Résumés
Résumé
À partir de 1476, les imprimeurs lyonnais proposent de nombreuses traductions à un public qui ne maîtrise pas suffisamment le latin pour accéder aux classiques ou aux ouvrages scientifiques et religieux de l’époque. On recense ainsi, pour tout le xve siècle, près de 150 éditions de traduction à Lyon, soit un dixième de la production totale. Cet article, qui montre l’importance de la ville dans la traduction d’ouvrages à succès comme de textes plus contemporains, se penche sur les choix éditoriaux de ces imprimeurs quant à la production de traductions. Il met également en lumière la collaboration des imprimeurs avec une élite intellectuelle locale, qui effectue les nouvelles traductions ou en révise d’anciennes. L’attention sur ces personnages peu connus permet ainsi de faire émerger des groupes cohérents au service de plusieurs imprimeurs.
Abstract
As of 1476, the printers of Lyons offered numerous translations to a public that did not master Latin well enough to access the classics or the scientific and religious works of the time. Thus, there are nearly 150 translation editions in Lyons for the fifteenth century, or one-tenth of the total production. This paper, which demonstrates the importance of the city in the production of translations of successful works and of more contemporary texts, examines the editorial choices of the printers of Lyons with regards to the production of translations. It also highlights the collaboration of printers with a local intellectual elite who carried out the translations or revised older ones. Attention to these little-known players allows in this way the emergence of coherent groups in the service of several printers.
Corps de l’article
La dissociation progressive au cours du Moyen Âge entre le latin, langue des clercs, et les langues romanes qui en sont issues a favorisé l’émergence d’une littérature vernaculaire, de « romans » au sens originel du terme, symbolisés par les romans de chevalerie à partir de la fin du xie siècle. Cette littérature a été rapidement étoffée par des traductions d’oeuvres latines, qui sont d’ailleurs plus souvent des adaptations que des traductions fidèles. Parmi les exemples les plus populaires, l’Ovide moralisé[1], réalisé au début du xive siècle, a ainsi permis d’adapter un classique de la littérature antique pour des lecteurs médiévaux. Ces adaptations sont souvent dédiées par le traducteur à de grands seigneurs à qui elles donnent accès à la littérature latine dans une langue plus familière. Le public de telles oeuvres, qui peuvent aussi circuler de manière orale dans la société, est en effet réduit par le prix du livre, qui le limite aux couches les plus aisées de la population. De plus, la complexité de la fabrication d’un livre – nécessité de trouver un modèle, matières premières, temps de la copie, etc. – en fait un objet rare que l’on trouve essentiellement chez ceux – clercs et juristes – pour qui il constitue un véritable outil de travail[2]. Or, le latin étant généralement leur langue usuelle, ces derniers n’ont pas besoin de traductions. Au sein des livres manuscrits médiévaux, le domaine de la traduction demeure donc extrêmement réduit. C’est dans ce contexte que travaillent les premiers imprimeurs de la seconde moitié du xve siècle.
L’imprimerie a alors déjà commencé à révolutionner le marché du livre en augmentant sensiblement le nombre de livres disponibles[3] et en renversant le modèle économique : au commanditaire salariant un scribe pour copier une oeuvre a succédé l’imprimeur tirant plusieurs centaines d’exemplaires de son édition et cherchant ensuite des acheteurs. Quelques décennies avant que l’imprimerie ne devienne l’un des principaux facteurs de la recomposition linguistique dans l’Europe de la Renaissance[4], avec l’uniformisation et la légitimation des langues vernaculaires qui se traduit par le recul du latin à moins de 50 % de la production imprimée au cours du xvie siècle, et, pour le français, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui en fait la langue administrative du royaume, le contexte du xve siècle, encore médiéval, reste dominé par le latin.
L’imprimerie au xve siècle est surtout traitée sous ses aspects techniques, c’est-à-dire selon les innovations qu’elle crée dans le monde du livre et la fonction de « ferment » de ce dernier, pour reprendre l’expression de Henri-Jean Martin et Lucien Febvre, qui fait entrer l’Europe dans la « galaxie Gutenberg[5] ». La question de la traduction n’est donc souvent évoquée que dans le cadre du rapport de force entre latin et langues vernaculaires, et assez peu pour la personnalité des traducteurs, le public et le contenu des traductions[6]. C’est d’ailleurs sous cet angle de la concurrence entre les langues que Frédéric Barbier aborde la thématique « traductions et traducteurs[7] » avant d’examiner la figure du traducteur et les disparités régionales dans la production en vernaculaire. L’objectif du présent article consiste à sortir de cette comparaison pour s’intéresser à la production de traductions à Lyon au xve siècle, à leur public ainsi qu’aux collaborations initiées par les imprimeurs pour adapter les textes.
