Résumés
Résumé
La recherche sur la construction identitaire du manager a mis l’accent sur les constructions narratives offertes par le discours organisationnel, qui vont lui permettre de retrouver de l’autonomie et une capacité d’adaptation. Mais ces constructions identitaires restent fragiles et instables, soulignant l’importance de schémas disponibles pour les managers dans leur interaction avec l’environnement. Cette recherche explore en quoi les ressources, définies au sens d’actifs renouvelables qui aident l’individu dans son interaction avec le monde et regroupées autour de trois formes principales - ressources personnelles, ressources d’emploi et ressources relationnelles - sont contributives de la construction identitaire du manager.
Mots-clés :
- manager,
- construction identitaire,
- ressources
Abstract
Research on identity construction has underscored the importance of narrative constructions provided by the organizational discourse. These narrative constructions enable managers to regain autonomy and a coping capacity. But these constructions remain fragile and unstable, emphasising the importance of available schemes for managers in their interaction with the environment. This research underscores how resources, defined as renewable capacities that help individuals interacting with the environment and structured in three main types – personal resources, job resources and relational resources – contribute to managers’ identity construction.
Keywords:
- managers,
- identity construction,
- Resources
Resumen
La investigación sobre la construcción identitaria del manager ha hecho hincapié en las construcciones narrativas ofrecidas por el discurso organizativo, que van a permitirle forjar su autonomía y capacidad de adaptación. Pero estas construcciones identitarias aún son frágiles e inestables, demostrando la importancia que tienen los esquemas disponibles para ayudar a los managers a relacionarse con su entorno. Esta investigación explora cómo los recursos, definidos como los activos renovables que ayudan a los individuos en sus interacciones con el mundo y que se agrupan alrededor de tres formas principales - recursos personales, profesionales, y relacionales -, contribuyen a la construcción identitaria del manager.
Palabras clave:
- manager,
- construcción identitaria,
- recursos
Corps de l’article
La construction identitaire du manager est importante tant pour l’individu au sein d’un espace social organisé que pour l’organisation (Alvesson, Ashcraft et Thomas, 2008). La construction identitaire va permettre aux managers d’intégrer les messages de l’entreprise, de donner du sens à l’action individuelle et collective ainsi que de maintenir l’équilibre nécessaire (Bagolun et Johnson, 2004). Pour l’organisation, il est important que les identités du manager favorisent et permettent son identification (Ashforth et Johnson, 2001), source d’engagement organisationnel. Les organisations cherchent de plus en plus à façonner les identités de leurs salariés par le discours officiel (Musson et Duberly, 2007; Jian, 2011). Pour le manager, l’accès à des identités différentes, via la construction identitaire, est source de richesse et de capacité d’adaptation (Zuckerman, Tai-Young, Ukanwa et von Rittmann, 2003). Mais l’identité du manager est souvent soumise à des identités contradictoires (Floyd et Woolridge, 1997). Les tensions qui en résultent ont des conséquences identitaires et comportementales dysfonctionnelles pour lui et pour l’organisation (Thomas et Linstead, 2002; Comeiras, Loubes et Fournier, 2009).
L’identité est l’ensemble des significations que les individus se donnent (Gecas, 1982). Elle est donc multiple (Gergen, 1991) et elle s’établit à différents niveaux (Brewer et Gardner, 1996). La construction de l’identité s’ancre à la fois dans une perspective individuelle (Erikson, 1964) et dans une perspective collective (Tajfel et Turner, 1979). La recherche sur la construction identitaire n’a pas assez lié les éléments personnels de l’identité avec ceux relatifs à l’environnement (Deaux, 2014). Elle a mis l’accent, à propos de la construction identitaire des managers, sur les constructions identitaires narratives (Musson et Duberly, 2007), offertes par le discours organisationnel[1]. Mais les constructions identitaires qui sont faites restent très fragiles (Clarke, Brown et Hope Bailey, 2009) et instables (Kitay et Wright, 2007), renforçant la mise en garde de certains auteurs sur les approches trop narratives de l’identité (Bardon, Clegg et Josserand, 2012) et soulignant l’importance des schémas de construction qui permettent aux individus d’interagir avec l’environnement (Berzonsky, 1990; Pratt, 2012).
Cette recherche explore en quoi les ressources, définies au sens d’actifs renouvelables qui aident l’individu dans son interaction avec le monde (Feldman, 2004) et regroupées autour de trois formes principales - ressources personnelles, ressources d’emploi et ressources relationnelles - sont contributives de la construction identitaire du manager. Nous analysons un cas empirique unique, celui d’une entreprise en crise où l’identité de manager agile, portée par le discours officiel, ne suffit plus et où les managers doivent entreprendre une construction identitaire exploratoire (Hotho, 2008), en allant évaluer et analyser différentes identités managériales.
Nous montrons dans cette recherche que les ressources des managers sont contributives de leur construction identitaire sur deux dimensions complémentaires : l’accès aux ressources et l’intensité dans les ressources dont dispose la personne. Nous soulignons d’abord qu’un large accès aux ressources procure une liberté de choix dans les différentes identités que la personne peut valoriser, ouvrant sur un accès à un large éventail d’identités alors qu’un faible accès aux ressources ne procure pas une telle liberté et contraint l’individu à valoriser des identités socialement acceptées et moins originales. Nous montrons ensuite que ces orientations ont des conséquences en termes de richesse d’identités accessibles mais aussi de conflit potentiel entre les identités. Une faible intensité dans les ressources dont dispose la personne va la contraindre à valider des identités sans que les ressources dont elle dispose ne soient associées à ces identités, ouvrant sur des difficultés ultérieures pour faire vivre ces identités managériales. Ces enseignements amènent alors l’organisation à intégrer la question de la maîtrise des différentes ressources par ses managers dans une recherche de construction ou d’évolution de l’identité collective.
La construction identitaire du manager
La construction identitaire du manager est au coeur de son activité au sein de l’organisation (Alvesson, 1994; Bartel et Dutton, 2001). Le concept a récemment été complété par celui de travail identitaire, défini par Sveningsson et Alvesson (2003) comme l’ensemble des situations où les individus construisent, réparent, maintiennent, renforcent et revisitent les constructions qui leur donnent une cohérence et une singularité. Les deux termes sont maintenant souvent utilisés sans différenciation (Pratt, 2012). Nous appuyant sur Pratt (2012), nous différencions les deux termes en posant que la construction identitaire aborde comment les identités se forment alors que le travail identitaire traite plus des démarches de l’individu pour contrôler son identité.
