Résumés
Résumé
Cet article présente les résultats d’une étude exploratoire portant sur la néologie de forme dans un corpus traductologique diachronique constitué des textes en français de la revue Meta : Journal des traducteurs, parus entre 1966 et 2019. Il traite principalement de l’évolution du domaine et des connaissances que le lexique permet d’observer, et non de la néologie comme phénomène théorique et pratique. Ce travail suit une démarche endogène qui se limite à exploiter le corpus étudié sans faire appel à des ressources externes. L’examen des néologismes dans ce corpus a été réalisé suivant une méthodologie mixte où des données qualitatives (candidats termes) et quantitatives (nombre d’occurrences) obtenues par traitement automatique ont été analysées qualitativement (validation du statut de terme) et quantitativement (calculs des fréquences et différences de fréquence). Ces résultats ont ensuite été mobilisés pour dresser un panorama de l’innovation terminologique dans la revue entre 1980 et 2019, puis examinés au regard de chaque décennie pour dégager un ensemble de tendances relatives aux cadres, courants et approches traductologiques. L’étude démontre l’intérêt de cette méthodologie qui aborde le corpus comme ancrage empirique pour l’examen de l’évolution d’une discipline. Elle révèle aussi la richesse importante de l’innovation terminologique présentée dans les pages de Meta, pendant la période étudiée.
Mots-clés :
- terminologie,
- néologie,
- néologie de forme,
- extraction automatique,
- terminologie de la traduction
Abstract
This paper presents the results of an exploratory research on formal neology in a Translation Studies diachronic corpus containing all the French texts published in the journal Meta: Translators’ Journal, between 1966 and 2019. It mainly considers the evolution of the field and knowledge that the lexicon allows us to observe, rather than discussing neology as a theoretical and practical phenomenon. This work was carried out following an endogenous approach in which we focused solely on our corpus, without relying on external resources. The analysis of neologisms in this corpus was carried out using a mixed methodology where qualitative (candidate terms) and quantitative (number of occurrences) data obtained through automatic processing were analyzed qualitatively (terms status validation) and quantitatively (term frequencies and frequency difference). Based on these results, we first provide an overview of terminology innovation in the journal between 1980 and 2019, and then a panorama by decade focussing on theoretical trends in Translation Studies. The study demonstrates the relevance of this methodology, which exploits corpora as an empirical anchor for the study of the evolution of a discipline. It also reveals the abundant terminological innovation contained in Meta’s pages, during the period studied.
Keywords:
- terminology,
- neology,
- formal neology,
- automatic extraction,
- terminology of translation studies
Resumen
Este artículo presenta los resultados de una investigación exploratoria centrada en la neología de forma en un corpus traductológico diacrónico que contiene los textos en francés de la revista Meta: Journal des traducteurs, publicados entre 1966 y 2019. Trata principalmente de la evolución de la disciplina y de sus saberes que se puede observar a través del léxico, y no de la neología como fenómeno teórico y práctico. Este trabajo adopta un método endógeno que se limita a utilizar el corpus sin movilizar recursos externos. El examen de los neologismos ha sido realizado a partir de una metodología mixta en la cual unos datos cualitativos (candidatos a término) y cuantitativos (número de ocurrencias) obtenidos mediante un procesamiento automático han sido analizados cualitativa (validación del carácter de término) y cuantitativamente (cálculo de las frecuencias y de las diferencias de frecuencia). Estos resultados se han usado primero para trazar un panorama de la innovación terminológica en la revista entre 1980 y 2019. Luego fueron examinados por decenios con el fin de detectar tendencias relativas a los marcos teóricos, a las ramas disciplinares o a las perspectivas traductológicas. Este estudio demuestra el valor de esta metodología que trata el corpus como una base empírica para el examen de la evolución de una disciplina. Revela igualmente la rica innovación terminológica presentada en las páginas de Meta, durante el período estudiado.
Palabras clave:
- terminología,
- neología,
- neología de forma,
- extracción automática,
- terminología de la traductología
Corps de l’article
1. Introduction
Cet article constitue une étude exploratoire de la néologie en corpus dans le domaine de la traductologie. Nous nous intéressons principalement à l’évolution du domaine et des connaissances que laisse percevoir le lexique plutôt qu’à la néologie comme phénomène théorique et pratique, bien que le sujet soit abordé. Ce travail ne vise pas à retracer l’origine des néologismes, ce qui mériterait cependant de faire l’objet de recherches subséquentes. Nous proposons une méthodologie endogène qui se limite à exploiter le corpus étudié sans faire appel à des ressources externes.
Le repérage de la néologie pose divers problèmes puisque le néologisme ne se distingue pas facilement des autres unités par son fonctionnement linguistique ou par sa forme. La seule chose qui le distingue vraiment, c’est son aspect novateur, qui se mesure relativement difficilement dans la majorité des cas, et qui se dissipera au fil du temps. Le Petit Robert[1] propose une définition simple, mais adéquate du néologisme : mot nouveau ou sens nouveau. Cette définition ouvre la porte à deux types de néologismes, le néologisme de forme (création lexicale) et le néologisme de sens (ajout d’un sens et réutilisation du matériau lexical) ; nous nous concentrons dans cet article sur le premier type. La définition du néologisme adoptée ici est très large et accorde un statut secondaire à l’implantation (ou non) des néologismes. À cette définition, nous ajoutons une contrainte supplémentaire en abordant le phénomène uniquement à partir de notre corpus. Autrement dit, le « néologisme » s’entend, dans le cadre de la présente étude, comme l’apparition, entre 1980 et 2019, d’un nouveau terme par rapport à l’ensemble des termes précédemment utilisés au sein de la revue Meta.
1.1. Néologie et traductologie
À notre connaissance, la néologie du domaine traductologique n’a jamais fait l’objet d’étude de corpus, et ce, malgré tout l’intérêt qu’elle présente en tant qu’indicateur empirique de l’évolution de la discipline. Certains travaux bibliométriques abordent bien la notion de « tendance ». Quelques-uns analysent par exemple la fréquence d’utilisation de « descripteurs », soit des mots clés sélectionnés (voire construits) pour représenter le contenu d’un ensemble de documents (par exemple van Doorslaer 2005 ; van Doorslaer et Gambier 2015). L’existence de ces termes descripteurs repose sur l’intervention des créateurs et gestionnaires des ressources bibliographiques qui les mobilisent à des fins documentaires, un usage bien distinct des termes employés par les traductologues pour la transmission des savoirs. Liang et Xu (2016) et Huang et Liu (2019) s’intéressent aux mots clés sélectionnés par les auteurs pour leurs travaux, alors que Dong et Chen (2015) examinent les modes en matière de publication à partir de mots clés extraits de titres et de résumés d’articles. Toutefois, dans ces deux cas, ce n’est pas l’émergence des termes qui retient leur attention, sinon leur fréquence élevée. Zanettin, Saldanha et Harding consacrent enfin une partie de leur étude à l’analyse des « nouvelles tendances » dans un corpus (2015 : 178-179). Cette dernière, fondée sur l’extraction de mots clés des résumés du Translation Studies Abstracts, pourrait comprendre des néologismes, puisqu’elle retient ceux qui, durant une année donnée, présentent une fréquence anormalement élevée par rapport aux précédentes. Cependant, les mots clés sélectionnés par les auteurs ne comprennent pas uniquement des termes – B, ns, unfortunately et their, par exemple – et certains ne sont manifestement pas des néologismes en Translation Studies – paper en 2002 ou dictionaries en 2007 (2015 : 179). Finalement, ces études portent généralement sur des diachronies assez courtes (15 ans pour Dong et Chen, 14 ans pour Zanettin, Saldanha et Harding TSA, et quatre ans pour Liang et Xu, de même que pour Huang et Liu).
