Résumés
Résumé
Jésus, le protagoniste en Mt, est dépeint par une série de correspondances et d’oppositions avec les autres personnages royaux que sont David, Hérode et Archélaüs. Par une approche narrative, l’étude de la caractérisation de ces personnages souligne les aspects politiques des deux premiers chapitres de Mt. En outre, les renversements ironiques du début de l’évangile préparent les lecteurs à découvrir un royaume radicalement différent de celui d’Hérode ainsi qu’un messie, fils de David hors norme. Ainsi Mt 1-2 est le prélude du renversement final de cette oeuvre : le messie crucifié par les autorités de Jérusalem sera ressuscité par Dieu.
Abstract
Jesus, the main protagonist in Matt., is portrayed through a series of correspondences and oppositions with David, Herod and Archelaus, the other royal characters. With a narrative approach the study of the characterization of these figures emphasizes the political aspects of the first two chapters of Matt. Furthermore, the ironic reversals of the beginning of the Gospel prepare readers to discover a kingdom radically different from that of Herod and a messiah, sons of David, “with a difference.” Thus, Matt. 1-2 is the prelude to the final reversal of this literary work : the messiah crucified by the Jerusalem authorities will be risen by God.
Corps de l’article
Introduction
Selon Anders Runesson, le deuxième chapitre de l’évangile selon Matthieu est le passage le plus explicitement politique du Nouveau Testament[1]. Ce constat s’applique à l’ensemble des deux premiers chapitres de cet évangile puisque la généalogie regroupe plusieurs rois et permet aussi une réflexion politique. Les personnages explicitement qualifiés de rois en Mt 1-2 sont David, Hérode, Archélaüs[2] et Jésus. Jésus, le personnage principal de Mt, est dépeint par une série de correspondances et d’oppositions avec les autres personnages royaux. La caractérisation de ces personnages sera étudiée pour souligner les aspects politiques des deux premiers chapitres de Mt.
L’interprétation politique de textes bibliques est communément étudiée dans un rapport diachronique par des méthodes historico-critiques ou socio-scientifiques. Pour tracer de nouvelles voies, la critique narrative développée lors du symposium du RRENAB (Réseau de recherche en analyse narrative des textes bibliques) en 2017 a permis de développer un regard synchronique sur les effets politiques des récits bibliques[3]. Nous inspirant de l’approche élaborée par Robert Hurley, nous décrirons les effets de la caractérisation des personnages royaux sur les lecteurs et lectrices de Mt 1-2[4].
David est le premier personnage de l’évangile à être qualifié de roi. La généalogie propose la figure de David dans un double mouvement qui commence par légitimer Jésus, présenté comme « fils de David » pour ensuite distancer Jésus de ce roi en rappelant un crime important qu’il a commis. Mt 2 oppose la royauté d’Hérode et celle de Jésus ; l’un est un roi puissant et l’autre est un enfant vulnérable. Les ironies du récit génèrent un effet subversif envers l’autorité d’Hérode ainsi qu’un effet de légitimation du « roi qui vient de naître ». Cette opposition indique aux lecteurs[5] que la royauté associée à Jésus est différente — voire opposée — à celle d’Hérode. La dernière étape de ce parcours sera de préciser la caractérisation de Jésus, en particulier par une attention aux citations prophétiques qui « s’accomplissent » (πληρόω) dans la fabula de ce récit.
I. David, le roi qui engendre par la femme d’Urie
Dans la généalogie de Jésus, au verset 6, David est qualifié de roi (τὸν βασιλέα). Le texte mentionne alors qu’il engendre Salomon « par celle d’Urie » (ἐκ τῆς τοῦ Οὐρίου). Cette expression renvoie les lecteurs au récit du meurtre et de l’adultère — voire du viol[6] — commis par David en 2 S 11. La généalogie ne fait pas que rappeler les crimes de David, mais elle les présente comme une antithèse du titre de roi précédemment évoqué. Les actions de David ne sont pas dignes d’un roi, au contraire, elles sont même passibles de mort selon les codes de loi vétérotestamentaires[7].
Pour légitimer Jésus, la généalogie commence en soulignant le lien entre David et Jésus, le « fils de David ». Cette généalogie accentue alors la différence entre ces deux personnages par l’allusion aux pires crimes de David. Les lecteurs peuvent donc développer l’attente que Jésus soit présenté dans la suite de l’évangile comme un messie provenant de la lignée de David, mais un messie qui se distingue aussi de ce roi.
La suite de la généalogie présente les rois du royaume de Juda, descendants de David. Selon l’interprétation de l’histoire d’Israël proposée dans la généalogie de Mt 1, cette dynastie se termine avec la déportation à Babylone (Mt 1,11-12). Dans la dernière partie de la généalogie (Mt 1,12-16), il n’y a plus de roi. La mention de Zorobabel (v. 12) génère aussi un effet important à souligner. Zorobabel fait partie du premier groupe d’exilés revenant en Judée. Il est le premier gouverneur de Jérusalem mis en place par les Perses et voit à la reconstruction du Temple de Jérusalem. Les livres d’Agée (2,23) et de Zacharie (4,6-10) évoquent Zorobabel comme le centre de l’espoir d’un retour de la lignée davidique[8]. Cependant, cet espoir ne s’est pas concrétisé. Évoquer Zorobabel en Mt 1 rappelle l’échec de l’ultime tentative de raviver la lignée de David.
La fin de la généalogie comporte aussi un renversement. Une longue séquence d’engendrements (ἐγέννησεν, à l’actif) entre hommes se voit arrêtée au v. 16 par « Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est engendré (ἐγεννήθη, au passif) Jésus, que l’on appelle Christ ». La modification du style répétitif amène aussi un lien généalogique différent. Contrairement aux 39 hommes précédemment mentionnés, Joseph, le descendant de David, n’engendre pas Jésus. Ce verset établit un lien entre Jésus et David, mais ce lien est étonnant puisqu’il passe par un engendrement au passif attribué à une femme. La naissance de Jésus se distingue donc de celles de ses ancêtres.
Ce bref parcours permet d’éclairer la portée politique de la généalogie de Jésus. Cette lignée est incontestablement royale, mais elle développe une tension avec la façon dont le pouvoir a été exercé par la royauté en Israël[9]. Comme le dit Élian Cuvillier : « La généalogie matthéenne, en même temps qu’elle justifie le titre Fils de David appliqué à Jésus, semble sinon le contester du moins en dire les insuffisances[10] ». Mt 1,1-17 subvertit le messianisme davidique en revisitant l’histoire du peuple juif pour proposer l’identité de Jésus comme Messie à la fois issu de David et différent de lui. Dès les premières lignes, ce texte laisse entendre que les interprétations courantes du Messie davidique de ses lecteurs se transformeront au cours de la lecture du récit[11]. Cette modification des attentes reliées au fils de David peut se comprendre à la lumière de l’ensemble de l’évangile qui présente Jésus comme un messie crucifié.
