Résumés
Résumé
L’étude du genre du commentaire est tout à fait opérante dans le cadre d’une réflexion mêlant édition et histoire textuelle, puisque tout commentaire engage la représentation conjointe de deux discours différents. Le commentaire de Philargyrius aux Bucoliques de Virgile, sous la forme des Explanationes, s’inscrit ainsi dans cette démarche. Le commentaire, proposé en deux versions de longueur inégale, est présenté sous forme de scholies continues, dotées de lemmes. Or, cette mise en page n’est sans doute pas la seule connue pour ce texte. Ces aspects formels du commentaire pourraient n’être que secondaires, et finalement sans importance, s’ils n’influençaient le texte qui nous est donné à lire aujourd’hui. Mais précisément, au-delà de l’étude des variations de mise en page, le lecteur moderne se trouve confronté à des problématiques éditoriales liées à la réception, la lecture et la pratique pédagogique du commentaire à différentes époques.
Abstract
The study of the genre of the commentary is completely relevant in the context of a study, intermixing editing and textual history, since any commentary involves the representation of two different speeches. The commentary to Philargyrius’ Eclogues of Virgil, in the form of Explanationes corresponds to this issue. Indeed, the commentary is transmitted into two versions of unequal length and presented through continuous scholia with lemmas. Nevertheless, this layout is probably not the only-one-known for this text. These formal aspects of the commentary could not be secondary, and ultimately unimportant if they would not influence at all the text that we can read today. Because beyond the variations of layout, the modern reader is faced with editorial issues related to the reception, reading and teaching practice of the commentary, at different times.
Corps de l’article
L’histoire d’un texte n’est jamais coupée de celle de son ou de ses supports. Comme le rappelle Louis Holtz :
L’écriture a de loin précédé le livre, mais cet objet est depuis si longtemps familier aux peuples du bassin méditerranéen et de l’Europe qu’il s’identifie presque à leur culture. Il est même l’objet culturel par excellence, porteur de la mémoire de l’humanité, lien entre les civilisations, dont il véhicule toutes les formes de pensée, les codes et les rêves[1].
Cette remarque souligne le lien prégnant entre mémoire, livre et forme selon une dynamique diachronique. Dans cette perspective, le livre et sa forme sont soumis à des évolutions et mutations profondes, dont la plus importante demeure celle du codex. Dès le ier siècle, le rouleau[2] (uolumen) cède progressivement la place à de nouvelles techniques de fabrication[3]. Ces évolutions ont entraîné des remaniements éditoriaux importants dans les copies manuscrites, qui modifièrent les pratiques de lecture. Les avantages sont notés dès l’Antiquité, Martial fournissant le premier témoignage dont nous disposons. Celui-ci vante les mérites du codex, qui, allié au parchemin, remporte la palme de la solidité, de la maniabilité et surtout de la rentabilité : un seul codex peut contenir l’intégralité de l’oeuvre virgilienne ou encore celle des Métamorphoses ovidiennes[4]. L’avènement du codex constitue un phénomène sans précédent[5]. Or, cette innovation en appelle d’autres, initiées par le christianisme et les besoins de l’enseignement. La diffusion de la religion du Livre, soutenue par l’apprentissage de la langue latine et l’étude des auteurs classiques, est à l’initiative de constantes améliorations de la mise en page manuscrite. L’expression « mise en page », désignant une pratique d’imprimeurs, est alors opérante dans le cadre de la production manuscrite. Elle renvoie à ce que Jacques Monfrin appelle un « travail préparatoire à la communication écrite[6] ». Le dispositif de la mise en page devient un enjeu majeur de l’enseignement, puisqu’il implique des phénomènes mémoriels et témoigne des intérêts pédagogiques. Des variations et évolutions apparaissent dans les copies, passant d’une scriptio continua à des copies par blocs de mots, voire à des transcriptions avec séparation de tous les termes[7]. Ce changement permet d’alléger le travail du lecteur pour qui le latin n’est pas inné, puisqu’il ne nécessite plus qu’une seule opération cognitive. Le traitement de la mise en page revêt encore de nombreux aspects, influant sur les conditions de lecture, que nous ne pouvons développer ici[8]. L’étude de cas que nous proposons de mener sur le commentaire antique du grammairien Philargyrius est centrée sur la variation de la mise en page des éléments textuels, dans le cadre d’une pratique d’enseignement. Le traitement de cette question est particulièrement pertinent pour le commentaire antique et se justifie, en premier lieu, par l’abondance des documents dont nous avons hérité[9].
Du reste, il convient de définir le genre du commentaire, qui, répondant souvent à des objectifs littéraires et grammaticaux[10], nécessite un dispositif textuel complexe. L’essence du commentaire consiste en la relation de subordination qu’il entretient avec un texte qu’il commente. Dans le cas de Philargyrius, le commentaire est subordonné aux Bucoliques de Virgile. Or, cette définition suppose une mise en page particulière et une réflexion préalable sur le support et son architecture, puisqu’il faut que, d’un seul coup d’oeil, un lecteur embrasse conjointement un double discours, en interaction permanente. L’équilibre du dispositif est un point crucial, car il est garant du sens du commentaire. Il s’agit en effet de représenter une entité discursive double, disposant de caractéristiques propres : module d’écriture, encre et même langue[11], justifiant l’usage d’une formule plurielle pour l’histoire textuelle. Des réflexions sur la mise en page ont été menées très tôt dans l’Antiquité, dès l’époque hellénistique, où fleurissent différents types de mise en page, relatifs à deux modalités : les copies marginale et continue. De nombreux manuscrits sont dotés de scholies marginales, encadrant le texte commenté et constituant le premier type, également dit « scholiographique ». Or, cette mise en page, aussi fréquente soit-elle, pose des difficultés de lecture, comme le remarque Burger Munk Olsen au sujet de manuscrits virgiliens :
Presque tous les manuscrits sont abondamment glosés, et un bon nombre sont pourvus de Vitae et de différentes notes explicatives […]. En général, les gloses sont tirées de Servius, parfois en partie du Servius auctus, ou correspondent plus ou moins pour les Bucoliques et les Géorgiques, aux Scholia Bernensia […] et dans quatre manuscrits de Virgile ils [les commentaires continus de Servius] ont été transcrits intégralement dans les marges, malgré les difficultés qu’il y avait à faire coïncider les explications de Servius avec les passages correspondants du texte[12].
Malgré les dispositions prises par les copistes du commentaire, la mise en page souffre d’un manque d’espace marginal, dont les conséquences sont dommageables pour le commentaire, comme nous le verrons dans le cas de Philargyrius[13]. L’articulation des deux discours, dont on a souligné les problèmes de décalage, peut être tant bien que mal assurée par trois stratagèmes. Le premier consiste en la juxtaposition de la scholie au texte commenté. Seule la proximité de la scholie suggère une correspondance avec le passage concerné du texte commenté. L’illustration suivante confirme l’absence de lien explicite :
Un deuxième système consiste à utiliser des signes de renvoi, dont l’aspect évolue au gré de l’invention des copistes[14], mettant à mal une lecture conventionnelle. Ces deux premiers systèmes sont fragiles, car ils ne fixent le commentaire que de manière ténue. Le lien entre les deux discours étant très lâche, le commentaire n’est pas univoque. Le lecteur ne peut pas déterminer avec certitude la portion de texte commenté par le morceau de scholie. Un troisième système articulatoire résout en partie ces hésitations, en dotant les scholies d’extraits du texte commenté, les lemmes. Ce système efficace résulte d’un dispositif hybride, issu de facteurs de transmission. L’application de lemmes relève des hypomnemata, qui étymologiquement[15] traduisent leur statut secondaire par rapport au texte commenté. Ces hypomnemata ou commentaires accompagnés de lemmes peuvent être présentés selon les deux modalités évoquées précédemment : mis bout à bout, ils forment un commentaire unique; c’est le cas des Explanationes de Philargyrius. Ou alors, disposés dans les marges d’un texte de référence, ils résultent de notes de lecture et d’extraits choisis[16]. Ce processus de refonte successive met à mal l’idée d’un texte et d’une mise en page authentiques, puisque si l’on parvient à reconstituer une mise en page marginale, rien n’empêche de penser qu’elle est elle-même héritée d’un commentaire lemmatisé, et ainsi de suite en amont[17]. Cette situation, aussi complexe soit-elle, ne constitue pas un cas éditorial désespéré, mais nécessite d’adapter notre regard à ces textes, en prenant en compte leur histoire et l’évolution de leurs formes. Revenons aux systèmes articulatoires : il faut noter le grand avantage du commentaire lemmatisé dans une mise en page continue. Il bénéficie d’une plus grande autonomie et clarté, même si son statut demeure tout de même secondaire. Le commentaire dispose de plus d’espace, tandis que le relevé des scholies est stabilisé par l’affectation d’un lemme. Cette forme est la plus anciennement connue du commentaire de Philargyrius, celle des Explanationes, n’étant pas indubitablement la mise en forme originelle. S’il existe, pour un même commentaire, différentes mises en page, celles-ci, loin d’être aléatoires, sont avant tout des choix motivés. La réflexion préalable du copiste procédant à la mise en place de la réglure consiste à envisager à la fois la représentation des textes, en prenant en compte les limites du support, mais aussi les modalités de la lecture et son usage. La mise en page est inhérente à la notion de choix, puisqu’elle est amenée à subir des modifications ancrées dans le texte et son histoire. La forme lemmatisée du commentaire de Philargyrius relève, au moment de sa production – qui doit être distinguée du moment de l’écriture du commentaire antique – d’une problématique de la représentation, qui joue un rôle essentiel dans la transmission du texte. En procédant à une observation minutieuse, nous pourrons mesurer, à travers une coupe synchronique des Explanationes lemmatisées, les interactions antérieures du support et ses conséquences sur le texte actuel. Ce bref aperçu du commentaire nous permettra également de mener une réflexion de fond sur le statut du copiste et son rapport à l’auctorialité, à l’édition et à la réception.
