Résumés
Résumé
Les détaillants ne sont pas épargnés par la transformation digitale. Ils doivent aujourd’hui relever le défi du commerce connecté, qui tend vers une intégration des canaux. En mobilisant le cadre théorique de l’ambidextrie organisationnelle, la stratégie de digitalisation de six détaillants français et canadiens, appartenant à trois secteurs a été étudiée selon la méthode des cas. Quatre types de changements sont mis au jour : des changements organisationnels, de proposition de valeur, logistiques et relatifs au partage de la valeur et aux KPI utilisés.
Mots-clés :
- Commerce connecté,
- omnicanal,
- digitalisation du point de vente,
- T.I.,
- logistique électronique,
- ambidextrie organisationnelle
Abstract
Retailers are not spared by the digital transformation. Now, retailers have to meet the challenge of omnichannel retailing. Using the theoretical framework of organizational ambidextry, the digitalization strategy of six French and Canadian retailers, belonging to three sectors, was studied according to the case-study method. Four types of changes are brought to light: organizational changes, changes in the value proposition, logistics changes and changes in the KPI’s used and in the sharing of value.
Keywords:
- Digitalization of retailing,
- omnichannel,
- store digitalization,
- I.T.,
- e-logistics,
- organizational ambidextry
Resumen
Los detallistas no estan al margen de la transformación digital. Al contrario, estos deben hacer frente al reto del comercio conectado sustentado en la integración de canales. Movilizando el marco teórico de la ambidextría organizativa, se estudió, según el método de los casos, la estrategia de digitalización de seis detallistas franceses y canadienses inscritos en tres sectores distintos. Cuatro tipos de cambios se han puesto así en evidencia: cambios organizacionales, de propuesta de valor, de orden logístico y relativos a la distribución del valor y a la utilización de indicadores claves de rendimiento.
Palabras clave:
- Comercio conectado,
- omnicanal,
- estrategia omnicanal,
- digitalización del punto de venta,
- ambidextría organizativa
Corps de l’article
Après l’évolution vers le multicanal, le commerce connait une nouvelle phase de changement liée à la diffusion des téléphones intelligents et tablettes (Rigby, 2011). Fin 2018, 75 % des Français et 85 % des Canadiens de 15 ans et plus possèdent un téléphone intelligent[1]. Ce consommateur connecté utilise les canaux de manière interchangeable (Verhoef et al., 2015). Paradoxalement, le commerce électronique a élevé les attentes du consommateur vis-à-vis du commerce en magasin. Offrir une expérience intégrée (« sans couture ») pour les détaillants est devenu vital (Aubrey et Judge, 2012; Piotrowicz et al., 2014).
Dans ce contexte d’évolution des technologies et des comportements, les détaillants craignent que le consommateur considère le magasin comme un simple lieu d’exposition où il se rend pour rechercher de l’information sur les produits. La réponse à ces craintes peut venir du commerce connecté (CC), défini comme « une activité visant à l’achat et à la vente de marchandises et utilisant dans la pratique de cette activité, un accès vers Internet » (Vahneems, 2015)[2] et, plus généralement, de l’intégration des canaux de distribution. Dans le cadre du commerce connecté, la dimension électronique s’intègre dans l’ensemble des canaux y compris les magasins (Isaac, 2017).
La transformation digitale des détaillants s’opère par étapes : multicanal (canaux en silos), crosscanal (début d’intégration des canaux) et omnicanal (intégration totale des canaux). Plusieurs raisons justifient de s’interroger sur l’intégration des canaux physiques et digitaux dans un système omnicanal.
Premièrement, si la littérature sur le multicanal abonde, celle concernant l’omnicanal est relativement rare : « the academic research into omni-channel and its structure is only starting to emerge » (Saghiri et al., 2017, p. 54). Cao et Li (2018, p. 1) soulignent les limites des recherches existentes : “Despite increased attention, the theoretical and empirical knowledge of cross-channel integration remains limited and offers few insights to help top managers in retail decide the right level at which to integrate their different channels” (Cao et Li, 2018, p. 1) et appellent à de nouvelles recherches centrées sur l’omnicanal. Deuxièmement, la plupart des recherches portant sur l’intégration des canaux se focalisent sur l’étude d’une variable isolée : la logistique (Hübner et al., 2016), la proposition de valeur (Yrjölä et al., 2018), etc. Or, Larke et al. (2018) considèrent que les résultats des recherches compartimentées posent question et préconisent les approches plus globales. Troisièmement, les recherches empiriques publiées sont souvent limitées à un ou quelques détaillants (Cao et al., 2014; Larke et al., 2017; Lewis et al., 2014). Enfin, la plupart des recherches s’intéressent au consommateur, qu’il s’agisse de l’expérience vécue par celui-ci (Blázquez et Marta, 2014), de la valeur créée (Wang et al., 2015) ou de son comportement crosscanal (Yorjölä et al., 2018). Or, la migration vers une stratégie omnicanal est considérée comme une priorité par les détaillants afin d’assurer leur survie et leur compétitivité (Adivar et al., 2019, p. 257). Les détaillants ont donc besoin d’une meilleure compréhension des déterminants de ce succès (Adivar et al., 2019, p. 258).
D’un point de vue académique, cette recherche s’appuie sur la théorie de l’ambidextrie organisationnelle (Duncan, 1976) qui permet d’appréhender la complexité de la transformation digitale des détaillants (Oh et al., 2012). De plus, en étudiant la stratégie de digitalisation de six détaillants français et canadiens, appartenant à trois secteurs selon la méthode des cas, elle apporte des arguments complémentaires sur certains aspects de l’intégration pour lesquels la littérature présentait des résultats contradictoires, notamment en termes de source du succès (Cao et Li, 2018; Yrjölä et al., 2018). Pour les premiers (Cao et Li, 2018), seule l’intégration permet d’acquérir un avantage concurrentiel, alors que les seconds (Yrjölä et al., 2018) sont plus nuancés. Enfin, des résultats originaux sont proposés comme la création et la répartition de la valeur additionnelle imputable au CC.
L’article est organisé en 4 parties. La première partie présente la revue de littérature. Viennent ensuite la méthodologie puis les résultats. Ces derniers sont discutés dans la dernière partie qui comporte en outre les limites et voies de recherche.
Revue de litterature
Les termes « multi- », « cross- » et « omnicanal » renvoient à la manière dont le système de distribution d’un détaillant est organisé (Tableau 1). Dans le présent article, un canal est défini comme « un point de contact avec le client par lequel la firme et le client interagissent » (Neslim et al., 2014).
Évoluer vers une stratégie cross- ou omnicanal est synonyme d’abandon d’une organisation en silos (Gallino et Moreno, 2014; Piotrowicz et al., 2014) au profit d’une intégration des canaux de distribution (Cao, 2014). Dans l’organisation en silos, les canaux sont souvent gérés indépendamment l’un de l’autre, par des entités distinctes, qui ne coopèrent pas pleinement. Cela peut se traduire par un manque d’intégration en matière de prix, de promotions, de stratégie de marque, de gestion de la chaine d’approvisionnement et d’expérience client (Piotrowicz et al., 2014).
L’organisation en silos, d’abord privilégiée par les détaillants, permettait de cibler les clients en fonction du canal et réduisait les risques de cannibalisation (Cao, 2014). Cela pouvait se justifier au début du commerce électronique, lorsque les acheteurs en ligne étaient rares et avaient un profil typé. L’achat en ligne s’est ensuite démocratisé et une organisation en silos est devenue moins pertinente. L’intégration des canaux, dont il existe plusieurs définitions (Tableau 2), s’est peu à peu imposée. Elle peut représenter une opportunité et/ou une menace pour la firme : enrichir la proposition de valeur (Gallino et Moreno, 2014) et accroître la propension au « research shopping » (recherche sur un canal et achat par le biais d’un autre).