Imprimer des traductions : marchés et publics
Au sein du royaume de France, on estime généralement que le premier livre imprimé en français est la Légende dorée de Jacques de Voragine, traduite par Jean de Vignay et imprimée à Lyon par Guillaume Le Roy le 18 avril 1476[8]. Il s’agit de la traduction française d’une des oeuvres médiévales latines les plus populaires, traduction effectuée dans la première moitié du xive siècle pour la reine de France, Jeanne de Bourgogne[9]. Cette édition survient six ans après l’introduction de l’imprimerie en France, et trois ans après son arrivée à Lyon. À cette époque, l’imprimerie demeure balbutiante à Lyon, mais la ville deviendra bientôt, grâce à ses foires, l’un des principaux centres d’imprimerie en Occident, le second en France et, au début du xvie siècle, le troisième d’Europe, derrière Venise et Paris. La production lyonnaise est marquée par l’absence dans la ville de parlement et d’université, qui constituent des débouchés naturels pour les imprimeurs, mais cette absence est compensée par les quatre foires annuelles où se réunissent les marchands de toute l’Europe. La clientèle des imprimeurs lyonnais diffère donc de celle des imprimeurs parisiens[10], les deux villes cumulant plus de 90 % de la production française. Quant à la part de la production en français dans ces deux villes, celle-ci représente un peu plus de 30 % à Lyon, un peu moins à Paris, ce qui constitue une proportion assez forte pour une époque largement dominée par le latin. Cependant, malgré des pourcentages comparables, l’évolution de cette production est assez différente dans les deux villes. Les imprimeurs lyonnais impriment très tôt des titres en français, avec une proportion d’éditions en français proche de 50 % au cours des années 1480, mais qui s’effondre dans la dernière décennie du siècle. Au contraire, les imprimeurs parisiens commencent par imprimer essentiellement en latin, avant de consacrer environ un cinquième de leur production au français[11], à l’exception d’un pic au début des années 1490. La forte diminution de la part du français à Lyon est probablement en lien avec la spécialisation de plusieurs imprimeurs lyonnais dans le droit, domaine où règne le latin, ainsi que, peut-être, avec l’intégration aux circuits commerciaux européens. Les ouvrages en latin sont en effet les seuls à pouvoir se vendre dans l’ensemble de la Chrétienté.
Parmi ces ouvrages en français, la grande majorité sont des textes écrits à l’origine dans cette langue. Seul un tiers correspond à des ouvrages traduits, essentiellement depuis le latin. La traduction s’opère, en effet, quasiment toujours du latin au français. Les seuls exemples contraires parmi les éditions lyonnaises du xve siècle sont les éditions du Narrenschiff (La Nef des fous en français) de Sébastien Brant, que l’on trouve en français et en latin. On notera toutefois que la version française a été traduite d’après la traduction latine et non d’après l’original allemand. Ici encore, le latin reste la langue de référence. À cela s’ajoutent quelques rares ouvrages en castillan destinés au marché espagnol, que nous n’évoquerons pas ici, pas plus que les traductions vers le latin des philosophes grecs et des textes bibliques, dans la mesure où celles-ci relèvent d’autres logiques[13], la version latine étant devenue la référence en Occident depuis de nombreux siècles.
D’un point de vue quantitatif, nous avons pu recenser 142 éditions[14] lyonnaises d’oeuvres traduites pour le xve siècle. Cet inventaire possède les limites inhérentes aux corpus d’incunables, à savoir les problèmes d’identification des éditions, un grand nombre n’ayant pas d’indication d’imprimeur ni de lieu, ainsi que les problèmes d’exhaustivité. La plupart des exemplaires produits ont aujourd’hui disparu, et plusieurs éditions ont certainement existé dont il ne reste plus aucun témoin. On peut néanmoins supposer que la grande majorité des éditions incunables sont bien répertoriées grâce aux nombreux travaux de ces derniers siècles[15]. Ce corpus de 142 éditions, soit un peu moins de 10 % de la production lyonnaise totale, réunit 47 titres différents et 35 auteurs. Neuf titres, représentés par 32 éditions, sont d’auteurs anonymes. Pour l’ensemble du corpus, cela donne une moyenne d’un peu plus de trois éditions par titre, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne de l’ensemble de la production lyonnaise et pourrait montrer un certain succès des oeuvres traduites, plus fréquemment rééditées. Certains titres ne connaissent qu’une seule édition alors que d’autres sont souvent reproduits. On recense ainsi neuf titres comptant plus de cinq éditions. Ces grands succès n’offrent aucune surprise : ce sont essentiellement les traductions françaises des oeuvres latines les plus courantes au xve siècle. On rencontre tout d’abord 12 éditions bibliques partielles. Il s’agit plus souvent d’adaptations que de traductions littérales des textes. Ces bibles en vernaculaire n’ont rien d’étonnant : on en trouve plusieurs traductions différentes au cours du Moyen Âge, bien avant la Réforme. Avec 11 éditions, arrive ensuite la Légende dorée de Jacques de Voragine; puis les Fables d’Ésope (neuf éditions), qui illustrent la persistance de la littérature antique; le Miroir de la rédemption humaine (huit éditions), un traité de théologie du xive siècle extrêmement populaire; le moins connu mais assez curieux Procès de Bélial, fiction religieuse[16] de Jacques de Teramo (huit éditions); le Propriétaire des choses, célèbre encyclopédie médiévale de Barthélémy l’Anglais (sept éditions); les Distiques de Caton (six éditions) qui est l’un des « manuels scolaires » les plus populaires; le Lucidaire, encyclopédie théologique d’Honoré d’Autun (six éditions); et enfin, le Livre des merveilles du monde, récit du prétendu voyage de Jean de Mandeville en Afrique et jusqu’en Chine (six éditions). L’énumération de ces titres permet de constater la diversité des domaines que couvrent les ouvrages à succès donnés en traduction. Les ouvrages religieux prédominent, mais laissent également une place à la littérature antique, aux encyclopédies, aux récits de voyage et aux manuels didactiques. Cette variété correspond au public visé, soit les couches aisées de la société pour qui les livres constituent un moyen de s’ouvrir à la culture et à la connaissance que l’Occident compile en latin, puis vulgarise en langue vernaculaire. Cette liste des titres à succès laisse en revanche dans l’ombre une part non négligeable des éditions traduites que forment les éditions scientifiques, en particulier médicales, mais qui, réservées à un public restreint de praticiens, n’ont pas connu de multiples réimpressions. On voit d’ailleurs dans le tableau qui suit que les ouvrages religieux et littéraires représentent une proportion bien plus forte en nombre d’éditions qu’en nombre de titres, ce qui indique des réimpressions plus fréquentes.
