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Les Presses de l’Université de Toronto viennent de terminer la publication des vingt-quatre volumes des « Collected Works » de Bernard Lonergan. Ce jésuite canadien (1904-1984), qui a enseigné à Montréal, Toronto, Rome et Boston, n’a écrit que deux livres : Insight (1957, avec une édition révisée en 1958, imprimée à plusieurs reprises) et Method in Theology (1972) — deux livres importants, l’un en philosophie et l’autre en théologie. Tous ses autres volumes sont des compilations d’articles et de conférences ou des manuels de cours.
L’ouvrage recensé ici fait partie de la grande édition critique de ses « Collected Works ». Ceux-ci ayant commencé à paraître après la mort du maître, ils n’ont évidemment pas été révisés, bien qu’ils contiennent des préfaces de la part des éditeurs ainsi que des notes des éditeurs en bas de pages, en plus des notes de l’auteur lui-même. Ces éditeurs ont ajouté à ce volume-ci (vol. 14) deux appendices, qui sont des versions antérieures, non publiées, du chapitre premier et des chapitres 10 et 11 (qui constituaient alors un seul chapitre).
Dans son introduction, Lonergan écrit que la théologie sert de médiation entre la culture et la religion. Le sens historique de l’auteur l’a incité à offrir une méthode complexe qui tient compte de la variété des contextes culturels dans lesquels la théologie chrétienne s’est développée depuis le Nouveau Testament jusqu’au vingtième siècle. Il croit cependant que sa méthode sera utile non seulement aux catholiques, mais également aux protestants et même aux penseurs des religions non chrétiennes.
Lonergan ne pensait pas qu’une seule personne fût capable de pratiquer toutes les spécialités avec succès ; ce qu’il envisageait, c’était une collaboration entre experts opérant dans divers champs. Il croyait que son principe de distinction des fonctions théologiques et de division du travail servirait à modérer des ambitions totalitaires ou unilatérales de la part de théologiens qui valoriseraient excessivement leur domaine de compétence aux dépens des autres.
Dans cet ouvrage, une première partie, qui contient cinq chapitres, porte sur le problème de la méthode, le bien humain, la signification, la religion et les fonctions constituantes de la théologie. Le chapitre premier introduit l’appui épistémologique, basé sur une connaissance de soi comme sujet connaissant. Le chapitre 2 part des acquis de Piaget pour expliquer les opérations intellectuelles et continue avec une présentation de l’affectivité humaine, des valeurs, des croyances et du progrès/déclin des sociétés. Le chapitre 3 a trait à l’intersubjectivité, à l’art, au symbole et à divers éléments de la signification. Au chapitre 4, nous trouvons une esquisse d’une philosophie de la religion, avec des thèmes tels que la question de Dieu, le dépassement de soi, l’expérience religieuse, la parole révélée, la foi et les croyances. Cette première partie se termine avec une description des fonctions constituantes de la théologie.
La deuxième partie, qui contient neuf chapitres, expose en détail le fonctionnement de ces huit fonctions constituantes : la recherche des données (critique textuelle), l’interprétation (herméneutique des textes), l’histoire (en deux chapitres, analysant ce qui évoluait, dans la pensée d’un auteur, d’un mouvement ou d’une époque), la dialectique (positions et contrepositions), l’explicitation des fondements (les catégories de base chez les sujets humains dans leurs connaissances, leurs morales et leurs convictions religieuses), l’établissement des doctrines (théologie dogmatique), la systématisation (une visée de cohérence) et la communication (théologie pratique ou pastorale).
Les lecteurs intéressés pourront lire la version française, intitulée Pour une méthode en théologie, sous la direction de Louis Roy, avec plusieurs traducteurs et réviseurs, et comprenant un glossaire ; cette version française a été publiée à Montréal, chez Fides, et à Paris, aux Éditions du Cerf, en 1978. Je rappelle qu’il existe une version française de Bernard Lonergan, L’insight. Étude de la compréhension humaine, traduit de l’anglais par Pierrot Lambert, Montréal, Bellarmin, 1996. On trouvera une mine d’informations sur le site Web www.francais.lonergan.org.