Des études récentes montrent que l’intégration des canaux est source de performance pour la firme en termes de vente (Cao et Li, 2015; Herhausen et al., 2015). Le CC se positionne clairement dans une logique omnicanal. En effet, le fait d’introduire de la technologie digitale en magasin (TDM) (borne et miroir interactifs, paiement mobile, assistants mobiles pour les vendeurs [AMV], tablette, etc.) offre au consommateur la possibilité d’une expérience d’achat intégrée (Blázquez, 2014). Il convient donc de redéfinir le rôle du magasin dans le système de distribution omnicanal d’un détaillant.
L’ambidextrie organisationnelle comme cadre théorique
La notion d’ambidextrie organisationnelle (Duncan, 1976) a fait l’objet de nombreuses recherches dans le champ du management de l’innovation (Chanal et Mothe, 2005; Gibson et Birkinshaw, 2004; O’Reilly et Tushman, 2004). Selon cette approche, les innovations sont distinguées selon qu’elles mobilisent des compétences maîtrisées ou nouvelles pour l’entreprise. Les innovations d’exploration nécessitent des compétences nouvelles alors que les innovations d’exploitation reposent sur des compétences technologiques et marketing déjà maîtrisées (Chanal et Mothe, 2005). Les stratégies d’intégration du commerce physique et en ligne ont pour conséquence de placer les détaillants dans une situation où ils doivent mener de front des activités d’exploitation, pour lesquelles les compétences sont maîtrisées, et des activités d’exploration, liées aux innovations technologiques relevant du CC pour lesquelles les compétences sont à acquérir (Oh et al., 2012). Les compétences d’exploitation permettent d’améliorer la performance des canaux existants (Abernathy et Clark,1985, cités par Oh et al., 2012, p. 371). L’acquisition de compétences exploratoires nécessaires pour développer les nouvelles activités liées à l’intégration des canaux est également source de performance (Oh et al., 2012).
Dans de nombreuses organisations, les activités d’exploitation et d’exploration sont réalisées par une même division au sein de laquelle, les employés répartissent leur temps entre activités d’exploitation et d’exploration (Gibson et Birkishaw, 2004). Cette forme hybride d’ambidextrie, qualifiée de contextuelle (Gibson et Birkishaw, 2004) correspond à la stratégie d’intégration des canaux déployée par les détaillants : le CC, contrairement à l’organisation en silos, a pour ambition d’intégrer les canaux et suppose l’acquisition de compétences spécifiques (Oh et al., 2012). Dans les points de vente, les vendeurs doivent acquérir des compétences nécessaires aux nouvelles activités (préparation de commandes passées en ligne, commandes web en magasin [CWM], familiarisation avec de nouveaux outils [tablettes, téléphones intelligents, etc.], accueil des clients venant retirer des marchandises commandées en ligne) (Oh et al., 2012). Cette réorientation stratégique n’est pas sans incidence pour les détaillants. Les enjeux concernent les aspects organisationnels (architecture du SI, management des ressources humaines), la proposition de valeur pour le client, la logistique et la mesure de la performance.
Le déploiement du CC implique de nombreux changements pour le détaillant. En accord avec Larke et al. (2018) qui préconisent une approche globale plutôt que portant sur un aspect isolé de l’intégration des canaux, la revue de littérature a été réalisée sans présélectionner de critères, de manière à obtenir une vision holistique. Les mots clés utilisés sont généralistes : « CC, intégration des canaux, multicanal, crosscanal et omnicanal ».
La revue de littérature montre que certains changements sont de nature organisationnelle : l’adaptation du système d’information (SI) (Lewis et al., 2014), la conduite du changement pour éviter la résistance des employés (Hübner et al., 2016). D’autres concernent un point central de la stratégie marketing puisqu’il s’agit de repenser la proposition de valeur à travers l’offre (Cao, 2014), l’expérience client (Aubrey et Judge, 2012; Hagberg et al., 2016) et l’aménagement du magasin (Piotrovicz et al., 2014). Les changements portent aussi sur la logistique (Aubrey et Judge, 2012; Lewis et al., 2014; Piotrowicz et al., 2014). Enfin, d’autres changements font référence à la manière de mesurer la performance du détaillant omnicanal (Lewis et al., 2014).
Des changements organisationnels
L’évolution du SI
Le CC nécessite de construire un SI intégrant les données issues des différents canaux et facilitant les analyses holistiques (Lewis et al., 2014). Le succès du CC repose sur la capacité des détaillants à intégrer en temps réel les inventaires des différents stocks centralisés, décentralisés et en magasin (Hübner et al., 2016). Dans une étude empirique, Lewis et al. (2014) soulignent l’existence de barrières à l’intégration liées aux infrastructures informatiques et logistiques. Il est parfois difficile de convaincre la direction de la nécessité d’investir, alors que la création de valeur additionnelle est encore limitée. Le coût de la technologie et le retour sur investissement sont également évoqués (Piotrovicz et al., 2014).
Le facteur humain
L’arrivée de la TDM induit des changements susceptibles d’engendrer des phénomènes de résistance de la part des vendeurs (Spreer et Rauschnabel, 2016). Ces auteurs identifient 6 antécédents de la résistance à l’adoption d’AMV : état de tension (crainte de commettre des erreurs devant le client), incongruence entre l’image de la marque et l’image des AMV, perte de pouvoir (peur d’être remplacé par la technologie), détérioration de la relation, dysfonctionnements et investissements requis (temps nécessaire à la familiarisation).
Il est crucial d’informer les vendeurs, de les former aux TDM et de les accompagner tout au long du changement (Spreer et Rauschnabel, 2016). La prise en compte du facteur humain est nécessaire durant les trois phases de la transformation vers le CC (Lewis et al., 2014). Dès la première phase, il s’agit de recruter ou de former le personnel. En phase intermédiaire, il s’agit de gérer les conflits entre les personnels des différents canaux. En fin de processus, des problèmes liés à la culture et à l’engagement du personnel doivent être surmontés. Lewis et al. (2014) observent que l’intégration des canaux se traduit par un changement de culture.
Une nouvelle proposition de valeur
Les effets du CC concernent l’offre, l’expérience client et l’organisation du magasin.
L’offre
La stratégie d’intégration entre canaux renvoie à la question du degré d’intégration de l’assortiment. Cette question n’a été abordée que très récemment : l’intégration totale, ou similarité des assortiments proposés par chaque canal, est supérieure à une intégration partielle (Emrich et al., 2015). L’asymétrie introduit un biais négatif : le canal dont l’assortiment est le plus large sert de point de référence et le consommateur perçoit comme une perte, le fait qu’un autre canal ait un assortiment plus restreint. L’intégration des canaux a un effet indirect positif sur l’intention d’achat et sur le consentement à payer (Herhausen et al., 2015).
L’expérience client
Un achat omnicanal est constitué d’un ensemble de micro-expériences digitales et physiques risquant de créer un vécu fragmenté. Pour éviter ce risque, chercheurs et praticiens se rejoignent dans l’idée de développer une expérience congruente, uniforme et intégrée indépendamment du canal utilisé (Rosenblum et Rowen, 2012; Piotrowicz et al., 2014). L’omnicanal a pour conséquence une modification de l’expérience vécue au point de vente. L’utilisation de la TDM influence l’ensemble du processus d’achat (Grewal et al., 2013).
