Cet imposant ouvrage s’inscrit dans la collection « Bibliothèque de la Revue thomiste », qui entend contribuer à la quête de sagesse en mettant « à la disposition du public cultivé, des étudiants, enseignants et chercheurs, des travaux de qualité qui permettent de mieux comprendre la pensée de saint Thomas d’Aquin dans son contexte originel et manifestent sa fécondité dans le débat intellectuel contemporain » (p. 4). Le sous-titre indique ce que l’auteur se propose d’éclaircir : « Nature, modalités et fonctions de la métaphysique, comprenant le rapport à Dieu de cette science, ainsi que sa confrontation avec la doctrine sacrée » (p. 7). Cette nature de la métaphysique, Humbrecht cherche à la préciser en considérant ses rapports avec la théologie. D’entrée de jeu, il se demande : « Est-elle intégrée à la théologie chrétienne ou bien préserve-t-elle son autonomie ? » (p. 11). D’un côté, l’intégrer comme à la science qui la domine semble problématique, vu le risque que cette intégration entraîne sa désintégration « par une vérité plus englobante et plus pénétrante » (ibid.) ; de l’autre, l’autonomie risque de lancer la métaphysique « à la conquête de son indépendance sur toute influence supérieure » (ibid.). Il s’agit donc pour Humbrecht d’examiner l’articulation des deux sciences, de penser un juste milieu entre l’intégration désintégrante de la métaphysique sous domination théologique et l’indépendance d’une philosophie qui prétend redoubler la théologie et la menace quant à son existence même. Notre auteur entend « éprouver l’hypothèse d’un enveloppement d’une science par l’autre » (p. 11-12). Il réfère alors au « modèle chalcédonien ». Ce que le concile de Chalcédoine disait des deux natures du Christ, on l’a transposé pour exprimer le rapport entre la théologie et la philosophie : l’une enveloppe l’autre « sans séparation ni confusion, mais avec une influence réciproque » (p. 12). Ce modèle, Humbrecht entend le dépasser ou, plus précisément, le démultiplier, le briser, le subdiviser. Cette démultiplication, notre auteur avance qu’elle « a fini par se détacher des textes thomasiens » (p. 13). Certes, Humbrecht en est conscient, « Thomas est loin d’avoir écrit un système de sa propre métaphysique, perspective étrangère à son époque autant qu’à lui-même » (p. 16). L’A. va pourtant tenter de « percevoir ce qu’il a fait et voulu faire en métaphysique » (ibid.). Pour cela, « il faut se garder d’écrire un tel système à sa place » (ibid.). Le professeur toulousain se méfie des différents modèles d’extraction et de présentation des notions proposés par ses prédécesseurs thomistes. Pour sa part, il se propose de « revenir à la patience des textes » (ibid.), ce qui explique la longueur de son ouvrage, constitué notamment de commentaires quasi linéaires du De ente et essentia, du Super Boetium De Trinitate, des dix premiers articles de la Somme contre les Gentils et des cinq questions du prologue des Sentences. Cette lecture au premier degré, alors que la thèse de notre auteur constitue une considération au second degré de la métaphysique, se justifie par le fait qu’« une étude qui se veut au second degré ne peut, pour affermir son crédit, faire l’économie du premier » (ibid.). Le dominicain toulousain est convaincu que ce long itinéraire à travers les textes permettra de dégager le statut de la métaphysique et de fonder dans la doctrine même la triple modélisation qu’il propose. Cette triple modélisation correspond à ce que notre auteur croit reconnaître comme trois manières de procéder en métaphysique. Pour découvrir ces « clefs de méthode » qui « découpent …
Thierry-Dominique Humbrecht, Thomas d’Aquin, Dieu et la métaphysique. Nature, modalités et fonctions de la métaphysique, comprenant le rapport à Dieu de cette science, ainsi que sa confrontation avec la doctrine sacrée. Paris, Éditions Parole et Silence (coll. « Bibliothèque de la Revue thomiste »), 2021, 1 432 p.
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Louis Brunet
Cégep de Sainte-Foy, Québec
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