1.1.1. Néologie et traitement automatique de la langue
Les techniques de repérage automatique ou assisté de la néologie, tout comme les techniques de veilles néologiques, se situent à la frontière de plusieurs domaines. En effet, qu’on s’intéresse aux néologismes généraux ou spécialisés, respectivement pris en charge en lexicographie ou en terminologie, leur repérage se fait dans un ensemble de documents, fief de la linguistique de corpus. La masse sans cesse grandissante des corpus à considérer fait en sorte que des traitements automatiques sont exploités, c’est là qu’intervient le traitement automatique de la langue (TAL).
La linguistique de corpus fournit un appareillage pratique et théorique pour la compilation, la gestion, le stockage, la diffusion et l’analyse des collections importantes de documents. Pour la néologie, elle permet de raffiner les démarches traditionnelles qui impliquent généralement de comparer le contenu d’un corpus à celui d’ouvrages lexicographiques ou terminographiques à l’aide de techniques endogènes qui facilitent la comparaison de corpus et de leurs propriétés.
Tel que le font remarquer Cartier et Sablayrolles (2009), la veille néologique s’est longtemps appuyée sur des dictionnaires pour identifier les formes connues et mettre en avant celles qui sont inconnues. Les nomenclatures des ouvrages étant des listes de lemmes, cette approche pose différents problèmes, le plus simple et important étant que les formes en corpus sont fléchies. L’exploitation de dictionnaires électroniques de formes fléchies tels que Morphalou[2] permet de pallier cette lacune, mais il n’en demeure pas moins qu’un dictionnaire sera toujours incomplet par rapport au lexique de la langue, surtout dans les domaines spécialisés. Une solution réside dans l’exploitation des corpus. La quantité phénoménale de texte désormais disponible en format électronique nous permet d’espérer obtenir une couverture lexicale intéressante et donc, un repérage des néologismes facilité. Une telle couverture lexicale, bien qu’intéressante puisqu’elle permet de dépister l’apparition d’une forme nouvelle, ne permet pas de couvrir l’ensemble des défis posés par la néologie. En effet, la néologie peut prendre plusieurs formes et on y retrouve à la fois des phénomènes liés à la morphologie, au lexique, à la morphosyntaxe, à la phraséologie ou au sens (voir Pruvost et Sablayrolles 2016). L’appareillage actuel de veille néologique, issu du TAL, met en oeuvre diverses techniques afin de recenser l’ensemble de ces phénomènes.
À titre d’exemple, la plateforme Néoveille (Cartier et al. 2018) prend en charge le dépistage des néologismes de forme et propose des outils pour étudier les nouveaux emplois. Dans le premier cas, un dictionnaire électronique est utilisé pour identifier les formes connues. Dans le second, la plateforme fait appel à la notion de profil combinatoire. Le principe, d’un point de vue théorique, est relativement simple : l’apparition de nouveaux sens associés à une forme entraîne une modification dans le temps des cooccurrents de cette même forme. D’un point de vue pratique, le tout est assez difficile à mettre en place et les chercheurs exploitent diverses techniques pour y arriver. Dès 1993, Renouf propose d’exploiter les variations de fréquence des associations (Renouf 1993, 2014). Cette technique sera reprise sous diverses formes et perfectionnée au fil des années (voir, entre autres, Kilgariff, Rychly et al. 2004, Cabré et Nazar 2012, Cartier 2011) pour tirer profit des approches vectorielles (Turney et Pantel 2010). L’arrivée de modèles vectoriels sous la forme de plongements de mots exploitant l’apprentissage profond (Hamilton, Leskovec et al. 2016, Ryskina, Rabinovich et al. 2020) laisse présager des avancées importantes à court terme.
Bien que ces techniques soient pertinentes pour la néologie en langue générale, elles se prêtent moins bien à un dépistage de la néologie terminologique. Étant donné le peu de ressources terminographiques dans le domaine de la traductologie, nous ne pouvons compter sur ces dernières. Nous misons donc, dans les sections qui suivent, sur une exploitation maximale du corpus et sur une approche entièrement endogène pour faire émerger la néologie de forme.
2. Méthodologie
2.1 Corpus
Le corpus analysé est constitué de l’ensemble des textes en français publiés dans la revue Meta : Journal des traducteurs entre 1966 et 2019. Il a été mis à notre disposition dans le cadre du projet CO.SHS[3] (la cyberinfrastructure ouverte pour les sciences humaines et sociales), financé par la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI)[4] et soutenu par le consortium Érudit[5]. Notre choix s’est arrêté sur Meta à la fois parce que la thématique relève de nos champs d’intérêt et parce qu’elle offre une plage chronologique importante. La longévité de cette publication scientifique nous permet d’observer divers phénomènes liés à l’évolution du domaine de la traductologie. La place centrale qu’elle occupe dans la discipline, en particulier dans sa version francophone, en fait un point d’ancrage empirique idéal pour ce type d’étude. Bien que les livres occupent une place importante dans ce paysage disciplinaire, les revues représentent un mode privilégié de communication et de diffusion de la recherche. Elles se situent « non pas seulement en aval mais également en amont » (Balaţchi et Hăisan 2013 : 57) des avancées traductologiques et représentent souvent l’avant-garde de son développement. En plus des articles, elles renferment une variété de matériaux métadisciplinaires (éditoriaux, comptes-rendus), offrant ainsi un large panorama de ses productions textuelles.
Meta représente un observatoire privilégié de l’histoire traductologique non seulement en raison de son statut de pionnière[6], mais aussi parce qu’elle a su conserver la vocation généraliste associée à ce premier rôle. C’est sans doute ce qui amène Balaţchi et Hăisan à affirmer que : « Son histoire [celle de Meta] est une histoire en filigrane du phénomène traductif au [sic] xxe et xxie siècles » (Balaţchi et Hăisan 2013 : 52). Pour Ladmiral, Meta constitue de fait « […] la grande revue internationale sur la traduction qui a joué un rôle décisif dans la recherche sur la traduction » (Ladmiral 2010 : 5, nous soulignons). Notre corpus s’ouvre sur le volume 11, numéro 1, de mars 1966, le premier de la revue publiée par les PUM[7] et sous le nom de Meta. Avant ce numéro, elle paraît sous celui de Journal des Traducteurs. Il s’agissait alors d’une revue technique axée sur les problèmes de traduction qui présentait majoritairement des articles d’opinion, des chroniques et des nouvelles (Bastin et Pomerleau 2017 : 17). À partir du numéro historique de 1966, elle connaît des changements qualitatifs importants. André Clas dirige la revue dès 1968 et, au cours des 40 années qui suivent, elle s’internationalise et devient au fil du temps exclusivement consacrée à la recherche scientifique (Bastin et Pomerleau 2017 : 19 ; Pomerleau 2015 : n.p.). Les rubriques évoluent aussi et, dans les années 1980, la terminologie s’ajoute aux disciplines traitées[8]. Sa ligne éditoriale large demeure cependant une constante : « Meta a toujours illustré, par chacune des contributions à la théorie de la traduction publiées, le caractère profondément interdisciplinaire de la traductologie ainsi que les tendances les plus récentes dans la recherche traductologique. » (Balaţchi et Hăisan 2013 : 51). En 1986, Clas, toujours directeur à l’époque, précisait : « […] la revue n’est pas l’organe d’une école particulière, d’un “clan” ou d’une “chapelle”, elle se veut un instrument de communication, de diffusion d’idée [sic], un forum de progrès. Le seul critère de publication est la qualité des études » (Le directeur[9] 1986 : 229).
