le secteur de la micro-finance qui est très réglementé, BETA Finance est un établissement de deuxième catégorie qui confère le statut de société anonyme avec constitution d’un conseil d’administration. Cet établissement de micro-finance est une création d’un groupe d’associations dont les membres sont originaires d’un village de l’ethnie bamiléké dont le dynamisme entrepreneurial est reconnu au Cameroun (Kamdem et Nkakleu, 2015; Nkakleu, 2018). Les défaillances de la structure de gouvernance et l’incompétence du management de BETA Finance ont placé cette entreprise dans une situation de gestion critique[3] qui l’a amenée à nouer une alliance avec une entreprise d’ingénierie financière. En outre, ce partenaire stratégique possède l’expertise dont le management de BETA Finance a besoin pour assurer la gestion efficace de l’entreprise.
Le partenaire local de BETA Finance quant à lui est confronté aux nouvelles procédures extrêmement longues de délivrance d’agrément dans un contexte de taux de faillite élevé des établissements de micro-finance et de forte asymétrie informationnelle. Au-delà de ces difficultés perçues par chaque partenaire, la décision d’alliance a été prise suite à une vision partagée par les deux alliés du développement de la structure. Pour le PCA de BETA Finance qui a été l’initiateur et le négociateur principal, « il n’était pas question d’hypothéquer l’épargne des adhérents et des associations qui nous ont fait confiance en refusant de nous ouvrir à des partenaires sérieux au seul motif qu’on risque de se faire absorber. L’urgence est de trouver un partenaire qui apporte les ressources financières et son expertise pour assurer le développement de l’affaire ». Deux instances ont joué un rôle essentiel dans la formalisation de l’alliance entre les deux TPE camerounaises : l’autorité de régulation qui est la COBAC a assuré la régularité des conclusions de la négociation entre les deux parties; les associations à l’initiative de la création de BETA FINANCE ont donné quitus au PCA et aux administrateurs qui sont leurs représentants au sein du conseil d’administration pour engager l’entreprise dans cette opération d’alliance.
L’alliance dyadique internationale entre ALPHA Conseil, une TPE camerounaise et son partenaire toulousain (France), a démarré en 2002 par une prise de contact entre les deux fondateurs dirigeants. Des négociations ont lieu à Toulouse au terme desquelles les deux parties ont signé en avril 2004 un accord de coopération dont l’exécution apporte à chaque partenaire une satisfaction qui va au-delà des attentes. Car, à la suite de cet accord sur des produits labellisés, les deux dirigeants ont développé récemment de produits spécifiques à partir de leur connaissance commune des marchés sur lesquels l’entreprise ALPHA Conseil est présente. La motivation du dirigeant de l’entreprise ALPHA Conseil était « d’atteindre la cible des directeurs généraux sur le marché camerounais en leur proposant des produits haut de gamme offerts par un cabinet ayant une notoriété internationale ». Pour ce faire, le dirigeant de ce cabinet camerounais s’est allié opportunément avec une entreprise occidentale ayant déjà une expertise et un label reconnu sur le plan international aux fins d’améliorer sa position concurrentielle sur le marché mais également de bénéficier du transfert d’outils et de techniques permettant de développer les compétences de son personnel formateur et consultant. Dans le cadre de la réalisation de cette alliance, le cabinet local a mis à disposition son portefeuille relationnel, la bonne connaissance du marché, les ressources financières pour la prise en charge de tous les frais d’organisation des séminaires de formation et de séjour du partenaire français qui, à son tour, apportait son expertise et les outils labellisés. Si durant les premières années, les deux dirigeants tenaient des réunions annuelles pour évaluer la concrétisation de leur alliance, la poursuite de l’alliance se fait par tacite reconduction et le dirigeant de l’entreprise ALPHA CONSEIL a associé ses collaborateurs dans la gestion de cette alliance.
Présentation des résultats
Nous présentons les résultats, suivant le pôle « processus » du cadre d’analyse contextualiste (Pettigrew (1990; Pichault, 2003), en mettant en relief les caractéristiques des formes de confiance ainsi que les niveaux de confiance durant le processus d’alliance entre les entreprises partenaires.
Les principales caractéristiques associées aux formes de confiance diffèrent suivant les étapes du processus d’alliance stratégique entre TPE camerounaises
La confiance affective, la confiance calculée et la confiance cognitive sont la base des relations de partenariat entre les TPE durant les phases formalisation et maintien du processus d’alliance (cf. tableau 4). La formalisation de l’alliance est marquée, sur l’échelle d’importance décroissante (mesurée par l’indice de cooccurrence) par la confiance cognitive, la confiance affective et la confiance calculée. En phase de maintien de la relation d’alliance, la confiance calculée est la caractéristique la plus importante, suivie par la confiance affective et la confiance cognitive. Cette différence se justifie par le fait que les motivations premières à s’engager dans une relation d’alliance sont l’acquisition des compétences nécessaires pour réaliser des prestations de qualité et l’appartenance au même réseau relationnel. Pour ce faire, le propriétaire dirigeant recherche au sein de son réseau de proximité des partenaires qu’il connait pour construire une relation d’affaires basée sur le partage des valeurs associées à la confiance affective. La confiance calculée quant à elle est activée prioritairement lors du développement de l’alliance, lorsque chaque partie est convaincue de l’engagement actif de l’entreprise alliée.
Il apparait que les deux caractéristiques majeures de la confiance affective ex-ante sont la transparence dans la transaction et l’honnêteté des alliés, alors que les affinités et la transparence sont les deux caractéristiques fondamentales de la confiance ex-post. Les propos du dirigeant de la TPE française sont illustratifs : « Dans ma conception du business, la confiance est la clef du succès. Le ciment du partenariat avec ALPHA Conseil était pour moi la transparence et l’honnêteté; il devait produire toutes les pièces justificatives, on allait souvent ensemble en prospection chez les clients. Au fil du temps, l’engagement mutuel et le respect des termes contractuels ont constitué le ferment des relations amicales que nous avons tissées par la suite. L’honnêteté est toujours présente mais j’ai un peu baissé la garde ».