Au-delà des titres à succès, à quels genres appartiennent les oeuvres les plus imprimées parmi les traductions proposées par les imprimeurs lyonnais du xve siècle? Si l’on répartit ces éditions selon la division traditionnelle[18] entre religion, belles-lettres, sciences, histoire et droit, ce sont les belles-lettres qui occupent la première place avec près de 40 % de la production. Cette catégorie comporte une production originelle en français, alors que l’on n’écrit pratiquement aucun ouvrage religieux, scientifique ou juridique, en langue vernaculaire au Moyen Âge. Cela veut dire que les lecteurs français ne se satisfont pas uniquement de la littérature française médiévale, mais recherchent également les grands classiques médiévaux latins. Cela est d’autant plus vrai que les deux-tiers de ces éditions sont des oeuvres narratives de fiction ou assimilées à l’histoire, oeuvres que peut englober le terme d’« historia » et qui entrent directement en concurrence avec les « romans ». Du côté de la littérature religieuse, dominent sans surprise les ouvrages de dévotions et les hagiographies, c’est-à-dire les ouvrages de piété. Ils représentent de nombreux titres, dont certains sont de vrais succès d’édition, alors que d’autres ne connaissent pas de rééditions. Les ouvrages « scientifiques » se divisent globalement entre les encyclopédies et les ouvrages de médecine qui forment ensemble plus de 90 % des éditions et des titres en science. Les ouvrages de médecine se caractérisent par un nombre important de titres rarement réimprimés, alors que les encyclopédies, à l’inverse, proposent peu de titres mais un grand nombre d’éditions, probablement porté par le vif succès du Propriétaire des choses de Barthélémy l’Anglais. Cet ouvrage s’adresse à un large public désireux d’acquérir des connaissances sur les animaux, les plantes, la géographie et l’univers tout entier. Une seule encyclopédie comble généralement la curiosité de l’acheteur, ce qui restreint la possibilité de multiplier l’offre de titres. Au contraire, le public limité des médecins et chirurgiens réduit inévitablement le nombre des rééditions, mais permet en contrepartie la variété des propositions. De fait, seuls l’incontournable Guidon en français de Guy de Chauliac et la Chirurgie de Lanfranc connaissent des réimpressions. La production lyonnaise d’ouvrages de médecine traduits constitue la totalité de la production française de ce genre[19]. Lyon s’inscrit en effet à cette époque dans une certaine tradition médicale et compte plusieurs hôpitaux. Montpellier et sa célèbre faculté de médecine se trouvent, de plus, dans la zone d’influence de l’imprimerie lyonnaise. En revanche, la grande spécialité de celle-ci, les ouvrages juridiques, n’est pas représentée, si ce n’est par une édition unique des Institutions de Justinien Ier, dont l’existence demeure douteuse[20]. Dans ce domaine, le latin reste exclusif, les juristes lisant dans le texte le corpusjuris civilis et le corpus juris canonici, ainsi que leurs multiples gloses. Le secteur de la traduction à Lyon est donc généraliste et destiné à un public large, le lettré « moyen », qui demande essentiellement des oeuvres narratives venant s’ajouter aux « romans », ainsi que des ouvrages de piété en langue vulgaire. Un autre secteur spécifique et typiquement lyonnais existe : celui de la médecine. Les médecins ayant des grades universitaires, leur maîtrise du latin ne nécessite pas la traduction de traités de médecine dans le cadre de leur pratique. Ce n’est pas forcément le cas des chirurgiens – profession bien distincte et inférieure à la médecine dans la hiérarchie médiévale –, public probablement visé par une partie de cette production (66 % des éditions et 50 % des titres de médecine concernent la chirurgie). Le reste s’adresse peut-être au grand public. Dès l’époque médiévale, en effet, quelques livres de médecine[21] prennent place dans les bibliothèques privées, comme le Regimen Sanitatis Salernitanum, un ouvrage populaire traitant surtout de diététique et d’hygiène de vie, dont on trouve une édition traduite à Lyon.