En plus de ces transformations sur le plan qualitatif, la revue connaît aussi des changements quantitatifs importants : alors que le numéro de mars 1966 ne rassemble que trois articles, ceux publiés dans les dix dernières années en comprennent minimalement une dizaine. De même, si elle ne compte que 160 pages pour la première année de notre corpus, ce volume double dès la décennie qui suit pour atteindre environ 600 pages dès 1988, et au moins 900, à partir de 2004 (Vandaele 2009 : 2). On peut voir dans cette croissance exponentielle non seulement une marque du succès de la revue, mais aussi un reflet de l’ampleur que prend la traductologie au fil du temps.
Afin de procéder au repérage des néologismes, nous avons regroupé les documents du corpus en tranches couvrant des périodes comparables. Le tableau 1 illustre la taille (en nombre d’occurrences) de chacune de ces tranches.
Le gain en notoriété de la revue Meta et la croissance importante de la discipline ont eu une influence sur les publications, ce qui entraîne un certain déséquilibre de notre corpus qui comporte des tranches beaucoup plus volumineuses que d’autres. La taille plus petite des deux premières tranches justifie en partie notre décision de nous concentrer sur la néologie lexicale à partir des années 1980. La néologie se manifeste dès les années 1970, décennie marquée, entre autres, par l’apparition de traductologie, langagier, retraduction et communicatif. Toutefois, il semblait adéquat de profiter d’un contrepoint plus solide de deux décennies, permettant non seulement à la terminologie du domaine de « s’installer dans le corpus », mais aussi de nous assurer une base de travail pour les aspects plus quantitatifs.
2.2 Préparation du corpus
Le but ultime du consortium Érudit étant la publication en ligne de revues scientifiques, le corpus obtenu à partir de cette source reflète cette vocation. Les documents de notre corpus sont donc richement annotés à l’aide du langage XML, ce qui permet à la plateforme de conserver un maximum d’informations sur la publication originale en format papier et d’exploiter la copie électronique du document dans un environnement moderne de diffusion des connaissances. Les documents XML contiennent donc à la fois le texte de l’auteur et des métadonnées qui viennent l’enrichir. Ces dernières ont été exploitées pour élaborer notre corpus, plus spécifiquement les balises lang, annee et alinea. La première nous a permis d’isoler uniquement les articles en français et la dernière de ne conserver que le corpus de l’article, écartant ainsi les résumés, les références, etc. La balise annee nous a permis de regrouper les articles par année de publication. L’ensemble des balises XML touchant le formatage (italiques, gras, etc.) ou les renvois (p. ex. : ceux aux notes de bas de page) ont été retirées pour ne conserver que le texte. Tous les articles d’une même année ont été réunis dans un seul fichier et les fichiers annuels ont ensuite été fusionnés pour créer un seul fichier par tranche chronologique. Cette façon de procéder a pour conséquence de perdre l’information détaillée sur les articles (par exemple l’auteur, le numéro de la revue, etc.), mais nous permet de maximiser les calculs statistiques pouvant être effectués. Ce choix n’est pas sans conséquences puisque nous ne pouvons pas éliminer les effets de style liés à un auteur, mais considérons que les avantages sont plus importants que les inconvénients.
Puisque c’est le lexique qui nous intéresse pour cet article, nous avons soumis les documents qui composent le corpus à un prétraitement à l’aide d’outils de traitement automatique de la langue. La première étape de l’analyse a été effectuée à l’aide de l’analyseur morphosyntaxique TreeTagger (Schmid 1994). Ce dernier balaie l’ensemble du texte et attribue à chaque forme une partie du discours et un lemme. La sortie de TreeTagger adopte la forme présentée dans la figure 1 :
La phrase est donc segmentée en formes et l’annotation est présentée verticalement où la première colonne contient la forme trouvée dans le texte, la seconde, une partie du discours et la dernière, le lemme. Lorsque le logiciel ne connaît pas la forme à lemmatiser, il peut indiquer qu’elle est inconnue ou encore proposer la forme identifiée dans le texte comme lemme. C’est cette dernière solution que nous avons adoptée. Afin de simplifier le calcul des fréquences, nous avons transformé la sortie de TreeTagger en un corpus horizontal où nous ne conservons que le lemme et la partie du discours :
sous_prp le_det égide_nom de_prp le_det fédération_nom international_adj du_prp traducteur_nom.
L’utilisation d’un corpus lemmatisé offre l’avantage, lorsque la forme est reconnue, d’obtenir des fréquences plus représentatives puisque les formes fléchies sont regroupées sous le même lemme. Ainsi, toutes les variations potentielles d’un verbe selon la personne et le temps sont regroupées et une fréquence unifiée est obtenue.
2.3 Calcul des fréquences
Afin de calculer les fréquences des divers lemmes (avec partie du discours), le corpus est par la suite segmenté en utilisant les blancs typographiques ou les ponctuations comme délimiteurs. Cette opération nous conduit à une liste de lemmes et de fréquences absolues pour chacune des tranches. La taille en matière d’occurrences d’une tranche est aussi calculée à partir de la fréquence totale de l’ensemble des lemmes pour cette même tranche, ce qui nous permet de calculer pour chaque lemme une fréquence relative. Bien que la fréquence absolue constitue un indice intéressant de l’importance d’un lemme pour une tranche, cette fréquence est aussi étroitement liée à la taille des tranches. Par exemple, un lemme apparaissant 50 fois dans un corpus (1) de 1 000 occurrences n’a pas la même importance qu’un lemme ayant la même fréquence absolue dans un corpus (2) de 10 000 occurrences. La fréquence relative prend en considération la taille du corpus où la fréquence absolue est observée. L’avantage de la fréquence relative est de contextualiser les variations de fréquences absolues en gommant celles qui découlent de la taille inégale des tranches.
Pour chaque tranche du corpus, nous avons retenu les lemmes dont la fréquence absolue dans tout le corpus est égale ou supérieure à cinq. Ce seuil minimal d’occurrences nous permet d’évacuer un certain nombre de coquilles dont quelques-unes découlent de la numérisation automatique du corpus. Pour ce filtrage des unités à analyser, nous exploitons la fréquence brute puisque nous ne désirons pas comparer les tranches, mais simplement nous assurer de la présence ou de l’absence de la forme dans d’autres parties du corpus. Notre analyse se limite aux noms, verbes et adjectifs, ce qui représente un total de 27 237 lemmes.
Cette façon de procéder nous donne donc accès, pour chaque tranche chronologique et chaque lemme, à une fréquence absolue et une fréquence relative. Ces fréquences peuvent ensuite être comparées pour calculer les écarts d’une tranche à une autre. Pour ce faire, nous avons calculé la différence totale de fréquence absolue ainsi que la différence totale de fréquence relative entre chaque tranche.