Pour ce qui concerne la confiance cognitive, l’expertise et la capacité de l’entreprise partenaire sont les deux caractéristiques majeures de la confiance cognitive ex-ante tandis que l’efficience et l’expertise sont les deux caractéristiques les plus importantes de la confiance cognitive ex-post. L’expérience du partenaire local et sa capacité à apporter des solutions techniques ou financières ont présidé au choix du partenaire et à la formalisation de la relation d’alliance. Le maintien de l’alliance repose quant à lui sur l’efficience des actions de chaque partenaire et la mise à l’épreuve de son expertise. A ce titre, le PCA de BETA Finance affirme : « J’ai choisi ce partenaire parce qu’il possède l’expertise dans le métier bancaire et est capable de soutenir financièrement et même techniquement le développement de notre business ». Un administrateur de BETA Finance ajoute qu’il est indispensable de « juger le maçon au pied du mur avant de lui renouveler sa confiance ».
La profitabilité et l’interdépendance sont les deux caractéristiques majeures de la confiance calculée ex-ante alors que la confiance calculée ex-post repose davantage sur la sécurité et l’interdépendance. A cet effet, un administrateur de BETA Finance affirme : « Je veux bien qu’on fasse entrer ce partenaire dans le capital pour relancer le business, sécuriser l’épargne des clients, et surtout distribuer des dividendes sur un horizon de court terme. Mais, en aucun cas, je ne suis pas d’accord que ce partenaire prenne le contrôle de l’entreprise; car si tel était le cas, nous prendrions un risque non mesurable sur l’épargne des adhérents de nos associations qui détiennent la majorité des actions ».
La primauté de la confiance interpersonnelle sur la confiance inter-organisationnelle et la confiance institutionnelle dans les deux cas d’alliance entre TPE camerounaises
Le processus de développement des relations d’alliance entre les TPE de l’étude est gouverné par la confiance interpersonnelle surtout avant la formalisation. Mais au fil de l’évolution de la relation, la confiance inter-organisationnelle en tant que deuxième versant de la confiance relationnelle vient lubrifier la relation dans le cas de l’alliance de complémentarité, et la confiance institutionnelle, quant à elle, est activée dans le cas de l’alliance capitalistique.
L’importance de la confiance interpersonnelle dans la formation et le maintien de la relation d’alliance entre TPE camerounaises
Dans la lignée des travaux théoriques et empiriques qui soulignent le rôle de la confiance dans la formation de l’alliance (Ring et Van de Ven, 1994; Kim, 2014), la confiance interpersonnelle apparaît comme un facteur déclenchant la relation d’alliance et qui va se consolider dans le temps, du fait des relations informelles entre les décideurs, à savoir les propriétaires dirigeants des TPE (Jaouen, 2006). L’effet proxémique qui est une caractéristique de la petitesse de l’entreprise place le fondateur dirigeant au centre de la gestion de l’entreprise (Torrès, 2015), et à cet effet, le propriétaire dirigeant de l’entreprise ALPHA Conseil et le PCA de BETA Finance sont en première ligne pour initier, négocier et conclure l’alliance avec les dirigeants des entreprises partenaires.
Le propriétaire dirigeant de l’entreprise ALPHA conseil est entré en contact avec le dirigeant de la TPE française par une tierce personne issue de son réseau relationnel. Il a été au centre de l’initiation et de la formalisation de l’alliance avec le dirigeant de la TPE française, qui détient le droit exclusif d’exploitation de la marque DALE CARNEGIE dans le domaine de la formation en management en Afrique. Le partenaire de ALPHA Conseil affirme « Au départ, je ne voulais plus faire le business avec un camerounais parce que j’avais été floué; j’étais très méfiant lorsqu’un de mes clients m’a appelé pour me demander de recevoir son frère, pour faire du business. La venue de mon partenaire d’aujourd’hui à Toulouse pour parachever les échanges que nous avons eus au téléphone ne m’a pas beaucoup rassuré ».
Cette méfiance affichée par le partenaire d’ALPHA Conseil a été déterminante dans la conclusion de l’alliance car la TPE locale devait fournir toutes les garanties permettant de minimiser les risques d’occurrence de comportements opportunistes. ALPHA Conseil doit s’occuper de la vente des formations et le partenaire français, quant à lui, est l’expert formateur qui assure l’animation des séminaires de formation destinée essentiellement aux managers et dirigeants des entreprises. Le fondateur de l’entreprise ALPHA Conseil reconnaît que l’alliance s’est faite sur la base de la rédaction et de la signature d’un contrat, mais son frère a joué un rôle essentiel dans la prise de contact et la négociation. Les propos du fondateur dirigeant de l’entreprise ALPHA Conseil sont illustratifs.
« Au départ je ne connaissais pas celui qui deviendra mon partenaire et qui est aujourd’hui un ami, un frère. D’ailleurs, nos deux familles se connaissent et se fréquentent, nous nous faisons des prêts sans garantie et qui n’ont rien à voir avec notre business. La négociation a duré presque deux ans et demi après que mon frère nous ait mis en contact. J’avais une opportunité à saisir et j’ai accepté les exigences de mon partenaire avant la signature du contrat : pour qu’un séminaire soit organisé, j’avais l’obligation d’apporter le nombre de participants exigé; le coût de la formation était fixé par le partenaire; les modalités de paiement du partenaire étaient également précisées dans le contrat ».