Si l’on revient au marché du lecteur « moyen », il est évidemment intéressant de regarder la production parisienne, qui, avec la production lyonnaise, forme la quasi-totalité de la production française. On remarque d’emblée que, dans le domaine de la traduction, les Parisiens font essentiellement des livres d’heures en français (près de 50 % des éditions de traduction), mais aucun livre de médecine. On ne compte, en revanche, qu’un seul livre d’heures en français imprimé à Lyon. Hors les livres d’heures, la production parisienne de traductions n’est supérieure à la lyonnaise que d’environ 50 %, alors que la production parisienne totale de livres imprimés est trois fois supérieure à celle de Lyon. Même si les titres diffèrent légèrement d’une ville à l’autre, Lyon ne semble pas avoir de lacune importante sur des oeuvres majeures. Sur les 46 titres de traduction produits à Lyon, 26, soit plus de la moitié, sont également imprimés à Paris. Une véritable concurrence existe donc entre les deux villes. Ces 26 titres représentent 87 éditions lyonnaises, mais seulement 63 parisiennes.
Pour ces 26 titres publiés à Lyon comme à Paris, on constate que l’initiative vient de Lyon, puisque 15 éditions princeps y sont imprimées contre seulement 3 à Paris. Cette domination n’est cependant pas sans équivoque. L’innovation lyonnaise est essentiellement technique et probablement due à l’essor précoce de la production en français à Lyon que nous avons mentionné : les imprimeurs lyonnais sont simplement les premiers à lancer des éditions de traduction sur le marché français, à une époque où le latin domine encore largement à Paris. En effet, si l’on examine les titres, on remarque que la plupart des grands succès de la fin du Moyen Âge ont leur édition princeps en français à Lyon. C’est le cas, par exemple, de la première édition en français, la Légende dorée du 18 avril 1476, que nous avons déjà évoquée. Plus largement, l’ensemble des grands succès aux multiples rééditions auxquels nous faisions allusion ont une édition princeps à Lyon, à l’exception des Distiques de Caton qui sont d’abord publiés à Bruges. Au contraire, les rares éditions princeps parisiennes se montrent plus innovantes avec des titres beaucoup plus récents, comme La nef des fous de Sébastien Brant, ou La mer des histoires. Cette innovation n’est toutefois pas propre à Paris, car plusieurs éditions en français d’auteurs contemporains paraissent également à Lyon. On note par ailleurs que les imprimeurs lyonnais ont tendance à réimprimer plus fréquemment les titres qu’ils partagent avec les parisiens. En effet, sur ces 26 titres en commun, 13 connaissent un plus grand nombre de réimpressions à Lyon, contre 6 à Paris. Faut-il en déduire que les presses lyonnaises ont plus fortement investi ce marché que les presses parisiennes? L’absence de données sur le tirage empêche toute comparaison. Les données dont nous disposons permettent ainsi de différencier les dynamiques parisiennes et lyonnaises dans le marché de l’édition de traductions, la politique éditoriale lyonnaise étant très tôt tournée vers le français et les traductions, en particulier des grands succès de la fin du Moyen Âge, à l’exception notable des livres d’heures en français, spécialité presque exclusivement parisienne. De leur côté, les imprimeurs parisiens, arrivés plus tard sur le marché, paraissent globalement plus innovants, mais moins dynamiques sur les titres où ils entrent en concurrence avec Lyon. Cela conforte, en tout cas, l’importance du rôle joué par Lyon au xve siècle.
Se pencher sur les oeuvres traduites, c’est aussi s’intéresser aux goûts de ce public « moyen » et à son intérêt pour les oeuvres contemporaines ou d’époques antérieures, puisque le latin y règne en maître, alors que la littérature en français apparaît tardivement et reste longtemps marginale.
On constate que les textes antiques restent bien présents dans la production, représentant environ un cinquième de celle-ci. Cette importance repose principalement sur du matériel didactique, en particulier sur les Fables d’Ésope et les Distiques de Caton, qui constituent 60 % des éditions d’antiques, à côté d’auteurs plus classiques comme Cicéron ou Virgile. Le haut Moyen Âge ne figure pas, en revanche, dans les titres proposés. Cette absence se poursuit jusqu’au xiie siècle, à laquelle succède une présence qui augmente nettement avec le temps jusqu’au xive siècle. Le poids de la littérature du xve siècle est important même s’il ne dépasse pas celui de la littérature du xive siècle, mais il faudrait, pour l’évaluer convenablement, tenir compte des délais nécessaires à la diffusion d’une oeuvre au Moyen Âge et aussi du fait que le xve siècle n’est pas encore achevé lorsque commence notre étude. Trois auteurs sont d’ailleurs encore en vie au moment de leur publication : Sébastian Brant et sa Nef des fous, Bernard von Breydenbach et ses Saintes pérégrinations de Jérusalem, ainsi que Werner Rolewinck, auteur du Fasciculus temporum (Le fardelet des temps dans sa version française). Ils font partie de la première génération d’auteurs qui, grâce à l’invention de l’imprimerie, vont pouvoir diffuser, dans toute l’Europe et de leur vivant, leurs oeuvres en latin ainsi qu’en traduction en langue vernaculaire. Le vaste et rapide succès de la Nef des fous incarne probablement l’exemple-type de ce nouveau phénomène : à l’époque du manuscrit, une diffusion à plusieurs centaines d’exemplaires aurait nécessité au mieux plusieurs dizaines d’années. Parmi les titres contemporains, on peut également mentionner le Miroir de la vie humaine (Speculum vitae humanae) de Rodrigue de Zamora, qui est imprimé à Lyon dans sa traduction française moins de 10 ans après sa rédaction, ainsi que la Mer des histoires que l’on retrouve moins de 20 ans après sa compilation en latin. Pour Rolewinck comme pour Rodrigue de Zamora et Bernard von Breydenbach, ce sont les Lyonnais qui font paraître la première édition en français, ce qui montre qu’ils participent à l’introduction de nouveautés sur le marché et prennent des risques en proposant de nouveaux titres.