La technologie fait partie de l’expérience en magasin (Rosenblum et Rowen, 2012) et doit donc être utilisée pour l’améliorer. Les consommateurs qui utilisent plusieurs canaux considèrent l’expérience d’achat de manière holistique et sont à la recherche d’une expérience d’achat intégrée (Zhang et al., 2010) et cohérente (Roy et al., 2005). Les bornes, les cabines d’essayage connectées, les tablettes et les écrans constituent de nouveau moyens de présenter la marchandise et facilitent l’accès aux produits et l’acte d’achat en boutique. La TDM doit être considérée comme la clé de voute de l’expérience d’achat intégrée (Blázquez, 2014), elle gomme les frontières entre canaux (Merle et al., 2012).
Repenser le magasin
Il est nécessaire de repenser le rôle du magasin (Aubrey et Judge, 2012) qui doit devenir un point focal intégrant tous les canaux (Piotrowicz et al., 2014) de manière à gagner en efficience. L’arrivée de la TDM nécessite un nouveau design du point de vente. Selon Fuentes et al. (2017), les changements relèvent de l’utilisation par le client de l’espace de vente. Certaines fonctions remplies par le personnel et par l’aménagement physique sont désormais réalisées directement par le client depuis son téléphone intelligent. Tous les clients n’ayant pas le même niveau d’interaction avec la technologie, elle doit rester discrète; le focus principal doit être sur les personnes, les produits et le ressenti, c’est-à-dire l’atmosphère du point de vente (Piotrovicz et al., 2014).
Une logistique centrée sur le consommateur
Le système logistique doit être revu pour l’adapter à des livraisons individualisées (Lewis et al., 2014) mixant les solutions traditionnelles et en ligne (Piotrowicz et al., 2014). Le CC implique de repenser non seulement la logistique de livraison, mais également la logistique des retours (Hübner et al., 2016). En effet, les consommateurs sont demandeurs de dispositifs simples et pratiques pour retourner les marchandises commandées en ligne. Ces questions sont au coeur des préoccupations des détaillants (Hübner et al., 2016) qui évoquent 5 priorités : 1) développer et optimiser les modes de livraison au client, 2) raccourcir la livraison, 3) fournir aux clients des informations sur la disponibilité et les délais de livraison pour tous les canaux, 4) optimiser les processus entre l’entrepôt centralisé et les magasins et 5) consolider les stocks des différents canaux.
De nouveaux indicateurs de performance
La supériorité de l’omnicanal sur le cross- ou le multicanal reste à démontrer. Alors que certains auteurs semblent convaincus « d’un réel besoin pour les détaillants de migrer du multicanal vers l’omnicanal », le seul capable de garantir l’acquisition d’un avantage concurrentiel (Cao et Li, 2018, p. 1), d’autres montrent que les différents modèles se différencient par leur proposition de valeur et peuvent chacun conduire à l’acquisition d’un avantage concurrentiel (Yrjölä et al., 2018). Les investissements en début de transformation vers le CC sont importants et les effets sur la performance difficile à mesurer avec des métriques classiques. De nouveaux indicateurs et des méthodes innovantes pour mesurer le ROI doivent être imaginés (Lewis et al., 2014; Adivar et al., 2019).
Méthodologie
La méthode des cas est adaptée pour étudier de manière holistique les processus de changement s’opérant au sein des organisations car elle correspond à une enquête empirique qui examine un phénomène contemporain au sein de son contexte réel (Yin, 2014). Les décisions stratégiques sont appréhendées de manière globale, ce qui, dans un environnement de plus en plus complexe, est plus réaliste qu’une approche compartimentée (Larke et al., 2018). Elle est fréquemment utilisée pour étudier le phénomène de transition d’un système de distribution en silos vers un système intégré (Cao, 2014; Lewis et al., 2014; Saghiri et al., 2017; Larke et al., 2018).
Une étude multisectorielle est réalisée. Les stratégies de CC de détaillants français et canadiens sont étudiées dans trois secteurs : culture & loisirs créatifs, chaussures & accessoires et vins & spiritueux. Ces secteurs ont été choisis car ils représentent une part significative des produits achetés en ligne par les consommateurs (50 % [France[3]]/43 % [Canada[4]] pour les produits culturels, 39 % [France]/24 % [Canada] pour les chaussures et 20 % [France]/13 % [Canada] pour les produits alimentaires dont le vin) et la complémentarité magasin/site Internet est importante pour ces types de produits. Des paires ont été constituées afin de disposer d’une enseigne pour chaque catégorie de produit dans les deux pays : Nicolas, Cultura et Spartoo pour la France et SAQ, De Serres et aldo, pour le Canada (tableau 3). Les entretiens ont été conduits en 2017 (guide disponible sur demande) et ont abordés les thèmes suivants : principales étapes dans l’histoire du détaillant et ses chiffres clés, évolution du détaillant du multicanal vers le CC, démarche de CC mise en place, principaux dispositifs du CC mobilisés, impacts du CC sur l’organisation, le SI, les vendeurs, l’offre, l’aménagement du magasin, la logistique, KPI mobilisés/élaborés, etc.
Outre le corpus issu des entretiens (plusieurs entretiens ont été réalisés par détaillant lorsque cela était possible), les sites marchands ont été analysés afin de repérer les dispositifs de CC mis en oeuvre. De plus, une visite des points de vente a été réalisée. Enfin, ces données primaires ont été complétées par des données secondaires issues de la presse managériale (LSA, Journal du Net, etc.).
Les entreprises ont été sélectionnées selon des critères recommandés pour une telle méthodologie (HLady-Rispal, 2002) (Tableau 4). Les détaillants étudiés ont pour point commun d’être des clics et mortier (C&M) au moment où l’étude est réalisée. Certes, cet état a été atteint selon des trajectoires différentes (de brique et mortier vers C&M ou du commerce électronique vers C&M), mais nous considérons qu’il y a un intérêt à introduire, dans une même étude, des entreprises qui ont des trajectoires stratégiques distinctes à partir du moment où elles ont évolué vers un même modèle et où elles poursuivent un même objectif, l’omnicanal.
Résultats
Des changements organisationnels biens réels
L’évolution vers le CC nécessite d’acculturer l’ensemble de l’entreprise à cette démarche. Il ressort de l’étude empirique qu’une adaptation du SI est nécessaire et que le facteur humain est un élément clé.
L’évolution du SI
La mise en place du CC implique pour le détaillant un SI intégré regroupant les différents canaux. Cette intégration semble plus aisée pour les C&M venant du commerce électronique que pour ceux provenant du commerce physique. En effet, les seconds se sont lancés dans le commerce électronique au début des années 2000 avec une organisation en silos et des SI différents pour chaque canal. Ils sont aujourd’hui confrontés à des difficultés d’intégration de ces derniers. Les e-commerçants, en développant plus récemment leurs magasins, à l’image de Spartoo, utilisent le même SI que celui mis en place pour le site et ne doivent donc pas effectuer d’investissements importants. Pour Aldo, « toutes les données sur le client ne sont pas encore connectées. Afin de pouvoir le réaliser, nous devons modifier notre SI. »
Dans le cas de Cultura, même si la notion de canal a été abolie, des distinctions « techniques » demeurent, notamment au niveau du SI. De Serres est encore à une phase embryonnaire dans sa route vers l’omnicanal. Les canaux sont encore gérés en silos et la question de l’intégration du SI ne s’est pas encore posée.