Le tableau 2 illustre le calcul de la différence de variation absolue sur l’ensemble des tranches. La différence entre 1970 et 1960 est 6-2 (4) ; entre 1980 et 1970 elle est 0-6+4 (-2), etc. La différence de variation absolue pour ce lemme imaginaire est donc de +13 sur l’ensemble de la période. Pour les formes qui disparaissent progressivement du corpus, cette différence peut être négative. Un indice de variation de la fréquence relative a été calculé de la même façon.
2.4 Sélection des termes
Nous avons ensuite fait émerger automatiquement les candidats à la néologie de forme à partir d’un fichier regroupant toutes ces données (Annexe 1 pour un extrait du fichier). Sont systématiquement repérés, pour les décennies étudiées, tous les lemmes présents[10] qui sont absents des décennies antérieures. Ainsi, pour faire émerger les candidats dans une tranche donnée, nous avons filtré celles qui lui sont antérieures sur zéro. C’est de cette façon que 8 077 candidats termes ont été repérés entre 1980 et 2019. Nous avons ensuite utilisé différents critères pour sélectionner des sous-ensembles pertinents de candidats (spécifiés au début des points 3.1 et 3.2), puis validé le statut de terme traductologique de chacun[11]. Cette validation s’appuie sur la définition du terme comme une unité lexicale appartenant à un domaine de spécialité (L’Homme 2020 : 89), ici celui de la traductologie au sens large, qui comprend, par exemple, la terminologie. Cette appartenance n’est pas liée à un critère d’exclusivité : une même forme peut être associée à des sens relevant de divers domaines ou à un sens spécialisé et un autre général, par exemple. La sélection des termes a parfois requis un examen de leurs occurrences dans le corpus, particulièrement dans le cas de formes qui sont communes à la traductologie et la langue générale[12]. Il s’agissait cependant d’une activité ponctuelle. Puisque nous nous intéressons à l’histoire des courants, cadres et théories dans la revue, nous avons choisi de favoriser les termes à portée théorique et épistémologique centraux dans la discipline[13]. En plus d’exclure les non-termes (par exemple : lorsqu’, être, s’), nous avons écarté certains termes « thématiques », qui se rapportent avant tout aux types d’objets d’étude et au sujet chercheur. Bien que ces termes portent une charge conceptuelle, ils apparaissaient moins pertinents au regard des dimensions de la discipline que nous voulions analyser. Suivant cette perspective, nous avons exclu, entre autres, ceux qui se rapportent aux langues, aux gentilés, aux pays et autres espaces géographiques, etc. De même, nous avons écarté les noms propres d’auteurs, de chercheurs[14] et d’institutions, les types de textes littéraires et les noms d’ouvrages. Les termes désignant des technologies de communication (internet, télex), de même que ceux qui leur sont relatifs (dactylographe, microfilmer, mécanographique) ont aussi été écartés. Même si l’évolution des technologies est centrale à celle de la traductologie, ce n’est pas cet angle qui retient ici notre attention. Cette sélection manuelle n’est pas exempte de subjectivité. Malgré tout le soin apporté à ce travail, il est impossible de dissocier nos bagages et nos orientations du regard porté sur les candidats termes.
3. Résultats
Nous proposons d’abord un panorama de la néologie et présentons quelques cas exceptionnels (3.1). Puis nous considérons chaque décennie plus en détail, pour dégager quelques tendances en matière de cadres, courants et approches (3.2).
3.1 Portrait de la néologie dans Meta 1980-2019
Le panorama général de la néologie dans Meta à compter de 1980 a été dressé à partir de la liste des néologismes les plus populaires dans le corpus[15], de l’analyse de leurs trajectoires, et de la liste des termes qui émergent pendant cette période et dont la fréquence relative connaît la plus forte croissance. Pour dégager les néologismes les plus populaires, nous avons trié nos candidats par ordre décroissant de fréquence absolue, sélectionné les 200 premiers, puis validé leur statut. Autrement dit, un nombre d’occurrences élevé (fréquence absolue) sert d’indicateur de popularité. Les trajectoires de ces termes ont ensuite été dégagées à partir d’une carte de densité ou heatmap (Annexe 2). Dans cette dernière, les tranches de chaque terme sont codées par teintes de gris suivant leur fréquence relative, allant du plus foncé (pour la tranche où le terme présente sa valeur la plus élevée) au plus pâle (pour la tranche où il présente sa valeur la moins élevée), le blanc étant réservé pour les tranches à zéro. Cette carte permet de repérer visuellement le ou les pics de popularité de chaque terme de même que la variation ou la stabilité de cette dernière à travers le temps. Finalement, pour dégager les néologismes dont la fréquence relative connaît la plus forte augmentation, nous avons trié nos candidats par ordre décroissant de différence de fréquence relative, sélectionné les 200 premiers, puis validé leur statut. Dans ce cas, une différence de fréquence relative élevée est considérée comme un indice d’implantation potentielle de ces termes dans la revue.
3.1.1 Les néologismes les plus populaires
La liste des néologismes les plus populaires du corpus, établie selon la méthode détaillée au paragraphe précédent, comprend 93 termes. Le tableau 3 présente les 20 premiers termes de cette liste :
Quelques néologismes de cette liste réfèrent directement à un courant ou une théorie : herméneutique, skopos et féministe. Plusieurs, dont cursus, ethnocentrisme,intertextualité, réexpression, palimpseste et sous-corpus, évoquent assez directement une approche ou un courant donné. Certaines formes émergentes ne peuvent cependant être associées aussi solidement à l’un d’entre eux. Anticipation, par exemple, dénote un terme linguistique (~ sémantique, ~ verbale) et un mot de la langue générale (~ de profits, ~ d’événements) ; référent n’est pas exclusif à un seul courant, et évoque la linguistique (~ des noms propres, ~ du mot, ~ du signe), la terminologie (~ du terme) et les approches culturelles (~ culturel, ~ dans la culture). Les approches, théories et cadres évoqués par cette liste sont toutefois incontestablement variés. Ils sont examinés en détail au sous-point suivant, la fréquence absolue totale étant aussi mobilisée pour l’examen des néologismes par tranche.
Une des tendances les plus marquées en matière de néologismes dans Meta relève cependant du développement d’un métalangage général pour la discipline. Ce dernier est bien représenté dans la liste des néologismes les plus fréquents par : traductif, traductive et traductives ; traductionnelles ; traductologies ; traductologique et traductologiques ; traductologue et traductologues[16]. Un autre ensemble de néologismes apparaît finalement évocateur de considérations épistémologiques (ancrage, corrélat, récurrent) ou de préoccupations disciplinaires (créatif, implicite, incontournable)[17].
Des néologismes les plus fréquents dans le corpus, 74 % sont apparus dans les années 1980, 24 % dans les années 1990, et 2 % seulement dans les années 2000. La majorité des néologismes de cette liste font une entrée étonnamment timide. À peine 20 % présentent plus de vingt occurrences dans leur décennie d’apparition, et plus de la moitié affiche sept occurrences ou moins. À ces égards, les trajectoires de skopos et alioculturèmes sont remarquables, puisque leur entrée tardive dans les années 2000, mais très vigoureuse (respectivement 84 et 82 occurrences), leur a assuré une place parmi les néologismes les plus populaires du corpus.