II. Demander à Hérode où est le roi
Le deuxième chapitre de l’évangile développe un récit autour d’une opposition entre Hérode, le roi siégeant à Jérusalem, et Jésus, l’enfant de Bethléem. Ce récit s’ouvre avec l’arrivée de mages à Jérusalem. Ces étrangers demandent : « Où est le roi des Juifs (βασιλεὺς τῶν Ἰουδαίων) qui vient de naître ? Car, nous avons vu son astre à l’est (ἐν τῇ ἀνατολῇ) et nous sommes venus pour nous prosterner devant lui » (Mt 2,2). Par cette question, le récit juxtapose la royauté d’Hérode avec celle de l’enfant. Une situation qui engendre une tension narrative intenable puisqu’il ne peut y avoir deux rois pour un même peuple. Au verset suivant, la réaction de bouleversement d’Hérode (ἐταράχθη) montre qu’il perçoit que cette question porte un aspect politique et potentiellement déstabilisant pour son autorité royale.
La requête d’Hérode énoncée par le narrateur au v. 4 reprend celle des mages avec une modification significative. Si les mages cherchent le lieu du roi des Juifs qui vient de naître (ποῦ ἐστιν ὁ τεχθεὶς βασιλεὺς τῶν Ἰουδαίων), Hérode cherche où doit naître le Christ (ποῦ ὁ χριστὸς γεννᾶται). Le récit opère donc une association entre le roi des Juifs et le Christ[12].
La quête même des mages remet donc en question la légitimité de l’autorité royale d’Hérode. L’intrigue de ce récit est construite sur l’opposition entre le roi recherché et celui qui est en place. L’étude de l’ironie telle que celle réalisée par Dorothy J. Weaver est une excellente façon d’approfondir cette opposition[13]. L’ironie est un procédé littéraire qui propose un premier degré de sens pour ensuite inviter les lecteurs à rejeter cette conception et passer à un autre plan[14]. Dans ce cas-ci, le personnage d’Hérode a un pouvoir apparent sur les autres personnages, mais ironiquement, son pouvoir est limité et ne lui permet pas d’arriver à ses fins.
Dès le premier verset du chapitre 2, Hérode est présenté comme roi. La précision temporelle « aux jours d’Hérode le roi » marque bien la domination du souverain sur son époque. Ce sont les jours du roi Hérode. Le récit montre qu’il exerce une forme d’autorité sur les autres personnages. Les chefs des prêtres et les scribes du peuple répondent à sa question (2,4-6). Hérode a le pouvoir d’appeler les mages, des étrangers, pour une rencontre secrète (2,7). Ceux-ci répondent à la question d’Hérode sur le moment de l’apparition de l’astre. À la fin de cette rencontre, Hérode les envoie en mission et « sur ces paroles du roi, ils se mirent en route » (2,9). De façon similaire, Hérode a le pouvoir d’envoyer d’autres personnages pour tuer les enfants des environs de Bethléem (2,16-18). Hérode est donc décrit comme un roi qui exerce les pouvoirs presque absolus associés à ce titre.
Or, plusieurs éléments du récit indiquent aux lecteurs que l’autorité d’Hérode a des limites. L’étude des masculinités, avec son intérêt pour le rapport entre les caractéristiques masculines et le pouvoir, permet une analyse intéressante pour notre propos. Elle permet l’analyse des constructions sociales et narratives des structures de pouvoir en jeu dans la présentation biblique des hommes et de leurs masculinités[15]. La masculinité hégémonique est un concept clé de cette approche pour décrire l’expression de la masculinité qui devient le standard dominant dans la structure politique d’une culture[16]. En Mt 2, la masculinité hégémonique qu’Hérode essaie de réaliser comporte des failles importantes. Le contrôle de soi est une des vertus masculines les plus importantes dans les textes de l’Antiquité gréco-romaine[17]. Les deux émotions attribuées à Hérode montrent le manque de stabilité du roi et laissent voir sa vulnérabilité. Nous avons déjà indiqué qu’Hérode est bouleversé (ἐταράχθη) par la question des mages au v. 2. Cette réaction à la naissance d’un autre roi le déstabilise et montre sa peur de perdre son trône. Hérode exécute alors un plan pour tuer l’enfant qui menace son pouvoir royal[18]. En 2,16, lorsqu’il s’aperçoit que les mages n’ont pas accompli la mission qu’il leur avait donnée, sa colère est extrême (ἐθυμώθη λίαν). Ses états de bouleversement et de colère montrent une image d’un souverain sur une pente glissante.
Le retour des mages par un autre chemin est un affront pour la posture hégémonique de ce roi. Les mages se sont joués (ἐνεπαίχθη) de lui. L’autorité et le contrôle apparent d’Hérode sont remis en question. En tant que roi, Hérode a le pouvoir de vie et de mort sur ses sujets. Il veut exécuter l’enfant, mais ironiquement, c’est lui qui meurt. Son décès est d’ailleurs souligné à trois reprises (v. 15.19.20). Ce récit laisse entendre qu’une force plus grande a le pouvoir sur la vie et la mort d’Hérode.
D’autres éléments pointent vers une caractérisation négative du roi de Jérusalem. Lorsqu’il s’entretient avec les mages, Hérode les rencontre secrètement (2,7). De plus, il ment en prétendant lui aussi vouloir se prosterner devant l’enfant (2,8). Si son pouvoir était stable, il pourrait parler ouvertement et n’aurait pas besoin de faire semblant de vouloir rendre hommage à l’enfant[19]. Cette manigance montre la fourberie de ce personnage qui est à l’opposé de l’idéal biblique du roi. En somme, Hérode est un personnage qui tente d’exercer une posture hégémonique, mais le récit donne plusieurs indices aux lecteurs pour qu’ils se rendent compte que son autorité n’est pas légitime.
III. Jésus, le roi qui vient de naître
Plusieurs dispositifs textuels permettent de caractériser le protagoniste de l’évangile comme un acteur politique important dès le récit de sa naissance. Nous en présenterons trois. L’ironie est utilisée pour présenter Jésus comme un petit enfant vulnérable qui pourtant est Christ, fils de David, et donc le roi légitime selon une perspective divine. Deuxièmement, le cadre géographique du récit prolonge l’opposition Jésus/Hérode dans une opposition entre Jérusalem et Bethléem. Enfin, les cinq paroles prophétiques citées en Mt 1-2 montrent comment Jésus accomplit (πληρόω) les Écritures. Le jeu intertextuel introduit par ces citations permet aux lecteurs de comprendre la portée politique de l’identité de l’enfant naissant.
1. Le petit enfant
La caractérisation de Jésus est opposée à celle d’Hérode. En apparence, il est vulnérable et sans pouvoir. Le mot παιδίον (petit enfant) est utilisé neuf fois pour le qualifier en Mt 2[20]. Cette répétition souligne la dépendance de celui qui vient de naître. Cet effet est aussi accentué par la manière dont Jésus fait l’objet des actions des autres personnages sans être sujet d’un verbe d’action[21]. Le contraste ne pourrait pas être plus grand entre le pouvoir apparent d’Hérode et la vulnérabilité de Jésus[22]. Ce récit construit le personnage de Jésus avec des caractéristiques propres aux masculinités non hégémoniques et même subordonnées. Il est un petit enfant, vulnérable et complètement dépendant de ses parents. Cette posture de faiblesse apparente devient une ouverture à l’incursion du secours divin[23].