Pour Nicolas, le challenge se situe au niveau de l’intégration des données clients des différents canaux qui nécessite une modification du SI. En ce qui concerne la SAQ, le SI, en place depuis 2002, est désuet. « Nous sommes sur la voie de l’omnicanal. Nous avons déterminé un ensemble de canaux accessibles pour le client (boutique, application mobile, site Internet, service client). Nous devons cependant développer les interactions entre ces canaux ». Le principal blocage est technique, lié au SI. La chaîne d’approvisionnement devra suivre et s’adapter à ces évolutions.
Le facteur humain
La mise en place du CC nécessite une phase d’information, de formation et d’appropriation par les vendeurs car il entraine une évolution du métier. Dans le CC, la relation client-vendeur change, d’une relation « face-à-face » à une relation « côte-à-côte » (d’après le directeur CC de Cultura). Afin de pouvoir assurer une « symétrie des attentions », qui reflète l’idée que la qualité de la relation qu’une entreprise entretient avec ses clients doit être la même que celle qu’elle entretient avec ses collaborateurs (Nayar, 2010), l’entreprise doit mettre en parallèle une « symétrie des équipements » afin « d’augmenter » le vendeur pour rééquilibrer la relation client-vendeur.
Cultura considère l’humain comme le pivot, la technologie n’a qu’un rôle de facilitateur. Dans sa démarche de digitalisation, l’enseigne veille à ce qu’il y ait une appropriation par les vendeurs. Les changements sont accompagnés par des formations/démonstrations en magasin et en e-learning afin de lever les freins techniques et psychologiques. La mise en place des CWM permet aux vendeurs de s’approprier le canal Internet et de créer un compte client pour pouvoir le re-solliciter. Ce virage du digital a entrainé un changement des habitudes de travail. Il y a une véritable conduite du changement à mener. Le processus d’achat « cliquer et ramasser » (C&R) et la CWM sont des activités supplémentaires qui ont rapidement été bien perçus par les vendeurs car ils génèrent du CA additionnel. La mise en place du CC est passée par le rééquilibrage de la relation consommateur/vendeur en dotant ce dernier des mêmes outils que le client. Chez Cultura, un conseiller parcourt en moyenne 7 kms par jour. Cette distance a été réduite de 30 % grâce aux AMV. De Serres est encore à un stade embryonnaire sur la route vers l’omnicanal. Les vendeurs utilisent le site Internet pour obtenir des informations techniques sur les produits mais ne sont pas équipés, pour le moment, de dispositifs numériques individuels. « Les magasins, de par notre organisation en magasins corporatifs, n’ont pas le choix que d’évoluer vers le multicanal. Nous n’avons pas pour le moment déployé de dispositifs d’accompagnement. »
Chez Aldo, les vendeurs ont plutôt bien accueilli la TDM. « Nos vendeurs sont relativement jeunes et ne sont donc pas réfractaires à la technologie ». Les magasins ne voyaient cependant pas au début l’avantage des CWM. Le commerce électronique était vu comme un concurrent qui leur prenait des clients, du temps et de l’inventaire. Aldo a dû communiquer et former les vendeurs : « un client, qu’il soit en magasin ou sur Internet est un client d’Aldo et pourra (re)venir acheter dans le magasin, ou en ligne, s’il est satisfait ». Spartoo est une entreprise qui se veut agile, avec l’ADN d’un commerçant en ligne et dont les valeurs sont facilement partagées de par sa petite taille. La mise en place du CC a conduit Spartoo à avoir des équipes dédiées aux magasins. Le site a recruté des collaborateurs venant du monde du commerce de détail et les a sensibilisés à inclure dans leurs métriques des indicateurs venant du monde du commerce électronique.
Les employés de la SAQ sont également très ouverts à la digitalisation du point de vente et en sont même demandeurs. « Afin que le site Internet ne soit pas vu comme un concurrent des boutiques, nous avons fait le choix d’affecter le CA des commandes en ligne à la succursale où la commande est retirée. » Pour Nicolas, le caviste est au coeur du modèle; les clients viennent le voir pour des conseils, pour son côté rassurant; ils lui font confiance. « Déployer la TDM pour les cavistes n’est pas notre priorité car cela pose des problèmes techniques et de développement avec un déploiement dans plus de 500 boutiques. » La mise en place de terminaux mobiles améliore certaines conditions de travail, ce qui peut faciliter leur adoption.
Une nouvelle proposition de valeur
L’offre
Pour la culture & les loisirs créatifs, la CWM permet de proposer une offre additionnelle importante. C’est le cas chez Cultura : « Si l’on prend l’exemple des livres, un magasin standard a aujourd’hui 50 000 références. Sur la plateforme centralisée sont stockées 150 000 références de livres. Un client qui vient en magasin a à sa disposition environ 180 000 livres (après élimination des doublons). En associant tous les magasins Cultura, le client aura accès à une offre de 350 000 références livrables en 24h (ce qui est équivalent à ce que propose Amazon) ». Chez De Serres, l’offre est également plus étendue en ligne qu’en magasin.
Ce résultat est également observé pour la chaussure. L’assortiment des magasins Spartoo est composé d’environ 300 références sélectionnées en fonction des préférences des clients achetant en ligne dans la zone de chalandise du magasin. « Si les clients ne trouvent pas les chaussures qu’ils souhaitent en magasin, les vendeurs sont incités à pousser l’offre web (supplémentaire ou complémentaire) grâce à une tablette ou à des écrans connectés. » Dans le magasin de Grenoble, plus de 10 % des commandes ont été réalisées via l’écran tactile laissé au service des clients, avec l’aide des vendeurs. Le client d’Aldo qui commande en ligne (en magasin ou depuis son ordinateur/téléphone/tablette) a accès à l’ensemble de l’inventaire des entrepôts et des magasins. Des niveaux de stock de sécurité sont mis en place afin d’éviter des problèmes de non-disponibilité.
En matière de vin, les pratiques diffèrent. L’offre en ligne de le SAQ est plus grande que celle disponible en succursale : 5 000 références en ligne contre 1 500 en moyenne en succursale. « L’objectif de SAQ.com est d’être le plus gros magasin de la SAQ … il doit avoir toutes les références proposées par toutes les succursales et être le dernier magasin à avoir les stocks ». La SAQ exploite avec son site Internet la logique de la longue traine. En achetant en ligne, les clients sont à la recherche d’un produit spécifique et ne veulent plus faire 4 ou 5 succursales pour le trouver. Le caviste Nicolas semble se démarquer de cette stratégie dominante de la longue traine en misant seulement sur l’assortiment du magasin. Lorsque le client se connecte sur le site, il choisit le caviste et accède au stock du magasin sélectionné. « Tous les cavistes ont à peu près la même gamme, avec des spécificités régionales. Le site est la vitrine en ligne du magasin. »
L’expérience client
Les deux détaillants de produits culturels et de loisirs créatifs adoptent des voies différentes en matière d’expérience client. Afin d’améliorer l’expérience en magasin, Cultura cherche à trouver des solutions pour gommer tous les « efforts client » et les contraintes en magasin que les clients acceptent de moins en moins (réduire l’attente en caisse, indiquer la disponibilité d’un produit en magasin avant de s’y rendre, etc.). Les vendeurs sont équipés d’AMV, afin de conseiller les clients et gérer les tâches « métiers » (relevé de prix, étiquetage, demande de réapprovisionnement, etc.). Cependant, l’encaissement mobile, qui permettrait d’aller jusqu’au bout de la transaction, n’est pas encore proposé. Les AMV ont permis d’améliorer la disponibilité des vendeurs (moins d’aller-retour dans les stocks) et de fluidifier l’information client (disponibilité, délais d’approvisionnement, compléments d’information, etc.). De Serres n’a pas encore déployé de TDM. Son site Internet est à la fois un outil à la disposition des clients, mais aussi des vendeurs afin de renseigner les clients.