La vision dominante de l’identité est celle d’un processus dynamique (Langley et Tsoukas, 2010). Dans cette perspective, un des points de départ de la construction identitaire du manager est celle d’un besoin de changement, parce que son identité ne peut plus être maintenue en l’état. Hotho (2008) souligne, dans un tel contexte, l’importance de la démarche exploratoire. Face à un changement de situation qui rend impossible le maintien de l’identité, le manager va s’engager dans une démarche d’évaluation des différentes identités accessibles. Deux dimensions sont structurantes pour caractériser comment le manager explore différentes identités : la perception de distance et de compatibilité entre les différentes identités accessibles ainsi que l’interaction entre la composante personnelle de l’identité et sa composante sociale.
La dimension de distance et de compatibilité perçue entre les identités est importante car elle détermine le répertoire identitaire ainsi que la facilité avec laquelle l’individu va pouvoir endosser une nouvelle identité. Dans le contexte organisationnel, les identités ne sont pas nécessairement en confrontation : elles sont en général cohérentes et fonctionnent ensemble en termes d’identification. L’individu ordonne alors logiquement et facilement ses différentes identités (Ashforth et Johnson, 2001), qui seront logées les unes au sein des autres : métier, groupe de travail, partie de l’organisation et organisation dans son ensemble par exemple. Mais dans un contexte où le maintien en l’état des identités est impossible, une remise en cause profonde de l’identité du manager est possible. Ibarra (2003) a mis en avant, avec le concept de ‘possible self’, la capacité qu’ont les managers à modifier sensiblement leur identité et à endosser des identités différentes jugées plus en adéquation avec l’environnement. Petriglieri (2011) a plus récemment souligné que dans certaines situations, le manager est capable de transformer radicalement son identité.
On connaît en outre l’importance de l’exposition du manager à une pluralité de discours organisationnels dans sa démarche de construction identitaire. Le discours officiel de l’entreprise cherche à stimuler l’identification des salariés (Cheney, 1983) en lui prescrivant différents rôles et identités (Alvesson, 2011). Du Gay (1996) a notamment montré comment l’organisation demande dans son discours au manager d’endosser des identités de leader, d’entrepreneur et de stratège. Ce discours amène le manager à re-questionner son identité managériale qui lui est donnée par défaut (Carroll et Levy, 2008). Plusieurs études empiriques récentes (Storey, Salamn et Platman, 2005; Musson et Duberly, 2007) soulignent que les managers utilisent les différentes identités contenues dans le discours organisationnel pour créer ou recréer une identité. Dans leur étude, Sveningsson et Alvesson (2003) mettent en avant l’importance du discours organisationnel accessible au manager pour maintenir, faire évoluer et éventuellement reconstruire son identité.
L’accès à de nouvelles identités pose aussi la question pour le manager de sa capacité à endosser une pluralité d’identités, dont la compatibilité n’est pas toujours assurée. Cette pluralité est une des caractéristiques de l’identité (Gergen, 1991). La multiplicité des identités n’est pas en soi un problème. Le fait de disposer de disposer de plusieurs identités est un atout : Zuckerman, Tai-Young, Ukanwa et von Rittmann (2003) ont souligné l’intérêt pour l’individu de pouvoir endosser facilement différentes identités, par opposition à rester cantonné à une seule identité : l’individu en tire des bénéfices de flexibilité et d’adaptation à un environnement changeant. La question est alors plus celle de la capacité qu’a l’individu à gérer la cohérence d’identités antagonistes et éviter le conflit identitaire. Les recherches ont notamment identifié cette difficulté chez le manager (Floyd et Woolridge, 1997), pour lequel la fragmentation identitaire est alors un risque. Les managers soumis à un endossement de nombreuses identités jugées antagonistes peuvent se trouver dans l’incapacité de maintenir la cohérence nécessaire, avec notamment des effets négatifs en termes d’implication (Commeiras, Loubes et Fournier, 2009).
L’interaction entre la composante personnelle de l’identité et sa composante sociale est aussi une dimension importante car elle définit la capacité qu’a l’individu à construire son identité en rapport d’interaction et de contrainte éventuelle avec le monde extérieur. La composante personnelle et la composante sociale de l’identité ont donné naissance à des approches différentes et distinctes (Umana-Taylor, 2011) : Erikson (1964) par exemple pour la première, Tajfel et Turner (1979) avec l’identité sociale pour la deuxième. L’interaction de ces deux composantes pose à la fois des questions de compatibilité entre les identités mais aussi de capacité à endosser socialement les identités. Pour Whittington (1994), l’individu dispose d’une marge de liberté assez importante dans le choix de ses identités : il n’est ni déterminé par l’environnement ni totalement libre dans ses choix identitaires. Alvesson et Sveningsson (2003) ont néanmoins montré les limites concrètes dans la construction identitaire, de l’adoption par le manager d’une identité en fort décalage avec l’identité personnelle : il en résulte alors souvent un écart important entre l’idéal de l’identité endossée et la pratique, source de frustration pour le manager et potentiellement de conflit.
Intérêt et typologie des ressources
La façon dont les managers explorent les différentes identités accessibles reste assez mal connue (Hotho, 2008; Clarke, Brown et Hope Bailey, 2009). Ainsi, on ne sait pas bien expliquer pourquoi un individu va endosser une identité positive, valorisée personnellement ou socialement (Watson, 2008) alors que d’autres individus vont valoriser des identités négatives (Toyoki et Brown, 2013) ou socialement stigmatisées (Boyce, Ryan, Imus et Morgeson, 2007). Les constructions identitaires restent très fragiles (Clarke, Brown et Hope Bailey, 2009) et instables (Kitoy et Wright, 2007). Construisant sur l’approche de Lerner et Busch-Rossnagel (1981) qui positionnent l’individu comme producteur de son propre développement, nous nous intéressons particulièrement aux capacités spécifiques de l’individu pour explorer et construire de nouvelles identités. Nous utilisons le concept de ressources pour analyser comment l’individu va dans sa construction identitaire, explorer les différentes identités et le rôle joué par les différents types de ressources. Les ressources sont définies dans cette recherche comme des actifs renouvelables qui aident l’individu dans son interaction avec le monde (Feldman, 2004). Ce lien n’a pas été à notre connaissance exploré par la littérature. La littérature a exploré comment et pourquoi un individu va endosser une identité pour accéder à certaines ressources : par exemple via le concept de professionnalisation (Larson, 1977) pour accéder à des ressources rares. La littérature a aussi analysé en quoi le travail identitaire de l’individu peut être une ressource pour lui (Hobfoll, 1989; Callero, 1994). Elle a enfin analysé en quoi les identités accessibles dans le discours organisationnel fournissent des ressources aux individus (Clarke, Brown et Hope Bailey, 2009). L’influence des ressources de l’individu sur sa construction identitaire est potentiellement importante : les ressources permettent en effet aux individus de mettre en place des schémas pré-définis (Feldman, 2004).