Mt 1-2 met en place plusieurs éléments pour révéler aux lecteurs que cet enfant a une identité qui dépasse les apparences. Les premiers mots de l’évangile soulignent déjà que Jésus est Χριστός. Ce qualificatif porte une connotation politique et royale dans les textes vétérotestamentaires. Un survol de la littérature du second Temple montre que les attentes messianiques étaient très diversifiées[24]. Ainsi, lorsque le texte présente Ἰησοῦ Χριστοῦ, il emploie un terme polysémique. Les lecteurs ne peuvent que se demander à quel type de « Christ » doit être relié ce Jésus.
Le premier verset de l’évangile qualifie aussi Jésus de « υἱοῦ Δαυὶδ υἱοῦ Ἀβραάμ[25] ». Le lien avec David renvoie à la tradition monarchique vétérotestamentaire. Dans le contexte de leur première réception, l’expression « fils de David » évoquait l’espoir d’un Messie, de la trempe de David, qui allait libérer le peuple de l’oppression de l’Empire romain[26]. En effet, la figure de David a une connotation politique et militaire très forte dans les textes vétérotestamentaires. L’attente d’un messie politique, comme David, est inscrite dès le premier verset. Pourtant, nous avons déjà vu que cette attente doit être reconfigurée à cause de la caractérisation négative attribuée à David et aux autres rois de Mt 1,6-11. L’ensemble de la généalogie énoncée par la voix du narrateur donne une position privilégiée aux lecteurs pour qui l’on a décrit l’origine de Jésus. Ainsi, ils peuvent mieux comprendre les réactions des personnages du récit à l’annonce de la naissance de Jésus. Si Hérode cherche à le tuer et que les mages se déplacent pour se prosterner devant lui, c’est qu’ils perçoivent l’identité profonde de ce petit enfant qui a déjà été révélé autrement aux lecteurs.
2. De Bethléem
Dans un article largement repris, Krister Stendahl a souligné l’importance des lieux géographiques en Mt 2[27]. En effet, le récit peut se structurer par les déplacements des personnages. Dans le cadre de cette présentation, attirons l’attention sur l’aspect politique du cadre spatial qui n’a pas été couvert par l’étude de Stendahl. Les lieux en Mt 2 prennent un rôle politique puisqu’ils contribuent à prolonger l’opposition utilisée pour caractériser Hérode et Jésus.
Mt 2,1 indique que Jésus est né à Bethléem. Cette localité a des liens avec deux personnages importants du chapitre précédent. C’est le lieu de vie de Ruth (Rt 2,8-22), une des femmes présentées dans la généalogie. Bethléem est aussi le lieu d’origine de David ainsi que l’endroit de l’onction royale qu’il reçoit du prophète Samuel (1 S 16,1-16). Cette localité est donc associée à l’espoir messianique dans un texte du prophète Michée (5,1) cité en Mt 2,6[28]. Placer la naissance de Jésus à Bethléem dépeint Jésus comme un messie davidique. La caractérisation de Bethléem se fait en opposition avec Jérusalem. Bethléem est une localité en périphérie par rapport au pouvoir central de Jérusalem. Jésus naît parmi les gens ordinaires et sans pouvoir, de façon analogue à David[29]. Lorsque comparé à Jérusalem, Bethléem semble une bourgade de moindre intérêt. Pourtant, ce village est important sur le plan de Dieu. Mt 2 opère un renversement ironique de ces deux villes analogue à celui que nous avons décrit entre Jésus et Hérode.
Ce récit associe Jérusalem à Hérode. Ce roi exerce son pouvoir sur la Judée à partir de cette ville. Le v. 3 indique que le trouble éprouvé par Hérode est ressenti par l’ensemble de la ville de Jérusalem. Il y a plusieurs façons de comprendre cette réaction[30] qui a pour effet d’associer étroitement Jérusalem au roi Hérode. Loin d’être la ville sainte, Jérusalem est le lieu d’un pouvoir qui tue des enfants innocents. Pour échapper à cette violence, Joseph et sa famille doivent fuir en Égypte.
Dans le récit de l’Exode, au fondement de l’identité d’Israël, le tyran est égyptien et le peuple doit fuir pour sortir d’Égypte grâce à l’action de Moïse et de YHWH. Bernard Brandon Scott souligne le renversement en Mt 2 de l’image de l’Égypte comme terre d’oppression[31]. Cet auteur néglige les traditions dans lesquelles l’Égypte est perçue de façon positive, comme lieu de refuge. En effet, dans les traditions vétérotestamentaires, l’Égypte est à la fois lieu de refuge[32] et lieu d’esclavage[33]. En Mt 2, l’Égypte est un asile et la Judée sous Hérode est le lieu d’oppression.
3. L’accomplissement des paroles prophétiques
Chacune des citations en Mt 1-2 dévoile aux lecteurs une partie de l’identité de Jésus qui n’est pas apparente pour les personnages du récit. L’analyse complète de celles-ci dépasse le cadre de cet article[34]. Nous limiterons notre regard aux implications politiques que ces citations attribuent à Jésus.
3.1. L’Emmanuel, signe de salut et de jugement
Dans la première citation, Jésus est présenté comme l’Emmanuel, Dieu-avec-nous (Is 7,14/Mt 1,23). Cette expression a une portée politique importante[35]. Dans son contexte vétérotestamentaire, Isaïe confronte le roi de Jérusalem par rapport au conflit Syrio-Ephraïmite. La présence de Dieu, symbolisée par la naissance d’un enfant, porte à la fois une image de réconfort pour ceux qui dépendent de YHWH, et de jugement pour ceux qui s’opposent à lui[36]. Dans les trames narratives d’Isaïe et de Matthieu, l’avenir du peuple de Dieu et du roi de Jérusalem est en jeu. Isaïe avertit Achaz que le soutien de YHWH au roi de Jérusalem ne va pas de soi s’il ne lui accorde pas sa confiance. En Matthieu 1,21, Jésus est présenté comme celui qui « sauvera son peuple de ses péchés[37] ». L’étymologie même du nom de Jésus évoque la fonction salvatrice de Dieu[38]. Deux versets plus loin, la prophétie de l’Emmanuel est citée dans un rapport d’accomplissement. Jésus, comme Emmanuel, est à la fois un signe de réconfort pour ceux qui se reconnaissent comme « son peuple[39] » (1,21), mais aussi un signe de jugement envers les responsables de la situation évoquée par l’expression « son péché » (1,21). Traditionnellement interprété de façon morale ou religieuse[40], le mot ἁμαρτιῶν est polysémique. Nous avons déjà indiqué que la généalogie évoque la perte d’autonomie politique avec l’exil à Babylone. Les interprétations deutéronomistes et prophétiques de cet événement attribuent cette catastrophe aux péchés du peuple et de ses dirigeants[41]. Le salut du peuple par Jésus/Emmanuel a des connotations politiques[42]. Dans les Écritures, Dieu sauve son peuple de l’Égypte et il le ramène de l’exil à Babylone. En Matthieu, le signe de la naissance de l’Emmanuel remet en question le roi Hérode qui représente la poursuite de la domination étrangère sur le peuple de Dieu[43].