Dans la chaussure, l’expérience client en magasin intègre plus largement la technologie. En 2015, Aldo a ouvert des magasins interactifs afin d’offrir aux clients une nouvelle façon d’interagir avec la marque. Pour ce faire, des tablettes et des écrans interactifs sont mis à la disposition des clients. Par ailleurs, Aldo équipe ses vendeurs de téléphones intelligents qui leur permettent de placer une CWM. Chez Spartoo, les magasins sont également équipés d’écrans et de tablettes permettant de passer commande. Les boutiques sont considérées comme une aide au ré-achat du fait de l’augmentation des points de contacts. Elles permettent également d’humaniser la relation et de rassurer les clients qui n’ont pas encore acheté des chaussures sur Internet.
Pour le commerce de détail du vin, la TDM ne semble pas la priorité. « Pour le moment la SAQ ne déploie pas d’outils particuliers en succursale à destination des vendeurs. Seuls les ordinateurs sont utilisés. Des phases de test sont menées dans quelques succursales afin de déterminer quelle interface serait optimale : écran interactif, tablette, téléphone intelligent, etc. L’objectif est d’outiller nos employés ». Nicolas est en réflexion sur la digitalisation de ses magasins. Pour le moment, seuls quelques-uns disposent de vitrines digitales. « Nous n’avons pas encore déployé de TDM (tablette ou écran interactif) permettant la CWM. »
Le magasin réaménagé
Pour les détaillants qui ont opté pour la TDM, un réaménagement du point de vente, se traduisant par la réduction de la surface commerciale, est constaté. Cultura a mis en place des bornes, en tête de gondole. « Cela réduit la surface commerciale, mais donne accès à une offre élargie par rapport à l’offre en magasin. ». De Serres n’a pas encore mis en place de TDM.
Face au développement des ventes en ligne, les vendeurs de la SAQ comprennent bien l’intérêt du C&R et sont fortement motivés pour engager la discussion avec le client qui vient récupérer son colis afin de lui proposer une dégustation, lui faire découvrir les nouveautés et générer du CA additionnel. Ainsi, un comptoir spécial a été aménagé. « Ce réaménagement se fait au détriment de l’espace de vente, mais il est compensé à la fois par les recommandations de produits complémentaires proposées par le SI et que le vendeur peut proposer au client, ainsi que par la possibilité de proposer une dégustation au moment du retrait des marchandises ». Nicolas n’a pas été encore déployé de système C&R, seule la e-réservation est proposée sans réaménagement du magasin.
De plus, pour certains produits comme pour les chaussures, il y a une expérience et une confiance en magasin (essai du produit) qu’on ne peut pas reproduire en ligne. Selon Aldo, il y aura donc toujours une place pour le magasin. Les détaillants doivent rendre leurs magasins suffisamment plaisants pour faire (re)venir leurs clients. Pour ses magasins, Spartoo s’est basé sur son expérience en tant que commerçant en ligne en essayant de comprendre ce que souhaitent leurs clients. Ainsi, le site géolocalise l’assortiment d’un magasin donné en fonction de ce qui se vend en ligne dans sa zone de chalandise.
Une logistique centrée sur le consommateur
Les conséquences du CC concernent tant la logistique de livraison que la logistique des retours.
Repenser la logistique de livraison
La logistique de livraison des produits culturels et de loisirs créatifs diffère entre Cultura et De Serres. Lors du lancement de son site marchand, Cultura ne disposait pas d’un entrepôt dédié aux commandes en ligne; les stocks étaient en magasin. La préparation des commandes en magasin a été arrêté fin 2009 car le taux de service était insuffisant (seulement 60 % des produits en ligne étaient effectivement préparables et livrables). « Nous sommes donc revenus à une gamme plus courte en ligne mais stockée afin de fidéliser les clients par la qualité de service ». La création d’un entrepôt centralisé dédié au commerce électronique a permis d’améliorer significativement le taux de service (99 %). Cultura a dû également adapter sa logistique pour permettre aux CMW passées avant 16h d’être livrées dans le magasin choisi par le client le lendemain à partir de 10h. L’enseigne envisage également de mettre en place la livraison inter-magasins (store-to-store). Le consommateur aura ainsi accès à l’offre de tous les magasins de l’enseigne. De Serres ne propose pas encore de dispositif C&R essentiellement en raison de l’organisation de son entrepôt centralisé où sont gérées de manière séparée les commandes en ligne et les réapprovisionnements des magasins. La préparation des commandes est rémunérée au coût variable. « Les unités ne sont pas les mêmes; les magasins commandent par boîte alors que le consommateur en ligne commande à l’unité. » Une fusion est envisagée afin de permettre aux magasins de commander à l’unité. Si un dispositif C&R était mis en place, De Serres n’envisagerait pas la préparation de commande en magasin : « Notre offre est trop grande (20 000 produits) et préparer une commande en ligne en magasin ne serait pas efficient car le prix moyen par article est de 4 à 5 $ CAN ».
Dans le cas de la chaussure, des différences sont observés. Pour Spartoo, le magasin est un point relai proposé par défaut. Ce service permet au client d’essayer le produit et, s’il ne convient pas, de le laisser en magasin où un autre modèle peut être proposé. La livraison en magasin représente pour l’entreprise un intérêt économique (1,5 à 2 fois moins chère), mais c’est également un moyen de faire venir des clients en magasin. Les commandes C&R sont livrées tous les jours et représentent 25 à 30 % du flux client en magasin, alors que les magasins ne sont réapprovisionnés qu’1 à 2 fois par semaine. Spartoo n’exploite pas encore les synergies possibles entre ces deux types de livraisons car il y a un problème de suivi : les réapprovisionnements magasin ne sont pas suivis au niveau individuel alors que les commandes Web le sont. « Nous proposons également au consommateur la possibilité de vérifier le stock du magasin avant de s’y rendre, mais nous n’avons pas mis en place l’e-réservation (nous n’avons pas de demande sur ce point). Nous aimerions également pouvoir effectuer des expéditions depuis les magasins afin de livrer une commande Web ou un autre magasin. » Aldo ne croyait pas que la vente en ligne allait fonctionner pour des chaussures. C’est pourquoi un système de préparation en magasin des commandes en ligne, en fonction de la proximité avec le client, avait été mis en place. Ce système présentait deux limites : l’absence de magasin à proximité du client et les frictions avec les vendeurs. En effet, le sentiment dominant était que les stocks en magasin servaient à répondre aux commandes en ligne et qu’une part croissante du temps des vendeurs était consacrée à la préparation des commandes, au détriment des clients en magasin. Aldo a donc décidé de développer des entrepôts dédiés aux commandes en ligne. « La plupart des entreprises essayent d’aller vers notre système. Nous, nous essayons d’aller un peu en arrière et de re-centraliser une partie des commandes en ligne pour des raisons de coûts et d’efficacité (meilleur contrôle des stocks, produits non abîmés dans un centre de distribution par comparaison aux magasins). « Aujourd’hui, 50 % des commandes en ligne sont expédiées depuis un magasin, contre 90 % un an plus tôt ». Aldo privilégie le C&R (la transaction est finalisée en ligne) plutôt que l’e-réservation.