La formation de l’alliance entre BETA Finance et son partenaire local a été possible grâce à la connaissance mutuelle des acteurs clés dans les deux entreprises. Le PCA de BETA Finance s’est appuyé sur les pouvoirs qui lui sont reconnus par l’autorité de régulation pour initier l’alliance, et a pris contact directement avec les administrateurs de l’entreprise partenaire qui sont ses amis et avec lesquels ils ont eu des relations professionnelles fructueuses par le passé. Le PCA de BETA Finance, expert-comptable, et par ailleurs président de l’association des élites de l’association villageoise détentrice de la majorité des actions, déclare :
« Je connais les actionnaires de l’entreprise partenaire, j’étais au courant qu’ils voulaient créer une entreprise de micro-finance, alors je leur ai parlé de nos difficultés. Deux autres frères experts comptables et moi avons déjà travaillé avec eux, ils sont très professionnels; je leur fais totalement confiance pour développer notre business; ils apportent de l’argent frais et leur expertise dans le domaine bancaire, et sont prêts à faire passer le capital à trois milliards de F CFA dans un horizon de court terme ».
Cette proximité professionnelle a facilité la compréhension et le partage de la vision à long terme du développement de BETA Conseil. Son partenaire local l’atteste :
« Le leadership de l’équipe qui veille sur le fonctionnement de BETA Finance, ce sont des personnes que nous connaissons. En fait sur une douzaine de personnes qui constituent notre conseil d’administration, sept sont des anciens cadres dirigeants de banques et certains sont encore dirigeants d’entreprise. C’est dire que nous connaissons les activités professionnelles des gens qui tiennent BETA Finance et pour nous, le facteur humain est le facteur clé de la réussite de tout business ».
La confiance inter-organisationnelle, levier de développement de l’alliance de complémentarité et la confiance institutionnelle, support de l’alliance capitalistique
La littérature souligne qu’en général la confiance est fragile lors de la formation de l’alliance et se consolide au fil de l’évolution de la relation lorsque les résultats escomptés sont réalisés (Ring et Van de Ven, 1994) grâce à la mise en place de processus organisationnels (Zaheer et al, 1998). Ces processus organisationnels qui fondent la confiance inter-organisationnelle (Zaheer et al. 1998; Le Gall, 2012) sont par exemple des routines qui véhiculent un ensemble de valeurs partagées sur lesquelles les acteurs (les alliés, les managers) se réfèrent pour mener des actions collectives. La confiance inter-organisationnelle apparaît comme le niveau de confiance pertinent pour développer les relations d’alliance. Dans le cas de l’alliance de complémentarité entre la TPE camerounaise et son partenaire toulousain, le propriétaire dirigeant de l’entreprise ALPHA Conseil a impliqué ses collaborateurs dans le processus de gestion des formations validées lors de la signature du contrat de partenariat. Le responsable pôle formation de l’entreprise ALPHA Conseil affirme :
« Le Dg a eu le flair de signer ce partenariat qui a été et demeure stratégique pour nous parce que, après plus de dix ans de business, les formations délivrées par notre partenaire au Cameroun, au Gabon et depuis peu en Côte-d’Ivoire ont dopé de manière significative notre chiffre d’affaires et le développement personnel des collaborateurs qui ont suivi des formations internes sur la vente et la réalisation des produits haut de gamme. Entre les années 2005 et 2010, les clients se bousculaient pour acheter des sessions entières de formation de notre partenaire français qui ont représenté jusqu’à 80 % de notre chiffre d’affaires. En 2013, sur le chiffre d’affaires formation de 250 millions de F CFA, la contribution du partenaire était de 50 %; en 2014, elle a représenté 35 % des 300 millions de F CFA des ventes des produits de formation ».[4]
Si durant les premières années, les deux dirigeants tenaient des réunions annuelles pour évaluer la concrétisation de leur alliance, la poursuite de l’alliance se fait par tacite reconduction et le dirigeant de l’entreprise ALPHA Conseil a associé ses collaborateurs dans la gestion de cette alliance. Les propos du partenaire français corroborent l’exécution satisfaisante des termes de l’alliance :
« Depuis notre engagement dans cette alliance, les sessions de formation sont bien organisées; des efforts considérables ont été faits par les commerciaux pour vendre les formations. Il y a des mois où je suis dans les salles de formation à Douala, à Libreville, à Yaoundé, à Brazzaville ou à Abidjan, loin de ma famille qui réside à Toulouse. Mes séjours ont toujours été pris en charge; j’entretiens de très bonnes relations avec tout le personnel impliqué dans le processus de vente et d’organisation de mes formations ».
Dans le cadre de la négociation de l’alliance capitalistique, si deux personnes clés, le PCA de BETA Finance et le dirigeant de l’entreprise partenaire sont à l’origine de cette initiative, au fil du processus de formalisation, les administrateurs et l’assemblée générale des actionnaires de l’entreprise BETA Finance ont pris, sur la base des décisions validées lors des négociations bipartites, la décision d’engagement dans l’alliance. Dans l’attente de la notification de la décision de la COBAC validant la prise de participation dans le capital de BETA Finance, il est apparu très rapidement des différences de vue dans les nouvelles orientations managériales suggérées par le dirigeant de l’entreprise partenaire qui a reçu mandant du conseil d’administration de BETA Finance pour valider toute décision du directeur qui, aujourd’hui a été licencié pour fautes lourdes. En effet, le partenaire va présenter, contre l’avis du directeur de BETA Finance, une proposition de réorganisation et d’affectation d’une partie de son personnel[5] aux postes créés sans respecter les procédures de recrutement, qui sera validée par le PCA sans que cette décision soit soumise à l’appréciation des administrateurs. Le directeur de BETA Finance, au moment du déroulement de la relation d’alliance, témoigne : « Je ne comprends pas cette confiance aveugle que le PCA accorde à ce monsieur; j’ai fait mes recherches et il me revient qu’il fait partie des managers d’une ancienne banque étatique ayant fait faillite; et je suis surpris qu’il veuille aujourd’hui entrer dans votre capital avec une option de reprise pour en faire une banque, que vous leur avez accordé trois places au conseil alors même qu’ils n’ont pas encore libéré leurs actions et que la COBAC n’a pas encore statué sur notre dossier ».