La dynamique éditoriale de la production manuscrite
L’exemple du commentaire de Philargyrius pose de nombreux problèmes à l’éditeur moderne, puisque la tradition manuscrite rend compte de l’oeuvre du grammairien sous différentes formes. Le commentaire se présente de manière fragmentaire, disséminé à la fois dans les marges de manuscrits virgiliens et orosiens, dans le débat des compilations de Berne, mais aussi dans la forme lemmatisée des Explanationes. Dès lors, on constate une variété formelle, correspondant aux formes marginale et lemmatisée. Chacune d’elles répond à des besoins spécifiques, liés à l’enseignement et au milieu culturel d’une époque. Elles constituent également des branches de la tradition du commentaire antique. L’étude de cas sera centrée sur la branche des Explanationes, fournissant le plus de matière pour le commentaire. Cette tradition est transmise par trois manuscrits : Paris, BnF, lat. 11308, intitulé P; Paris, BnF, lat. 7960, intitulé N et Florence, Bibl. Laurenziana, lat. XLV, 14, intitulé L. Ces trois témoins manuscrits présentent le commentaire des Explanationes dans une forme assez inédite, puisqu’ils proposent deux versions du commentaire[18], de longueur différente, intitulées A pour la version la plus longue et B pour la plus courte[19]. Bien loin de proposer des copies rigoureusement identiques, ils n’adoptent pas le même ordre. Alors que les manuscrits N et L reproduisent d’abord la version longue[20] puis copient la courte, le témoin P présente l’ordre inverse. Il dispose d’abord la version la plus courte, qui reçoit dans les marges et interlignes une série de corrections majoritairement latines mais aussi des notes tironiennes[21], tandis que la distinction des Bucoliques est réalisée par une main postérieure, comme le montre l’échantillon ci-dessous :
Cette disposition contraste fortement avec la version longue, qui présente une série de majuscules pour signaler une nouvelle Bucolique, ainsi que des interlignes et marges dégagées de toutes marques de correction. L’ordre des deux recensions pourrait correspondre à un parcours pédagogique progressif, partant d’une forme du commentaire moins élaborée que la suivante. La coloration pédagogique est d’ailleurs fortement ancrée dans le manuscrit, rare témoin à disposer de la lettre de Donat à Munatius, pièce importante de la tradition philologique du commentaire virgilien. Cet ensemble figurant un corpus de textes[22], ou plutôt un manuel scolaire, propose un dossier pédagogique dans le domaine de l’heuristique virgilienne. D’autres indices codicologiques et paléographiques, que nous ne détaillerons pas, confirment cette hypothèse. La production manuscrite n’est pas un acte itératif, soumis à des aléas externes, tributaires de l’inattention du copiste, mais un renouvellement de formes intrinsèquement lié au contexte de production et au besoin des copistes. L’exemple des Explanationes de Philargyrius montre combien les témoins disposent d’une grande souplesse dans l’édition des textes[23]. Ainsi, même si les copistes reproduisent des textes apparemment fixés, l’agencement de la copie leur revient pleinement. Ils disposent de leurs modèles, dont ils représentent le contenu discursif, comme d’un support de création, justifiant l’expression « témoin manuscrit ». Le copiste ne réalise pas un ouvrage strictement identique à un modèle, mais produit un ou plusieurs discours dans une actualisation formelle. Cela implique que le travail de copie déborde le seul cadre de la production sérielle. Les trois témoins des Explanationes ne sont ni de « pâles copies », ni des reproductions fidèles, mais plutôt des témoins, des regards sur le texte, qu’ils actualisent dans des formes adaptées au lecteur. Cette perspective oblige nécessairement à redéfinir les termes appliqués à la production manuscrite, comme le souligne Adolfo Tura :
Tout manuscrit est, durant sa confection, l’espace ambiant de nombreux choix de la part du copiste ou de celui qui, en lui confiant la transcription, lui en prescrit les modalités. De ces choix relève la répartition en divers rangs des textes qu’on décide de juxtaposer. […] chacun [chaque manuscrit] est la source d’une nouvelle organisation, de sorte qu’on peut dire que cette organisation est, pour tout manuscrit, entièrement endogène[24].
Chaque manuscrit plonge le texte dans une nouvelle expérience formelle, qui invite à se pencher sur l’histoire du texte et sa transmission. Concernant le commentaire de Philargyrius, cette remarque est absolument essentielle, car chaque manuscrit réactive la notion d’édition, conférant au copiste le statut d’auteur[25].
Le manuscrit, milieu de production d’un texte
Ces considérations ont permis de valider une terminologie éditoriale dans le domaine de la production manuscrite. Un manuscrit en tant qu’entité unique est un maillon de la chaîne éditoriale du texte. Le cas des Explanationes nous permet de pousser plus loin le raisonnement. En effet, les trois témoins présentent deux versions lemmatisées, composées antérieurement, et qui ont été, à un moment donné de la transmission du commentaire, des éditions. Cette remarque suppose que les deux versions descendent d’une source commune, ce que confirment l’étude de Joan Jeanette Brewer[26], ou encore la mise en page de l’édition de Thilo Hagen[27]. Les deux versions relèvent tantôt les mêmes scholies, tantôt des variantes dans les modalités d’expression, ou encore des scholies inédites, constituant un argument majeur pour l’hypothèse d’une source commune. Les auteurs-copistes ont disposé du commentaire à leur gré, en proposant des versions remaniées de leur source ou modèle, mais ce dernier terme n’est finalement guère approprié[28]. Toutefois, il existe des différences assez singulières entre ces deux versions[29], qui furent favorisées par une mise en page antérieure non contraignante. La source des deux versions a certainement dû disposer du commentaire dans une mise en page différente, probablement marginale, s’opposant radicalement à la mise en page des Explanationes héritées dans les manuscrits. Le nombre assez peu élevé d’indices nous invite à adopter une méthode minutieuse, reposant sur l’observation des caractéristiques des deux versions. Chacune propose des scholies identiques, respectant le déroulement des vers virgiliens. Paradoxalement, ce ne sont pas ces passages, mais les irrégularités et la fragmentation de scholies[30] sur un même lemme, qui constituent une base de travail riche et complexe. La comparaison des deux versions sur ces zones dévoile le reflet fébrile de la source commune et de sa mise en page. Nous prendrons comme support illustratif un exemple du commentaire de la Bucolique 6, extrait des scholies 68 à 78 et présenté en Annexe 1.