Seulement huit des néologismes de cette liste, soit 9 %, connaissent leur pic de popularité relative dans leur décennie d’apparition (annexe 2, pour la carte de densité). Alors que les néologismes les plus populaires du corpus tendent à émerger hâtivement, ils culminent ainsi (de manière relative) tardivement. Plus précisément, 45 % d’entre eux se trouvent au sommet de leur popularité pendant la période 2010-2019 ; et 33 %, pendant la période 2000-2009. Cette culmination tardive est, bien entendu, à mettre en relation avec l’entrée timide de la majorité des néologismes constatée au paragraphe précédent. Elle n’en reste pas moins remarquable au regard de l’émergence importante de la néologie dans les tranches 1980 et 1990 et de la taille moindre de ces dernières. En effet, un néologisme nécessitait une entrée moins puissante (en termes absolus) pour s’y trouver au sommet de sa popularité relative, la compétition étant moindre. Or, seuls corrélat, encodage, onomastique (adj.) et terminographie font leur entrée et atteignent leur point culminant dans les années 1980 ; alors que dictionnairique et entendant apparaissent et atteignent leur sommet dans les années 1990. La forte proportion de néologismes qui culminent (toujours en termes relatifs) dans les années 2000 est aussi curieuse pour la raison inverse : la taille de cette tranche est supérieure aux autres. Ces termes appartiennent à nouveau à un éventail assez large d’approches, dont les approches linguistiques, les approches culturelles, l’approche communicative et l’herméneutique[18], permettant aisément d’écarter l’hypothèse que ce phénomène découlerait de la domination d’une approche donnée. Il évoque plutôt une consolidation générale dans les années 2000, des développements de la discipline des années 1980 et 1990. À nouveau, les deux trajectoires les plus exceptionnelles sont probablement celles de skopos et alioculturèmes, la dernière étant aussi la plus éphémère de cette liste, puisque ce terme passe directement de néologisme pour la tranche 2000, à nécrologisme pour la suivante[19].
3.1.2 Les néologismes dont la popularité relative connaît la plus forte croissance
La liste des néologismes dont la popularité relative connaît la croissance la plus importante, établie suivant la méthode décrite au début de ce sous-point, présente aussi 93 termes. Le tableau 4 présente les 20 premiers :
Des 61 termes communs aux deux listes dressées jusqu’à maintenant, les deux tiers des néologismes les plus populaires du corpus ont aussi connu une des trajectoires globalement croissantes les plus remarquables et inversement. Ces néologismes relèvent à nouveau d’approches, de théories et de cadres divers. Nous examinerons dans les paragraphes qui suivent seulement les termes qui apparaissent uniquement dans l’une ou l’autre, à nouveau parce que ceux qui leur sont communs sont traités au point 3.2.
3.1.3 Les néologismes populaires dont la trajectoire est peu remarquable
Les trajectoires relatives moins glorieuses de termes très fréquents ne sont pas toujours significatives. La trajectoire relative descendante de terminographie (qui atteint son sommet de popularité relative dès son entrée dans les années 1980) masque, par exemple, une trajectoire en matière de fréquence absolue assez stable, sauf pour la période 2010, où ses occurrences décroissent. Bien que le terme occupe proportionnellement moins d’espace dans les pages de la revue, on peinerait à y voir le reflet d’un abandon, sauf peut-être dans la dernière tranche du corpus. De même, certains néologismes dont la trajectoire n’est pas globalement croissante (par exemple, sous-titrer et réexprimer) ont des parents morphologiques qui, eux, présentent une courbe ascendante (ici, réexpression et sous-titrage). Enfin, le destin de certains termes étroitement associés à une approche ne semble pas représentatif de celle-ci. Alors que palimpseste présente une décroissance pour la tranche 2000, herméneutique connaît par exemple une ascension fulgurante en passant de 19 occurrences dans la tranche 1990, à 167 occurrences entre 2000 et 2009. La décroissance en termes relatifs de palimpseste apparaît donc relever de la métaphore qu’il suggère, et non d’une tendance généralisable au cadre auquel il est associé.
Toutefois, certaines trajectoires décroissantes apparaissent révélatrices, particulièrement celles relatives aux métatermes et aux préoccupations disciplinaires. Alors qu’on pourrait considérer traductologies comme une simple flexion de traductologie, dont la présence dans notre liste signale une limite du lemmatiseur, sa trajectoire nettement distincte suggère une autre interprétation. Ainsi, traductologie, dont l’émergence dans les années 1970 est bien documentée, affiche près de 1 500 occurrences dans tout le corpus (soit près du triple de auteure, notre néologisme le plus fréquent). Traductologies ne fait cependant son apparition que 20 ans plus tard, avec une cinquantaine d’occurrences. Il ne présente ensuite qu’une occurrence dans les années 2000, puis une dernière dans la tranche 2010. La vision d’une discipline unifiée paraît prendre rapidement le pas sur celle d’une discipline porteuse de multiplicité. De même, traductibilité présente plus d’occurrences dans la décennie 2000 (34) que dans toutes les autres mises en commun (21), ce qui suggère que le « possible » du traduire a principalement mobilisé l’attention durant cette tranche[20].
3.1.4 Les néologismes qui connaissent une forte croissance dont la popularité est peu remarquable
Certains termes qui connaissent une très forte croissance en matière de fréquence relative sans afficher un nombre d’occurrences assez élevé pour se hisser dans la liste des termes les plus fréquents du corpus (dialogisme, évaluative et questionner) présentent aussi des parents morphologiques qui appartiennent aux deux listes (dialogique, évaluateur, questionnement). D’autres, comme sociocritique (qui apparaît avec une seule occurrence dans la tranche 1990, suivie d’une deuxième dans les années 2000 et finalement de 23, dans la dernière tranche analysée), suggèrent directement (mais de manière isolée) l’évolution d’une approche dans la revue. Les trajectoires de cibliste (adj.), cibliste (nom) et ciblistes (nom), néologismes liés à une posture disciplinaire, sont semblables à celle de sociocritique : une émergence timide dans les années 1990 (respectivement 2, 5 et 5 occurrences), une certaine présence dans les années 2000 (10, 7 et 5 occurrences), puis une croissance dans les années 2010 (21, 27 et 28). Épistémique présente aussi cette tendance : 4 occurrences dans les années 1990, 11 dans les années 2000, et 22 dans les années 2010. Assermenter, assermenté et professionnalisation, qui évoquent les liens entre théorie et pratique, présentent aussi un pic important dans cette décennie. Ces courbes ascendantes culminant dans la dernière tranche analysée évoquent un potentiel établissement en cours de ces termes dans la revue. Finalement, agentivité évoque au premier abord les approches sociologiques, autrement peu suggérées par les autres néologismes repérés. Sa trajectoire en dents de scie : sept occurrences dans la tranche 1980, deux décennies de nécrologie (une nécrologie donc temporaire, voir note 16) et 43 occurrences dans la tranche 2010, suggère cependant une possible variation de sens. En effet, les contextes des années 1980 révèlent qu’il s’agit d’abord d’un terme linguistique (modalité d’~, modalité de l’~), alors que le terme sociologique n’émerge que dans la dernière décennie (~ humaine, ~ du traducteur, ~ politique).