L’asymétrie d’information qui transparait dans le discours du directeur de BETA Finance corrobore celui d’un administrateur qui dénonçait la mise à la disposition du partenaire de tous les documents et informations stratégiques sans contrepartie. Rassurés par les exigences de la COBAC, les administrateurs se sont abstenus de dénoncer l’insuffisance d’informations sur la démarche d’autorisation auprès de l’autorité de régulation qui avait déjà relevé des distorsions ou manquements dans la formalisation de l’alliance. Un administrateur révèle : « Je représente notre association au conseil et me dois de protéger leur argent. Le PCA semble faire confiance au partenaire de façon démesurée; il a finalement racheté les actions sans payer les primes évaluées à 60 millions de F CFA. Grâce au directeur, nous savons que la COBAC a rejeté la prise de participation au motif que le dirigeant de l’entreprise partenaire a un passé reprochable en tant que banquier. Pourtant le PCA s’obstine à trouver d’autres ficelles pour les maintenir dans l’actionnariat ».
La confiance institutionnelle (Zucker, 1986) se révèle comme un support des formes de confiance au centre du développement des relations d’alliance entre les deux TPE locales. Grâce à la confiance institutionnelle, le contenu contractuel signé par les deux alliés doit être modifié pour sécuriser l’épargne des clients et le partenariat.
Discussion et conclusion
La mise en perspective des résultats de cette recherche permet de ressortir deux enseignements majeurs.
Le premier enseignement révèle la dynamique des formes de confiance dans le développement des relations d’alliance entre les TPE camerounaises. Nos résultats corroborent la présence des trois formes de confiance (confiance calculée, confiance affective, confiance cognitive) durant les phases de création et de maintien de la relation d’alliance (Faems et al, 2008; Le Gall, 2012). Toutefois, les principales caractéristiques associées à chaque forme de confiance diffèrent en termes de poids (indice de cooccurrence différent) suivant l’évolution de la relation d’alliance. Nos résultats confortent le caractère structurant de la temporalité dans la dynamique de confiance en contexte d’alliance stratégique (Ring et Van de Ven, 1994).
La primauté de la confiance cognitive et de la confiance affective dans la construction de la confiance en phase de formalisation de l’alliance relativise les conclusions de Jaouen (2006) sur l’importance des relations informelles, et par conséquent de la confiance relationnelle (Zaheer et al, 1998) dans la formation des alliances stratégiques entre TPE. Les motifs pour lesquels les dirigeants des TPE s’engagent dans une relation de partenariat avec d’autres TPE tiennent essentiellement à l’acquisition des compétences qui leur font défaut pour construire une offre commerciale attractive. Dans cette perspective, nos résultats montrent que la proximité relationnelle entre les parties alliées, socle de la confiance affective, est consubstantielle à la recherche de compétences complémentaires.
La primauté de la confiance calculée et de la confiance affective sur le maintien de la relation d’alliance entre TPE n’est pas étonnante, car chaque partie va prendre la décision de poursuivre la relation de partenariat sur la base de l’appréciation des actions de l’entreprise alliée. Ainsi la réalisation des résultats positifs est une preuve de l’engagement de l’entreprise alliée (Delerue et Simon, 2005; Faems et al, 2008) et du respect de la parole donnée (Servet, 1997; Kamdem, 2002) suivant les arrangements formels ou informels ayant présidé à la formation de la relation d’alliance. Nos résultats établissent que le bon déroulement de la relation d’alliance consolide la confiance affective entre les TPE alliées. Dans ces conditions, la confiance calculée et la confiance affective sont les deux versants majeurs de la dynamique de confiance en phase de maintien de l’alliance entre TPE.
L’importance de la confiance calculée dans le maintien de la relation d’alliance montre en creux, l’utilité du contrôle (Vidot-Delerue et Simon, 2005) dans le développement de l’alliance stratégique entre TPE, et relativise ipso facto, l’exclusivité des relations informelles dans la construction des alliances entre TPE (Jaouen, 2006). Dans le cas de l’alliance internationale entre ALPHA Conseil et son partenaire français, tout comme dans l’alliance domestique entre BETA Finance et son partenaire local, le contrôle formel et/ou informel semble conditionner le maintien de la relation d’alliance. La confiance calculée et la confiance affective sont ainsi deux faces d’une même figure, à savoir : la confiance dans le développement de l’alliance entre TPE. Nos résultats corroborent la complémentarité entre la confiance et le contrôle (contrat formel) dans la coordination des alliances stratégiques durables (Vidot-Delerue et Simon, 2005; Faems et al, 2008; Cheriet et Gorini, 2014).
Le deuxième enseignement porte sur la dynamique des niveaux de confiance dans la formation et le maintien de l’alliance stratégique entre TPE. Cet apport est original dans la mesure où les résultats de l’étude élargissent le champ de connaissance sur les niveaux de confiance dans la construction des alliances stratégiques entre TPE. Nos résultats établissent que la confiance interpersonnelle est le facteur déclenchant la décision de nouer et de consolider les relations d’alliance entre TPE. La confiance interpersonnelle est le ferment des relations informelles entre acteurs; elle est plus présente dans les relations proxémiques en contexte de TPE (Jaouen, 2006; Torrès, 2015).