On observe également des différences et une démarche d’expérimentation chez les deux détaillants de vin. Pour supprimer la livraison inter-magasins, très coûteuse, la SAQ, a mis en place un dispositif C&R en avril 2014, avec une livraison gratuite en succursale si le panier est supérieur à 75 $ CAN. Désormais, 80 % des ventes en ligne sont récupérées en succursale. Elles sont préparées en entrepôt à Montréal et sont ensuite expédiées dans les succursales ou directement chez le client, ce qui fait que les délais de livraison peuvent atteindre 3 à 5 jours. Une réflexion est en cours sur l’opportunité de rendre l’inventaire de la succursale disponible pour une commande en ligne livrée le même jour, mais cela n’est pas sans risque. « Les répercussions opérationnelles sont à évaluer car entre le moment de la commande et le moment où elle sera préparée par un vendeur, un client de la boutique pourra avoir acheté la/les dernière(s) bouteille(s) disponible(s). »Nicolas a seulement mis en place l’e-réservation, avec possibilité de faire mettre la bouteille choisie au frais. Le site Internet n’a pas vocation à concurrencer les magasins, c’est pour cela que la stratégie de Nicolas est orientée vers l’achalandage passant du site web au magasin en se basant sur l’inventaire des magasins. Commander en ligne est possible depuis 2018, mais les frais de livraison à domicile (de 14 à 38 €) sont prohibitifs. De plus, Nicolas réfléchit à la possibilité de mettre en place la livraison « de magasin à magasin », mais cela demande d’avoir le système logistique adéquat. Il y a également la crainte que les cavistes, qui sont en concurrence, ne jouent pas le jeu.
Organiser la logistique des retours
Chez Cultura et De Serres, les retours en magasins des commandes en ligne sont possibles, que la livraison ait lieu au domicile ou dans un magasin.
Chez Aldo comme chez Spartoo, les retours en magasin sont acceptés pour le C&R. Aldo considère qu’il y a des progrès à faire de manière à mieux prévoir les retours : « nous devons analyser de manière beaucoup plus fine les commandes multi-produits (même modèle en tailles différentes, en couleurs différentes) afin de mieux prévoir les retours. »
La logistique des retours n’est pas évoquée spontanément par les deux détaillants commercialisant du vin (SAQ et Nicolas).
Un partage de la valeur et des indicateurs de performance à repenser
Certains dispositifs du CC contribuent à la création d’une valeur additionnelle, mais pour pouvoir l’appréhender, il semble nécessaire de développer de nouvelles métriques.
Création et répartition de la valeur engendrée par le CC
Il ressort de l’étude que le CC peut être à l’origine d’une valeur additionnelle. Cet élément n’était pas évoqué dans la littérature. Le supplément de valeur imputable au CC a pour principale origine les ventes additionnelles (depuis le magasin grâce aux CWM et au C&R). Pour la SAQ, lorsque le client vient récupérer sa commande en succursale (panier moyen 200 $ CAN), dans 35 % des cas il effectue des achats complémentaires pour, en moyenne, 100 $ CAN. Cela représente une opportunité importante de générer du CA additionnel.
Pour Aldo les CWM représentent 10 à 15 % des commandes en ligne. C’est un outil qui permet au magasin de « sauver la vente » : le client peut, en effet, se faire livrer chez lui ou en magasin, la paire de chaussure souhaitée si celle-ci n’est pas disponible en magasin. Ce type de commande ne comporte généralement qu’un produit additionnel, mais le panier moyen (magasin + CWM) est plus élevé.
Une autre source de valeur additionnelle provient d’une meilleure exploitation des données clients. Spartoo réfléchit à comment mieux mettre en avant des offres via son application en magasin et à améliorer l’assortiment des magasins grâce aux données massives. Il aimerait pouvoir exploiter davantage les synergies liées à son important stock dédié au commerce électronique afin d’améliorer le taux de rotation en magasin (à la différence d’un détaillant physique qui doit conserver ses stocks toute une saison). Les données issues des commandes web de la même zone de chalandise sont utilisées pour adapter l’assortiment des magasins. Contrairement à Spartoo, Aldo n’a pas un ADN venant du commerce électronique et cela se ressent dans la manière de tirer profit de la connaissance client : « Nous souhaitons améliorer notre connaissance client et notamment avoir une meilleure analyse des données pour prédire beaucoup mieux la demande (enregistrement des demandes non satisfaites en magasin…) grâce aux outils digitaux en magasin. »
La manière de répartir la valeur créée diffère selon les détaillants. Cultura réaffecte l’intégralité du CA issu des commandes en ligne aux magasins. A la SAQ, le CA des commandes en ligne est affecté au magasin où la commande est retirée. Chez Nicolas, seule la e-réservation est disponible. Le paiement s’effectuant en magasin, la question de la répartition du CA additionnel ne se pose pas : le CA est de fait affecté au magasin. Aldo affecte le CA généré par les CWM au magasin qui a passé la commande en ligne. Le magasin qui a préparé et expédié la commande reçoit l’équivalent de 7 minutes de temps de travail par unité. A l’inverse, Spartoo ne verse pas de commission aux vendeurs pour les CWM, mais ils sont sensibilisés sur le fait que ces ventes contribuent au CA global de l’entreprise.
Des indicateurs de performance adaptés
Deux enseignes, Cultura et Spartoo, ont créé des indicateurs de performance originaux. Cultura développe un « coefficient d’effort client » qui inclut tous les efforts demandés au client lorsque les produits ou les conseillers sont indisponibles, lorsque le temps d’attente en caisse est long, etc. L’objectif est de réduire au maximum cette métrique à travers la mise en place d’outils technologiques. Spartoo suit particulièrement les indicateurs de performance liés au CC (commandes tablettes et comptes clients créés en magasin, nombre de colis récupérés en C&R, etc.) et adapte également les indicateurs du commerce électronique au magasin comme le taux de transformation (nombre d’achats en magasin/nombre de visiteurs). L’entreprise a développé son propre logiciel de caisse qui est interfacé avec sa base de données Web. Cela permet de connaître l’augmentation du CA du commerce électronique dans la zone de chalandise, le CA additionnel en magasin des personnes qui se font livrer en C&R, la part de CA d’un client entre le commerce électronique et le magasin, etc. A l’inverse, les indicateurs de Nicolas sont encore assez cloisonnés. L’entreprise a pour objectif de les regrouper afin d’avoir un système de gestion de la relation client complet de façon à connaître tout le parcours client.
Discussion, implications, limites et voies de recherche
Sur le plan théorique, peu de recherches adoptent une vision globale de la transition vers l’omnicanal. Comme le soulignaient Saghiri et al. (2017) et Cao et Li (2018), la plupart des recherches fondées sur des études empiriques se focalisaient sur un aspect de l’intégration des canaux. Un de nos apports est l’approche globale de cette intégration pour les détaillants, étayée par une étude empirique multisectorielle. Ces effets concernent : l’organisation (refonte du SI et accompagnement du personnel); le marketing (évolution de la proposition de valeur); la logistique (réorganisation des stocks, des modes de livraison et des modalités de retour); et, finalement, ce qui constitue l’essence d’une entreprise, son modèle d’affaires. Ce dernier point constitue un apport essentiel de notre recherche. Des sources de valeur additionnelle due au CC sont identifiées et la question de la rémunération de la valeur et de sa répartition, au sens de Saghari et al. (2017), est posée.