3.2 Analyse par décennie
Afin d’établir la liste des nouveautés terminologiques pour une décennie donnée, nous avons à nouveau simplement retenu les formes qui étaient absentes de toutes les tranches antérieures, puis sélectionné deux sous-ensembles de candidats. Pour le premier, le tri a été effectué sur la fréquence absolue totale décroissante. Cette tactique permettait l’inclusion de candidats qui, malgré une entrée timide, acquerront par la suite une certaine popularité. Pour le deuxième, le tri a été réalisé sur la fréquence absolue décroissante pendant la décennie analysée. À l’inverse, ce tri permettait de sélectionner les néologismes importants dans cette décennie, mais qui ne présentent peut-être pas un nombre d’occurrences élevé dans les tranches ultérieures. Dans les deux cas, nous avons sélectionné les 200 premiers candidats et validé leur statut. Ces deux sous-ensembles de néologismes ont ensuite été combinés et les doublons, éliminés, permettant ainsi de dresser un portrait assez vaste de chaque décennie[21]. Nous signalons d’abord l’apparition de néologismes qui réfèrent directement à une approche, un cadre ou un courant ; puis discutons de termes évocateurs du développement d’autres. Ces regroupements se veulent ainsi des hypothèses à vérifier et une invitation à explorer la vitalité de ces approches, cadres et courants en traductologie à ces époques, par d’autres études. Puisque notre étude est endogène, même l’émergence des termes qui réfèrent directement à une approche n’indique concrètement rien de plus que leur apparition dans les pages de la revue à ce moment. Finalement, nous examinons aussi la néologie des métatermes et les néologismes relatifs aux préoccupations disciplinaires.
3.2.1. 1980-1989
L’émergence importante de néologismes entre 1980 et 1989, qui aurait simplement pu découler du développement d’une ou deux approches, atteste plutôt du foisonnement de ces dernières. Herméneutique (nom), herméneutique (adj.), féministe (adj.), polysystème, terminographie, terminotique et TAO signalent bien directement l’émergence d’une approche ou d’un cadre. Un ensemble significatif de nouveaux termes dans le corpus donne à voir l’essor des études culturelles, parmi lesquels on trouve : altérité, ethnocentrique, légitimer, médiateur, monolinguisme, plurilinguisme, positionner, représentativité et stéréotypie. Certains de ces derniers (représentativité et stéréotypie, par exemple) pourraient aussi être mis en relation avec les approches féministes, auxquels on peut ajouter auteures et agentivité. Le néologisme altérité évoque aussi directement l’herméneutique, à l’instar de décentrement, non-dit, palimpseste, transfiguration et mimétique. Les approches littéraires ne sont pas en reste pendant cette décennie avec, par exemple : dialogique, dialogisme, intertextualité, intertextuel, musicalité, ludique, fictionnel et oralité. En plus de terminographie,terminographique et terminotique, un ensemble de néologismes évoque la terminologie : lexico-sémantique, minibanque, mini-banque, néonymie, onomastique (nom) et onomastique (adj.). Dans les autres tranches, la distinction entre les approches linguistiques et la terminologie s’est révélée plus complexe, leurs termes pouvant difficilement être rattachés à l’une ou l’autre sans l’examen de chacune des occurrences. En raison de ce découpage différent, les néologismes qui évoquent la linguistique entre 1980 et 1989 (desquels allomorphie, aspectuel, énonciateur, énonciatif, génitif et grammèmes) sont proportionnellement moins importants que dans les autres tranches, bien qu’ils constituent tout de même un des sous-ensembles dominants. D’autres approches, courants et cadres occupent un espace moindre dans la néologie relevée. Déverbalisation, réexpression et réexprimer signalent cependant directement l’approche communicative et empan, mnésique et épisodique, l’approche cognitive. Médiatique, médias, multimédia, sous-titrage, sous-titrer, même s’ils évoquent de nouveaux objets, laissent présager l’émergence postérieure de la multimodalité. Cursus, didacticiel et évaluateur indiquent finalement un intérêt continu pour la didactique.
C’est aussi dans cette décennie qu’émerge la majorité du métalangage traductologique relevé : traductibilité, traductif, traductionnelles, traductive, traductologique, traductologiques, traductologue, traductologues et non-traduction. Un ensemble de néologismes évoque finalement l’établissement de préoccupations disciplinaires assez générales : disciplinaire, questionnement, questionner, modélisation et modéliser. Certains de ces néologismes à connotation plus épistémologique évoquent le regard « scientifique » des études descriptives : corrélat, inférence, factuel et récurrent. D’autres évoquent une filiation plus philosophique ou « culturelle » : ancrage, clivage, dépassement, éclatement, implicite, incontournable et temporalité.
3.2.2. 1990-1999
Dans les années 1990, l’expansion du vocabulaire de la discipline se poursuit avec l’émergence de post-colonial et postcolonial, sociocritique (adj.), socioterminologie, lexicomatique et dictionnairique (nom et adj.). L’ensemble de néologismes le plus vaste de cette tranche se rapporte à la terminologie et à la linguistique. À l’intérieur de ce dernier, la linguistique et la terminologie de corpus forment un sous-ensemble important. Bi-texte, bi-textualité, collocatif, collocatifs, concordancier, concordanciers, cooccurrences et sous-corpus donnent, par exemple, à voir leur développement. Un ensemble important de termes émergents évoque la vitalité des études culturelles, dont diaspora, ethnocentrisme, géopolitique, hybridité, identitaire, identitaires, invisibilité, plurilingue, bien qu’ils pourraient aussi relever des approches post-coloniales ou historiques. Certaines nouveautés terminologiques pourraient faire référence aux études littéraires, parmi lesquelles : épilogue, incipit, paratexte, polyphonique, postface. Elles signalent cependant peut-être plus directement un intérêt pour le matériel paratextuel. Quelques néologismes suggèrent l’extension de l’approche herméneutique (ethos et herméneute, par exemple). Deux nouveaux métatermes apparaissent dans cette décennie : traductives et traductologies. Les néologismes cibliste (nom et adj.), ciblistes (nom) et lectorat, de même que sourcier (nom) témoignent d’un débat important de l’époque[22] et épistémique fait son entrée durant cette tranche. On retrouve finalement à nouveau des termes évoquant un angle plus « positiviste » (inférentiel et prédictible) et d’autres, un angle plus philosophique (connaissable, intraduisibilité et complétude).
3.2.3. 2000-2009
Dans les années 2000, le foisonnement se maintient avec l’apparition des termes multimodalité, skopos, skopostheorie, sémiostylistique, historiographique et activisme qui dénotent des courants, des cadres et des approches. Le développement des vocabulaires des approches postcoloniales se poursuit, avec les néologismes postcoloniale et postcoloniales ; tout comme celui des approches cognitives, avec cognitiviste (adj.), cognitivistes (adj.) et cognitivistes (nom) ; de même que féministes, avec féminisme. Les néologismes relatifs à la linguistique et à la terminologie forment à nouveau pour cette tranche le sous-ensemble le plus vaste avec des termes tels que lexicogènes, monolexicales, mots-formes, polylexical, polylexicalité, allogénéité et pseudo-confixes. De même, on observe toujours certaines nouveautés terminologiques évoquant les approches culturelles, desquelles alioculturèmes, hétérolingue, hétérolingues, interculturalité, médiatrice, multiculturalisme, stéréotypique et stéréotypiques. Dans la même veine, paratextes, paratextuel et paratextuels signalent à nouveau l’intérêt du traductologue pour ce matériel. Mèmes et pseudo-traduction font directement référence aux approches descriptives ; autoévaluation, sommative, évaluative, à la didactique. Trois nouveaux métatermes émergent dans les années 2000 : traductosophique, traduisants et autotraduction. D’un point de vue épistémologique, on voit l’apparition de constructivisme et d’essentialiste. Finalement, un ensemble important de néologismes de cette décennie dénote des agents de traduction : chef-interprète, coéditeur, écrivaines, experts-traducteurs, localisateur et localiseur.