Cette littérature contemporaine représente ainsi un peu plus de 10 % des titres pour 8 % des éditions lyonnaises. Arrivant sur le marché tardivement et le succès n’étant pas forcément immédiat, ces titres sont généralement moins réédités que la moyenne. On remarque néanmoins, avec le précédent tableau, l’importance des imprimeurs lyonnais dans leur diffusion.
Le public visé par les imprimeurs, s’il ne délaisse pas les antiques qui conservent une place de choix, s’intéresse donc essentiellement à des titres modernes, voire contemporains, avec une prédilection marquée pour la littérature des xive et xve siècles, qui s’amoindrit en remontant le temps jusqu’à devenir nulle au-delà du xiie siècle. Cette étude des titres proposés en traduction permet de visualiser la sélection que l’on effectue au xve siècle pour les lecteurs « moyens » dans l’immense littérature latine qui existe sans discontinuité, depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque de l’imprimerie.
Traducteurs et collaborateurs des imprimeurs
L’un des principaux intérêts de cet article est d’évoquer les relations de ces imprimeurs avec les intellectuels de leur temps. Dès l’origine, les imprimeurs ont en effet collaboré avec des intellectuels pour établir le texte proposé, l’enrichir, le corriger ou le mettre à jour à l’intention du public visé[22]. En ce qui concerne les oeuvres traduites, la traduction est généralement bien antérieure à l’invention de l’imprimerie. Pour 22 titres, soit un peu moins de la moitié, on connaît le ou les traducteurs. Sans grande surprise, nos imprimeurs reprennent les traductions usuelles des grandes oeuvres médiévales : celles de Jean de Vignay pour la Légende dorée, de Jean Corbichon pour le Propriétaire des choses, de Jean Le Fèvre pour le Livre de Mathéolus, de Laurent de Premierfait pour De la ruine des nobles hommes et femmes, etc. Néanmoins, ces traductions, datant parfois du xiiie ou du xive siècle, sont souvent révisées en vue de leur impression. C’est pour accomplir cette tâche que les imprimeurs lyonnais ont su s’entourer de lettrés.
Quatre noms en particulier apparaissent régulièrement dans les colophons qui notent leur participation à la réalisation de la traduction : Julien Macho, prieur des augustins de Lyon, Pierre Farget, augustin, Jean Battalier, dominicain, et Guillaume Lemenand, franciscain, soit quatre clercs lyonnais de trois ordres religieux différents, mais ayant tous une certaine vocation intellectuelle. Les augustins s’imposent toutefois par leur nombre mais surtout par la quantité de leurs contributions. Ces personnages demeurent assez peu connus, à l’exception de Julien Macho[24] qui a fait l’objet de plusieurs travaux et à qui on tente d’attribuer, sans y parvenir de manière irréfutable, de nouvelles traductions parmi les productions lyonnaises. On ne sait pratiquement rien de leur vie, en dehors de quelques traces figurant dans des documents d’archives, et relatives principalement à Julien Macho, qui fut prieur du couvent des Grands-Augustins de Lyon et donc partie prenante de plusieurs affaires locales, souvent accompagné de Pierre Farget, son proche collaborateur. Leurs travaux ont certainement eu un impact considérable étant donné qu’ils correspondent à plusieurs des titres à la fois les plus populaires et les plus imprimés à Lyon. On peut rassembler dans un premier groupe Julien Macho, Pierre Farget et Jean Battalier, qui travaillent ensemble sur certains ouvrages et pendant les mêmes années. Les titres qu’ils corrigent sont essentiellement religieux, mais ils s’élargissent aussi à d’autres domaines : encyclopédie, histoire, littérature antique. Ils collaborent avec un nombre restreint d’imprimeurs : Le Roy, Martin et Mathias Huss, Philippi et Reinhart, de façon apparemment indifférente. À l’exception de Mathias Huss, tous font partie des imprimeurs de Barthélémy Buyer[25], riche bourgeois et échevin, qui a introduit l’imprimerie à Lyon. Ce dernier avait très certainement les relations suffisantes pour trouver, au sein des clercs lyonnais, les intellectuels nécessaires à ces travaux. C’est lui qui finance, notamment, la fameuse première Légende dorée du 18 avril 1476, évoquée en introduction. N’oublions pas, par ailleurs, que Jean Battalier et Barthélémy Buyer ont étudié à Paris dans les années 1460 et qu’ils ont pu s’y rencontrer[26]. Mathias Huss ne semble pas avoir travaillé pour Buyer, mais il succède à son parent Martin et oeuvra avec Jacques, le frère de Barthélémy Buyer. L’ensemble de ce travail de correction se fait d’ailleurs entre 1476 et 1483, ce qui correspond à la période d’activité de Buyer dans l’imprimerie (1473-1483). On peut donc supposer que ces clercs ne travaillaient pas