Même si nous avons fourni une traduction des scholies, l’extrait présente plusieurs zones d’ombre. La traduction est difficile, notamment pour les termes vieil-irlandais : liubserb (68 A), herena (68 A et B), darchac (A), melen (75 A). D’autre part, le relevé des scholies est perturbé dans les deux versions : A présente au moins trois fois le lemme 74 et deux fois une scholie sur ce même lemme, ainsi que deux scholies sur le lemme 76. La version B présente quant à elle un retour sur le lemme 70 et une série 70-72 à la suite de la scholie 74. Ces perturbations ne peuvent pas s’expliquer par une inattention du copiste et encore moins par un problème de cahiers, étant donné leur fréquence. Cette situation handicape la cohérence du commentaire, mais une solution peut être envisagée, si l’on garde à l’esprit l’implication éditoriale du copiste, qu’illustre le relevé des scholies 68 et 70 dans les deux versions. A et B disposent de quatre termes communs : idest herena olus est pour commenter apio (l’ache). La version A présente un surplus de scholie : liubserb […] iuxta aquam haec sunt amariora qui peut avoir été ajouté par le rédacteur de A ou retranché par le rédacteur de B, illustrant le choix du copiste, qui compose à partir de sa source. La scholie 70 confirme ce principe. Alors que A relève une glose sur le pronom relatif quos en rétablissant le verbe de la subordonnée : dederant, B ajoute le complément d’objet calamos et modifie le temps du verbe en dederunt. De même, la fin de la scholie en A et B sur Hésiode pose plus concrètement la question du support. Les cas sont différents, puisque A relève le nominatif Hesiodus et B le datif Hesiodo. Ces variantes ne sont pas des mélectures des témoins, puisqu’ils sont unanimes. De plus, le choix des cas correspond au lemme relevé, qui est différent chez A et B. A assigne la scholie Hesiodus au nominatif ille, en fin de vers, tandis que B relève le datif seni au milieu du vers pour la scholie Hesiodo. Deux hypothèses peuvent être suggérées : la première relève encore une fois du choix des copistes, ce qui suppose que le commentaire répétait à peu d’intervalle la même scholie. Cette répétition paraît étrange, mais néanmoins possible. Une seconde hypothèse, plus séduisante, prend en compte à la fois le choix des copistes mais aussi le support. L’affectation libre d’une scholie à un lemme – dans le cas présent idest Hesiod(us/o) est assigné à ille ou seni – pourrait indiquer que la source des recensions ne comportait pas de lemmes prédéterminés. Ce sont les rédacteurs des versions qui les composent. La source des deux versions disposait d’une mise en page avec scholies marginales, majoritairement non lemmatisées, orchestrées autour du poème virgilien. Cette hypothèse permet d’éclairer le sens de la scholie 70, qui, à contenu identique dans les deux versions, n’est pas relevée pour le même lemme. La recension A note Ascraeo seni, commenté par la scholie, tandis que B ne propose que ante, qui joue certainement le rôle de point de repère, représentant le vers entier, car la suite de la scholie porte bien sur la mention de seni. Ces fluctuations dans les lemmes indiquent que les scholies n’étaient pas clairement reliées au texte, puisqu’elles ne sont finalement pas intégrées dans une structure linéaire. L’articulation relève du premier type cité précédemment.
Le copiste comme compositeur
Afin de cerner complètement les enjeux, il faut préciser le phénomène de la fragmentation des scholies. Un exemple majeur se situe au niveau de la scholie 74. Le vers virgilien présente la figure de Scylla, référence à deux personnages distincts de la mythologie. Le poète s’amuse à les confondre, ce qui complique la tâche des commentateurs et des lecteurs. La difficulté est perceptible dans le relevé hésitant de la recension A. Le rédacteur note le lemme aut Scyllam, sans faire suivre de scholie. Il la laisse de côté, avant de procéder à un second relevé sur le vers 74, portant un lemme plus long. La scholie dispose alors d’une citation de l’Énéide, afin d’illustrer le sens inhabituel de fama. Deux remarques découlent de cette observation. Tout d’abord, cette scholie n’est pas isolée, mais constitue une série continue avec les scholies suivantes 75, 76, 77, suggérant qu’elles devaient former un tout visuellement[31]. D’autre part, la scholie se concentre sur un point bien précis, la fama et son illustration par une citation, qui se distingue nettement du commentaire mythologique sur Scylla. Le commentaire du vers 74 se répartissait certainement en plusieurs scholies, orchestrées selon leur contenu autour des Bucoliques. Cet émiettement des éléments sur la page pose une question d’ordre pratique : Quel sens de lecture et quelle logique adopter? Le schéma hypothétique[32] réalisé[33] permet de mesurer la difficulté des rédacteurs. Dans la version A, le rédacteur propose une dernière scholie pour le vers 74, qu’il avait laissée jusqu’à présent. Cette scholie tente de synthétiser les notices mythologiques sur les personnages homonymes de Scylla. Les scholies devaient se trouver dans des zones différentes, ce qui laisse supposer que la dimension littéraire du passage n’est pas prise en compte. Or, non seulement le rédacteur de A entreprend de normaliser le commentaire, mais il souhaite respecter l’écriture virgilienne. La scholie qu’il propose épouse le sens poétique, issu de la fusion des deux personnages. Deux parties se distinguent nettement dans la scholie. La première partie, allant de idest Nisus à in nauem regiam est consacrée à Nisus et sa fille Scylla, auteure d’un crime commis par amour pour Minos. Cette Scylla, changée en oiseau, in auem, n’est pas accueillie dans le navire royal, in nauem, car elle se jette dans la mer d’où elle ressort métamorphosée en rocher. C’est à la faveur de ce jeu phonique[34] que le rédacteur de A parvient à retranscrire la scholie. La fin de la scholie correspond au second personnage de Scylla, rencontrant les compagnons d’Ulysse. Le troisième lemme : uel Scyllam renforce cette idée d’alternative. Le coordonnant uel (ou bien) est déterminant et ne remplace pas aut (ou bien) du vers virgilien, comme le suggère l’édition Thilo-Hagen, car la démarche du rédacteur de A est la suivante. En revenant sur nos pas, on constate que le rédacteur de A laisse de côté la scholie sur la fille de Nisus, préférant relever dans un premier temps des unités cohérentes : scholies 75, 76 et 77, même si elles ne suivent pas tout à fait l’ordre des vers virgiliens. Puis, il compose un duo assemblant la scholie sur la Scylla d’Ulysse et celle, en amont, de la Scylla de Nisus. La portion idest Nisus […] in nauem regiam a pu être déplacée et réinjectée dans la scholie proposant une alternative introduite par uel à l’identification de Scyllam[35]. Cette alternative est celle du personnage de l’Odyssée : mutata est in monstrum etc. La version B propose quant à elle une scholie beaucoup plus claire, car elle reste plus neutre du point de vue du texte. Elle dissocie nettement les deux personnages, signalant dès le début de la scholie : Virgilius duas Scyllas dicit esse, unam Nisi filiam, alteram Phorci. Cette différence de traitement de la scholie suggère qu’elle intervient au moment de la rédaction de la version, ou bien que les éléments étaient déjà présents dans la source. Un indice assez troublant joue en faveur de la première hypothèse, puisqu’on relève des similitudes importantes avec le contenu de la scholie servienne. Cette dernière dissocie parfaitement les deux personnages : Scyllae duae fuerunt, una Phorci et Creteidos nymphae filia, uirgo pulcherrima[36]. Cependant, ce rapprochement pose la question de l’authenticité, ou du moins, s’il en est, de la source d’inspiration. On ne peut pas déterminer avec certitude si le rédacteur de B recomposa une scholie à la lumière du commentaire servien, d’autant que les deux personnages sont traités dans l’ordre inverse. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les rédacteurs des versions ont disposé de leur source pour l’améliorer en fonction de leurs besoins. A adapte la scholie au contexte virgilien en superposant les deux figures, suggérant un traitement inédit de la scholie par le copiste. Les scholies indépendantes sont unies par le regard du rédacteur de A, tandis que celui de B dissocie les deux figures. La source commune peut alors être qualifiée d’oeuvre ouverte, autorisant pour les lecteurs et rédacteurs successifs des parcours de lecture différents. Elle porte vraisemblablement le commentaire antique sous forme de scholies marginales, ce qui confirme le statut d’auteur pour les copistes, qui modifient les termes du discours et se l’approprient. Les rédacteurs, également lecteurs du commentaire, se font commentateurs et nouveaux auteurs, dès qu’ils créent une nouvelle mise en page, une nouvelle forme du commentaire, impliquant la création de lemmes. Ils stabilisent alors un état du texte.