3.2.4. 2010-2019
Pour cette période, seulement 35 des 200 candidats sélectionnés ont obtenu le statut de terme. Aucun ne dénote une approche, un cadre ou une théorie ni ne constitue un métaterme. Dialogiquement évoque les approches littéraires, tout comme potentiellement esthéthème, rimique et auctoriale. Co-lingue, co-linguisme et hétérolinguisme signalent l’enrichissement du vocabulaire des approches culturelles. Finalement, sur-titrage indique un développement des pratiques de traduction, alors que textométriques, micro-segments et mds, ceux des outils de recherche. Le faible nombre de contextes (sur-titrage présente le plus grand nombre d’occurrences avec 53, mais la médiane n’est que de 11) complique cependant l’association des nouveautés terminologiques de cette décennie à un courant précis. Les termes évoquant des préoccupations disciplinaires forment finalement un ensemble important, où l’on retrouve axiomatisation, innovantes,intertemporel et permissivité.
4. Conclusion
La démarche développée pour cette étude outillée de la néologie de forme dans un corpus de langue spécialisée a permis de repérer un ensemble important de nouveaux termes traductologiques dans Meta et de situer le moment de leur émergence. Cette méthodologie mixte qui aborde le texte comme ancrage empirique privilégié pour l’observation de l’évolution d’un domaine et de ses connaissances à travers l’émergence de nouveaux termes apparaît prometteuse. Les données qualitatives (candidats termes) et quantitatives (nombre d’occurrences) obtenues par traitement automatique, puis analysées qualitativement (validation) et quantitativement (calculs des fréquences et différence de fréquences) permettent ainsi d’émettre un ensemble d’hypothèses ensuite vérifiables.
Cette démarche présente aussi certaines limites. En s’en tenant à l’analyse des termes simples, elle écarte un ensemble de termes complexes non compositionnels[23] qui représenteraient des néologismes de forme de plein titre. Le repérage de néologismes complexes compositionnels aurait aussi pu permettre de mieux situer l’émergence d’autres approches dans la revue : approches culturelles, approches historiques, etc. La question de l’emprunt de forme à la langue générale dans la terminologie traductologique a aussi potentiellement interféré avec notre travail de repérage. Nous avons bien observé quelques néologismes simples dont la forme est identique à celle d’un mot de la langue générale et qui ont profité de cette « polysémie » pour se hisser dans la liste des candidats analysés. C’est le cas par exemple de sentencieux et entendant[24]. Le plus souvent, l’emprunt de formes provenant de la langue générale a probablement plutôt généré un silence qui a réduit la place de certaines approches dans notre panorama. L’utilisation d’un lemmatiseur, inévitablement entraîné par un dictionnaire de la langue générale, induit aussi des conséquences sur l’accession de certains candidats à une analyse centrée sur la fréquence. Si elle a donné une visibilité à certains néologismes dont les flexions présentaient toutes un nombre important d’occurrences, elle en a sûrement occulté d’autres qui auraient été favorisés par une mise en commun de ces dernières. La polysémie complique finalement l’association permanente d’une forme néologique à une seule approche. Des études de cas centrées sur la trajectoire d’un terme ou sur l’évolution du vocabulaire d’un cadre, d’une approche ou d’un courant donnés permettraient de raffiner le panorama présenté ici par l’analyse en profondeur des contextes de chacune des occurrences.
Malgré ces limites, la richesse néologique relevée entre 1980 et 2019 dans le corpus formé des numéros de Meta, une revue traductologique majeure, atteste du développement massif de la discipline durant cette période, et de celui de sa méta-terminologie. Certains néologismes et leur trajectoire témoignent aussi de bouleversements épistémologiques (constructivisme, essentialiste), et changements en matière de préoccupations méthodologiques (modéliser, récurrent, factuel, inférentiel) et philosophiques (indécidabilité, connaissable, complétude, traductibilité) dans la discipline. La multiplicité des cadres, approches et courants auxquels on peut rattacher les néologismes relevés démontre concrètement l’ouverture effective et continue de la revue à un vaste ensemble d’influences. On voit clairement, à travers cette étude de la néologie, l’empreinte des Translation Studies (surtout le pendant des études culturelles, dès les années 1980 et postcoloniales, dès la tranche 1990), de la traductologie européenne (principalement de l’herméneutique et des études littéraires, dès les années 1980), des approches linguistiques et terminologiques (aussi dès les années 1980) dans les pages de Meta. De même, la néologie repérée reflète, bien que dans une moindre mesure, la présence de la didactique, des approches cognitives, de l’approche communicative et de la théorie du skopos. Elle suggère ainsi que la fragmentation de la discipline est à la source de la prolificité terminologique que nous avons observée.
Bien entendu, au-delà de ces remarques, la question de la représentativité de la revue et de celle des données dans les pages précédentes demeure. Puisque notre corpus est formé des numéros en français d’une publication internationale, nous pourrions supposer qu’elle est représentative de la traductologie, au sens de version francophone de la discipline (Echeverri 2017 : 528). L’analyse d’un corpus plus vaste d’articles en français permettrait de voir si les tendances relevées ici s’y reflètent. Le profil des approches, cadres et courants dégagés à partir de ce travail suggère aussi une deuxième avenue. Annie Brisset dans une étude sur les ouvrages canadiens postule ainsi le caractère distinctif de la traductologie canadienne en la plaçant dans « l’orbite des Translation Studies influencées par les études culturelles. » (Brisset 2017 : 143). Álvaro Echeverri remarque pour sa part : « In Canada, translatologists have been as interested in the cognitive, linguistic, historical, theoretical, literary and social dimensions of translation as they have been actually concerned with training nonliterary translators and with strengthening the ties with the language industry » (Echeverri 2017 : 529-530). La néologie relevée dans le corpus de Meta reflète bien un vaste ensemble d’influences, qui comprend l’herméneutique, les études culturelles, la linguistique et les études littéraires. Qui plus est, une analyse des cinq mots clés les plus importants associés aux articles en anglais de Meta a aussi révélé le profil distinct de la revue par rapport aux autres revues anglophones (van Doorslaer et Gambier 2015 : 314). L’analyse de la néologie à partir de corpus comparables formés d’articles en français et en anglais tirés de revues canadiennes permettrait de comparer l’évolution de la traductologie canadienne à celle des Translation Studies du même espace. Un projet encore plus vaste pourrait ultérieurement contraster ces observations avec celles réalisées à partir de corpus, toujours dans ces deux langues, formés d’articles de revues ancrées dans d’autres espaces.
