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L’Armée de Marie, d’abord reconnue comme association pieuse dans le diocèse de Québec en 1975, a été au centre de nombreuses polémiques, en particulier depuis que son statut d’association publique de fidèles a été révoqué en 1987 et, surtout, depuis que les responsables de ce groupe se sont « exclus de la communion de l’Église catholique » et ont adopté une position schismatique à la suite d’ordinations invalides célébrées en janvier 2007. Toutefois, le débat public n’avait retenu que les tensions périodiques entre ce groupe et les autorités ecclésiastiques du diocèse de Québec, des congrégations romaines ou de la conférence des évêques catholiques du Canada ou des commissaires pontificaux. Restait à connaître la « face cachée » de ce groupe. L’ouvrage que présente Raymond Martel a précisément pour but de nous faire voir les dessous de l’Armée de Marie, en particulier le fond d’ésotérisme qui supporte toute l’idéologie du groupe (chapitre 2), ésotérisme auquel adhérait Raoul Auclair, l’un des piliers ou plutôt l’idéologue du groupe (chapitre 3) à la source de sa dérive hétérodoxe et des dérapages doctrinaux qui l’ont entraîné hors de l’Église catholique. J’ai été surpris cependant qu’on n’accorde pas plus d’importance aux apparitions contestées de la Dame de tous les peuples, qui se seraient produites à Amsterdam entre 1945 et 1959, au cours desquelles Marie se serait présentée comme corédemptrice, médiatrice et avocate, titres que Marie-Paule Giguère, fondatrice de l’Armée de Marie, revendique désormais pour elle-même, se présentant comme l’incarnation de la Dame de tous les peuples et se vêtant comme la vierge de ces apparitions. En effet, on sait que, avant la reconnaissance de l’Armée de Marie comme association pieuse du diocèse de Québec, Marie-Paule Giguère a eu quelques contacts avec la voyante d’Amsterdam et a bien connu la littérature reliée à ces apparitions. Cela dit, le plus plausible est que l’Armée de Marie ait intégré à ses élaborations ésotériques quelques idées venant de ces apparitions plus qu’elle n’en dépende.
L’enquête fouillée et minutieuse, dont rend compte cet ouvrage, repose principalement sur des sources imprimées. La reconstruction élaborée à partir de ce corpus volumineux, rigoureusement analysé et où aucun détail n’est négligé, est convaincante. L’enquête est menée avec beaucoup de minutie et toutes les affirmations de l’ouvrage sont fondées. Les très nombreuses notes, annexes documentaires et renvois permettent au lecteur de vérifier chacune des conclusions et de refaire la démarche d’enquête s’il le souhaitait. La cause est instruite patiemment par un auteur qui a un véritable talent d’enquêteur. Le ton est juste, jamais polémique, l’auteur demeurant fidèle à son propos de démontrer et d’argumenter. Il ne s’agit donc pas d’un plaidoyer, mais d’une reconstruction honnête, soucieuse du détail, approfondie et conduite à partir d’une documentation solide et abondante. Jusqu’ici, aucune étude n’avait permis de lever le voile sur la « face cachée » de l’Armée de Marie, les études, surtout de nature canonique, s’étant intéressées à d’autres aspects de l’évolution de ce groupe. Il faut recommander cet ouvrage à toute personne désireuse d’en savoir plus sur l’Armée de Marie.