Il découle de nos résultats qu’en phase de maintien de la relation d’alliance entre TPE, la confiance inter-organisationnelle contribue au développement de l’alliance complémentaire entre la TPE camerounaise, ALPHA Conseil et la TPE française. En effet, l’implication du personnel des deux entreprises alliées dans la gestion quotidienne a facilité le transfert des compétences dans la vente des formations et l’organisation des séminaires. Le dirigeant de l’entreprise partenaire de ALPHA Conseil souligne :
« Le directeur de ALPHA Conseil a compris très vite qu’il fallait impliquer son personnel dans les opérations. Je les ai formés à la maîtrise des techniques de vente et, mon assistante les a formés à l’organisation efficace des séminaires. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de porter tous les supports d’animation. Tout se fait sur place ici, au Cameroun ou à Abidjan qui sont des « hub » à partir desquels nous pénétrons d’autres marchés de la sous région Afrique centrale ou de l’ouest ».
Le développement de la relation d’alliance entre ALPHA Conseil et son partenaire français repose sur l’activation de la confiance interpersonnelle et de la confiance inter-organisationnelle, qui forment la confiance relationnelle (Zaheer et al, 1998; Faems et al, 2008).
En l’absence de la confiance inter-organisationnelle dans le maintien de l’alliance capitalistique entre BETA Finance et son partenaire local, des tensions sont apparues entre le dirigeant de BETA Finance, le PCA, l’assemblée des actionnaires et le dirigeant de l’entreprise partenaire. Ces tensions qui peuvent déboucher sur la perte d’autonomie, alors même que l’autonomie des parties est le fondement de l’alliance stratégique (Das et Teng, 2001), trouvent leur origine dans la détérioration des résultats négatifs de BETA Finance (cf. tableau 3) et la révélation des erreurs graves de gestion (la non libération des actions souscrites par le partenaire local, l’immixtion de celui-ci dans la gestion de l’entreprise sans assumer en contre partie les responsabilités inhérentes, le paiement des honoraires à titre d’assistance technique, cf. tableau 3). Ces tensions s’expliquent par le non respect des engagements pris par le partenaire qui a adopté des comportements opportunistes et non coopératifs, mais aussi par la confiance démesurée (l’excès de confiance au sens de Brûlé-Gapihan et Boudes, 2015) que le PCA de BETA Finance a accordé au dirigeant de l’entreprise alliée. L’intervention de l’autorité de régulation, à savoir la COBAC, au travers de l’activation des mécanismes de contrôle, remet en cause le bien fondé de ce partenariat. Dès lors, la confiance institutionnelle (Meyer et Rowan, 1977) apparaît comme un mécanisme de contrôle efficace du maintien de l’alliance entre TPE opérant dans des secteurs d’activité à fort risque tel le secteur financier, le secteur bancaire ou le secteur de la micro-finance. Nos résultats confortent le rôle de la confiance institutionnelle dans la construction des alliances stratégiques (Zucker, 1986).
Au final, notre recherche met en relief la dynamique de la construction de la confiance dans les alliances entre TPE : les formes et les niveaux de confiance apparaissent comme des clés d’analyse pertinente de la formation et du développement des alliances stratégiques entre TPE (cf. tableau 5), dans un pays de culture communautaire où les acteurs ont tendance à agir par rapport à leur communauté d’appartenance (Kamdem, 2002; Nizet et Pichault, 2007). Il apparaît que la temporalité est déterminante dans la construction de la confiance (Bernoux et Servet, 1997) dans le cadre des alliances stratégiques (Ring et Van de Ven, 1994). La mobilisation des relations informelles dans le cadre des alliances stratégiques ne saurait exclure la formalisation par le contrat (Vidot-Delerue et Simon, 2005; Faems et al, 2008), tel est le principal enseignement de cette étude qui tentait de comprendre comment se construit la confiance dans l’évolution des alliances stratégiques entre TPE camerounaises. La confiance se construit par les interactions entre formes et niveaux de confiance (cf. tableau 5) qui peuvent être sources de réussite ou d’échec des alliances.
Les résultats de cette étude ne sauraient être généralisables puisque nos investigations empiriques portent sur deux cas contrastants. Toutefois, ces résultats sont riches d’enseignements puisqu’ils apportent un éclairage à la problématique de la confiance dans les alliances stratégiques en contexte de pays en développement.
S’agissant des implications managériales de cette recherche, l’alliance entre ALPHA Conseil et son partenaire français a permis à chaque partie d’améliorer son positionnement concurrentiel et ses résultats grâce au respect des engagements pris par chaque partie et la forte implication du personnel dans les actions permettant d’atteindre les objectifs de l’alliance. Ceci a été possible grâce à la transparence dans les actions, à la mobilisation des compétences et de l’expertise des parties alliées; grâce aux affinités qui se sont construites et raffermies au fil du temps et qui reposent sur les résultats produits. En particulier, le personnel de l’entreprise ALPHA Conseil a acquis des compétences dans le domaine de la vente et de l’organisation des séminaires, ce qui participe de la construction de l’image positive et de la notoriété de l’entreprise camerounaise. L’application des principes du management participatif (Drucker, 1954) a facilité la gestion de la relation partenariale. Par conséquent, le management participatif qui est un levier de développement des relations d’alliance trouve son application également en contexte africain.