Ce genre d’étude permettrait aussi de creuser la question de la courbe néologique décrite au point 3.1, qui indique un foisonnement dans les années 1980, suivi d’une culmination « tardive » des néologismes. Il est possible que ces phénomènes reflètent les débuts fougueux de la traductologie en général (ou de la discipline dans l’espace canadien) et la consolidation subséquente de certaines approches, une trajectoire propre à la discipline. Un projet encore plus ambitieux mené dans de multiples disciplines révélerait peut-être toutefois que l’apparition « hâtive » d’un néologisme lui confère généralement un avantage trop important pour que la néologie plus récente arrive à combler l’écart. Il n’est pas, non plus, impossible que ce phénomène soit caractéristique des (inter)disciplines articulées autour d’un objet (Media Studies, études féministes, etc.) qui procèdent par importation, prolongement et appropriation simultanée des apports de plusieurs domaines d’études, créant un environnement terminologique compétitif où les néologismes récents ont peine à s’imposer. Il pourrait finalement aussi refléter, avec un certain décalage, un phénomène commun aux sciences humaines et sociales. Le déclin du positivisme, des approches systémiques et des théories générales à partir des années 1970 et la fragmentation subséquente de ces disciplines, de même que leur décloisonnement ont pu encourager une innovation terminologique massive générale.
Si déjà, à partir de cette étude exploratoire, l’observation de la néologie en corpus démontre un potentiel important en tant que repère empirique pour l’examen de l’évolution des disciplines et de leurs savoirs, rappelons que les néologismes de forme ne constituent que l’une des manifestations de ce phénomène. Alors que l’étude de la néologie de sens dépassait largement le projet de nous avions établi pour cet article, la mise au point de méthodologies destinées à son repérage en langue de spécialité constitue un enjeu crucial, particulièrement dans les disciplines comme la traductologie, où les vocabulaires sont réputés emprunter massivement leur forme à la langue générale et à la terminologie d’autres disciplines.
Parties annexes
Annexes
Annexe 1. Extrait du fichier contenant les lemmes du corpus et les informations quantitatives qui leur sont associées
Annexe 2. Carte de densité des 93 néologismes les plus populaires dans Meta (1980-2019)
Remerciements
L’étude est réalisée dans le cadre du projet NÉONUM : Une première infrastructure de veille pour la néologie en français québécois financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).
Notes
-
[1]
Dictionnaires Le Robert (2022) : néologisme. Le Petit Robert de la langue française. <https://petitrobert12.lerobert.com/robert.asp>.
-
[2]
Tonnalier, Marie (2015) : Morphalou 3. Consulté le 19 octobre 2021, <https://repository.ortolang.fr/api/content/morphalou/2/LISEZ_MOI.html>.
-
[3]
CO-SHS (2021) : CO-SHS. Consulté le 19 octobre 2021, <https://co-shs.ca>.
-
[4]
. Fondation canadienne pour l’innovation (2021) : La recherche au service des collectivités, Consulté le 19 octobre 2021, <www.innovation.ca>.
-
[5]
Érudit (2021) : Érudit. Consulté le 19 octobre 2021, <www.erudit.org>.
-
[6]
Seule Babel : Revue internationale de la traduction, également fondée en 1955, est aussi ancienne. Le lancement de Traduire, la revue de la Société Française des Traducteurs, précède bien d’un an celui de Babel et Meta. Toutefois, il ne s’agit pas d’une revue « scientifique » universitaire, son comité éditorial étant formé de traducteurs professionnels.
-
[7]
Les bureaux de cette dernière se trouvent depuis 1956 à l’Université de Montréal (Pomerleau 2015 : n.p.).
-
[8]
Entre 1960 et 1970, Meta présente les rubriques Problèmes et solutions et Les outils du traducteur, et de 198. à 2002, on trouve dans ses pages Études terminologiques et linguistiques, Documentation et Bloc-notes. En 2003, les rubriques disparaissent, puis à partir de 2004, la rubrique Documentation est de retour et Terminologie et linguistique fait son apparition. En 2009, Études et prospectives s’ajoute aux deux précédentes. Finalement, en 2019, il ne reste plus que Documentation.
-
[9]
André Clas dirige Meta à l’époque.
-
[10]
Un néologisme peut ainsi ne présenter qu’une seule occurrence dans sa décennie d’apparition ou en afficher plusieurs dizaines. Il doit cependant apparaître minimalement cinq fois dans le corpus pour figurer dans les données analysées.
-
[11]
Dans les cas où l’appartenance d’un candidat est incertaine, elle est validée si ses actants sémantiques sont déjà admis comme termes, s’il présente une double parenté morphologique et sémantique avec un terme déjà identifié, ou s’il entretient une autre relation paradigmatique avec un de ces derniers (L’Homme 2020 : 72-74).
-
[12]
Dans ces cas, pour qu’une forme conserve sa place dans le palmarès des néologismes populaires, elle devait présenter une certaine proportion de contextes relatifs à ses acceptions terminologiques plutôt que lexicologiques.
-
[13]
L’idée de terme central s’oppose à celle de terme périphérique, soit celui qui ne serait reconnu ou compris que par les spécialistes d’un cadre, d’une approche ou d’une théorie traductologique donnée. Elle est indissociable des rapports de pouvoir qui traversent la discipline et de son histoire : plus une approche est puissante et ancienne, plus son langage est reconnu comme central. Ainsi, le statut de terme traductologique d’autopoièse sociale ou d’artefact ne ferait peut-être pas consensus, alors que ceux de norme ou équivalent apparaissent indiscutables.
-
[14]
Nous aurions cependant conservé les adjectifs dérivés de ces derniers (par exemple : saussurienne, bermanien), si nous les avions rencontrés.
-
[15]
Rappelons que si notre corpus couvre la période 1966-2019, cet article analyse la néologie à partir de 1980, les deux décennies antérieures servant de contrepoint.
-
[16]
Certaines de ces formes ont échappé à l’étiqueteur morphosyntaxique. Cette limite de l’outil s’est révélée un atout pour repérer les néologismes de forme non lemmatisés dont la fréquence est importante (voir Cartier 2016). Toutefois, si elle donne une visibilité à certains, elle a aussi pu en occulter d’autres en maintenant séparées les occurrences de leurs flexions.
-
[17]
Bien entendu, le développement des approches, courants et cadres est intimement lié aux réflexions épistémologiques et préoccupations qui guident la discipline.
-
[18]
Les termes qu’on peut associer à ces approches sont revus au point 3.2.
-
[19]
Dury et Drouin définissent la nécrologie entre autres comme la disparition d’une forme lexicale ou la disparition du sens d’un terme (2011). Alioculturème présente la même trajectoire : soit onze occurrences dans le corpus, toutes dans les années 2000.
-
[20]
L’impossibilité de la traduction apparaît toutefois conserver son attrait, la trajectoire d’intraduisible, terme présent dès les années 1960, affiche une courbe généralement ascendante culminant dans la tranche 2000.
-
[21]
Bien entendu dans le cas de la décennie 2010, le tri sur la fréquence absolue totale et sur la fréquence absolue de la décennie donne les mêmes résultats.
-
[22]
Jean-René Ladmiral définit ces termes pour la première fois par écrit dans l’article Sourciers et ciblistes (1986).
-
[23]
Le sens d’un terme compositionnel représente la somme des sens de ses composantes (L’Homme 2020 : 66). À l’inverse, le sens du terme non compositionnel est opaque et ne peut être inféré à partir de ses composantes.
-
[24]
Toutefois, cette forme devait être aussi un néologisme en langue générale ou n’avoir jamais figuré dans les pages de la revue entre 1966 et 1979.
Bibliographie
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