Résumés
Résumé
Les politiques du logement promouvant la production d’un parc immobilier à caractère social ont fait l’objet de nombreuses critiques. Pour y remédier, plusieurs pays ont opté pour des aides directes aux ménages. Les États-Unis illustrent parfaitement ce basculement entre une aide centrée sur la production et la gestion d’ensembles résidentiels à caractère social et celle axée sur les capacités des ménages à se trouver un logement sur le marché privé. Leurs politiques du logement constituent donc un cas particulièrement intéressant à analyser afin de comprendre comment s’opère l’arrimage entre des politiques sociales et la responsabilité individuelle. C’est ce que se propose de faire cet état de la question sur l’utilisation par les ménages de leurs allocations au logement dans le cadre de différents programmes de réhabilitation du parc social et de déconcentration de la pauvreté.
Abstract
Government policies that promote construction of social housing have been widely criticized. In an effort to address this criticism, a number of countries have opted instead to provide direct aid to households. The United States offers a perfect example of this flip-flopping between aid focused on the construction and management of social housing and aid designed to help households find housing on the private market. American housing policies thus constitute a particularly interesting case for analysis in seeking to understand how social policies can be tailored to respect individual responsibility. That is the issue explored in this paper on how households use the housing allowances they receive under various programs designed to refurbish the social housing stock and fight poverty.
Corps de l’article
Les politiques du logement promouvant la production d’un parc immobilier à caractère social ont fait l’objet de critiques répétées, et ce, parfois peu de temps après la livraison et la mise en exploitation des logements. Une des principales critiques adressées à ce type de programmes concerne ses coûts et sa faible capacité à s’adapter aux besoins des ménages. Une autre critique souligne les effets non voulus de ce type de programmes sur le bien-être des ménages par le biais de la « résidualisation » du parc social dans de nombreux pays.
Plusieurs pays ont tenté d’apporter des solutions à ces problèmes. Les voies employées sont toutefois diverses en ce qui a trait à la place dévolue au logement social dans le système de l’habitation. L’une d’entre elles préconise le remplacement des subventions réservées au maintien et à la production d’ensembles résidentiels à caractère social par des allocations versées aux ménages pour les aider à se loger sur le marché privé. Une telle option ne fait pas figure de nouveauté (Laberge et Montmarquette, 2010 ; Pomeroy, 1995). Ce sont plutôt les liens qui sont établis entre une telle option et d’autres effets associés aux politiques du logement qui constituent une relative nouveauté, en plus de l’ampleur qui est donnée à certains programmes d’aide directe aux ménages dans certains pays.
Les effets visés par les programmes d’aide directe aux ménages portent sur la déconcentration de la pauvreté et sur l’élargissement des occasions offertes aux ménages défavorisés. Les aides directes aux ménages sont conçues pour accroître la capacité de choix des ménages défavorisés sur le marché du logement. Elles devraient donc leur permettre de se trouver un logement adéquat à un prix abordable et localisé dans un quartier socialement mixte. L’idée sous-jacente à l’accès à une telle localisation est de briser les effets non voulus de la concentration de la pauvreté dans le logement social et de fournir aux ménages un accès à des environnements urbains où ils pourront bénéficier de meilleurs services et d’une vie de quartier jugée plus positive.
Cette logique sous-jacente des programmes d’aide directe au logement soulève toutefois un ensemble de questions : comment la capacité de choix des ménages défavorisés est-elle soutenue sur le marché du logement ? Quels effets les aides directes au logement ont-elles sur le bien-être des ménages ? Quels choix sont actualisés par les ménages aidés sur le marché du logement, et quels ménages sont en mesure d’actualiser ces choix ? Pour répondre à ces questions, nous proposons d’aborder les programmes d’aide directe au logement en tant que politique sociale, entendue ici comme une intervention publique qui vise l’accroissement de la capacité des ménages à atteindre le bien-être et à assurer leur épanouissement (Sen, 2000). En ce qui a trait aux politiques du logement, cette conception des politiques sociales revient à s’interroger sur les inégalités d’opportunité et de qualité de l’environnement présentes dans l’espace urbain et à leurs effets potentiels sur les différents types de ménages (Dunn, 2002 ; Galster et Killen, 1995).