Les difficultés rencontrées par les détaillants tendent à confirmer la pertinence du cadre théorique de l’ambidextrie organisationnelle (Duncan, 1976). L’organisation en silos aurait pu perdurer si les consommateurs n’avaient pas incité les détaillants à évoluer vers le CC. Ce faisant, les détaillants adoptent une forme hybride d’ambidextrie, de nature contextuelle (Gibson et Birkishaw, 2004) et doivent acquérir des compétences exploratoires (Oh et al., 2012).
Sur le plan managérial, nos résultats tendent à confirmer l’existence de plusieurs stratégies pouvant conduire à la performance. Alors que la croyance dominante serait que seul l’omnicanal est source d’avantage concurrentiel, Yrjölä et al. (2018) considèrent que les trois stratégies (multi-, cross et omnicanal) peuvent conduire à un tel avantage. Cela permet de mieux comprendre pourquoi certains détaillants reculent et réduisent les livraisons et les préparations de commandes depuis les magasins.
Discussion
L’intégration du SI
L’intégration du SI est une question centrale chez les C&M quel que soit le secteur comme souligné par Lewis et al. (2014). Elle constitue un maillon essentiel dans l’intégration de entreprises (Tchokogué, Pérez et Hein, 2008) car elle renvoie au processus de mise en relation des différentes parties du SI en vue d’un partage utile des informations (Bidan, 2004). Les détaillants interrogés sont conscients de cet enjeu mais, pour autant, l’intégration des SI est loin d’être achevée. Seul, Spartoo a opté, dès l’ouverture des magasins, pour son intégration.
Le facteur humain
Conformément à la littérature (Lewis et al., 2014; Spreer et Rauschnable, 2016), des freins à la démarche vers le CC ont été observés chez Aldo où les CWM et le commerce électronique ont été, au début, perçus comme un canal concurrent. Cultura a déployé des mesures pour faciliter la transition digitale dans les magasins (information, formation), comme le préconisent Spreer et Rauschnable (2016). Ces deux détaillants sont des C&M dont l’ADN est celui du commerce en magasin. En revanche, de tels freins semblent absents chez Spartoo dont la trajectoire vers le CC diffère. Cela semble dû à une attention particulière lors de l’embauche : les personnes recrutées, bien qu’issues du commerce en magasin, doivent être prêtes à intégrer les valeurs de Spartoo.
La proposition de valeur
Le CC modifie la proposition de valeur. L’assortiment est souvent plus large sur Internet qu’en magasin (Cultura, De Serres, Aldo, Spartoo et la SAQ). Spartoo détermine l’offre d’un magasin donné à partir des achats effectués en ligne par des clients résidant dans sa zone de chalandise et les vendeurs sont encouragés à proposer des ventes Web complémentaires depuis le magasin. Alors qu’Emrich et al. (2015) concluent à la supériorité d’une offre similaire quel que soit le canal, les pratiques s’éloignent de ce principe, excepté, chez Nicolas où il n’y a pas de véritable offre spécifique en ligne : le client choisit un magasin et n’a accès qu’aux produits qu’il propose. Cependant pour les autres détaillants, la TDM permet de recréer fictivement une similarité de l’offre.
Trois détaillants ont réellement déployé des dispositifs de TDM, dans le but d’améliorer l’expérience client comme préconisé par Blázquez (2014) : Cultura, Aldo et Spartoo. Le fait d’être issu du commerce physique (Cultura, Aldo) ou digital (Spartoo) ne semble pas expliquer ce choix. De Serres, Nicolas et la SAQ n’ont pas encore déployé de tels dispositifs, mais c’est un objectif pour la SAQ et en réflexion chez Nicolas où le principal frein semble d’ordre logistique. Bien que les détaillants justifient leur migration vers l’omnicanal par l’impératif d’une expérience d’achat intégrée, des éléments concrets illustrant les effets de la TDM sur l’expérience client améliorée ressortent peu des verbatims. Il semble que le lien de causalité entre TDM et amélioration de l’expérience client soit un fait acquis pour les détaillants, ce qui les dispenserait de s’interroger sur la valeur ajoutée pour le client (Yorjölä et al., 2018).
Alors que Fuentes et al. (2017) considéraient que les changements concernaient principalement l’appropriation de l’espace de vente par les clients, les résultats montrent que le CC se traduit par un véritable réaménagement physique de celui-ci. La place dédiée à la TDM se fait au détriment de la surface d’exposition des produits (Cultura, Spartoo, la SAQ). La réduction de la surface de vente est nécessaire pour installer les dispositifs digitaux (Cultura, Spartoo) et les points de retrait (SAQ). Cependant, cette réduction peut être compensée par un assortiment plus adapté à la zone de chalandise (Spartoo).
Une logistique centrée sur le consommateur
La logistique est clairement orientée vers les clients et les livraisons individuelles conformément à la littérature (Lewis et al. 2014). L’option C&R est proposée chez Cultura, Spartoo, Aldo et la SAQ; elle est en projet chez Nicolas. Certains détaillants ont opté pour un entrepôt dédié aux commandes en ligne (Aldo, Cultura, SAQ). Les solutions reposant sur la préparation des commandes en magasin et les livraisons inter-magasins ne semblent pas efficientes. Les livraisons depuis les magasins posent, en effet, problème. Elles ont été abandonnées par Cultura en 2009 car le taux de service était trop faible et aldo les a réduites de 90 à 50 %, car cela détournait les vendeurs en magasin de leur mission principale (servir les clients du magasin). Les livraisons inter-magasins suscitent elles aussi des avis mitigés : la SAQ les a supprimées en 2014 (trop coûteuses) et Nicolas considère que les cavistes sont en concurrence lorsqu’ils sont proches. Pourtant, elles sont à l’étude chez Cultura et Nicolas.
La logistique des retours est évoquée par Cultura, De Serres, Spartoo et aldo qui autorisent le retour en magasin des commandes en ligne. Le retour en magasin est stratégique pour les chaussures (taille, esthétique, etc.). Pour un produit tel que le vin, seul un problème sérieux, tel que le bouchonnage ou la casse, pourrait justifier un retour.
Création et captation de la valeur additionnelle
La valeur due au CC provient des ventes additionnelles (CWM et C&R) et d’une meilleure exploitation de la connaissance client (exploitation des données du commerce électronique pour améliorer la performance des magasins). Cependant, la manière de répartir cette valeur additionnelle diffère. Celle-ci peut être partagée entre le site et les magasins ou bien être captée par l’un ou l’autre. Un effet lié à l’ADN du détaillant est mis au jour, à la fois dans la manière de tirer profit de la connaissance client rendue possible par les outils numériques, mais aussi dans la manière de répartir la valeur additionnelle entre le site et les magasins.
Par ailleurs, développer des indicateurs de performance spécifiques au CC semble plus aisé pour Spartoo, dont l’ADN est celui du commerce électronique. Pour les C&M dont l’ADN est le commerce en magasin, un facteur explicatif de l’adoption d’indicateurs spécifiques pourrait être le degré d’avancement de l’intégration. Plus la démarche vers le CC est avancée, plus les investissements sont conséquents, ce qui amène les détaillants à penser au retour sur investissement et à la manière de le mesurer. Ce résultat rejoint le constat de Lewis et al. (2014) qui soulignent la nécessité d’imaginer des indicateurs adaptés au CC. Le tableau 5 présente, par secteur et paire, les différents dispositifs de CC mis en place par les détaillants étudiés.