La recherche sur les ressources offertes aux individus est foisonnante. Loin de se limiter à une approche caractérisant les ressources comme des traits de personnalité individuelle (Luthans et Youssef, 2004), elle a exploré des champs comme l’échange social (Foa et Foa, 1976) et la socio-matérialité (Orlikowski, 2002). Le tableau 1 ci-dessous reprend et illustre la classification que nous faisons en trois types principaux de ressources. Les ressources personnelles sont généralement définies comme intimement liées à l’individu et déterminant sa capacité à contrôler et agir sur son environnement (Hobfoll, Johnson, Ennis et Jackson, 2003). Les ressources d’emploi désignent à la fois les connaissances liées à l’emploi mais aussi les éléments physiques, sociaux, psychologiques et organisationnels du poste qui permettent l’atteinte des objectifs liés au poste, qui réduisent les demandes liées au travail et qui permettent le développement personnel. Un troisième type de ressources est défini comme les ressources relationnelles, au sens de la qualité du lien et de la connexion entre les individus (Dutton, 2003). Ces trois types de ressources sont différents, plus ou moins spécifiques aux individus, mais sont tous accessibles aux individus dans leur construction identitaire.
Le concept de ressources au service de la construction identitaire du salarié s’appuie sur l’analyse de Côté (1996), pour qui les individus disposent d’un ‘capital identitaire’, défini comme ce qu’ils utilisent quand ils s’impliquent dans une transaction. Les individus en déficit de ‘capital identitaire’, parce qu’ils n’ont pas les ressources suffisantes, vont se retrouver contraints et c’est le contexte social qui va déterminer leurs choix. Son analyse rejoint sur ce point celle de Berzonsky (1990), qui a dans une approche sociocognitive de la construction identitaire, identifié plusieurs orientations identitaires, différenciées selon les individus : notamment l’orientation informationnelle et l’orientation normative. Le tableau 2 ci-dessous résume les différences principales entre ces deux orientations.
La construction identitaire du manager passe donc par l’exploration des différentes identités contenues dans le discours organisationnel, dans un contexte d’incertitude aboutissant à une remise en cause des identités déjà établies. Si les deux dimensions de perception de distance et de compatibilité entre les différentes identités accessibles ainsi que celle relative à l’interaction entre la composante personnelle de l’identité et sa composante sociale éclairent sur la construction identitaire du manager, cette dernière reste mal connue et les constructions qui en résultent restent fragiles. Nous explorons l’apport du concept de ressources de l’individu, comprenant les ressources personnelles, les ressources d’emploi et les ressources relationnelles à la construction identitaire du manager. Le cadre empirique de cette recherche est celui de l’exposition de managers intermédiaires à de nouvelles identités, auxquelles ils ont été confrontés via le discours organisationnel.
Méthodologie
La question de recherche a été posée dans le cadre d’une étude longitudinale de cas unique (Eisenhardt, 1989; Yin, 1994) traitée en profondeur sur plus de deux ans. La population choisie pour cette recherche est celle de managers intermédiaires, dotés du statut cadre (Autissier et Vandangeon-Derumez, 2003), au sein d’une entreprise française spécialisée dans les prestations en Ressources Humaines. La méthodologie utilisée combine une observation participante et des entretiens semi-directifs. L’observation participante a été réalisée à l’occasion de multiples interactions, individuelles ou en petits groupes avec les managers. Elle a été poursuivie par 18 entretiens semi-directifs. Ce dispositif méthodologique a permis d’accéder à la construction identitaire des managers et à l’utilisation qu’ils faisaient de leurs différentes ressources dans leur construction identitaire.
Une entreprise spécialisée en Ressources Humaines repositionnant ses responsables d’agence par un nouveau discours
L’entreprise F., filiale d’un groupe international, est une entreprise spécialisée dans les prestations de Ressources Humaines aux entreprises. Implantée de longue date en France, elle occupe une position de leader sur son marché dont elle a été le principal innovateur. Son activité repose sur une interaction forte entre le client et ses responsables d’agence, au nombre de 500 en France. Le responsable d’agence a un rôle essentiel dans le fonctionnement. Le marché sur lequel l’entreprise F. est présente s’est durci depuis plusieurs années : l’intérim, qui représente l’essentiel de son activité, est soumis à de fortes pressions sur les prix, suite aux deux chocs économiques de 2008 et 2011. La maîtrise des coûts opérationnels en agences est devenue essentielle. Pour desserrer la pression sur les prix, l’entreprise F. a aussi orienté, à partir de 2008, sa stratégie vers un élargissement de ses prestations : à côté de l’intérim, elle propose désormais une gamme complète de services en Ressources Humaines aux entreprises (formation, conseil et évaluation, recrutement, systèmes d’information et prestations digitales). Cette évolution a été rendue possible par une modification de l’environnement législatif avec la loi Borloo de 2005 qui autorise les entreprises d’intérim à étendre leurs prestations (au recrutement notamment). Le modèle économique de l’entreprise se déplace donc progressivement sur ces nouvelles prestations, dont la marge est meilleure et qui deviennent essentielles à l’activité et à l’atteinte des résultats des agences. Les nouvelles prestations restant éloignées de l’activité historique, leur vente nécessite une coordination des différents acteurs de l’entreprise en dehors de l’agence, dont le responsable a un rôle important d’interface entre les équipes locales et les services spécialisés de l’entreprise qui en maîtrisent le contenu. L’entreprise a aussi accompagné ces évolutions par un changement de son équipe dirigeante : plusieurs membres du comité de direction ont été remplacés et les nouveaux arrivants sont souvent des cadres dirigeants venant d’entreprises spécialisées dans les systèmes d’information, pour accélérer la transformation de l’entreprise vers le numérique. Le nouveau discours officiel, développé à partir de 2008, positionne l’entreprise comme étant à la croisée des chemins : elle doit simultanément continuer à être leader sur son activité d’intérim, dans un marché où les marges baissent de façon constante, réussir sa transformation vers la maîtrise de l’ensemble des services Ressources Humaines et améliorer sensiblement le résultat opérationnel de toutes les unités, dont les centres de profit que sont les 500 agences. Ces demandes sont faites simultanément (Graetz et Smith, 2008) aux acteurs opérationnels, faisant apparaître une contradiction sur des éléments à priori opposés (Van de Ven et Poole, 1988).