3.2. Le chef qui fera paître Israël
Contrairement à l’interprétation traditionnelle de l’exégèse, la fonction de la citation de Michée 5 en Mt 2,6 n’est pas seulement d’indiquer une correspondance entre la localisation géographique de l’attente messianique et de la naissance de Jésus[44]. La citation traite d’un chef (ἡγούμενος) issu de Bethléem dont l’action est décrite par le verbe ποιμανεῖ. Ce verbe porte plusieurs nuances dont « faire paître », « guider », et « gouverner ». Le sujet de la citation est en lien avec celui du récit : la gouvernance d’Israël. L’image du berger qui guide son troupeau est fréquemment employée au Proche-Orient Ancien ainsi que dans les traditions vétérotestamentaires pour évoquer le rôle du roi envers son peuple[45]. L’espoir d’un roi/berger venant de Bethléem pour gouverner Israël et tenir tête aux nations étrangères est évoqué en Michée 5 tout juste après la mention du siège de Jérusalem (Mi 4,14) et avant le jugement et le châtiment de cette ville (Mi 6,9-16). La prophétie concernant le salut venant d’un roi-berger originaire de Bethléem est donc placée en opposition avec les accusations contre Jérusalem. Le chapitre 5 de Michée développe l’idée d’un mouvement de retour à Bethléem, lieu associé aux origines de David, pour mettre un terme à l’exil causé par une autorité malsaine exercée depuis Jérusalem. L’effet de la citation de Michée 5 en Matthieu 2 est de souligner que le roi de la Judée, Hérode, est loin de l’idéal biblique. Elle permet aussi d’entrevoir la mission de Jésus par l’image utopique de la gouvernance du bon berger.
3.3. D’Égypte, j’ai appelé mon fils
Lorsque Mt 2,15 cite Os 11,1, une correspondance s’établit entre Jésus et le peuple d’Israël puisque pour le prophète, c’est l’ensemble du peuple qui est le fils que Dieu a appelé d’Égypte[46]. Os 11,5.11 précise que la destruction menée par les Assyriens est le contexte des paroles de ce prophète[47]. L’Assyrie joue le rôle attribué à l’Égypte dans les traditions concernant l’Exode. La sortie d’Égypte évoque donc le rétablissement de l’alliance et le retour chez soi. Devant la menace de l’Empire assyrien, le chapitre 11 du livre d’Osée propose un regard rétrospectif et prophétique sur la sortie d’Égypte présentée comme image d’espoir. Comme pour les lecteurs d’Osée, ceux de Mt sont invités à se rappeler que Dieu a sauvé son peuple de l’oppression impériale décrite dans le livre de l’Exode. L’attente se développe donc qu’il devrait en faire de même dans la trame narrative de l’évangile[48].
3.4. Rachel pleure ses enfants, ils ne sont plus
La citation de Jr 31,15 en Mt 2,18 répond au massacre d’enfants perpétré par Hérode. Le lien intertextuel avec l’histoire de l’Exode évoqué dans la citation d’Os 11,1 continue à se développer[49]. Hérode agit comme Pharaon. Les deux tyrans font tuer des enfants. De même, les deux ne réussissent pas à atteindre leur objectif. Dieu déjoue les plans d’Hérode pour sauver Jésus comme il a déjoué l’armée de Pharaon à la poursuite des Hébreux.
En Jérémie, les pleurs de Rachel expriment une réaction affective importante à la souffrance et l’exil d’une nation défaite[50]. Certains exégètes affirment que Jr 31 traite de la destruction assyrienne[51] et d’autres, de la déportation babylonienne[52]. Dans les deux cas, il s’agit d’une défaite majeure infligée par un empire étranger qui cause mort et souffrance[53].
En Mt, le massacre des enfants à Bethléem a un effet important sur l’image que les lecteurs se font d’Hérode[54]. Il est difficile d’imaginer une scène plus choquante qu’un infanticide. À la lecture de Mt 2,16-18, les lecteurs sont incités à adopter un regard antipathique envers Hérode. Cette violence permet une vive remise en question de la façon dont Hérode exerce l’autorité royale. Elle incite les lecteurs à chercher un autre type de royauté.
À travers ces échos intertextuels, les citations Mt 1-2 invitent les lecteurs à puiser aux traditions pour produire une force affective pouvant renouveler les attentes de changement et générer une forme d’espoir au sein d’un récit marqué par la violence et l’oppression[55].
3.5. Le Nazôréen
La « citation » énigmatique qui termine Mt 1-2 est difficile à comprendre puisque les commentateurs ne s’entendent pas sur les sources évoquées pour indiquer qu’« il sera appelé Nazôréen[56] ». « Ναζωραῖος κληθήσεται » se trouve au moment narratif de l’arrivée à la ville de Nazareth. Il est difficile de lire ce passage sans penser au lien entre cette « citation » et le lieu géographique similaire qui vient d’être nommé comme la destination finale de ce récit. Ainsi, dans le cadre de cet article, il n’est pas nécessaire d’entrer dans le débat complexe sur les sources de cette « citation » pour voir l’effet de l’établissement à Nazareth de Jésus à la fin de ce récit pour la caractérisation de Jésus. D’une part, le déplacement de Bethléem vers Nazareth en passant par l’Égypte a fait de lui un exilé politique permanent puisqu’en Mt, il ne reviendra pas en Judée avant les événements qui mèneront à sa mort. D’autre part, puisque Nazareth était perçue comme un lieu insignifiant[57], ce déplacement géographique souligne encore que Jésus est à l’opposé d’un roi de Jérusalem. Évoquer une localité pratiquement inconnue dans le cadre d’un récit au sujet des origines du messie engendre un effet de lecture qui accentue les origines modestes de celui-ci. Si la narration oriente les lecteurs vers l’identité de Jésus comme un roi, elle montre aussi que son origine se trouve à l’autre extrémité de la pyramide sociale.
IV. Archélaüs régnant
En Mt 2,22, l’usage du verbe βασιλεύει introduit Archélaüs comme roi. Le récit indique qu’il est le fils d’Hérode et qu’il succéda à son père en Judée. Or, il y a une disparité avec les connaissances historiques à son sujet puisqu’Archélaüs n’a jamais été roi[58]. Le mot soulignant la royauté d’Archélaüs contribue à le rapprocher de son père Hérode. L’effet de cette succession est de caractériser la Judée comme un lieu terrifiant pour le personnage de Joseph qui décide de se déplacer vers la Galilée. L’exil politique de la famille en Égypte se poursuit donc en Galilée puisqu’elle ne reviendra jamais à Bethléem. Cette caractérisation négative de la Judée se trouve donc prolongée au-delà du temps narré en Mt 1-2 et elle se verra confirmée dans le récit de la Passion de Jésus. De plus, la présence d’Archélaüs dans le récit souligne que Jésus n’est pas le successeur d’Hérode. Bien que le récit présente Jésus comme roi, sa royauté n’est pas du même ordre que celle d’Hérode et de son fils.
Conclure par la perspective des mages
Pour conclure notre quête, regardons brièvement celle des mages. L’histoire de l’interprétation a saisi ces personnages de diverses façons : prêtres perses, rois, sages, astrologues[59]. Le rôle qu’ils jouent dans l’intrigue de Mt 1-2 est très politique. Ils déstabilisent Hérode et orientent lecteurs et personnages vers le roi qui vient de naître. Les lecteurs de Mt sont encouragés à s’identifier à ce groupe de personnages mystérieux[60]. Comme les mages, ils sont en quête de Jésus depuis le début du texte. Cet enfant est le héros annoncé dès le premier verset, mais il n’a pas encore pris part à l’action narrée.