La dégradation des résultats négatifs de BETA Finance, suite à la formalisation de l’alliance avec le partenaire local, résulte notamment de la prédominance de la confiance interpersonnelle durant le processus d’alliance (cf. tableau 5). Cette situation a amené le PCA de BETA Finance à prendre des décisions stratégiques sans avoir informé préalablement les administrateurs. La confiance démesurée (ou l’excès de confiance) qui alimente le partenariat entre BETA Finance et son partenaire est un facteur d’échec de la relation d’alliance. Les défaillances de la structure de gouvernance pourraient être résolues par l’activation des mécanismes de coordination fondés sur la confiance inter-organisationnelle. Dans cette perspective le management de BETA Finance devrait assurer pleinement ses missions, et refuser tout bicéphalisme dans la direction de BETA Finance qui a contribué à la dilution des responsabilités. La structure de gouvernance (conseil d’administration, organes de direction des associations qui contrôlent la majorité des actions de BETA Finance) devrait quant à elle s’impliquer davantage dans le contrôle régulier de la gestion de l’entreprise. Dans le secteur de la micro-finance fortement régulé, la réussite de l’alliance dépend de la capacité des acteurs à anticiper sur les exigences des parties, à gérer l’entreprise en respectant les normes prudentielles. La confiance institutionnelle joue dans le cas d’espèce le support de la confiance interpersonnelle et de la confiance inter-organisationnelle. BETA Finance et son partenaire devraient construire des routines organisationnelles qui seraient la traduction opérationnelle de la confiance inter-organisationnelle et de la confiance institutionnelle au centre de la gestion efficace de l’entreprise. Des pistes de recherche future seraient par exemple d’étendre cette recherche sur la construction de la confiance dans les relations d’alliance stratégique à d’autres TPE appartenant à plusieurs secteurs d’activité. En outre, la recherche sur la relation entre confiance et performance des alliances stratégiques entre TPE pourrait constituer une base de modélisation de la performance des alliances stratégiques entre TPE.
Parties annexes
Notes biographiques
Raphaël Nkakleu est Directeur du Centre d’Études et de Recherches Africaines en Management et en Entrepreneuriat de l’université de Douala. Il est professeur de management et chef de département gestion des ressources humaines à l’ESSEC de Douala. Ses travaux de recherche s’inscrivent dans le champ du management stratégique, de l’entrepreneuriat et de la gestion des ressources humaines.
Jean-Paul Tchankam, Lauréat de l’Académie Nationale des Sciences, Belles-lettres et Arts de Bordeaux. Il est Full Professor à KEDGE Business School Bordeaux et enseigne le Management stratégique et l’Entrepreneuriat. Ses domaines de recherche concernent principalement la performance des organisations, la stratégie et l’entrepreneuriat. Il est auteur d’articles et publications dans des revues scientifiques variés et co-auteur d’ouvrages sur la coopération académique et création de valeur (publication CNRS 2002), l’Encyclopédie de l’audit social et de la responsabilité sociétale (EMS Paris 2012), Réinventer le leadership (EMS Paris 2017). Il est membre associé au CEPN-UMR-CNRS 7234-Paris.
Altante Désirée Biboum est Professeur agrégée en Sciences de Gestion. Enseignantepermanente à l’ESSEC de Douala, elle occupe le poste de Chef de Département Marketing et Organisations à la Faculté des Sciences économiques et de Gestion Appliquée à l’Université de Douala. Ses domaines de recherche sont : la gestion des relations clients, le marketing du secteur informel, l’entrepreneuriat et l’accompagnement des PME. Coordonnatrice du Laboratoire d’Économie et Management Appliqué et membre fondatrice du Centre d’Eudes et de Recherche Africaine en Management et en Entrepreneuriat, elle est depuis plusieurs années, Experte certifiée par l’ITC/CNUCED pour l’accompagnement des entreprises.
Notes
-
[1]
L’un des auteurs de cet article est formateur dans la TPE camerounaise ALPHA Conseil, et administrateur de BETA Finance.
-
[2]
Il s’agit de calculer l’indice de cooccurrence (C-index) pour chacune des caractéristiques associées à chaque forme de confiance. Le C-index associant une forme particulière (a) à une forme de confiance (b) est calculé par l’équation C(a, b) = Coocc.a.b/(Occ.a + Occ.b) – Coocc.a.b : Ca.b< 0,05 signifie que a et b ne sont pas suffisamment co-occurrents pour être retenus dans l’analyse de la relation (Garcia, 2005).
-
[3]
BETA Finance a enregistré des créances douteuses cumulées en décembre 2017 de plus de 240 millions F CFA (1 euro = 656 francs CFA). L’engagement dans l’alliance se justifie par le fait qu’une partie importante du capital souscrit par les adhérents des associations, actionnaires à titre individuel, n’a pas été recouvrée. Le directeur de BETA Finance a octroyé des crédits importants sans garantie, et ceci en marge des procédures en vigueur. Plus de 60 % des comptes ouverts sont des comptes dormants. La situation de la trésorerie et des fonds propres ne permet plus d’octroyer des crédits aux clients et d’attirer de nouveaux clients.
-
[4]
Le chiffre d’affaire réalisé par ALPHA Conseil et la part de son partenaire français, sur les années 2015, 2016 et 2017, sont présentés dans le tableau 3.
-
[5]
BETA Finance a payé une masse salariale annuelle de 12 millions F CFA aux deux consultants de son partenaire. A partir de l’année 2016, le partenaire sollicite et obtient du PCA de BETA Finance, sans validation du conseil d’administration, le paiement des honoraires mensuels de deux million Francs CFA, à titre d’assistance technique.
Bibliographie
- Bernoux, p. et Servet, J.-M. (1997), La construction sociale de la confiance, Paris, Association d’économie financière, Edition Montchrestien.
- Brûlé-Gapihan, E., Boudes, M. (2015), « Pécher par excès de confiance. Etude de cas d’une coopérative d’activité et d’emploi », Revue Française de Gestion, Vol. 3, N° 248, p. 153-169.
- Callot, p. (2014), “La difficile appropriation du concept de RSE par les TPE. Le cas de la viticulture », Revue des Sciences de Gestion, Vol. 5; N° 269-270, p. 129-137.
- Cheriet, F., &Gorini, L. D. (2014). “Contrat ou confiance ? Effets de la gouvernance sur les performances des alliances stratégiques asymétriques”. La Revue des Sciences de Gestion : Direction et Gestion, Vol. 49, N° 26.