La population sur laquelle la recherche s’est fixée est celle des 500 responsables d’agence. Cette population a un métier riche en termes d’activités. Le responsable d’agence est à la fois le premier commercial sur le territoire de l’agence, le manager au quotidien des équipes commerciales et non commerciales de l’agence, le coordinateur de l’action des équipes grands comptes face au client avec qui des accords nationaux ont été signés et le pilote de l’agence, gérée comme un centre de profit. Le responsable d’agence occupe donc une position privilégiée dans le fonctionnement de l’entreprise. Il est la première cible du discours officiel qu’il devra s’approprier et restituer à ses équipes. Le discours officiel qualifie le responsable d’agence de manager agile : il va devoir porter chez les clients la nouvelle stratégie de diversification des prestations, maîtriser toutes les variables de gestion en agence, organiser son agence avec des moyens souvent réduits d’une année sur l’autre tout en sachant continuer à motiver et à donner du sens à l’action de chacun sur le terrain (Bagolun et Johnson, 2004).
Une observation participante
La démarche a été opérationnalisée au travers d’une observation participante de la population des responsables d’agence sur une période de plus de deux ans (juin 2011 – mai 2014). Le chercheur a été immergé au sein de la population, via une collaboration, au travers d’une série d’interactions en groupe large (d’une centaine de personnes), d’interactions en petits groupes (d’une dizaine de personnes) et d’interactions individuelles régulières. Le statut du chercheur vis à vis de la population a été celui d’un ‘observateur participant’ (Gold, 1958) lui conférant un accès privilégié aux acteurs et aux données de recherche sans pour autant devenir un membre complètement intégré de la communauté des responsables d’agences. Les trois thèmes principaux d’interaction avec les responsables d’agence ont concerné d’abord la formulation de la stratégie au niveau de l’agence et la responsabilité du responsable d’agence sur cette formulation, ensuite le rôle du manager vis à vis de ses équipes et enfin l’organisation des moyens internes à l’agence. L’observation participante a donc permis de recueillir des données au travers de discussions collectives, d’entretiens informels et d’observation directe en groupe. Le tableau 3 ci-dessous croise les thèmes abordés selon les trois modalités d’interaction pour préciser les données recueillies. L’observation participante a notamment permis de faire apparaître les différentes identités qui sont utilisées par la suite pour restituer et analyser la construction identitaire des managers : les identités de mentor, d’acteur engagé dans sa communauté, de débrouillard, de pur-gestionnaire et enfin celle de franc-tireur. Les différentes données ont été transcrites au fil et l’eau sur les trois ans en étant recueillies à deux niveaux : à un niveau immédiat, dans la situation vécue et à un deuxième niveau, plus réflexif pour le chercheur, permettant d’interroger et de structurer les données recueillies.
Des entretiens semi-directifs centrés
La démarche d’observation participante a été complétée par une série d’entretiens avec des responsables d’agence. Ces entretiens ont été conduits en 2014, après l’observation participante. 18 entretiens ont été menés avec des responsables d’agence rencontrés lors de l’observation participante. Le tableau 4 ci-dessous présente les caractéristiques de l’échantillon des 18 responsables d’agence retenus pour les entretiens. Les entretiens ont duré de une heure à une heure trente et ils ont été conduits au téléphone avec enregistrement de la conversation téléphonique. Les entretiens menés ont abordé plusieurs thèmes. D’abord le thème de l’évolution du métier et des difficultés ressenties dans le métier par le responsable d’agence. Ce thème renvoie à la littérature sur les ressources et les besoins en ressources. Puis le thème des différentes facettes du métier de responsable d’agence, en faisant réagir le responsable d’agence sur les différentes identités du responsable d’agence identifiées lors de la phase d’observation participante. Ce thème renvoie à la construction identitaire du manager. Et enfin le thème des moyens personnels et organisationnels dont dispose le responsable d’agence pour faire face aux difficultés du métier et à ses différentes facettes. Ce thème renvoie à la littérature sur les ressources.
Traitement des données
Chaque entretien a été intégralement transcrit. Les données primaires recueillies ont été traitées via une analyse de contenu reposant sur un codage, réalisé avec le logiciel Nvivo 7, qui a permis de faire apparaître les thèmes récurrents. Deux catégories thématiques ont été définies : la construction identitaire adoptée, fondée sur les identités mentionnées par le responsable d’agence et les ressources dont il dispose. Le tableau 5 ci-dessous détaille la contribution de chaque catégorie de codage. Le processus de codage s’est appuyé sur la littérature existante (Lee, Mitchell et Sablynski, 1999) et il a été complété au fur et à mesure de l’interaction avec les acteurs. L’observation participante a notamment permis de faire apparaître les différentes identités qui ont utilisées par la suite lors des entretiens semi-directifs centrés.
Des sous-catégories pertinentes ont été définies. Ainsi, les identités mentionnées par le responsable d’agence ont été codées sur deux critères. D’abord l’identité évoquée - mentor, acteur engagé, débrouillard, franc-tireur et pur gestionnaire - (cinq occurrences de codage) puis l’appréciation de cette identité : positive, neutre, négative (trois occurrences de codage). Par exemple, en termes de codage de l’identité mentionnée, les propos de ce responsable d’agence : ‘Notre activité, notre métier sont tournés sur les Ressources Humaines. L’intérim, c’est d’abord mettre en contact une personne qui offre quelque chose et une personne qui a besoin de quelqu’un. La marge, c’est nécessaire, mais quelque part ce n’est pas l’essentiel sur notre métier’ nous ont amené à coder l’identité de pur gestionnaire, appréciée négativement. Les ressources du responsable d’agence ont été définies selon deux critères : d’abord la nature des ressources, faisant apparaître trois occurrences : les ressources personnelles, les ressources d’emploi et les ressources relationnelles puis l’intensité dans la mise à disposition de cette ressource avec trois occurrences de codage (fort, moyen, faible). Par exemple, les propos de ce responsable d’agence déclarant : J’ai toujours eu confiance en ma bonne étoile, en ma capacité à m’adapter aux évolutions du métier. C’est en moi, cette motivation pour s’en sortir et s’adapter.’ nous ont amené à coder une ressource personnelle forte. Le tableau 6 ci-dessous présente avec des verbatim les thèmes retenus et les codages réalisés.