Le récit, lu à partir de la perspective des mages, permet de bien comprendre l’ironie associée aux personnages royaux en Mt 1-2. En Mt 2,11 lorsque les mages entrent dans la maison, ils se jettent à terre (πεσόντες) et se prosternent (προσεκύνησαν) devant l’enfant. Les cadeaux royaux comme l’or ou la myrrhe sont un tribut offert par des émissaires étrangers à un roi. Ils le lui donnent sans aucune condition en accomplissant un geste de soumission pour rendre hommage à Jésus, le roi qu’ils cherchaient. Cet honneur envers Jésus contraste avec la rencontre qu’ils ont eue avec Hérode. Les mages ne se sont pas jetés à terre, ils ne se sont pas prosternés devant lui et ils ne lui ont pas offert de cadeaux. Ils cherchaient le roi. Ils l’ont trouvé dans une simple maison de Bethléem et non dans un palais à Jérusalem. Implicitement, la perspective des mages incite les lecteurs à suivre ce même cheminement idéologique. En Matthieu, l’opposition entre Hérode et Jésus représente bien l’antagonisme entre deux conceptions du monde. Dans leur quête du roi des Juifs, les mages permettent aux lecteurs de faire l’expérience d’une dichotomie entre deux modèles politico-religieux.
Pour les lecteurs du xxie siècle qui connaissent les récits de la passion et de la résurrection de Jésus à la fin de l’évangile, il n’est pas surprenant que Jésus soit présenté comme le roi légitime dès le récit de ses origines. Cette analyse permet de voir les effets des éléments politiques de ce récit par la caractérisation du personnage de Jésus. Puisqu’il n’est qu’un enfant naissant qui ne peut prendre la parole ou accomplir des gestes, le récit déploie diverses stratégies narratives pour introduire les lecteurs à l’identité profonde du protagoniste de l’évangile. Lus dans le cadre de la fête de Noël, les récits au sujet de la naissance de Jésus sont souvent présentés d’une façon naïve ou folklorique. Typiquement, ces lectures évitent les éléments politiques qui semblent en porte-à-faux avec les réjouissances reliées à cette fête. Pourtant, cette description des personnages royaux en Mt 1-2 montre l’importance des aspects politiques déployés par ce récit.
En tant que « Christ, fils de David » Jésus est présenté comme descendant de cette lignée royale. Tous deux de Bethléem, Jésus et David sont marqués par une origine à la fois modeste et portent l’espoir de salut. Paradoxalement, le début de l’évangile distingue la royauté de Jésus de celle de David puisque ce roi a commis un crime en engendrant Salomon par la femme d’Urie. Si la monarchie judéenne est présentée comme un échec qui mène à la déportation à Babylone, le personnage de Jésus est désigné dès le premier chapitre comme celui qui sauvera son peuple.
Le chapitre 2 poursuit la caractérisation de Jésus en l’opposant au roi Hérode. Jésus n’est pas encore le crucifié, mais les enfants de Bethléem sont victimes de la conception hégémonique de la masculinité et de la royauté caractéristique d’Hérode. Les actes violents d’Hérode illustrent sa volonté d’exprimer son pouvoir dans la domination des autres. Ironiquement, la puissance d’Hérode est seulement apparente. À l’inverse, Jésus, comme enfant, se retrouve dans une posture de vulnérabilité et de dépendance extrême. Pourtant, par divers procédés littéraires, ce récit révèle aux lecteurs l’identité de celui qui sauvera son peuple[61]. Les personnages exerçant le pouvoir à Jérusalem sont responsables de la mort d’innocents au début et à la fin de l’évangile. Ce livre invite ses lecteurs à se méfier du pouvoir politique, tel que représenté par le règne d’Hérode, pour chercher un royaume différent que la suite du récit nommera royaume des cieux/de Dieu[62]. Cette interprétation de Mt 1-2 souligne que le récit des origines de Jésus est en fait un prélude du renversement central de cette oeuvre littéraire : le messie crucifié par les autorités de Jérusalem sera ressuscité par Dieu.
Parties annexes
Notes
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[1]
Voir Anders Runesson, « Giving Birth to Jesus in the Late First Century. Matthew as Midwife in the Context of Colonisation », dans Claire Clivaz et al., dir., Infancy Gospels. Stories and Identities, Tübingen, Mohr Siebeck, 2011, p. 320.
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[2]
En Mt 2,22, Archélaüs n’a pas le titre de « roi » (βασιλεύς), mais puisqu’il est sujet du verbe « régnait » (βασιλεύει), il est caractérisé comme un personnage royal.
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[3]
Notre approche méthodologique est donc distincte de celle utilisée par Warren Carter qui analyse Mt 1-2 avec une perspective socio-historique (« Matthew 1-2 and Roman Political Power », dans Jeremy Corley, dir., New Perspectives on the Nativity, London, T&T Clark, 2009, p. 77-90).
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[4]
Robert J. Hurley, La Bible du lecteur, théorie et pratique de la stylistique affective en études bibliques, Québec, PUL, 2010 ; Stanley Eugene Fish, Is There a Text in This Class ? The Authority of Interpretive Communities, Cambridge, Harvard University Press, 1980.
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[5]
Le mot « lecteurs » inclut les hommes et les femmes pouvant lire Mt. Par souci de concision nous n’écrirons pas « lecteurs et lectrices ». Si l’analyse narrative s’intéresse d’abord au lecteur implicite ou impliqué, elle s’ouvre de plus en plus aux lecteurs et lectrices empiriques qui lisent le récit. Par exemple : Vincent Jouve, « Le lecteur et ses doubles », dans Régis Burnet, Didier Luciani, Geert van Oyen, dir., Le lecteur. Sixième colloque international du RRENAB, Université Catholique de Louvain, 24-26 mai 2012, Paris, Peeters, 2015, p. 3-18 ; Geert van Oyen, « “À bon lecteur salut !” La lecture du Nouveau Testament comme dialogue entre lecteurs », dans Régis Burnet, Didier Luciani, Geert van Oyen, dir., Le lecteur, p. 19-41.
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[6]
L’interprétation habituelle est de comprendre cette relation comme un adultère. Ces exégètes interprètent la scène comme un viol : Cheryl A. Kirk-Duggan, « Slingshots, Ships, and Personal Psychosis : Murder, Sexual Intrigue, and Power in the Lives of David and Othello », dans Id., dir., Pregnant Passion. Gender, Sex, and Violence in the Bible, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2003, p. 37-70 ; Hyun Chul Paul Kim, M. Fulgence Nyengele, « Murder S/He Wrote ? A Cultural and Psychological Reading of 2 Samuel 11-12 », dans Cheryl A. Kirk-Duggan, dir., Pregnant Passion, p. 95-116 ; Richard M. Davidson, Flame of Yahweh. Sexuality in the Old Testament, Peabody, Hendrickson, 2007, p. 523-532 ; E. Anne Clements, Mothers on the Margin ? The Significance of the Women in Matthew’s Genealogy, Cambridge, James Clarke & Co, 2014, p. 140-141 ; David J. Zucker, Moshe Reiss, « David’s Wives. Love, Power, and Lust », Biblical Theology Bulletin. Journal of Bible and Culture, 46, 2 (2016), p. 70-78. J. Cheryl Exum (Plotted, Shot, and Painted. Cultural Representations of Biblical Women, Sheffield, Sheffield Academic Press, 1996, p. 19-53) présente le narrateur comme celui qui viole Bethsabée. Alexander Izuchukwu Abasili propose de faire une distinction entre ce qui est considéré comme un viol dans les cultures bibliques et actuelles (« Was it Rape ? The David and Bathsheba Pericope Re-examined », Vetus testamentum, 61, 1 [2011], p. 1-15).