Impact des dispositifs dans la transmission et la lecture
La pérennité du commentaire dépend des stratégies de mise en page antérieures, qui assurent ou non la facilité des modalités de lecture. À l’état de scholies marginales, le commentaire implique une lecture aléatoire, non dirigée, plus difficile à prendre en main pour un lecteur débutant. Le commentaire sous une forme aussi éclatée fournit des alternatives disséminées dans les marges et les interlignes. À cet égard, la problématique des espaces interlinéaires soulève d’intéressants questionnements sur les limites du commentaire, du texte et de la place de l’auteur. L’interligne est un espace particulier dans la mise en page du commentaire, recevant souvent un type de scholies spécifiques, clandestines, car elles ne font assurément pas partie de la réglure initiale[37]. Elles trahissent l’intérêt d’un lecteur, spécialiste ou non, ayant à coeur de clarifier le sens du texte. Ces scholies brèves et inscrites dans un module d’écriture plus réduit fournissent une exégèse rapide au poème. Elles glosent le texte de façon littérale, en proposant une unité linguistique équivalente. On comprend pourquoi elles sont aussi fréquentes bien qu’elles surchargent la page manuscrite. Le dispositif interlinéaire de la source est perceptible dans les Explanationes de Philargyrius, à travers le relevé de scholies courtes, dans la recension B au vers 69 : tibi idest Gallo. mvsae idest deae, traduction linéaire d’un dispositif interlinéaire sans lemme, qu’on peut hypothétiquement représenter comme suit[38]:
Cette hypothèse envisage la souplesse et la fragilité réelle de ces éléments, que les rédacteurs sont libres de représenter ou non[39]. D’autre part, rejoignant notre remarque précédente, ces gloses peuvent avoir été ajoutées lors d’une lecture postérieure. Leur paternité n’est pas assurée, et rien n’indique avec certitude qu’elles proviennent de la main de Philargyrius, de la source des deux versions[40], de l’auteur de la version B, ou bien d’un des témoins P, L ou N. Cette question se pose plus nettement au niveau des termes vieil-irlandais dans les scholies. Leur brièveté et la fonction qu’ils occupent invitent à penser qu’ils étaient disposés dans les interlignes. Mais, la transition linéaire a obscurci leur véritable fonction, en procédant à un phénomène de subduction. La scholie 75 de la version A fournit un exemple de ce type. ingvina idest nomen loci, in quo canes Scyllae latrabant uel melen, traduite de la façon suivante : « ingvina : nom de lieu, où les chiens de Scylla aboyaient ou bien melen. » Le terme vieil-irlandais melen est une mélecture de A[41] – les trois témoins fournissant la même leçon – pour le terme mell, signifiant « sphère, rondeur, protubérance », c’est-à-dire la traduction du latin ingvina (l’aine). La linéarité de la phrase ne met pas en évidence le lien linguistique du lemme et du vieil-irlandais. On a l’impression que mell est une alternative résumant ce qui précède, mais il faut déplier la scholie[42], comme le suggère le prototype élaboré. Le schéma ne peut être qu’hypothétique, puisqu’il est difficile de déterminer la place du segment idest nomen loci in quo canes Scyllae latrabant. Il existe entre cette glose et le terme melen/mell une différence de longueur mais aussi de statut. Le terme vieil-irlandais est une traduction terme à terme du mot virgilien, tandis que le groupe propose une explication détaillée, renvoyant à un triple point de vue : grammatical : nomen loci; géographique : in quo; mythologique : Scyllae latrabant. Il n’est pas surprenant que cette différence fonctionnelle en détermine la place, d’autant que l’équivalent linguistique nécessite une grande proximité avec le terme qu’il traduit.
De la même manière, la scholie du lemme 68 se clarifie. Le terme herena, présent dans les deux cas, est difficile à traduire dans une disposition linéaire. Ce terme vieil-irlandais est absent de l’édition des gloses vieil-irlandaises de Pierre-Yves Lambert[43]. La difficulté sémantique est doublée d’un problème paléographique, mais, avant tout, il faut comprendre l’ensemble du dispositif. La scholie du lemme 68 porte dans les deux versions sur l’identification de la plante apium (l’ache). La version A propose une périphrase explicative, en associant la plante à un terme générique olus (le légume). Le terme pourrait également être choisi en raison de sa référence virgilienne, dans les Géorgiques[44]. De plus, la scholie fournit l’occasion d’un apprentissage, même succinct, dans le domaine botanique. Au contraire, le rédacteur de B ne retient que l’application générique de la scholie, livrant un sens direct, sans détail, mais suffisant pour la lecture des Bucoliques. Voici les traductions suivantes possibles : « apio : les légumes et l’ache poussant près de l’eau sont très amers. (A) / apio : c’est un légume. (B) » Ces scholies latines répondent pour chaque version à des besoins et des conceptions différentes du commentaire, ce que traduit également la sélection des gloses vieil-irlandaises. La source disposait d’une glose assez complète, proposant non pas une traduction directe mais plutôt une périphrase, complétant le sens du commentaire. Le vieil-irlandais liubserb est constitué de deux termes liub et sreb[45], signifiant respectivement « plante » et « rivière » ou « cours d’eau ». Le premier terme fournit donc un générique, répondant au latin olus. Le terme sreb, dont il existe une variante en srebh, fournit une indication sur le milieu naturel de la plante, mais il manque de précision. La plante identifiée comme apium inundatum, ache inondée, pousse dans des eaux stagnantes et peu profondes. Le terme herena est l’élément manquant de la périphrase, puisqu’il s’agit d’une mélecture des copistes continentaux du terme fertas, signifiant « rivage, bord ». La glose vieil-irlandaise complète la scholie latine et semble traduire l’expression iuxta aquam « près de l’eau », en indiquant que l’apium pousse aux bords des rivières. La glose interlinéaire surplombe visuellement la scholie latine, et ce, dans un sens très concret. Le groupe vieil-irlandais formait un ensemble surmontant le début de la scholie olus apiumque iuxta aquam, ce qui explique pourquoi le relevé des deux versions dispose le vieil-irlandais avant le reste de la scholie latine[46]. Par ailleurs, le rédacteur de B ne retient qu’un seul terme vieil-irlandais, en l’occurrence ce terme herena, complétant le latin olus est. Le rédacteur allant à l’économie relève une précision essentielle, qui lui permet d’affiner quelque peu le générique olus. Le mélange de latin et de langue vernaculaire est assez singulier, mais la scholie reste compréhensible. L’apium est un légume qui pousse sur les rives, sous-entendant des rives de cours d’eau. Les deux autres termes luib et srebh ne sont donc plus indispensables et sont économisés par le rédacteur de B. Cette observation sous-entend par ailleurs que la version B procède à des remaniements de la source plus importants que la version A, ce qui reste cependant à démontrer à l’échelle des Explanationes. C’est pourquoi nous faisons apparaître dans le prototype de mise en page le texte de A, qui, s’il n’est pas exactement identique à la source, retient un plus grand nombre d’éléments. En définitive, les deux versions conservent les traces d’une architecture textuelle antérieure, celle de leur source commune. La forme ouverte de cette source laisse à la disposition des lecteurs et futurs rédacteurs le soin de procéder à des parcours de lecture adaptés en fonction de leurs besoins et compétences. Les rédacteurs ont été amenés à associer en un seul discours des matériaux qui prenaient place dans une mise en page marginale, ce qui explique pourquoi, de prime abord, de nombreux éléments du commentaire paraissent incongrus, voire illisibles pour le lecteur moderne. Particulièrement représentatif, cet échantillon du commentaire de Philargyrius témoigne de la difficulté pour les rédacteurs à respecter le déroulement logique des unités. Leur lecture est perturbée par l’éclatement des scholies sous forme de gloses interlinéaires ou marginales. Cependant, ce sont ces éléments discordants qui, invitant le lecteur moderne à se pencher sur un discours en apparence linéaire, signalent les reliefs d’une ligne complexe et riche de l’histoire du texte.