Le recours aux sous-catégories de codage a notamment permis de construire différents profils d’accès aux ressources, parmi les responsables d’agence, autour de deux variables. D’abord l’intensité dans la mise à disposition d’une ressource pour un individu (fort, moyen et faible). Puis l’accès aux ressources, tenant compte de la diversité d’accès par l’individu aux différentes ressources. Au sein d’une population très homogène en termes de métier et souvent de parcours, nous avons défini un fort accès aux ressources comme le fait pour un individu de disposer de deux ressources avec une forte intensité, un accès moyen aux ressources comme le fait pour un individu de disposer d’une ressource avec une forte intensité et un accès faible aux ressources comme le fait pour un individu de ne disposer d’une intensité forte sur une ressource.
Les résultats sont présentés dans la section suivante en s’appuyant sur une approche configurationnelle (Meyer, Tsui et Hinings, 1993) où chaque configuration, qui va reposer sur les différents codages, représente un idéal-type dont la logique interne est exacerbée, dans le but d’aider la compréhension et de donner du sens. Le point structurant de l’approche par les configurations est la co-occurrence des caractéristiques distinctes (Miller et Friesen, 1984).
Le discours officiel comme source d’une remise en cause identitaire du responsable d’agence
Le nouveau discours officiel porté à partir de 2009 a un effet déstabilisant sur les responsables d’agence. Les responsables d’agence savent que c’est une des fonctions du manager que d’expliquer le changement aux collaborateurs. Ils n’ont pas particulièrement de doute sur leur implication dans ce processus à venir, comme le résume ce responsable : ‘On – les responsables d’agence- a toujours tenu la baraque par le passé, tant dans les bonnes années que dans les mauvaises. On continuera à le faire : ça fait partie de notre boulot’. Ce qui les laisse plus perplexe, c’est le sentiment d’une remise en cause plus personnelle qui apparaît via le nouveau discours officiel quant au rôle du responsable d’agence : ce qu’il doit être et ce qu’il doit faire. Comme l’indique cet autre responsable d’agence, c’est bien le rôle du responsable d’agence qui paraît le point central pour la suite. ‘Nous étions, comment dire, des managers de proximité avec nos équipes. Avec un métier intéressant, parfois pas facile, mais équilibré entre du commerce et du management. C’était un métier à deux faces qui s’équilibraient. Mais là, on ne comprend plus trop. Ou plutôt, on comprend que ce ne peut plus être comme ça.’ Si la remise en cause est personnelle, elle a aussi des implications relationnelles fortes, comme l’indique un des responsables d’agence : ‘Ce que je fais, ce que je suis en tant que responsable d’agence, ne trouve sa place que par rapport à mes collaborateurs de l’agence et par rapport à mes client. Nous nous connaissons depuis longtemps. Je ne peux pas changer sans bouger avec eux’. Le rôle du responsable d’agence est éminemment relationnel et se définit aussi par les relations qu’il entretient avec les autres acteurs principaux du terrain : les collaborateurs et les clients.
Le changement identitaire du responsable d’agence est particulièrement débattu lors des ateliers sur le leadership et le management menés lors de l’observation participante. Le point central qui apparait alors, c’est la difficulté à endosser la nouvelle identité proposée pour le responsable d’agence - celle du manager agile et créant du sens. L’identité proposée au responsable d’agence dans le discours officiel le positionne comme celui qui intègre à la fois les contraintes de gestion et les objectifs stratégiques de l’entreprise, tout en sachant donner du sens à l’action. L’agilité du manager doit se trouver dans sa capacité à construire une stratégie appropriée sur son territoire, à activer tous ses clients en tenant compte de leur rentabilité mais aussi à interagir au sein de l’entreprise pour être le pilote de la construction d’une offre sur mesure pour le client avec des composantes d’offre que l’agence ne maîtrise pas. L’endossement de cette nouvelle identité ne va pas de soi pour le responsable d’agence. Comme le mentionne un responsable d’agence, une des représentations possibles de cette identité, c’est de savoir faire avec moins de moyens qu’avant : ‘Agile, ca veut dire courir dans tous les sens, au risque de perdre la tête, au quotidien à force de courir après tout le monde et à la fin, pour de bon, si tu ne tiens pas les objectifs. C’est une rupture profonde par rapport à ce qu’on a fait jusqu’à présent et on ne pourra plus faire pareil !’. De même, dans le discours officiel, le manager crée du sens pour les autres mais les conséquences de cette demande sont discutées par les responsables d’agence. Comme l’indique ce responsable d’agence : ‘Donner du sens, c’est devenu la tarte à la crème du management. Oh bien sûr on prend sur nous quand ça n’est pas clair, on n’exprime pas forcément tous nos doutes. On est au coeur des contradictions de l’entreprise qui veut conserver son réseau mais en même temps qui veut réduire sensiblement les coûts. Mais on est quand même entre le haut et le bas, dans un rôle forcément ingrat car c’est nous qui faisons les arbitrages au quotidien !’.
D’autres identités comme source d’une nouvelle construction du responsable d’agence
Si le discours officiel met en avant l’identité du manager agile, le discours organisationnel ouvre lui sur un champ plus large d’identités disponibles, faisant émerger cinq identités principales. Trois de ces identités, celles du débrouillard, du mentor et de l’acteur engagé dans une communauté, sont généralement valorisées par les responsables d’agence, comme le souligne le tableau 7 ci-dessous. Si l’identité de débrouillard est purement ancrée dans le champ de l’entreprise, les identités de mentor et d’acteur engagé dans une communauté dépassent le champ de l’entreprise et sont ancrées dans une communauté plus large que la seule entreprise F.
Le débrouillard est une identité très généralement évaluée de façon positive par les responsables d’agence. Le débrouillard, c’est celui qui tous les jours trouve des solutions aux problèmes rencontrés par les collaborateurs face aux clients ou aux intérimaires, comme le résume ce responsable d’agence en disant de son poste : ‘On est un peu le Mc Gyver des Ressources Humaines, on doit toujours avoir sous la main la solution miracle au sein de l’agence’. Le débrouillard, c’est aussi celui qui sait actionner les bons interlocuteurs en interne ou chez les clients pour obtenir une décision ou raccourcir le délai de décision. Mais c’est aussi celui qui va savoir organiser le travail pour tenir compte des moyens limités auxquels font face les collaborateurs.
Le mentor est celui qui fait passer les recettes du succès aux différents acteurs du terrain et qui les fait progresser en connaissance. Par exemple au client : ‘Je leur dis de faire attention à tel et tel point dans le recrutement d’une personne. Je m’assure que notre réussite soit d’abord sa réussite’. Mais aussi à la personne recrutée : ‘Les jeunes en intérim, je dois souvent leur expliquer ce qu’on attend d’eux. Et quand ils comprennent et qu’ils arrivent à s’intégrer dans l’entreprise, c’est un peu de moi qui réussit avec eux !’.