Implications managériales
Sur le plan managérial, au niveau organisationnel, les coûts engendrés par l’intégration des SI ne doivent pas être sous-estimés, particulièrement pour les C&M historiques. Le management de la conduite du changement est nécessaire pour favoriser l’appropriation des TDM et éviter la résistance des vendeurs : ils doivent être informés, formés et accompagnés durant la transition. Il est nécessaire d’expliquer aux vendeurs qu’un client reste un client du détaillant qu’il achète en magasin ou en ligne. La notion de symétrie des attentions (Nayar, 2010), évoquée chez Cultura, semble un élément essentiel de l’appropriation du CC par les vendeurs.
La proposition de valeur doit être repensée afin de favoriser la cohérence et la complémentarité de l’offre entre les canaux. Ce qui compte avant tout c’est de donner accès à l’intégralité de l’assortiment quel que soit le point de contact via la CWM ou le C&R. Les détaillants peuvent grâce au CC, exploiter la longue traine, tout en contribuant à réaménager les espaces de vente (moins de références en magasin pour une expérience plus agréable). Il leur est cependant recommandé de prévoir des espaces clairement identifiables pour la TDM et le retrait des commandes C&R.
Le CC nécessite des changements logistiques qui affectent le stockage (mutualisation des stocks), les livraisons (des CWM, des commandes C&R et du réapprovisionnement des magasins), les agents préparant les commandes (en entrepôt/en magasin) et les modalités de livraison au client final (domicile/magasin/autres points de retrait). Il est conseillé, avant de migrer vers le CC, de réaliser un diagnostic de l’ensemble de la logistique y compris des retours pour repérer les points bloquants et définir ensuite les aménagements nécessaires pour qu’elle soit orientée client. Les détaillants doivent veiller à un équilibre entre service des clients habituels et nouvelles activités : ces dernières créent une surcharge de travail. Limiter le nombre de préparations de commandes en magasin pourrait être une solution.
Enfin, il est préconisé de déterminer au préalable les règles de répartition de la valeur additionnelle apportée par le CC, allant de la prise en compte du temps passé à la réaffectation de l’intégralité du CA aux magasins. Enfin, les détaillants peuvent s’inspirer du panier d’indicateurs de performance proposés récemment par Adivar et al. (2019), pour définir un tableau de bord adapté au CC. Il est recommandé de sortir de la logique des silos où chaque canal devait être rentabilisé séparément. Une commande Web livrée en magasin peut ne pas être rentable en elle-même pour l’entreprise, mais le devenir en raison de ventes additionnelles lors du retrait en magasin. Cela, peut contribuer à améliorer l’expérience client qui trouve le produit recherché en ligne grâce à la logique de la longue traine.
Limites et voies de recherche
L’étude empirique n’intègre qu’un seul détaillant à l’ADN purement issu du commerce électronique. Or, il semble que la transition vers le CC soit plus aisée pour ce type de détaillant (SI, indicateurs clés de performance, adhésion des vendeurs). De plus, 5 entreprises sur 6 ont opté pour le statut de succursale. Les freins et motivations au développement du CC seraient-ils identiques dans un réseau de franchisés ? Enfin, les résultats ne semblent pas montrer de différence entre les détaillants français et canadiens. Il est donc souhaitable de réaliser une seconde étude en se focalisant sur le statut des détaillants (succursale vs franchise), la trajectoire suivie (du magasin vers le commerce électronique et vice-versa) et le pays d’origine du détaillant afin de tester de manière plus systématique un éventuel effet de ces variables.
Parties annexes
Notes biographiques
Grégory Bressolles (Dr, H.D.R.) est professeur de marketing et responsable de la Chaire « Business in a Connected World » à KEDGE Business School – Bordeaux (France). Ses champs de recherche incluent le marketing digital, le marketing des services, la distribution multicanal et l’étude des processus de digitalisation des entreprises. Ses travaux de recherche ont été publiés notamment dans : Journal of Business Research, International Journal of Retailing and Consumer Services, International Journal of Retail and Distribution Management, Supply Chain Forum : an International Journal, Total Quality Management & Business Excellence, Journal of Enterprise Information Management, Recherche et Applications en Marketing, Décisions Marketing…
Catherine Viot est professeur des universités en marketing à l’Université Lyon1 (France). Elle est membre du Laboratoire SAF (Sciences Actuarielle et Financière). Ses champs de recherche incluent le management stratégique de la marque, le capital marque employeur et ses effets (attractivité, fidélité et bien-être au travail), la transformation numérique des distributeurs et le comportement du consommateur. Ses recherches sont publiées dans Journal of Business Ethics, Journal of Business Research, Management International, International Journal of Retail & Distribution Management, Journal of Product & Brand Management, Recherche et Applications en Marketing, Revue Française de Gestion et d’autres revues scientifiques de référence.
Notes
-
[1]
Source : Baromètre du numérique, novembre 2018 (pour la France), Consumer Technology Association, octobre 2018 (pour le Canada)
-
[2]
Le commerce connecté « fait référence, d’une part, au commerce traditionnel (points de vente physiques) qui utilise des dispositifs de connexion vers Internet dans le cadre de son activité et, d’autre part, au commerce électronique, dont l’activité se fait, par essence, sur Internet. » (Vahneems, 2015, p. 200)
-
[3]
Baromètre FEVAD/CSA, janvier 2019
-
[4]
Statista global consumer survey, 2018
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Parties annexes
Biographical notes
Grégory Bressolles (DR, H.D.R.) is marketing professor and holder of the “Business in a Connected World” Chair at KEDGE Business School – Bordeaux (France). His research interests include digital and services marketing, multi-channel retailing and the study of companies’ digitalization processes. His research has been published in the following journals: Journal of Business Research, International Journal of Retailing and Consumer Services, International Journal of Retail and Distribution Management, Supply Chain Forum: An International Journal, Total Quality Management & Business Excellence, Journal of Enterprise Information Management, Recherche et Applications en Marketing, Décisions Marketing, to name a few.
Catherine Viot is a full professor in marketing at the University of Lyon 1 (France). She is a member of the academic research center SAF (Actuarial and Financial Sciences). Her research fields include strategic brand management, employer brand equity effects (attractiveness, loyalty and well-being at work), digitalization of retailing, and consumer behavior. She has published in Journal of Business Ethics, Journal of Business Research, International Management, International Journal of Retail & Distribution Management, Journal of Product & Brand Management, Recherche et Applications en Marketing, Revue Française de Gestion, and other referred scientific journals.
Parties annexes
Notas biograficas
Grégory Bressolles (Dr, H.D.R.) es Profesor de Marketing y titular de la Cátedra “Business in a Connected World” en la Escuela de Negocios KEDGE – Burdeos (Francia). Sus campos de investigación incluyen el marketing digital y de los servicios, la distribución multicanal y el estudio de los procesos de digitalización de las empresas. Su trabajo de investigación ha sido publicado en Journal of Business Research, International Journal of Retailing and Consumer Services, International Journal of Retail and Distribution Management, Supply Chain Forum: an International Journal, Total Quality Management & Business Excellence, Journal of Enterprise Information Management, Recherche et Applications en Marketing, Décisions Marketing …
Catherine Viot es profesora universitaria en la Universidad Lyon 1 (Francia). Es miembro del Laboratorio SAF (Ciencias Actuariales y Financieras). Sus áreas de investigación incluyen la gestión estratégica de la marca, el valor de marca del empleador y sus efectos (atractivo, lealtad y bienestar en el trabajo), la transformación digital de los distribuidores y el comportamiento del consumidor. Su investigación se publica en Journal of Business Ethics, Journal of Business Research, Management International, International Journal of Retail & Distribution Management, Journal of Product & Brand Management, Recherche et Applications en Marketing, Revue Française de Gestion y otras revistas científicas líderes.