La voix interlinéaire du lecteur
Au terme de cette étude, l’exemple de la préface de la version B invite à prendre en considération les aspects matériels, mais non moins secondaires de la mise en page du commentaire. Cette version présente un accessus virgilien épuré, où affleurent soudainement des notes de type métatextuelles. Ces notes commentent la structure traditionnelle de l’accessus, sous la forme de gloses : titulus, causa, intentio, numerus, ordo, explanatio[47]. Les scholies encadrantes bénéficient de phrases syntaxiquement plus élaborées, ce qui permet de dire que les éléments isolés : titulus, causa, etc., devaient être présents dans la source sous forme de gloses interlinéaires ou marginales. Ces éléments proviennent certainement d’un ajout postérieur, qui n’est certainement pas issu du commentaire antique. Cette succession de gloses est à rapprocher du commentaire de Servius : In exponendis auctoribus haec consideranda sunt : poetae uita, titulus operis, qualitas carminis, scribentis intentio, numerus librorum, ordo librorum, explanatio[48]. La grande proximité du commentaire servien et des gloses laisse envisager qu’une main postérieure, ou du moins différente de la source commune des Explanationes, a ajouté ces gloses. Un lecteur aurait tiré parti de Servius, afin de compléter ou d’éclaircir la source de Philargyrius. Cette main remplit les interlignes ou les marges, dans un discours surplombant le commentaire de Philargyrius. Le rédacteur de B, trouvant ces gloses fort à propos, choisit de les glisser dans le fil continu du discours. Dans cette idée, le passage sur les trois styles se comprend d’autant mieux qu’il est directement relié à ce qui précède, c’est-à-dire la citation du texte commenté : Parthenope cecini pascua rura duces. Chacun des éléments représente l’une des trois oeuvres virgiliennes et appelle toutes sortes de trilogies, évoquant la rota Vergilii. Ces notes ont pu être disposées de manière secondaire autour du commentaire, formant deux couches textuelles distinctes, que la lemmatisation du commentaire tend à effacer. Or, ce point constitue l’enjeu éditorial des Explanationes, car adopter une lecture linéaire, coupée de l’histoire des formes du commentaire, conduirait immanquablement à se méprendre sur l’objet véritable du commentaire. Ce serait croire que Philargyrius fut irlandais ou chrétien, ou encore qu’il ne composa que de médiocres commentaires.
Ces exemples tirés du commentaire de Philargyrius illustrent l’importance de l’interaction du support et des variantes de celui-ci dans la transmission et la compréhension des textes. Pour cela, il faut insister sur l’influence de terminologies contraignantes, notamment au niveau du statut du copiste. Ce dernier souvent déconsidéré constitue un maillon indispensable de la transmission des textes, puisqu’il est le premier lecteur, l’autorité garante, et enfin l’auteur de la production d’un témoin inédit dans l’histoire du texte. Son rôle n’est pas simplement celui d’un bras mécanique, puisque lui est confiée la tâche difficile de représenter un regard sur le texte, et c’est en cela que se justifie l’appellation de « témoin manuscrit ». L’édition qu’il produit renouvelle les données de la mise en page et inscrit dans la composition de ces lignes la marque de sa lecture et son interprétation personnelle du texte. Dans le cadre de la pratique du commentaire, un changement de mise en page n’est pas anodin, car il modifie l’état du texte, qui, se renouvelant dans sa forme, se régénère également dans son contenu. Ainsi, l’extrait de Philargyrius dans ses deux versions trahit une mobilité, un changement dans l’architecture textuelle. Chacune des versions laisse percevoir, dans l’expression libre du discours qu’elle tient sur le commentaire, sa technique de composition ou de représentation. L’observation comparative des deux versions invite dans un premier temps à déplier la scholie, afin de mieux cerner les différents éléments qui la composent : gloses, scholies, interlinéaires, marginales orchestrées autour du texte virgilien, dont disposait la source commune des deux versions. Ces éléments extrêmement fragiles sont suffisamment souples pour recevoir différentes strates et couches textuelles de diverses origines : vieil-irlandaise, chrétienne[49], ou encore issues d’autres commentateurs comme Servius. Les deux versions donnent à lire des variations du commentaire, qui posent finalement la question de l’identité de l’auteur. Philargyrius n’est d’ailleurs pas le seul auteur dans ce cas : Donat, grammairien de grande renommée, subit un sort équivalent, peut-être même plus délicat. À ce sujet, le titre de l’article de Vivien Law semble tout à fait significatif : « When is Donatus not Donatus? Versions, Variants and New Texts[50]. » Les remaniements du texte sont si importants qu’il est impossible d’authentifier le commentaire du grammairien. Mais au final, est–il bien nécessaire de reconnaître avec certitude l’empreinte du grammairien, alors que nous ne possédons pas d’écrits autographes des auteurs anciens[51]? Il faut modifier l’appréhension des textes, notamment anciens, pour lesquels la réflexion sur le support et la mise en page influent nettement sur le contenu du texte et sur son rapport à l’auctorialité. Dès lors, leur lecture ne peut être comprise qu’au sein d’une démarche diachronique, associée à une étude du support, qui n’est pas limitée à l’enveloppe du texte, mais comprend la matérialisation du discours de celui-ci. Le commentaire de Philargyrius plonge le lecteur moderne dans des lignes tortueuses, révélant la densité d’une transmission multiple[52]. L’histoire du texte nécessite souvent un usage pluriel, car la réception, la lecture, l’appropriation d’un discours au sein d’une production manuscrite sont fortement dépendantes d’une histoire des formes, que Henri-Jean Martin souligne ainsi : « au total, le manuscrit apparaît plus encore que l’imprimé, comme un objet hautement symbolique, un ensemble où les formes jouent un rôle essentiel […][53] ».
Parties annexes
Annexes
Annexe 1
Recension I/ A |
Recension II/ B |
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68. apio idest liubserb herena. Olus apiumque iuxta aquam haec sunt amariora[1]. |
68. apio idest herena olus est[2]. |
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69. tibi idest Gallo. mvsae idest Deae[3]. |
70. qvos idest dederant. ascraeo seni idest notandum ibi ‘seni’ nam mortuus finem vivendi recepit vel quod ei vita sit redonata. ille idest Hesiodus[4]. |
70. qvos calamos dederunt. seni idest Hesiodo[5]. |
71. rigidas idest aut duras aut nimium rectas. dedvcere idest multa re permulcere rusticeos solebat. ornos idest ligna idest darchac[6]. |
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72. his idest calamis. grynei idest mons Colophoniae Apollini sacer vel Apollinis nemus[7]. |
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74. avt scyllam idest ...[8] |
74. qvid scyllam Virgilius duas Scyllas dicit esse, unam Nisi filiam, alteram Phorci. Nisus, Megarensium Siculorum rex, a Minoe, rege Cretensium, propter Androgei filii sui occisionem, quem Athenienses et Megarenses dolo circumventum occidissent, graviter oppugnabatur. Sed Scylla, Nisi filia, adamavit Minoem; patris scilicet sui hostem, et patri crinem fatalem purpureumque abscidit. Quo iam absciso pater periit. Itaque Scylla a Minoe non recepta; detestans malum, quod in patrem admisit; eam in mare iecit; et in avem, quae ciris dicitur; Latine vero tonsilla; versa est et pater eius Nisus in haliaetum conversus est; qui parricidii exsequens poenas cirim hostili mente persequitur. Scylla vero, Phorci et Cra-taeidis Nymphae filia; virgo pulcherrima a Glauco, Deo maris, adamata est, de qua Virgilius dicit in I libro Aeneidorum <v. 200. 201> : Vos Scyllaeam rabiem penitusque sonantis Accestis scopulos. Et a Circe, Solis filia, quae Glaucum amaverat, in beluas marinas transfigurata est fretumque Siculum obsedit, ubi praeternavigantes adficiebat. Eamque Neptunus percussam tridenti in scopulum mutavit. Glaucus enim Scyllam habere et tenere non potuit. Ideo rogavit Circen, Solis filiam, maleficiorum doctissimam, ut Scyllam suis maleficiis corrumperet et seduceret. Circe uero Glaucum amans, ne Scylla plus forte a Glauco amaretur † et illa, sciens fontem, in quo Scylla post venatum se abluere semper consueverat, quae Dianae comes erat, illa malefica veniens ad fontem inficit illum, in quem descendens Scylla pube tenus in beluam mutata est et rel. Neptunus vero sibi non placens, Scyllam virgineo vultu fallentem semper invadere naves, illam percussit (et) in scopulum convertit[9]. |
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70. ante idest (notandum) ibi ‘seni’, nam mortuus finem vivendi recepit vel (quod) ei vita sit redonata[10]. |
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72. his idest calamis. grynei idest mons Colophoniae Apollini sacratus (vel) nemus Apollinis[11]. |
76. dvlichias Ithacenses[12]. |
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74. scyllam qvam fama secvta est si quidem alterius amore flagravit. Sed fama idest infamia, ut ipse <A. II, 2I> : Est in conspectu Tenedos notissima fama quia Tennes cum noverca sua concubuerat[13]. |
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75. ingvina idest nomen loci, in quo canes Scyllae latrabant, vel melen[14]. |
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76. dvlichias idest Vlixis patria[15]. |
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77. a et exsecratio est et interiectio[16]. |
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74. vel scyllam idest Nisus, rex Megarensium, cum oppugnaretur a Minoe, rege Cretensium, Scylla, filia eius Nisi, quae adamaverat hostium ducem; crine fatali absciso * et postea propter illa prodita non recepta in navem regiam, mutata est in monstrum sui nominis, quae circa fretum Siculum socios Vlixis vexavit, (in) quam Vlixes, (ut) videtur, incidit[17]. |
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78. terei idest proprium viri. Orosius dicit : Terei Prognae et Philomelae [eius] incesto parricidium adiunctum atque exsecrabilius utroque convivium per infandos cibos additum, cum propter sororis pudicitiam ereptam praecisamque linguam filium parvulum mater occidit, pater comedit[18]. |
78. terei idest proprium viri. Progne idest Pandionis filia, uxor Terei, Thracum regis[19]. |
« apio : liubserb herena. Les légumes et l’ache qui poussent près de l’eau sont très amers ». Nous traduisons.