L’acteur engagé dans la communauté est au coeur de l’activité économique et de la construction pour l’emploi sur son territoire. Comme le souligne ce responsable d’agence : ‘Une de mes plus belles réalisations, celle dont je suis la plus fière, c’est d’avoir monté une opération de recrutement avec l’ANPE pour des personnes qui étaient au départ sans qualification particulière. On a construit le programme de formation avec nos partenaires, on les a formées et ça a marché en termes d’intégration en entreprise.’ Là aussi, la facette d’engagement social affleure dans sa réflexion. Comme le souligne ce responsable d’agence : ‘Je suis d’ici. Je me suis toujours senti d’ici. C’est donc important que je puisse contribuer à la vie économique et sociale de ma commune.’
Mais à côté de ces identités évaluées de façon positive par les responsables d’agence, il existe aussi deux autres identités, généralement appréciées négativement, celles du pur gestionnaire et celle du franc-tireur. Ces deux identités vont aussi participer à la construction identitaire du responsable d’agence en lui permettant généralement d’exprimer ce qu’il ne veut pas être.
La première de ces identités est celle du pur gestionnaire, dont un responsable d’agence nous dit : ‘C’est un métier [celui de responsable d’agence] où le rapport à l’autre prime, en interne mais aussi dans la relation avec le client. Je ne suis pas venu ici pour descendre des colonnes de chiffres comme un contrôleur de gestion’. L’identité du franc-tireur est aussi rejetée, comme l’évoque cet autre responsable d’agence : ‘Devenir un desperado de la vente, agissant sans loi, allant piquer les clients en dehors de son territoire, allant raconter n’importe quoi au client sous couvert de faire le chiffre d’affaires donné en objectif, pas question’. Lorsque les anti-identités sont activées dans les propos, le responsable d’agence s’ouvre aussi sur qui il est personnellement, indépendamment du contexte professionnel. L’identité personnelle est présente et affleurante. Elle ne peut d’ailleurs pas être séparée de l’identité professionnelle, comme le mentionne ce responsable d’agence : ‘Je ne peux pas être comme ça au travail, du matin au soir, et être à l’opposé en dehors du travail. C’est juste impossible. Il faut une cohérence entre ce que tu es au travail et ce que tu es dans la vie’. Cet autre responsable d’agence y établit un lien clair entre son identité personnelle et son identité professionnelle : ‘Franc tireur, c’est pour moi quelqu’un sans principe. Un opportuniste qui va changer son fusil d’épaule à chaque fois. Je ne suis pas comme ça en mon plus profond. Je sais m’adapter mais je ne change pas du tout au tout en fonction des circonstances.’
Comme l’illustre le tableau 7 ci-dessous, les identités de débrouillard, de mentor et d’acteur engagé dans une communauté sont généralement valorisées par les responsables alors que les identités de pur gestionnaire et celle du franc-tireur sont généralement perçues comme négatives.
Les différentes identités abordées sont associées, dans les représentations des responsables d’agence à des ressources spécifiques. Ainsi, l’identité de mentor est généralement associée à la ressource d’emploi, comme l’indique ce responsable d’agence : ‘Etre mentor, c’est transmettre de l’information aux clients, aux collaborateurs et aussi aux intérimaires. Et pour y arriver, il faut connaître les dossiers, les pratiques professionnelles, la jurisprudence en droit social. Ca ne s’invente pas et c’est quand tu sais les choses qu’on va t’écouter’. L’identité d’acteur engagé dans la communauté est elle généralement associée à la ressource relationnelle, comme l’illustre ce verbatim d’un responsable d’agence : ‘Tu vas voir des organismes d’emploi, des associations et des clubs professionnels. C’est toi qui t’engage, qui fait passer la flamme dans les échanges et tu réussis parce que tu fais passer un message aux autres’. L’identité de débrouillard est elle généralement associée aux ressources personnelles. Ce sont notamment des traits de personnalité comme la confiance en ses capacités qui vont permettre à l’individu d’être débrouillard, comme le souligne ce responsable d’agence : ‘Si tu ne crois pas que tu vas y arriver, c’est pas la peine de commencer à vouloir débloquer les problèmes en interne ou chez les clients’. C’est la même ressource, la ressource personnelle, qui est généralement associée à l’identité de franc-tireur. Comme le souligne ce responsable d’agence : ‘Oui il y a des franc-tireurs dans l’organisation … S’il y en a et s’ils se comportent comme tels, c’est parce qu’ils se sentent convaincus que leurs résultats seront tels que qu’on les acceptera’. Enfin, l’identité de pur-gestionnaire est généralement associée à des ressources d’emploi, comme l’évoque ce responsable d’agence : ‘Tu ne passe pas ton temps à suivre des indicateurs par choix. Tu le fais parce que l’entreprise te le demande et te fournit tous ce reporting sur ton action, ce qui t’amène à analyser en retour tous les indicateurs de ton action’.
Le tableau 8 ci-dessous reprend ces liaisons et croise schématiquement les trois types de ressources - personnelles, d’emploi et relationnelles – avec les cinq identités abordées.
Une construction identitaire du responsable d’agence orientée par les ressources dont il dispose
Les ressources dont disposent les responsables d’agence orientent leur construction identitaire : un accès large aux ressources va être source de liberté dans cette construction.
L’approche configurationnelle retenue permet d’abord de souligner plusieurs différences importantes entre les responsables d’agence disposant d’un fort accès aux ressources et ceux disposant d’un faible accès aux ressources. Le tableau 9 présenté à la fin de cette section regroupe de façon synthétique les résultats de l’approche configurationnelle entre les responsables d’agence. Une première différence apparaît dans la valorisation d’identités comme celle de pur gestionnaire ou de franc-tireur par certains responsables d’agences dotés d’un fort accès aux ressources. Ces deux identités sont généralement perçues comme des identités négatives : elles ne sont valorisées que par quelques personnes. La caractéristique de ces personnes, c’est de disposer d’un fort accès aux ressources. C’est par exemple le cas pour ce responsable d’agence qui déclare : ‘Oui j’assume : j’ai été cherché plusieurs fois du chiffre en dehors du territoire de mon agence tout comme j’assume avoir organisé l’agence différemment ce que qui était demandé. Je l’ai fait d’abord pour le chiffre d’affaires, même si le chiffre était à l’origine sur des autres agences (identité de franc-tireur : positive) … J’ai bien qualifié la demande du client, j’ai réussi à augmenter sensiblement la demande initiale des clients (forte ressource d’emploi). Et j’ai satisfait toutes les commandes que j’ai ainsi gagnées. Ce qui n’aurait pas été le cas des autres agences, si elles avaient récupéré les commandes. Et les clients m’ont fait confiance parce que je tiens bien les choses et que je suis fiable (forte ressource personnelle)’.