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[7]
Pour plus de précision sur le travail de sape de l’écriture généalogique : Céline Rohmer, « L’écriture généalogique au service d’un discours théologique : une lecture de la généalogie de Jésus dans l’évangile selon Matthieu », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [en ligne], 17 (2017), § 33-36, https://journals.openedition.org/cerri/1697, consulté le 8 mars 2019.
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[8]
Par exemple, Zacharie réfère à lui comme « la branche » (Za 3,8 ; 6,12) pour signaler qu’il est la branche de Jessé (Is 11,1 ; Jr 23,5-6 ; 33,14-16), le messie davidique.
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[9]
Christopher C. Fuller va même jusqu’à dire qu’il s’agit d’une parodie des généalogies de l’époque qui servaient à rendre légitime le pouvoir établi (« Matthew’s Genealogy as Eschatological Satire. Bakhtin Meets Form Criticism », dans Roland Boer, dir., Bakhtin and Genre Theory in Biblical Studies, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2007, p. 119-132). Les généalogies de Jésus dans leur contexte social ont une implication anti-impériale selon Jeremy Punt, « Politics of Genealogies in the New Testament », Neotestamentica, 47, 2 (2013), p. 373-398.
-
[10]
Élian Cuvillier, Naissance et enfance d’un Dieu. Jésus-Christ dans l’évangile de Matthieu, Paris, Bayard, 2005, p. 55.
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[11]
La fin d’un article de Catherine Vialle indique bien le renversement de plusieurs attentes par le récit de Mt 1-2 : « Jésus se présente également comme un Messie étonnant, déplaçant les attentes du lecteur, comme celles des personnages du récit : s’il est fils de David, il l’est par adoption ; sa naissance a lieu dans des conditions inhabituelles dans lesquelles le lecteur, comme Joseph, est invité à voir au-delà des apparences, comme déjà le lecteur des récits sur Tamar, Rahab, Ruth et Bethsabée. Ses premiers adorateurs sont des païens, les mages, et enfin, il grandira en Égypte, puis en Galilée, loin de Jérusalem. De ce fait, dès le début du récit, le lecteur est appelé à s’identifier à Joseph et aux mages qui accueillent la naissance de Jésus comme la venue du Messie, et, comme eux, à se laisser déranger, dérouter par l’interprétation que Jésus donnera du titre de Messie dans la suite de la narration » (« Afin que fût accompli… avec quelques surprises et déplacements. Le récit de Matthieu 1-2 », Mélanges de science religieuse, 73, 1 [2016], p. 20).
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[12]
Anne Pénicaud suggère de voir Hérode comme le premier acteur à reconnaître que Jésus est le Christ (« Lecture de l’“Évangile de l’enfance” chez Matthieu (I & II) », Sémiotique et Bible, 98 [2000], p. 13-14). Pourtant, il ne s’agit pas d’une parole attribuée au personnage d’Hérode, mais bien une indication énoncée par le narrateur.
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[13]
Dorothy J. Weaver, « Power and Powerlessness : Matthew’s Use of Irony in the Portrayal of Political Leaders », Society of Biblical Literature Seminar Papers, 31 (1992), p. 454-466 ; Id., « “They Did to Him Whatever they Pleased”. The Exercise of Political Power within Matthew’s Narrative », Hervormde Teologiese Studies, 65, 1 (2009), p. 1-13.
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[14]
Il y a plusieurs façons de définir l’ironie. Voici celle qui inspire notre réflexion. « In using irony an author invites the reader to reject an ostensible structure of meaning. The meaning to be rejected is often far more than the literal meaning of a particular sentence or expression, but rather a whole structured “world” of meanings or values… » (Paul D. Duke, Irony in the Fourth Gospel, Atlanta, John Knox Press, 1985, p. 34).
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[15]
Pour un aperçu des recherches bibliques sur les masculinités, voir Susan E. Haddox, « Masculinity Studies of the Hebrew Bible. The First Two Decades », Currents in Biblical Research, 14, 2 (2016), p. 176-206 ; Eric C. Stewart, « Masculinity in the New Testament and Early Christianity », Biblical Theology Bulletin. Journal of Bible and Culture, 46, 2 (2016), p. 91-102 ; Peter-Ben Smit, Masculinity and the Bible. Survey, Models, and Perspectives, Leiden, Brill, 2017. Pour une application de cette approche à la généalogie de Jésus : Sébastien Doane, « Masculinities of the Husbands in the Genealogy of Jesus (Matt. 1:2-16) », Biblical Interpretation, 27, 1 (2019), p. 91-106.
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[16]
« Hegemonic masculinity is the specific gender construction that is dominant in cultural and political power structures. Even if no actual men embody that form of masculinity, the combination of traits still dominates as the ideal masculinity because of its association with power. Thus, a particular gender construction is imitated and propagated by those who seek to rise in the hierarchy of status and power. Nevertheless, hegemonic masculinity is not stable, but is continuously shaped by competing subversive masculinities and the political tensions these represent » (Susan E. Haddox, « Masculinity Studies of the Hebrew Bible », p. 179). L’origine de ce concept est attribuée à Raewyn W. Connell, Gender and Power, Sydney, Allen, Mercer & Unwin, 1987.
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[17]
« In the public realm a man is expected to demonstrate self-control. Displaying mastery of emotions and actions is a key feature of masculine status, especially in the Greco-Roman era. Sense and emotions were linked with women, while the exercise of self-control and rationality were associated with men » (Susan E. Haddox, « Masculinity Studies », The Oxford Encyclopedia of Biblical Interpretation, vol. 1, New York, Oxford University Press, 2015, p. 537).
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[18]
« The political and human authority of Herod is based on fear, indeed terror, that his use of the power of life and death inspire in people (see 2:16). Herod’s authority is exerted through the use of disruptive and destructive power or force » (Daniel Patte, The Gospel According to Matthew. A Structural Commentary on Matthew’s Faith, Philadelphia, Fortress Press, 1987, p. 36-37).
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[19]
L’emploi de προσκυνήσω dans la bouche du roi est aussi le signe qu’il dit le contraire de ce qu’il pense. S’il réalisait ce geste, celui-ci aurait une portée politique importante. Hérode ne serait plus le roi de la Judée, puisqu’il se soumettrait à un autre personnage reconnu comme roi des Judéens. Or, rien ne laisse entendre qu’Hérode veut renoncer à sa couronne.
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[20]
Ce mot se retrouve aux versets 8, 9, 11, 13 (2x), 14, 20 (2x) et 21.