- Das, T.K., Teng, B.S. (2001), “A risk perception model of alliance structuring”, Journal of International Management, Vol. 7, p. 1-29.
- Djeumene, p. (2010), « Propension des PMI camerounaises à nouer des accords de coopération », Revue Française de Gestion, Vol. 1, N° 200, p. 37-52.
- Doz, Y. (1996), « The evolution of cooperation in strategic alliances : Initial conditions and learning processes ?”, Strategic Management Journal, Special issue, Vol. 17, p. 55-83.
- Drucker, p. (1954), The practice of management, New-York, Harper & Row, 1st edition.
- Faems, D., Janssens, M., Madhok, A., Van Looy, B (2008), “Toward an integrative perspective on alliance governance : Connecting contract design, trust dynamics, and trust application”, Academy of Management Journal, Vol. 51, N° 6, p. 1053-1078.
- Garcia, E. (2005), “Keywords co-occurrence and semantic connectivity : An introductory series on co-occurrence theory for information retrieval students and search engine marketers” document en ligne : http://www.miislita.com/semantics/c-index-1.html.
- Garrette, B. et Dussauge, p. (1991), « Alliances stratégiques : mode d’emploi », Revue Française de Gestion, septembre-octobre, p. 4-18.
- Garrette, B. et Dussauge, p. (1995), Les stratégies d’alliances, les Editions d’organisation, Paris.
- Giddens, A. (1990), The consequences of modernity, Cambridge, M.A. : Polity Press.
- Glaser, B et Strauss, A. (1967), The discovery of grounded theory : strategy of qualitative research, Wiedenfeld et Nicholson, London.
- Gomes, E., Cohen, M., Mellahi, K. (2011), « When two African cultures collide : A study of interactions between managers in a strategic alliance between two African organizations”, Journal of World Business, N° 46, p. 5-12.
- Granovetter, M., (1985), “Economic action, social structure and embeddedness”, American Journal of Sociology, N° 91, p. 481-510.
- Hambrick, D.C. (1989), « Putting top managers back in the strategy pictures”, Strategic Management Journal, N° 5, p. 9-22.
- Hennart, J.F. (1988), “A transaction cost theory of equity joint ventures”, Strategic Management Journal, Vol. 9, p. 361-374.
- Ibeh, K., Wilson, J., Chizema, A. (2012), “The internationalization of African firms 1995-2011 : Review and implications”, Thunberbird International Business Review, Vol. 54, N° 4, p. 411-427.
- Jaouen, A. (2006), “Les stratégies d’alliances des TPE artisanales”, Revue Internationale PME, Vol. 19, N° 3-4, p. 111-136.
- Jolly, D. (2001), “Alliances interentreprises : Entre concurrence et coopération » dans Helfer, J.-P. et Orsoni, J. Entreprendre. Vuibert.
- Kamdem E. (en collaboration avec Nkakleu, R.) (2015), Profils et pratiques des entrepreneurs camerounais, L’Harmattan, Paris.
- Kamdem, E. (2002), Management et interculturalité en Afrique. Expérience camerounaise. L’Harmattan/Presse de l’université de Laval, Paris/Laval.
- Kim, S.Y. (2014), « Influence of firm and partner resources on firm performance in the alliance portofolio”, M@n@gement, Vol. 17, N° 2, p. 88-109.
- Le Gall, V. (2012), La construction de la confiance : le cas des alliances stratégiques en biotechnologie, Thèse Ph. D en Administration, HEC Montréal. Université de Montréal.
- Lewicki, R., Tomlinson, E.C. et Gillepsie, N. (2006), « Models of interpersonal trust development : theoretical approaches, empirical evidences, and future directions”, Journal of Management, Vol. 32, N° 6, p. 991-1022.
- Lewicki, R.J., Mc Allister, D.J., Robert, J. (1998), “Trust and distrust : New relationship and realities”, The Academy of Management Review, Vol. 23, N° 3, p. 438-458.
- MacNeil, I. (1979); “Contracts : Adjustments of long-term economic relations under classical, neoclassical, and relational contract law”, Northwestern University Law Review, LCCII, p. 854-906.
- Meyer, J.W. et Rowan, B. (1977), « Institutionalized Organizations : Formal structure as myth and ceremony”, American Journal of Sociology, Vol. 83, N° 2, p. 340-363.
- Miles, H.B. et Huberman, A.M. (2003), Analyse des données qualitatives, (2ème édition); Bruxelles, Edition de Boeck.
- Munemo, J. (2012), “Entrepreneurship in developing countries : is Africa different ?”, Journal of Development Entrepreneurship, Vol. 17, N° 1, p. 125-137.
- Nizet et F. Pichault, (2007), La performance des organisations africaines, Pratiques de gestion en contexte incertain. L’Harmattan, Paris.
- Nkakleu, R. (2018), Accompagnement des petites entreprises au Cameroun et au Sénégal. Compétences des dirigeants et performance. Edition EMS.
- Okpara, J.O. (2012), “An exploratory study of international strategic choices for exporting firms in Nigeria”, Thunderbird International Business Review, Vol. 54; N° 4, p. 479-491.
- Ouedraogo, A. (2003), Alliances stratégiques dans les pays en développement : Spécificité, management et conditions de performances; Une étude d’entreprises camerounaises et burkinabés. Thèse de Ph. D. en Administration, HEC de Montréal, 321 pages.
- Pettigrew, A. (1990), « Longitudinal field research on changes. Theory and practice”. Organization Science; Vol. 25, N° 1, p. 217-226.
- Philippart, p. (2005), « La dialogique contrat-confiance dans la gestion des alliances interentreprises : une illustration dans l’industrie automobile », Revue Finance Contrôle Stratégie, Vol. 8, N° 4, p. 177-203.