pour un imprimeur en particulier, mais au sein d’une petite société probablement constituée autour de Barthélémy Buyer qui possédait l’argent et le réseau pour mettre en relation imprimeurs et intellectuels et financer ces travaux. Ce petit groupe a ainsi joué un rôle primordial dans les nombreux travaux de corrections et d’actualisation de traductions plus anciennes, mais ne semble pas avoir survécu au départ de son commanditaire. Dix ans plus tard, arrive Guillaume Lemenand qui ouvre une seconde phase plus modeste de correction. Il ne travaille que pour Mathias Huss et seulement entre 1487 et 1488. On ne sait pas grand-chose de sa vie, mais on peut supposer qu’il est Lyonnais du fait de son activité auprès de Mathias Huss, qui avait imprimé quelques années auparavant un ouvrage dont Lemenand était l’auteur[27]. C’est peut-être à cette occasion qu’ils se sont rencontrés, avant que Huss ne lui demande de réviser des traductions. Lemenand corrige ainsi la Grande vie du Christ de Ludolphe de Saxe et le Miroir de la rédemption humaine, que Julien Macho avait édité dix ans plus tôt[28]. Il s’agit du seul exemple de re-correction d’une traduction à Lyon au xve siècle. Mathias Huss, qui avait également participé à la première grande phase de correction, s’en est peut-être inspiré pour l’avènement de cette seconde phase plus modeste et réalisée, peut-être, en collaboration avec Jacques Buyer, le frère de Barthélémy.
À côté de ces correcteurs de traductions des grands succès populaires, on trouve également, dans le domaine de la médecine, des traducteurs qui ont probablement travaillé avec les imprimeurs à la réalisation des éditions en français d’ouvrages latins. Contrairement aux travaux des clercs dont nous venons de parler, il s’agit plutôt de collaborations très ponctuelles et dont la portée reste moindre, étant donné la réception limitée de ces titres très peu réédités. Ces traducteurs de la toute fin du Moyen Âge ont eu un impact réduit et n’ont guère, pour l’instant, intéressé les spécialistes[30]. Nous connaissons les traducteurs de trois des six titres de médecine disponibles en traduction. Deux d’entre eux sont Lyonnais, le troisième est d’Avignon, et tous sont actifs à la fin du xve siècle. Cette proximité spatio-temporelle laisse évidemment supposer que ces traductions ont été faites spécialement pour l’impression, et donc à la demande des imprimeurs. Ces trois collaborateurs sont : Guillaume Yvoire, un chirurgien de l’hôtel-Dieu de Lyon, maître des barbiers en 1487 et 1490, responsable de la traduction de la Chirurgie de Lanfranc de Milan; Nicolas Panis, un docteur en médecine installé à Lyon, et qui y a traduit le fameux Guidonen français; et Nicolas Prevost, médecin à Avignon, traducteur de la Chirurgie de Guillaume de Salicet. Ces textes médicaux, malgré une certaine ancienneté (xiiie et xive siècles), ne possédaient pas de traductions usuelles. À l’exception d’un atelier anonyme, on retrouve les imprimeurs qui avaient fait appel à des clercs pour réviser leurs traductions. Le colophon du Guidon indique d’ailleurs explicitement que la traduction a été faite à « la requête de prudent et discret homme Barthélémy Buyer ». Ce travail de traduction commandité par les imprimeurs lyonnais pour les ouvrages de médecine est d’ampleur puisqu’il concerne la moitié des titres produits (représentant les deux tiers des éditions). Mais il résulte manifestement d’initiatives personnelles, bien moins organisées que les nombreuses corrections des clercs lyonnais.
En conclusion, cet article a permis d’envisager la production de textes imprimés dans le Lyon du xve siècle. Ce domaine, qui correspond à une partie minoritaire de la production en français, représente essentiellement l’ouverture d’une majorité non-latiniste de lecteurs à la culture européenne, caractérisée par le latin depuis l’Antiquité, mais également à d’autres secteurs plus spécialisés, comme celui de la médecine. Des presses lyonnaises, sont sortis, au cours du xve siècle, la plupart des grands succès médiévaux. Mais ces dernières ont également su s’ouvrir à des textes beaucoup plus contemporains. Pour produire ces éditions, un petit nombre d’imprimeurs, probablement autour de Barthélémy Buyer, ont fait appel, en 1476-1483 puis vers 1487-1488, au travail de plusieurs clercs lyonnais, qui ont ainsi révisé nombre de traductions anciennes. On trouve, de façon plus ponctuelle, de telles collaborations pour la traduction des ouvrages de médecine. Il s’agit là d’exemples particulièrement probants de l’association tout à fait réussie d’imprimeurs et d’intellectuels qui, en une dizaine d’années, ont livré au public français des traductions appropriées et maintes fois réédités.
