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Aucun traductologue n’a jamais douté du rôle primordial que tenaient les outils d’aide à la traduction quand il s’agissait de décrire l’activité traduisante dans toute sa complexité. Mais personne ne l’avait fait jusqu’ici, d’une manière aussi scientifique et aussi exhaustive, en impliquant directement des traducteurs professionnels.
Britta Nord a précisément consacré sa thèse à l’étude, à la fois théorique et empirique, du comportement de traducteurs professionnels à l’égard des outils d’aide à la traduction. Elle a confronté les hypothèses et les acquis théoriques aux réalités concrètes de quinze traducteurs (dont trois de langue maternelle française).
Le bilan détaillé des recherches actuelles fait apparaître les apports de la traductologie, de la textologie contrastive, de la dictionnairique et de l’analyse de « textes parallèles ».
Elle fait entrer la notion, encore à délimiter, de textes parallèles, c’est-à-dire des textes originaux en langue d’arrivée, qui traitent du même sujet que le texte à traduire et qui donnent l’occasion d’élargir ou de rafraîchir les connaissances (Sachwissen) et la terminologie spécifique (Sprachwissen).
Les approches méthodologiques et les typologies de dictionnaires sont largement inspirées des travaux de Wiegand, Hartmann et Göpferich, ainsi que les apports de glossaires textographiques.
Dans la partie empirique, l’auteure décrit avec précision le profil des répondants, les matériaux et les principes de récolte et d’analyse des données. L’analyse s’appuie sur de longs protocoles de verbalisation, suivant la méthode de raisonnement à voix haute, et a permis de catégoriser les déficits linguistiques et déficits cognitifs qui ont conduit à l’utilisation d’outils (surtout lexicographiques) et d’évaluer l’apport réel des moyens mis en oeuvre.
En résumé, les aides ont consisté pour les deux tiers en dictionnaires bilingues, plutôt qu’en textes d’appoint et encyclopédies.
Dirons-nous notre regret de n’avoir pas pu lire dans leur intégralité les textes soumis à la sagacité des traducteurs, et de n’avoir pas trouvé trace du facteur temps dans l’évaluation de la traduction.
Par ailleurs, on ne peut que rendre hommage à l’acuité des commentaires et à la minutie des analyses.
L’ouvrage ouvre de grandes perspectives pour les travaux futurs en la matière.