« apio : l’herena est un légume ». Nous traduisons.
« tibi : pour Gallus. deae : les déesses ». Nous traduisons.
« qvos implicitement elles avaient donnés. ascraeo seni : il faut noter à cet endroit seni, car celui qui meurt accède à la fin de son existence, ou bien parce que sa vie l’abandonne. ille : Hésiode ». Nous traduisons.
« qvos implicitement elles ont donné des chalumeaux. seni : à Hésiode ». Nous traduisons.
« rigidas : ou bien raides ou bien trop droit. dedvcere : il avait l’habitude d’adoucir les caractères farouches par de nombreux moyens. ornos : du bois : darchac ». Nous traduisons.
« his : des chalumeaux. grynei : une montagne sacrée d’Apollon de Colophon ou bien un bois sacré d’Apollon. » Nous traduisons.
« avt scyllam :… » Nous traduisons.
« qvid scyllam : Virgile dit qu’il existe deux Scylla, l’une est la fille de Nisus, la seconde celle de Phorcus. Nisus, roi des Siciliens de Mégare, fut rudement assiégé par Minos, roi de Crète, à cause du meurtre du fils de ce dernier, Androgée, tué par les Athéniens et Mégariens, alors qu’il rôdait alentour en rusant. Mais Scylla, fille de Nisus, s’éprit de Minos, pourtant ennemi de son père, et coupa le fatidique cheveu pourpre de son père. Une fois le cheveu coupé, son père mourut sur le champ. C’est pourquoi Scylla fut repoussée par Minos, haïssant le forfait commis contre son père. Il la jeta dans la mer et elle fut transformée en oiseau, qu’on nomme ciris (aigrette), en latin tonsilla, tandis que Nisus, son père fut métamorphosé en épervier, pourchassant l’aigrette avec hostilité, cherchant à châtier ce parricide. Quant à l’autre Scylla, fille de Phorcus et de la nymphe Crataïs, jeune fille d’une très grande beauté, elle fut aimée par Glaucus, dieu marin. À son sujet, Virgile dit dans le livre 1 de l’Enéide : « Vous avez vu la rageuse Scylla de près et ses rochers rugissants. » Circé, fille du Soleil, qui s’était éprise de Glaucus la transforma en monstre marin et la plaça dans le détroit de Sicile, là où elle accablait les navires qui cherchaient à la dépasser. Neptune la frappa de son trident et la changea en rocher. En effet, Glaucus ne pouvant ni avoir ni tenir Scylla, demanda à Circé, fille du Soleil, très habile dans l’art des sorts, de corrompre et séduire Scylla par ses sorts. Mais Circé amoureuse de Glaucus, afin qu’il n’arrivât pas que Scylla fût aimée davantage par Glaucus, et elle †, connaissant la source, dans laquelle Scylla avait toujours coutume de se baigner après la chasse, parce qu’elle faisait partie des compagnes de Diane. Malfaisante, elle se rendit près de la source et l’imprégna de poison, alors que Scylla trempait le bas de son corps. Elle fut transformée en monstre marin etc. Mais Neptune ne trouvant pas bon que Scylla assaille les navires sous le visage trompeur d’une jeune vierge, la frappa et la transforma en rocher. »
« ante : (il faut noter) à cet endroit seni, car celui qui est mort accède à la fin de son existence, ou bien (parce que) sa vie l’abandonne. Nous traduisons.
« his : des chalumeaux. grynei : une montagne sacrée d’Apollon de Colophon (ou bien) un bois sacré d’Apollon. » Nous traduisons.
« dvlichias : d’Ithaque. » Nous traduisons.
« scyllam qvam fama secvta est : en tout cas, elle se consuma d’amour pour un autre. Mais fama : déshonneur, comme il l’écrit : « Se trouve à portée des regards, Tenedos, île d’une très grande renommée » : déshonneur, parce que Tenes avait couché avec sa propre belle-mère. » Nous traduisons
« ingvina : nom de lieu, dans lequel les chiens de Scylla aboient ou bien melen. » Nous traduisons.
« dvlichias : la patrie d’Ulysse. » Nous traduisons.
« a : c’est à la fois une formule d’imprécation et une interjection. » Nous traduisons.
« vel scyllam : Nisus, roi de Mégare, tandis qu’il était assiégé par Minos, roi de Crète ; Scylla, la fille de Nisus, qui s’était éprise du chef des ennemis, ce qui la poussa à couper le cheveu fatidique, puis, à cause de cet acte la rendant traîtresse, elle ne fut pas accueillie dans le navire royal, mais fut changée en monstre, qui porte son nom. Elle tourmenta les compagnons d’Ulysse dans le détroit de Sicile. C’est face à elle qu’Ulysse, semble-t-il, se retrouve confronté. » Nous traduisons.
« terei : nom d’homme. Orose dit : le parricide de Procné ajouté à l’inceste de Terée envers Philomèle, ainsi que le repas plus crapuleux que les deux forfaits précédents, au cours duquel fut servie une nourriture abominable : voici l’explication : à cause de la défloration de sa soeur, ayant eu la langue coupée, la mère tua son fils et le père le mangea. » Nous traduisons.
« terei : nom d’homme. Procné : fille de Pandion, épouse de Térée, roi de Thrace. » Nous traduisons.
Annexe 2
Annexe 3
Annexe 4
Note biographique
Cécile Paret-Parras est professeur certifié de lettres classiques. Elle prépare actuellement une thèse, sous la direction de Bruno Bureau, professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3, sur le commentaire de Philargyrius aux Bucoliques de Virgile. Elle est soutenue par une Allocation Doctorale de Recherche de la Région Rhône-Alpes. La réflexion qu’elle mène est centrée sur l’histoire de la transmission du texte, en fonction des témoins manuscrits, afin de réaliser une traduction française, une édition annotée et commentée du commentaire. De plus, son travail est nourri des travaux qu’elle réalise dans le cadre du projet HyperDonat, pour lequel elle est allocataire recherche. Ce projet propose l’édition des commentaires térentiens de Donat et contribue au développement des Digital Humanities, axe de recherche dynamique, qui renouvelle les problématiques éditoriales au niveau de l’encodage et de la conservation des textes.
Notes
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[1]
Louis Holtz, « Avant-Propos », dans Jean Glenisson (dir.), Le livre au Moyen Âge, Paris, CNRS, 1988, p. 10-11.
-
[2]
Jacques Monfrin relève les inconvénients du rouleau : « Le maniement d’un rouleau est aisé à qui se borne à lire. Mais, outre que l’objet occupe les deux mains, l’obligation d’enrouler ou de dérouler, dès que l’on abandonne le fil du texte pour retrouver un passage, est une servitude pénible. »; voir Jacques Monfrin, « Préface », dans Henri-Jean Martin et Jean Vezin (dir.), Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1990, p. 9-15.
-
[3]
À cela s’ajoute l’évolution des matières : papyrus, tablettes de cire et parchemin, ce dont traite l’article de Colette Sirat , « Du rouleau au codex », dans Jean Glenisson (dir.), Le livre au Moyen Âge, Paris, CNRS, 1988, p. 14-21. Le choix des matériaux est loin d’être aléatoire, puisqu’il rend compte de besoins distincts. Les tablettes de cire sont des équivalents de brouillons, utilisés pour les comptes, ou les exercices des écoliers, tandis que le parchemin, noble et coûteux, est réservé aux copies plus abouties et assurées.
-
[4]
Voir Martial, Epigrammes, XIV, 184, 186, 188, 190, 192.