Parties annexes
Note biographique
Jean-Benoît Krumenacker est doctorant en histoire médiévale, membre du CIHAM (Université Lumière Lyon 2) et du Centre Gabriel Naudé (École Nationale Supérieure des Sciences de l’information et des bibliothèques). Avec le financement de la région Auvergne-Rhône-Alpes, il travaille sur les bibliothèques et les livres à Lyon lors du passage du manuscrit à l’imprimé à la fin du xve siècle et au début du xvie siècle.
Notes
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[1]
Il existe une importante bibliographie sur la moralisation d’Ovide que l’on peut retrouver sur le site de l’ARLIMA (<https://www.arlima.net//mp/ovide_moralise.html> (consulté le 15 avril 2017)). Parmi les ouvrages récents, on peut citer : Marylène Possamaï-Perez (dir.), Nouvelles études sur l’Ovide Moralisé, Paris, Champion, 2009.
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[2]
Sur l’économie et la fabrication du livre au Moyen Âge, on peut se référer à : Ezio Ornato (dir.), La face cachée du livre médiéval, Rome, Viella, 1997.
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[3]
On estime généralement la production de livres imprimés entre 1450 et 1500 à environ 10 à 20 millions d’exemplaires, alors que la production de manuscrits pour l’ensemble du xve siècle n’a probablement pas dépassé le million (Frédéric Barbier, L'Europe de Gutenberg, Paris, Belin, 2006, pp. 48 et 273-274).
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[4]
Sur ce sujet, on peut lire le désormais classique chapitre viii « Le livre, ce ferment » de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1958. Sur les relations entre latin et langues vernaculaires à partir du xvie siècle, on peut se reporter à : Françoise Waquet, Le latin ou l’empire d'un signe, Paris, Albin Michel, 1998.
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[5]
Marshall McLuhan, The Gutenberg Galaxy: the making of typographic man, Toronto, University of Toronto Press, 1962.
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[6]
La plupart des travaux sur les traductions et les traducteurs du début de l’imprimerie sont essentiellement tournés vers le xvie siècle et peu sur le xve. Da façon assez caractéristique, l’Histoire de l’édition française traite l’incunable avec le livre médiéval, ce qui met en valeur les innovations de l’imprimé, alors que l’époque moderne correspond à une seconde partie distincte qui aborde le rôle de l’humanisme et des milieux intellectuels.
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[7]
Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg, Paris, Belin, 2006, pp. 223-228.
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[8]
Sur les débuts de l’imprimerie en Europe et plus spécifiquement à Lyon, les ouvrages de référence restent celui de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1958, ainsi que celui, plus récent, de Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg, Paris, Belin, 2007.
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[9]
La bibliographie sur la traduction de Jean de Vignay de La Légende dorée est particulièrement abondante. On peut se rapporter à celle que rassemble le site : <https://www.arlima.net/il/jean_de_vignay.html#leg> (consulté le 15 avril 2017).
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[10]
Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), « Le livre conquérant, du Moyen âge au milieu du xviie siècle », Histoire de l’édition française, Paris, Promodis, 1982, tome 1, pp. 178-179. Au vu de l’évolution de la fin du siècle, la présentation de Lyon comme « capitale du livre en français » (ibid., p. 181) n’est pas parfaitement justifiée.
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[11]
Frédéric Barbier l’avait déjà remarqué et avait calculé que la production de la production française en français au xve siècle était de 27 % (Frédéric Barbier, « L’invention de l’imprimerie et l’économie des langues », Histoire et civilisation du livre, 2008, p. 31).
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[12]
Ces chiffres sont issus de sondages sur les données de l’Incunabula Short Title Catalog (ISTC). En ligne : <http://data.cerl.org/istc/_search>.
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[13]
Ces traductions sont néanmoins plus nombreuses en Europe que les traductions du latin vers les langues vernaculaires (Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg, Paris, Belin, 2007, pp. 224-225).
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[14]
Nous avons rassemblé ces éditions d’après l’ISTC, le Gesamtkatalog der Wiegendrucke et l’Universal Short Title Catalog (USTC).
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[15]
On pense bien évidemment au Repertorium Bibliographicum de Ludwig Hain, publié en 1826-38 et complété par le Supplement to Hain’s Repertorium bibliographicum de Copinger en 1898-1902. Le xxe siècle est marqué par le gigantesque travail, commencé en 1925 et toujours en cours, du Gesamtkatalog der Wiegendrucke, et par celui de l’ISTC.
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[16]
Cet ouvrage, très peu étudié par rapport aux autres titres cités, est le récit d’un procès intenté par Bélial, un démon, à Jésus Christ pour contester le salut des âmes que ce dernier arrache à l’Enfer. Il s’agit d’un ouvrage religieux permettant d’expliquer les raisons du Salut dans un cadre juridique. Le texte connaît une courte popularité au xve-xvie siècle avant d’être mis à l’Index en 1559 pour sa « bizarrerie ».