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[21]
Il n’y a que la citation d’accomplissement énoncée par les scribes et les prêtres qui attribue indirectement à Jésus des actions : « De Bethléem viendra (ἐλαχίστη) un leader qui va faire paître (ποιμανεῖ) mon peuple Israël » (2,6).
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[22]
« But appearances are deceiving. In reality the narrator has established the “facts” or a “powerful Herod” and a “powerless Jesus” only in order to undermine the reliability of these “facts” within the world of the narrative » (Dorothy J. Weaver, The Irony of Power. The Politics of God within Matthew’s Narrative, Eugene, Pickwick, 2017, p. 33).
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[23]
L’Ange du Seigneur déjoue constamment les plans d’Hérode pour sauver Jésus. Ce personnage permet de voir clairement la posture divine par rapport à l’opposition entre Hérode et Jésus.
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[24]
Jacob Neusner, William S. Green, Ernest S. Frerichs, dir., Judaisms and Their Messiahs at the Turn of the Christian Era, Cambridge, Cambridge University Press, 1987 ; Stanley E. Porter, dir., The Messiah in the Old and New Testaments, Grand Rapids, Cambridge, Eerdmans, 2007.
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[25]
« Fils d’Abraham » n’est pas discuté ici par souci de concision puisqu’Abraham n’est pas considéré explicitement comme une figure royale dans les traditions bibliques.
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[26]
Plusieurs textes de l’Ancien Testament insistent sur le rôle d’un messie davidique dans la restauration après l’Exil. De plus, les Psaumes de Salomon, tout comme quelques autres textes de l’époque du second Temple, montrent que l’espoir d’un messie, fils de David, était vif sous la domination romaine : « Regarde, Seigneur, et suscite-leur leur roi, fils de David, au moment que tu sais, ô Dieu, pour qu’il règne sur Israël ton serviteur ! Et ceins-le de force pour qu’il brise les princes injustes, qu’il purifie Jérusalem des nations qui la foulent et la ruinent ! » (Ps. Sal. 17,21-22, trad. P. Prigent, dans La Bible. Écrits intertestamentaires, Paris, Galimard [coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 337], 1987, p. 987). Selon H. Daniel Zacharias, le portrait qui se dégage des interprétations du messianisme davidique au premier siècle est marqué par un accent politique et militaire : « This brief sketch of Davidic messianism serves to show that during the time of Jesus and even into the second century, the hope for a Davidic messiah was still high, and it had taken on a particularly geo-political and violent/militaristic tone » (Matthew’s Presentation of the Son of David, London, New York, T&T Clark, 2017, p. 28).
-
[27]
Krister Stendahl, « Quis et Unde ? An Analysis of Mt 1-2 », dans Walther Eltester, dir., Judentum, Urchristentum, Kirche. Festschrift für Joachim Jeremias, Berlin, Töpelmann, 1960, p. 94-105.
-
[28]
Pour une analyse plus approfondie du renversement du rapport à Bethléem entre le texte de Michée 5,1 et la citation en Mt 2,6 : Sébastien Doane, « Les citations de Matthieu 1-2. Charnières théologiques entre l’ancien et le nouveau », Theoforum, 47, 1 (2016-2017), p. 133-148.
-
[29]
Richard Bauckham, Gospel Women. Studies of the Named Women in the Gospels, Grand Rapids, Eerdmans, 2002, p. 74.
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[30]
Si Hérode est furieux, tous les habitants de la ville pourraient potentiellement être victimes de sa fureur. Une autre piste de compréhension est de voir que Jérusalem était la ville du pouvoir et que les personnes qui y vivaient étaient des collaborateurs d’Hérode. Voir Richard A. Horsley, The Liberation of Christmas. The Infancy Narratives in Social Context, New York, Crossroad, 1989, p. 49-52 ; Ulrich Luz, The Theology of the Gospel of Matthew, trad. J.B. Robinson, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 1995, p. 27. John Nolland (The Gospel of Matthew. A Commentary on the Greek Text, Grand Rapids, Eerdmans, 2005, p. 112) affirme que « tout Jérusalem » anticipe l’hostilité de la ville contre Jésus qui sera manifestée dans le récit de la passion.
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[31]
Voir Bernard Brandon Scott, « The Birth of the Reader », Semeia, 52 (1990), p. 95.
-
[32]
C’est en Égypte que Joseph et ses frères trouvent de l’aide lors d’une famine en Canaan (Gn 42,2). C’est aussi en Égypte que certains se réfugient lors de la destruction de Jérusalem par Babylone (Jr 26,21 ; 41,16-18 ; 43,4-7). L’Égypte sert aussi de refuge en 1 R 11,17 ; 40,2 ; 2 R 25,26.
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[33]
Selon le livre de l’Exode, l’Égypte est le lieu d’esclavage du peuple hébreu.
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[34]
Pour une analyse détaillée : Jean Miler, Les citations d’accomplissement dans l’évangile de Matthieu. Quand Dieu se rend présent en toute humanité, Rome, Pontificio Istituto Biblico, 1999. Pour une brève présentation : Odile Flichy, L’Évangile de Matthieu, Paris, Cerf, 2016, p. 49-57.
-
[35]
Warren Carter, « Evoking Isaiah : Matthean Soteriology and an Intertextual Reading of Isaiah 7-9 and Matthew 1:23 and 4:15-16 », Journal of Biblical Literature, 119, 3 (2000), p. 503-520 ; Sébastien Doane, « Résister aux injustices impériales en citant Isaïe. Analyse intertextuelle de Mt 1,23 et Is 7,14 », Théologiques, 24, 1 (2016), p. 51-72.
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[36]
Les exégètes qui affirment que ce signe est, en même temps, positif et négatif : Hans Wildberger, Isaiah 1-12, Minneapolis, Augsburg Fortress, 1991, p. 312-313 ; Rikk E. Watts, « Immanuel : Virgin Birth Proof Text or Programmatic Warning of Things to Come (Isa 7:14 in Matt 1:23) ? », dans Craig A. Evans, dir., From Prophecy to Testament. The Function of the Old Testament in the New, Peabody, Hendrickson, 2004, p. 92-113 ; Brian C. Dennert, « A Note on Use of Isa 7:14 in Matt 1:23 through the Interpretation of the Septuagint », Trinity Journal, 30 (2009), p. 98.
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[37]
σώσει τὸν λαὸν αὐτοῦ ἀπὸ τῶν ἁμαρτιῶν αὐτῶν.
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[38]
Jésus vient du nom hébreu יהושע (yehoshua), qui signifie « Dieu est le salut » ou ישוע (yeshoua) qui veut dire « il va sauver ».
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[39]
Cette expression placée peu après la description de la généalogie de Jésus représente Israël dont l’histoire vient tout juste d’être évoquée de cette façon.
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[40]
Par exemple, William D. Davies, Dale C. Allison Jr., A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, vol. 1, Introduction and Commentary on Matthew I-VII, London, T&T Clark, 2004, p. 211.
-
[41]
Nicholas G. Piotrowski, « “I Will Save My People From Their Sins”. The Influence of Ezekiel 36:28b-29a ; 37:23b on Matthew 1:21 », Tyndale Bulletin, 64, 1 (2013), p. 33-54.