-
[5]
Le codex permet de disposer dans un même objet d’un plus grand nombre de textes, un nombre indéterminé de cahiers pouvant être cousus, ce qui facilite l’accès à un plus large panel d’auteurs. Le système conjugue à la fois économie d’espace dans les bibliothèques, mais aussi dans le livre lui-même, puisqu’un même feuillet fournit deux surfaces d’écriture.
-
[6]
Jacques Monfrin, « Préface », dans Henri-Jean Martin et Jean Vezin (dir.), Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1990 p. 9-15.
-
[7]
Paul Saenger, « La naissance de la coupure et de la séparation des mots », dans Henri-Jean Martin et Jean Vezin (dir.), Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1990, p. 447-455.
-
[8]
On peut penser aux mises en pages signifiantes, faisant corps avec le texte, comme dans le cas des carmina figurata se rapprochant des calligrammes, mais aussi aux enluminures, aux autres illustrations, aux mises en forme et styles particuliers. Le souci de la mise en page et de l’illustration répond fréquemment aux exigences de la mémoire. Sur cette question, nous renvoyons à l’analyse très complète de Mary Carruthers, Le livre de la mémoire, une étude de la mémoire dans la culture médiévale, traduit de l’anglais par Diane Meur, Paris, Macula, 2002.
-
[9]
Voir l’étude statistique de Carla Bozzolo, menée sur les manuscrits latins datés : « Sur les 972 unités codicologiques du fichier rhénan, 207 comportent des commentaires, ces derniers représentant ainsi 21 % du corpus. Au sein du fichier français (composé, je le rappelle, de 1444 unités), ils sont 238, c’est-à-dire 20 % du corpus. On peut donc constater que le taux de présence de commentaires dans les deux corpus est pratiquement équivalent. Quant à l’échantillon italien, les commentaires constituent 10 % du total. »; voir Carla Bozzolo, « La diffusion du commentaire dans quelques aires européennes », dans Marie-Odile Goulet-Cazé et T. Dorandi, Le commentaire entre tradition et innovation, Paris, Vrin, 2000, p. 165-168.
-
[10]
Monique Bouquet évoque les deux types de grammaire pratiqués notamment par Donat. Voici leurs définitions, selon Donat, traduites par Monique Bouquet : « la grammaire compte deux pratiques : l’exégèse et l’horistique. L’exégèse est explicative et concerne les tâches de lecture, l’horistique est définitionnelle et expose des préceptes relatifs aux parties du discours, aux défauts et aux qualités»; voir Monique Bouquet, Les vicissitudes grammaticales du texte latin, du Moyen Âge aux Lumières, Louvain, Peeters, 2002.
-
[11]
Pascale Hummel consacre une étude au décalage linguistique qui existe entre la langue d’un auteur et celle des exégètes : « Visant l’éclaircissement, la langue des commentateurs n’en véhicule pas moins des nuances inhérentes à leur propre synchronie. Le grec et le latin des exégètes n’est pas celui des textes, mêmes grecs et latins, commentés. L’objectivité dénotative est par conséquent illusoire»; « […] le commentaire scholiographique ayant le statut de texte second dupliquant le texte premier sous la forme d’une longue paraphrase segmentée. Le dévoilement du sens "caché", dans la mesure où il ajoute du texte au texte, superpose, plus ou moins volontairement, un registre connotatif au registre dénotatif»; voir Pascale Hummel, « Dénotation et connotation dans la langue des scholies », Emérita, Vol. 73, n° 1, 2005, p. 107-118. Il faut ajouter également le propos de Monique Bouquet, qui souligne à juste titre la différence de positionnement linguistique existant entre les grammairiens latins, entre les grammairiens tardifs, dits « de la lectio », et les « législateurs autorisés » comme Cicéron; voir Monique Bouquet, Les vicissitudes grammaticales du texte latin, du Moyen Âge aux Lumières, Louvain, Peeters, 2002, p.186-187.
-
[12]
Birger Munk Olsen, « Les poètes classiques dans les écoles au IXe siècle », dans De Tertullien aux Mozarabes, antiquité tardive et christianisme ancien (vie-ixe siècles), mélanges offerts à Jacques Fontaine, t. 2, Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 1992, p. 197-215.
-
[13]
De nombreux manuscrits virgiliens sont concernés par ce type de mise en page, dont un certain nombre transmettent des fragments marginaux de Philargyrius, comme le note Gino Funaioli, dans Esegesi virgiliana antica : prolegomeni alla edizione del commento di Giunio Filagirio e di Tito Gallo, Milan, Società Editrice Vita e Pensiero, 1930, p. 8-36.
-
[14]
Voir l’essai d’Adolfo Tura, « Essai sur les marginalia en tant que pratique et documents », dans Danielle Jacquart et Charles Burnett, Scientia in Margine, études sur les marginalia dans les manuscrits scientifiques du Moyen Âge à la Renaissance, Genève, A. Droz, 2005, p. 261-387.
-
[15]
Ce terme grec est un nom déverbal, provenant de ὑπομιμνῄσκω, « rappeler, avertir en rappelant ».
-
[16]
Ce processus est présenté dans Eleanor Dickey, Ancient Greek Scholarship: a Guide to Finding, Reading, and Understanding Scholia, Commentaries, Lexica, and Grammatical Treatises, from their Beginnings to the Byzantine Period, Oxford University Press, 2007, p. 11, note 25.
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[17]
Voir en Annexe 2 le schéma des trois systèmes articulatoires et des deux types de mise en page.
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[18]
Les trois témoins mentionnent pour chaque version le nom du grammairien, ainsi que le genre explanatio.
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[19]
Dans l’édition Thilo-Hagen, ces deux versions sont intitulées I pour la longue et II pour la courte.
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[20]
Recension I chez Thilo-Hagen, que nous nommons A, tandis que la recension courte II est désignée B.
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[21]
Ce sont des notes sténographiques, dont on dit qu’elles furent inventées par le secrétaire de Cicéron, Tiron.
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[22]
Sur ce terme, nous renvoyons aux distinctions de Jean Céard dans le domaine des recherches humanistes. La définition qu’il présente du corpus est tout à fait opérante dans le cadre des trois témoins des Explanationes et répond bien à notre propos : « les ouvrages qui réunissent, sans les fondre, plusieurs textes, plus ou moins intégralement et exactement reproduits. C’est à cette sorte d’ouvrages que nous donnons le nom de corpus […]. Mais ces précisions mêmes font voir que l’idée de corpus paraît impliquer une certaine organisation ou au moins une certaine cohérence plus contraignante que celle qui préside à l’élaboration d’une anthologie […] »; voir Jean Céard, « La notion de corpus : éléments pour un essai de typologie et de définition », dans Marie-Thérèse Jones-Davies (dir.), Culture, collections, compilation, actes du colloque de Paris 2001-2002, Société Internationale de Recherches Interdisciplinaires sur la Renaissance, Paris, 2005, p. 33-44.
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[23]
On peut signaler la différence entre les deux formats de mise en page des manuscrits N et P. P propose un texte aéré, copié sur 29 lignes, tandis que N présente un texte compact, d’une plus forte densité à la page, soit 38 lignes par pages, ce qui signale deux utilisations et certainement deux types de lecteurs différents.
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[24]
Adolfo Tura, « Essai sur les marginalia en tant que pratique et documents », dans Danielle Jacquart et Charles Burnett (dir.), Scientia in margine, études sur les marginalia dans Les manuscrits scientifiques du Moyen Âge et de la Renaissance, Genève, A. Droz, 2005, p.261-387.
-
[25]
Voir l’essai fondamental de Luciano Canfora, liant exemples modernes et antiques. Cet essai envisage l’impact du travail de copie, nécessitant de reconsidérer le regard des éditeurs modernes, car : « le copiste est celui qui, au sens matériel du terme, écrit le texte. Les mots qui le composent sont d’abord passés au travers du filtre – et du crible – de sa tête, puis ont été mis en état d’être conservés grâce à l’adresse de sa main, fidèle à la dictée intérieure. »; Luciano Canfora, Le copiste comme auteur, traduit de l’italien par Laurent Calvié et Gisèle Cocco, Toulouse, Anacharsis, 2012.
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[26]
« An analysis of the content of the notes in the Explanationes supports the theory of common origin […]. The structure of Explanatio I and Explanatio II corresponds closely, and both versions contain notes in each of the four classifications […] »; voir Joan Jeanette Brewer, « An Analysis of the Berne Scholia and their Relations to Philargyrius, the Servian Commentaries and other Exegesis of Virgil’s Eclogues », thèse, Virginie, Université de Virginie, 1973.