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[17]
La notion de sciences est évidemment anachronique pour l’époque. Nous y incluons ce qui correspond à la physique au sens médiéval du terme, c’est-à-dire l’étude de la Création, ici le cosmos avec les encyclopédies, les astres avec l’astrologie et le corps humain avec la médecine. Dans la pensée médiévale, l’astrologie est liée à la médecine dans la mesure où les astres auraient une influence sur le corps et ses humeurs.
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[18]
La classification Furet-Roche a été créée pour ordonner les bibliothèques des xviie et xviiie siècles en reprenant des cadres existants à l’époque. Elle divise l’ensemble des livres en cinq principales catégories : théologie et religion, droit et jurisprudence, histoire, sciences et arts, et enfin belles-lettres. Nous avons quelque peu modifié les sous-catégories pour y faire entrer de façon simple les titres du corpus. Il est évident que ce classement est tout à fait anachronique pour le xve siècle, mais il permet de trier les données.
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[19]
Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), « Le livre conquérant, du Moyen âge au milieu du xviie siècle », Histoire de l’édition française, Paris, Promodis, 1982, tome 1, p. 187.
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[20]
Jean-Charles Brunet (Manuel du libraire et de l'amateur de livres, supplément I, col. 710) signale une édition sans lieu ni date des Institutions en français, qu’il attribue à Lyon vers 1490, mais aucun exemplaire n’est connu.
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[21]
Noël Coulet, « Bibliothèques aixoises du xve siècle (1433-1448) », Cahiers de Fanjeaux, « Livres et Bibliothèques (xiiie-xve siècles) », n° 31, Toulouse, Privat, 1996. On en trouve également quelques-uns dans l’ouvrage d’Albert Labarre, Le livre dans la vie amiénoise. L’enseignement des inventaires après décès, 1503-1576, Paris/Louvain, Nauwelaerts, 1971.
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[22]
La division du travail littéraire entre les différents acteurs a surtout été étudiée pour l’époque moderne. Pour le xvie-xviie siècle, on peut consulter l’ouvrage récent de Martine Furno et Raphaële Mouren, Auteur, traducteur, collaborateur, imprimeur… qui écrit?, Paris, Garnier, 2013.
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[23]
Cette correction de la traduction a été étudiée par Brenda Dunn-Lardeau, « La contribution de J. Batallier à la traduction française de Jean de Vignay de la Legenda aurea », Legenda aurea : sept siècles de diffusion, Montréal, Bellarmin; Paris, Vrin, 1986, pp. 183-196.
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[24]
Sylvie Lefèvre, « Julien Macho », dans Geneviève Hasenohr et Michel Zink (dir.), Dictionnaire des lettres françaises : le Moyen Âge, Paris, Fayard, 1992, pp. 874-875. Une thèse a également été soutenue sur le travail de traduction de ce personnage : Charles Laneville, Julien Macho et sa contribution à la vie culturelle de Lyon, thèse de doctorat, Université de Montréal, 2011.
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[25]
En faisant appel en 1473 à Guillaume Le Roy, un imprimeur liégeois, Barthélémy Buyer, riche bourgeois lyonnais, installe l’imprimerie à Lyon. Il finance plusieurs ateliers avant de se retirer des affaires lorsqu’il est élu échevin en 1483, et meurt peu après. Sur Barthélémy Buyer et les ateliers qu’il patronne, on peut se référer à Anatole Claudin, Histoire de l’imprimerie en France, Paris, imprimerie nationale, 1904, tome 3, pp. 1-28.
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[26]
Charles Laneville, Julien Macho et sa contribution à la vie culturelle de Lyon, thèse de doctorat, Université de Montréal, 2011, p. 54.
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[27]
On ne lui connaît qu’une seule oeuvre, La confession et la sentence des usuriers, qui a une unique édition à Lyon chez Mathias Huss vers 1485.
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[28]
Il serait intéressant de comparer les deux versions pour mesurer l’apport de Guillaume Lemenand à la correction de Julien Macho.
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[29]
Sa traduction sera remplacée après 1503 par celle du médecin bien plus connu Symphorien Champier.
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[30]
Les travaux actuels portent plutôt sur le passage au français des connaissances médicales, qui ne connaît un véritable essor qu’à partir de 1530, dans un cadre alors humaniste (Andrea Carlino et Michel Jeanneret (dir.), Vulgariser la médecine, Droz, Genève, 2009).
Bibliographie
- Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg, Paris, Belin, 2006.
- Frédéric Barbier, « L’invention de l’imprimerie et l’économie des langues », Histoire et civilisation du livre, 2008.
- Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), « Le livre conquérant, du Moyen âge au milieu du xviie siècle », Histoire de l’édition française, Paris, Promodis, 1982, tome 1.
- Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1958.
- Martine Furno et Raphaële Mouren (dir.), Auteur, traducteur, collaborateur, imprimeur… qui écrit?, Paris, Garnier, 2013.
- Ezio Ornato (dir.), La face cachée du livre médiéval, Rome, Viella, 1997.