Au contraire, les responsables d’agence qui sont dotés d’un faible accès aux ressources ne valorisent pas ces identités, considérées comme négatives. Ce sont souvent des raisons d’écart avec la politique de l’entreprise ou de non concordance avec les valeurs personnelles qui sont mises en avant par le responsable d’agence pour expliquer sa position, comme le souligne ce responsable d’agence : ‘Je n’irai pas chercher du chiffre en dehors de mon agence (identité franc-tireur négative). C’est comme ça, même si je sais que certains le font. Bon je sais que je n’ai pas toujours confiance en moi et que je n’arrive pas bien à sortir du cadre qui est donné (ressource personnelle : moyenne)… Et c’est difficile pour moi d’établir des relations de qualité avec les interlocuteurs, alors que c’est nécessaire dans les clubs d’emploi et les associations (ressource relationnelle : faible).
Une deuxième différence apparaît entre les responsables d’agence dotés d’un fort accès aux ressources et ceux dotés d’un faible accès aux ressources sur la valorisation de deux identités généralement valorisées par les responsables d’agences : acteur engagé et mentor. Les responsables d’agence dotés d’un fort accès aux ressources ne valorisent pas forcément ces deux identités. C’est par exemple le point de vue de ce responsable d’agence : ‘Les clients, tu ne les développes pas avec du savoir. Tu construits des solutions et tu leur vends… Et non, je ne me considère pas comme un mentor pour les intérimaires ou les collaborateurs. Ce n’est pas ce qui m’intéresse vis à vis des collaborateurs. Et sincèrement, je n’ai quasiment pas d’échange avec les intérimaires’ (identité de mentor : négative). Au contraire, les responsables d’agences dotés d’un faible accès aux ressources valorisent tous ces deux identités.
Un fort accès aux ressources permet donc une liberté accrue dans la construction identitaire : là où les responsables d’agence disposant d’un fort accès aux ressources peuvent valoriser des identités généralement considérées comme négatives ou ne pas valoriser des identités au contraire généralement valorisées, les responsables d’agence disposant d’un faible accès aux ressources vont adopter la position socialement dominante du groupe : valorisation des identités généralement valorisées et rejet des identités généralement considérées comme négatives.
A côté de la liberté qu’offre un large accès aux ressources, on s’aperçoit que les responsables d’agence peuvent valoriser une identité alors qu’ils ne disposent pas d’une forte intensité sur la ressource qui est généralement associée à cette identité. Certains responsables d’agence valorisent ainsi l’identité de mentor sans disposer de la ressource généralement associée à cette identité, la ressource d’emploi. Parallèlement, certains responsables d’agence valorisent l’identité d’acteur engagé sans disposer de la ressource généralement associée, la ressource relationnelle. C’est ainsi que ce responsable d’agence valorise l’identité d’acteur engagé dans la communauté : ‘Oui, par l’intérim, on donne du travail aux enfants du coin. C’est important, en particulier dans ma région où on a un fort taux de chômage et des perspectives de développement économiques faibles’ … sans qu’il dispose de la ressource relationnelle, ressource généralement associée à cette identité : ‘J’ai essayé de mettre en place des actions en développant les relations avec les associations d’emploi et les autres organismes agissant pour l’emploi sur la bassin. Je n’ai pas été en réussite sur les actions et ça n’a pas vraiment pris avec les acteurs (ressource relationnelle : faible)’. Il n’y a donc pas, dans la construction identitaire des responsables d’agence, de correspondance entre l’identité qu’ils valorisent et l’accès à une forte intensité sur la ressource généralement considérée comme associée à cette identité.
Discussion
La mise en évidence de la contribution des ressources – personnelles, d’emploi et relationnelles – à la construction identitaire du manager est un apport à la littérature sur la construction identitaire. Elle améliore la compréhension de la liaison déjà établie entre les ressources de l’individu et la construction identitaire. La littérature a jusqu’à présent mis en évidence en quoi le choix d’identité (Larson, 1977) ou le travail identitaire (Clarke, Brown et Hope Bailey, 2009) créent des ressources ou permettent à l’individu d’accéder à des ressources. Cette recherche met en évidence l’influence des ressources elles-mêmes sur la construction identitaire du manager.
Les ressources – personnelles, d’emploi et relationnelles - du manager sont donc associées à sa construction identitaire. Les dimensions d’accès aux ressources et d’intensité de ressources sont contributives de cette construction identitaire. Le large accès à des ressources donne une liberté de choix dans la valorisation des identités disponibles dans le discours organisationnel. Les managers disposant au contraire d’un faible accès aux ressources sont contraints dans leur construction identitaire de se fondre dans le collectif en termes de valorisation d’identités, tout en pouvant être en situation de valoriser une identité, sans disposer de la ressource nécessaire, généralement considérée comme associée à cette identité. La valorisation d’une identité particulière n’est donc pas liée à la maîtrise par le manager d’une forte intensité sur la ressource généralement considérée comme associée à cette identité.
La mise en évidence de la contribution des ressources – personnelles, d’emploi et relationnelles – à la construction identitaire du manager permet d’éclairer de façon nouvelle les deux dimensions structurantes de la construction identitaire : la perception de distance et de compatibilité entre les différentes identités accessibles ainsi que l’interaction entre la composante personnelle de l’identité et sa composante sociale. Les ressources dont dispose le manager influencent la distance et la compatibilité perçues des identités : l’accès à des identités différentes est une force pour l’individu (Zuckerman, Tai-Young, Ukanwa et von Rittmann, 2003) mais elle induit aussi un risque de manque de compatibilité entre les identités, nourrissant aussi la fragilité et l’instabilité des constructions identitaires (Kitoy et Wright, 2007; Clarke, Brown et Hope Bailey, 2009). Cette recherche met en évidence que le large accès aux ressources permet à l’individu d’adopter un spectre étendu d’identités, y compris des identités généralement perçues comme négatives alors que inversement, le faible accès aux ressources oriente sur l’adoption d’identités moins originales et plus communément valorisées. L’intensité de la ressource dont dispose l’individu sera elle de nature à assurer une adéquation entre l’identité valorisée et son endossement personnel et social par la personne.