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[27]
L’édition présente le commentaire des deux versions dans deux colonnes, ce qui permet de visualiser nettement des passages convergents, sans doute proches de la source commune des deux versions.
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[28]
Le terme de modèle, de la même manière que le terme de copie n’est pas pleinement représentatif du phénomène de production et composition manuscrite. C’est pourquoi, on privilégiera la notion de source, pour renvoyer à toute production antérieure.
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[29]
Nous renvoyons pour cela aux différences discursives des deux versions, développées dans le cadre de nos travaux de thèse.
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[30]
Nous employons le terme de scholie dans le sens moderne, mis en évidence par Eleanor Dickey, c’est-à-dire dans le sens de commentaire, sans idée de localisation précise dans la mise en page.
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[31]
Nous avons encadré cet ensemble de scholies dans le schéma en Annexe 3.
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[32]
Voir Annexe 3.
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[33]
Le prototype ainsi que les schémas réalisés permettent de traduire visuellement les hypothèses, mais ne sont en aucun cas des valeurs sûres, puisqu’on ignore un certain nombre de paramètres, dont le module d’écriture, critère variant et extrêmement souple, permettant d’adapter la quantité de texte à l’espace. D’autre part, les abréviations octroient un gain de place considérable, mais nous ne pouvons de la même manière évaluer ce paramètre. De fait, ce schéma sans doute trop rigide emploie peu d’abréviations.
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[34]
Le jeu phonique est renforcé visuellement par la probable graphie accolant la préposition « in » à son régime.
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[35]
Voir Annexe 4.
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[36]
Servius, Buc., 6. 74 : « il y a eu deux Scylla, l’une fille de Phorcus et de la nymphe Crataïs, une jeune fille d’une très grande beauté ». Nous traduisons.
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[37]
Les interlignes ne sont pas prévues pour recevoir du texte, contrairement aux espaces marginaux, souvent latéraux, qui peuvent accueillir des notes de lecture.
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[38]
Dans le schéma proposé, nous avons arbitrairement choisi de représenter les gloses interlinéaires au-dessus de la ligne, mais rien ne détermine en réalité leur place. Les lecteurs utilisant ce type de notes les disposaient de façon aléatoire.
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[39]
Cette fragilité est visible au lemme 72, voir l’annexe 3. L’alternative sur Grynei, nom d’un sommet, trahit la conflagration maladroite de deux gloses interlinéaires qui portaient sur deux termes différents. La première mons Colophoniae Apollini sacer glose bien Grynei, mais la seconde uel Apollinis nemus explicite nemoris, ou lucus à la ligne suivante.
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[40]
Cette série permet de clairement distinguer le commentaire antique et la source des deux versions qui ne sont pas identiques. Nous gardons à l’esprit cette mise en garde réaliste de Luciano Canfora en ouverture de son essai : « Nous n’avons pas d’originaux des auteurs grecs et romains, à part, peut-être, quelque fragment sur papyrus de lettrés à peine connus […] »; voir Luciano Canfora, Le copiste comme auteur, traduit de l’italien par Laurent Calvié et Gisèle Cocco, Toulouse, Anacharsis, 2012, p. 19.
-
[41]
La mélecture peut provenir d’une méconnaissance de certaines écritures, notamment lors du transfert des textes sur le continent. Il est très probable que les Explanationes de Philargyrius aient ainsi été conservées un temps en Irlande, ce qui explique la présence de termes vieil-irlandais, mais aussi certaines erreurs, dues au phénomène d’adaptation des graphies insulaires et continentales.
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[42]
Voir Annexe 2.
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[43]
Pierre-Yves Lambert, « Les gloses celtiques aux commentaires de Virgile », dans Études celtiques, 25, 1986, p. 81-105.
-
[44]
Hic rarum tamen in dumis olus albaque circum/ lilia uerbenasque premens uescumque papauer, Géorg. 130-131 : « Cependant, l’homme planta entre les buissons en rangées espacées des légumes, tout autour de blancs lis, des verveines et du pavot comestible. » Nous traduisons.
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[45]
Pierre-Yves Lambert, « Les gloses celtiques aux commentaires de Virgile », dans Études celtiques, 25, 1986, p. 81-105.
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[46]
Voir le prototype en Annexe 3.
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[47]
« Titre, raison, intention, nombre, ordre, explication. » Nous traduisons.
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[48]
Servius, ad En. : « En présentant les auteurs, il faut noter ceci : la vie du poète, le titre de l’oeuvre, la nature du poème, l’intention de l’auteur, le nombre de livres, l’ordre des ouvrages, l’explication. » Nous traduisons.
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[49]
Nous n’avons pas pu, dans le cadre de cet article, développer un exemple d’interpolations chrétiennes, mais les Explanationes reçoivent ce type de gloses dans le commentaire de la Bucolique 4.
-
[50]
Vivien Law, « When is Donatus not Donatus? Versions, Variants and New Texts », dans Peritia, Vol. 5, 1986, p. 235-261.
-
[51]
« Nous n’avons pas d’originaux des auteurs grecs et latins […] »; voir Luciano Canfora, Le copiste comme auteur, traduit de l’italien par Laurent Calvié et Gisèle Cocco, Toulouse, Anacharsis, 2012.
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[52]
Ajoutons à cette idée la remarque de Laurent Calvié, mettant en évidence le regard de l’éditeur moderne : « L’histoire des textes ne débouche donc pas sur la révélation de leur état originel, mais sur la reconnaissance de leur complexité en tant que produit d’une longue tradition : elle ne simplifie pas la tâche du critique, mais la complexifie au contraire, en inscrivant l’objet textuel dans la multiplicité et la mobilité du devenir historique. »; Laurent Calvié, « Préface », dans Luciano Canfora, Le copiste comme auteur, traduit de l’italien par Laurent Calvié et Gisèle Cocco, Toulouse, Anacharsis, 2012, p. 8.
-
[53]
Henri-Jean Martin, « Conclusion », dans Henri-Jean Martin et Jean Vezin (dir.), Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1990, p. 461-467.
Bibliographie
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- Servius, dans Serui Grammatici qui feruntur in Vergilii Carmina Commentarii, édité par Hermann Hagen et Georg Thilo, Hildesheim, Georg Olms, vol. I, 1961.
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- Joan Jeanette Brewer, « An Analysis of the Berne Scholia and their Relations to Philargyrius, the Servian Commentaries and other Exegesis of Virgil’s Eclogues », thèse de doctorat, Virginie, Université de Virginie, 1973.
- Luciano Canfora, Le copiste comme auteur, traduit de l’italien par Laurent Calvié et Gisèle Cocco, Toulouse, Anacharsis, 2012.
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- Vivien Law, « When is Donatus not Donatus? Versions, Variants and New Texts », Peritia, vol. 5, 1986, p. 235-261.
- Herwig Maehler, « L’évolution matérielle de l’hypomnéma jusqu’à la basse époque, le cas du Poxy. 856 (Aristophane) et Pwürzburg 1 (Euripide) », dans Marie-Odile Goulé-Cazet (dir.), Le commentaire entre tradition et innovation, Paris, Vrin, p. 29-36.
- Henri-Jean Martin, « Conclusion », dans Henri-Jean Martin et Jean Vezin (dir.), Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1990, p. 461-467.
- Jacques Monfrin, « Préface », dans Henri-Jean Martin et Jean Vezin (dir.), Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1990, p. 9-15.
- Birger Munk Olsen, « Les poètes classiques dans les écoles au IXe siècle », dans De Tertullien aux mozarabes, antiquité tardive et christianisme ancien (VIe-IXe siècles), Mélanges offerts à Jacques Fontaine, tome 2, Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 1992, p. 197-215.
- Paul Saenger, « La naissance de la coupure et de la séparation des mots », dans Henri-Jean Martin et Jean Vezin (dir.), Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1990, p. 447-455.
- Colette Sirat, « Du rouleau au codex », dans Jean Glenisson (dir.), Le livre au Moyen Âge, Paris, CNRS, 1988, p. 14-21.
- George Thomas Tanselle, « Textual Instability and Editorial Idealism », Studies in Bibliography, vol. 49, 1996, p. 1-60.
- Adolfo Tura, « Essai sur les marginalia en tant que pratique et documents », dans Danielle Jacquart et Charles Burnett, Scientia in Margine, études sur les Marginalia dans les manuscrits scientifiques du Moyen Âge à la Renaissance, Genève, A. Droz, 2005, p. 261-387.