- Pichault, F. (2003), “Andrew Pettigrew : le cadre d’analyse contextualiste” dans Allouche, J. Encyclopédie des ressources humaines, Vuibert, Paris, p.1753-1768.
- Ring; P. A.H. et Van De Ven (1994), « Developmental processes of cooperative inter-organiz ational relationships”, Academy of Management Review, 19 (1), p. 90-118.
- Rousseau, D.M., Sitkin, S.B., Burt, R.S. et Camerer, C. (1998), « Not so different after all : A cross-discipline view of trust”, Academy of Management Review, Vol. 23, N° 3, p. 393-404.
- Servet, J.M. (1997), « Le chapeau », La construction sociale de la confiance, dirigée par Bernoux, p. et Servet, J.-M., Editions Montchrestien et Association d’économie financière, Paris, p. 17-38.
- Strauss, A et Corbin, J. (1990), « Grounded theory research : Procedures, Canons, and Evaluative Criteria”, Qualitative Sociology, Vol. 13, N° 1, p. 3-21.
- The World Bank (2018), Doing business 2018. Reforming to create jobs. World Bank, Washington.
- Torrès, O. (2015), “Petitesse des entreprises et grossissement des effets de proximité”, Revue Française de Gestion, N° 44, mai-juin, p. 119-138.
- Vidot-Delerue H. et Simon, E. (2005), « Management des relations d’alliance dans les PME de la biotechnologie : Confiance ou Contrat ? », Actes XIVème conférence de l’AIMS, Angers (France).
- Webb, E. et Weick, K.E. (1979), “Unobstructive measures in organizational theory : a reminder”, Administrative Science Quarterly, Vol. 24, p. 650-659.
- Yberra, C.E. et Turk, T. (2009), « The evolution of trust in information technology alliances”, Journal of High Technology Management Research, Vol. 20, N° 1, p. 62-74.
- Yin, R.K. (2013), Case study research : Design and Methods, 5rd edition, London, England : Sage Publications.
- Zaheer, A., McEvily, A.B., & Perrone, V. (1998), “Does trust matter ? Exploring the effects of inter-organizational and interpersonal trust on the performance”, Organization Science, Vol. 9, N° 1, p. 1-20.
- Zucker, L.G. (1986), “The production of trust : Institutional sources of economic structure, 1840-1920”, in B.M. Staw & L.L. Cummings (Eds), Research in organizational behavior, Vol. 8, p. 53-111.
Parties annexes
Biographical notes
Raphaël Nkakleu is Director of the Center of Studies and Research of African Management and Entrepreneurship at the University of Douala, Cameroon. He is professor of management and Head of Human Resource Management Department at ESSEC of Douala. His research is in the field of strategic management, entrepreneurship and human resources management.
Jean-Paul Tchankam is Full Professor at KEDGE Business School, teaching corporate strategy and entrepreneurship. He received his PhD, for which he was awarded as laureate of the National Academy of Sciences, Humanities and Arts, from the University of Bordeaux. His research areas primarily cover organizational performance, corporate strategy and entrepreneurship. Jean-Paul has published research articles in various leading academic journals and has co-authored publications on academic cooperation and value creation (Centre National de la Recherche Scientifique, 2002), an encyclopaedia on social audits and social responsibility (EMS Paris, 2012), and reinventing leadership (EMS Paris, 2017). He is an associate member of CEPN-UMR-CNRS 7234-Paris.
Altante Désirée Biboum is Professor in Management Sciences. Full Professor of marketing at ESSEC of Douala and Head of Marketing and Organizations Department at the Faculty of Economics and Applied Management, University of Douala, Cameroon. Her research covers such topics as customer relationship management, marketing of informal sector, small business and entrepreneurship. Dr. BIBOUM is also Coordinator of the Laboratory of Economics and Applied Management and a founding member of the Center of Studies and Research of African Management and Entrepreneurship. For several years, she has been an ITC/CNUCED certified expert supporting businesses.
Parties annexes
Notas biograficas
Raphaël Nkakleu es Director del Centro de Estudios y Investigación Africana en gerencia y emprendimiento en la Universidad de Douala, Camerún. Es profesor de gestión y director de gestión de recursos humanos en ESSEC Douala. Su investigación se centra en el campo de la gestión estratégica, el emprendimiento y la gestión de recursos humanos.
Jean-Paul Tchankam, licenciado en la Academia Nacional de las Ciencias, Letras y de las Artes de Burdeos. Es catedrático en la escuela de negocios KEDGE Business School de Burdeos. Su docencia se centra en dirección estratégica y emprendimiento. Sus campos de investigación se enfocan principalmente al estudio del rendimiento de las organizaciones, la estrategia y el emprendimiento. Es autor de artículos y publicaciones en revistas científicas diversas y coautor de obras sobre la cooperación académica y la creación de valor (publicación CNRS 2002(CENTRO NACIONAL DE INVESTIGACIÓN CIENTÍFICA 2002)), la Enciclopedia de la auditoría social y de la responsabilidad social corporativa (EMS París 2012), Reinventar el liderazgo (EMS París 2017). Es miembro asociado en el CEPN-UMR-CNRS 7234 - París
Altante Désirée Biboum es Profesor permanente de marketing en ESSEC de Douala y el Jefe del Departamento de Marketing y Organizaciones en la Facultad de Economía y Gerencia Aplicada, Universidad de Douala, Camerún. Su investigación cubre los asuntos tales como la gerencia de la relación del cliente, el marketing del sector informal, la pequeña empresa y emprendimiento. Dr. BIBOUM es también coordinadora del laboratorio de la Economía y de la Gerencia Aplicada y una miembro fundadora del Centro de Estudios y Investigación Africana en gerencia y emprendimiento. Por varios años, ella ha sido una experta certificada de ITC/CNUCED en el soporte de empresas.