De même, les ressources dont dispose le manager influent sur l’interaction entre la composante personnelle de l’identité et sa composante sociale. La littérature évalue différemment la capacité qu’a le manager à adopter socialement une identité trop éloignée de sa personnalité (Alvesson et Sveningsson, 2003). Les ressources dont dispose le manager influencent sa capacité à articuler la composante interne et la composante sociale. L’accès large à des ressources permet de valider des identités sociales diverses, y compris des identités négatives, qui seront en cohérence avec la composante personnelle de l’identité. L’intensité de la ressource relationnelle permet de plus son endossement social. Cette perspective des ressources comme influençant la capacité du manager à articuler la composante interne et la composante sociale de l’identité est aussi intéressante sur la compréhension de la résistance identitaire (Collinson, 2003; Barth, Grima et Muller, 2009). Un décalage éventuel entre l’identité valorisée et endossée avec la ressource idoine peut être la cause d’une incapacité de l’individu à endosser socialement l’identité et créer cette résistance identitaire.
Ces différentes connaissances permettent aussi de mieux intégrer le concept d’orientation identitaire de Berzonsky (1990) à la construction identitaire des managers : le large accès aux ressources permet de mettre en place l’orientation informationnelle qui va utiliser l’information extérieure alors que le faible accès aux ressources tend à faire valoriser par le manager des identités socialement valorisées par son ou ses groupe(s) de référence.
Cette recherche sur la contribution des ressources à la construction identitaire des managers amène à établir un parallèle entre la construction identitaire et la construction du statut au sein d’un groupe, via la maîtrise des ressources. Hackman (1992) a mis en évidence que les personnes disposant d’un fort accès aux ressources se voient reconnaître un statut plus élevé et disposent en conséquence de plus de liberté au sein du groupe, en étant moins soumises aux pressions du groupe (Asch, 1956). L’accès aux ressources contribue donc à la fois à positionner la personne dans son groupe de référence par le statut et par la liberté de choix dans la construction identitaire, suggérant un effet possible sur le statut de la personne au sein du groupe via la liberté de construction identitaire.
Conclusion
Cette recherche sur l’apport des ressources – personnelles, d’emploi et relationnelles – dans la construction identitaire des managers a une contribution double à la littérature sur l’identité du manager. En explorant le concept d’accès aux ressources, elle permet d’abord de mieux comprendre comment le manager accède à une diversité d’identités, en tenant compte de la distance et de la compatibilité entre les identités. Cette recherche permet aussi de mieux appréhender dans la construction identitaire du manager, l’interaction entre la composante personnelle de l’identité et la composante sociale. Cette exploration permet de mieux comprendre l’endossement réussi d’une identité et éviter ainsi un conflit identitaire ou une fragmentation identitaire. Cette meilleure compréhension est importante au moment où les constructions identitaires reposant sur des approches purement narratives de l’identité sont critiquées car elles restent trop fragiles, instables ou contradictoires, ouvrant sur le conflit ou la fragmentation identitaire ou encore sur l’absence d’endossement de l’identité.
Cette recherche a aussi une contribution managériale dans la liaison établie entre les ressources et la construction identitaire des managers. La mise en évidence de cette liaison permet aux organisations de regarder sous un jour nouveau la construction identitaire des managers. Leur construction identitaire va en effet influencer la construction de l’identité collective de l’entreprise. La question posée pour les organisations est celle de l’action qui peut-être menée sur le niveau de ressources (accès et intensité) dont disposent les managers. Si l’organisation n’a que très peu d’influence sur les ressources personnelles du manager, elle peut plus directement développer les ressources d’emploi et pour partie les ressources relationnelles des managers. Cette compréhension est importante au moment où les organisations cherchent de plus en plus à façonner l’identité de leurs salariés par le discours officiel.
Cette recherche suggère de plus amples travaux sur la compréhension de l’apport des ressources à la construction identitaire. Cette recherche a été établie sur une typologie des ressources distinguant entre ressources personnelles, ressources d’emploi et ressources relationnelles. La nature des différentes ressources en termes de contribution à la construction identitaire doit être approfondie, ainsi que la compréhension de l’interaction entre ces ressources.
Cette recherche a été opérationnalisée par une étude de cas unique, portant sur une large population de managers intermédiaires, au sein d’une seule entreprise. La population étudiée est mono métier et de plus assez homogène en termes d’âge et de parcours professionnel. La question de la liaison entre les ressources d’une population avec sa construction identitaire doit aussi être analysée sous l’angle de l’homogénéité et de la disparité de la population. Cette recherche s’est aussi limitée à la compréhension de l’impact des ressources à la construction identitaire de managers, autour d’identités dont la distance avec l’identité centrale de manager portée par le discours officiel était globalement proche car proposant des variations sur le thème de l’identité managériale. L’étude de l’impact des ressources du manager dans une construction identitaire autour d’identités plus éloignées de celle d’origine – l’identité du manager est aussi nécessaire.
Cette recherche a montré que les ressources des managers sont contributives de leur construction identitaire, sur deux dimensions complémentaires : l’accès aux ressources et l’intensité dans les ressources dont dispose le manager. La meilleure compréhension de la contribution de ces deux dimensions est importante car elles permettent à la personne de valoriser différentes identités et d’assurer leur compatibilité mais aussi de lier les identités dans leurs composantes personnelles et sociales.
Parties annexes
Note biographique
Jean-François Gagne est Professeur Assistant de Management à l’Institut Supérieur de Gestion (ISG), Paris. Il y enseigne le Management Stratégique et les Comportements Organisationnels. Après une carrière dans le conseil en management, il a soutenu une thèse sur l’identification et le changement identitaire des salariés.
Note
-
[1]
Dans cette recherche, le terme de discours organisationnel est entendu au sens des différents discours disponibles au sein de l’organisation : le discours officiel est l’un d’eux mais on y trouvera aussi d’autres discours, dont des discours rivaux (Grant, Hardy, Oswick et Putnam, 2004).
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Parties annexes
Biographical note
Jean-François Gagne is Assistant Professor of Management at the l’Institut Supérieur de Gestion (ISG), Paris. He teaches Strategic Management and Organizational Behaviour. After a first career in Management Consulting, he defended his thesis on employees’ identification during an identity change.
Parties annexes
Nota biográfica
Jean-François Gagne es Profesor Asistente de Gestión en el l’Institut Supérieur de Gestion (ISG), Paris. Imparte la Gestión Estratégica y los Comportamientos Organizacionales. Después de una carrera en el consejo de gestión, ha defendido una tesis sobre la identificación y el cambio de los identidad de los asalariados.