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[42]
C’est l’interprétation proposée par Warren Carter, « “To Save His People from their Sins” (Matt 1:21) : Rome’s Empire and Matthew’s Salvation as Sovereignty », Society of Biblical Literature Seminar Papers, 39 (2000), p. 379-401.
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[43]
Pour une analyse intertextuelle plus complète : S. Doane, « Résister aux injustices impériales en citant Isaïe », p. 51-72.
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[44]
Voir K. Stendahl, « Quis et Unde ? An Analysis of Mt 1-2 », p. 94-105. L’interprétation géographique de Stendahl a été si marquante que les chercheurs ne semblent pas avoir eu d’intérêt pour développer d’autres liens.
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[45]
Pour une étude approfondie du motif de l’image du berger dans l’Ancien Testament et dans la littérature du Second Temple, voir Young S. Chae, Jesus as the Eschatological Davidic Shepherd. Studies in the Old Testament, Second Temple Judaism, and in the Gospel of Matthew, Tübingen, Mohr Siebeck, 2006. Voir 2 S 5,2 ; 7,7 ; Jr 23,1-8 ; Ez 34,22-31 ; 37,20-25.
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[46]
Cette correspondance est soulignée par la plupart des commentateurs. Par exemple : Richard B. Hays, Echoes of Scripture in the Gospels, Waco, Baylor University Press, 2016, p. 113.
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[47]
« Il ne reviendra pas au pays d’Égypte, c’est Assour qui sera son roi, car ils ont refusé de revenir à moi » (Os 11,5). « De l’Égypte ils accourront en tremblant comme des moineaux, et du pays d’Assour comme des colombes, et je les ferai habiter dans leurs maisons — oracle du SEIGNEUR » (Os 11,1).
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[48]
Les contextes politiques des narrations de l’exode d’Égypte et de Mt 1-2 ont des correspondances, mais comportent aussi quelques disparités. Dans le récit du livre de l’Exode, le peuple vit en exil, esclave de l’Égypte. En Mt, le peuple n’est pas en situation d’exil géographique. Pourtant, il est bien sous le joug d’un autre empire. Les habitants ne sont pas des esclaves, mais ils vivent « au temps du roi Hérode » (2,1).
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[49]
Le rapport entre les textes cités est bien présenté par Nicholas G. Piotrowski : « Surely it is not merely coincidental that in consecutive formula quotations (Matt 2:15 + Matt 2:17-18) Matthew has linked these two very similar passages from Hosea 11:1-11 and Jeremiah 31:15-20. Both prophetic texts speak of the exile and suffering of an unfaithful people, and both declare that God will reach out in mercy and bring the people back from exile. By evoking these two prophetic passages in the infancy narrative, Matthew connects both the history and the future destiny of Israel to the figure of Jesus, and he hints that in Jesus the restoration of Israel is at hand » (Matthew’s New David at the End of Exile. A Socio-rhetorical Study of Scriptural Quotations, Leiden, Boston, Brill, 2016, p. 115-116).
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[50]
« Ainsi parle le Seigneur : Dans Rama on entend une voix plaintive, des pleurs amers : Rachel pleure sur ses enfants, elle refuse tout réconfort, car ses enfants ont disparu » (Jr 31,15).
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[51]
Par exemple : Johannes W. Mazurel, « Citations From the Book of Jeremiah in the New Testament », dans Martin Kessler, dir., Reading the Book of Jeremiah. A Search for Coherence, Winona Lake, Eisenbrauns, 2004, p. 181-189 ; Craig A. Evans, Matthew, New York, Cambridge University Press, 2012, p. 60.
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[52]
Par exemple : R.B. Hays, Echoes of Scripture in the Gospels, p. 115. Pour Barnabas Lindars, Jr 31,15 s’adresse aux habitants de Juda qui vont bientôt vivre l’expérience d’exil du Royaume d’Israël (« “Rachel Weeping for Her Children” - Jeremiah 31:15-22 », Journal for the Study of the Old Testament, 12 [1979], p. 47-62).
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[53]
Pour Philippe Lefebvre, il n’apparaît pas essentiel de faire un choix puisque l’effet de ces deux crises bibliques sur le lecteur est le même (« C’est Rachel qui pleure et ne veut pas être consolée. Le refus de la consolation pour trouver la consolation véritable », Carmel, 150 [2013], p. 8-23).
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[54]
Pour une analyse politique de cette péricope à partir de la perspective des lecteurs, voir Sébastien Doane, « L’infanticide de Bethléem : quand l’intertextualité devient critique impériale », Science et Esprit, 69, 2 (2017), p. 263-278.
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[55]
Karl Allen Kuhn (The Heart of Biblical Narrative. Rediscovering Biblical Appeal to the Emotions, Minneapolis, Fortress Press, 2009) souligne l’importance du rapport affectif dans l’interprétation biblique. Une application de ce type d’interprétation : Sébastien Doane, « Rachel Weeping : Intertextuality as a Means of Transforming the Readers’ Worldview », Journal of the Bible and Its Reception, 4, 1 (2017), p. 1-20.
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[56]
Une présentation des théories visant à déterminer l’origine de cette citation se trouve en W.D. Davies, D.C. Allison Jr., A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Saint Matthew, vol. 1, p. 275-281 ; et Maarten J.J. Menken, « The Sources of the Old Testament Quotation in Matthew 2:23 », Journal of Biblical Literature, 120, 3 (2001), p. 456-460.
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[57]
Il n’y a pas de tradition vétérotestamentaire au sujet de cette localité. L’Évangile de Jean transmet une impression négative associée à ce lieu : « Peut-il y avoir quelque chose de bon provenant de Nazareth ? » (Jn 1,46).
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[58]
Après le décès de son père à Jéricho en 4 av. J.-C., Archélaüs se rend à Rome pour se faire reconnaître roi de Judée par l’empereur Auguste, mais ce dernier refuse et le nomme ethnarque. Malgré ce titre, moins prestigieux, son pouvoir sur le peuple devait être similaire.
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[59]
Mark Allan Powell, « The Magi as Kings : An Adventure in Reader-Response Criticism », Catholic Biblical Quarterly, 62, 3 (2000), p. 459-480 ; Id., « The Magi as Wise Men : Re-examining a Basic Supposition », New Testament Studies, 46, 1 (2000), p. 1-20.
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[60]
Élian Cuvillier souligne que l’épisode des mages met en place le conflit à venir entre Jésus et les responsables politiques et religieux qui aboutira à la Passion, ouvre le salut aux non-Juifs et montre un clivage entre les réactions de confiance et d’opposition à l’intervention de Dieu (« La visite des mages dans l’évangile de Matthieu [Mt 2,1-12]. Approche narrative d’une fiction théologique », dans Jean-Marc Vercruysse, dir., Les [Rois] Mages, Arras, Artois, 2011, p. 13-24).
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[61]
« With regard to Jesus’ messianic identity, character, and vocation Matthew’s ongoing narrative paints a vivid portrait of a “Messiah with a difference” » (D.J. Weaver, The Irony of Power, p. 132).
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[62]
En Mt 4,8-9 les « royaumes de ce monde » sont décrits comme appartenant à Satan. La royauté d’Hérode peut être vue comme un exemple de ce type de royaume. L’épisode des tentations pourrait aussi être relu à partir d’une approche narrative et politique.