Le présent article a pour objectif premier d’exposer les études, maintenant nombreuses, d’un cas qui incarne cette idée d’utiliser davantage le marché et la responsabilité individuelle pour répondre aux besoins des individus et des familles moins nantis[1]. Il s’agit d’un programme d’allocation au logement mis en place aux États-Unis (le programme Housing Choice Voucher régi par la Section 8 de la loi américaine sur le logement). L’engagement vers le « choix » et la responsabilité individuelle s’exprime dans le nom même du programme. Trois raisons nous incitent à retenir ce cas en particulier. La première renvoie au fait que les problèmes relevés dès les années 1970 dans le logement social pousseront l’État fédéral à mettre sur pied un programme expérimental d’aide directe aux ménages, donnant à cette option une visibilité de longue date (CBPP, 2009 ; Rainwater, 1970). La seconde est liée au progressif désinvestissement de l’État fédéral des politiques du logement sous la pression d’un conservatisme social et fiscal qui s’est exprimé de différentes manières depuis le début des années 1980 (Rice et Sard, 2009). La troisième et dernière raison qui nous pousse à retenir les États-Unis en tant que cas d’étude tient au fait que les autorités responsables du logement social ont entrepris depuis le début des années 1990 un vaste chantier de remodelage du logement social doublé d’une opération de déconcentration des ménages qui y résident. Ce chantier s’appuie largement sur le programme d’allocation au logement pour faciliter la relocalisation des ménages (Goetz, 2000).
L’information mobilisée pour le présent article provient d’une revue de littérature menée dans le cadre d’un projet de recherche sur les effets du logement social sur le bien-être et la santé des familles[2]. La revue de littérature ciblait les travaux académiques, les rapports gouvernementaux et les recherches menées par des instituts indépendants. Les bases de données bibliographiques en sciences sociales ont constitué la source principale de la recherche documentaire. Le site du département d’État au logement et à la rénovation urbaine (US Department of Housing and Urban Development–HUD) a également été consulté ainsi que les sites de deux instituts de recherche s’intéressant au logement et à l’évolution des politiques sociales (The Urban Institute et le Center on Budget and Policy Priorities).
L’article se structure en deux parties. La première est consacrée à une mise en contexte de la politique du logement américaine en ce qui concerne le logement social à caractère public et à la description du programme d’allocation au logement. La seconde partie consiste en une synthèse des études ayant porté sur la relocalisation des ménages dont le logement social a été démoli dans le cadre du programme de remodelage HOPE VI (Housing Opportunities for People Everywhere), ainsi que sur le programme MTO (Moving to Opportunity) et le programme général des allocations au logement. À la suite de ces deux parties qui constituent le coeur de l’article, nous proposerons une discussion plus générale inspirée par les observations produites au sujet du cas américain.
Le basculement des politiques du logement américaines vers l’aide directe au logement
La réduction de la taille du programme de logement social
Le programme de logement social américain a vu le jour au lendemain de la grande dépression des années 1930. Il s’inscrit dans une des dernières grandes lois du New Deal. Il connaîtra un démarrage relativement lent, entre autres à cause de l’interruption dans la production de nouvelles unités durant la Seconde Guerre mondiale. La loi sur le logement (Housing Act) de 1949 le réinstaure avec pour objectif de produire 810 000 unités supplémentaires en six ans. Cet objectif ne sera atteint qu’en 1968. Le nombre maximum d’unités de logement social est atteint en 1994 avec un peu plus de 1,4 million d’unités. Depuis, le nombre d’unités disponibles s’est réduit d’environ 165 000 (Schwartz, 2006).
Si c’est le gouvernement fédéral qui assure le budget afin de produire le logement social, sa gestion est confiée à plus de 3 000 organismes locaux – les Public Housing Autorities (PHA). Ces organismes en assument la gestion courante, dont le financement des frais d’exploitation à partir des revenus générés par la location. Cette formule de financement a rapidement montré ses limites, et le secteur du logement social souffre de sous-financement chronique, ce qui rend ardues les missions d’entretien du cadre bâti ou d’intervention sociale auprès des locataires. La dégradation d’une partie du parc de logements sociaux est survenue rapidement après sa construction. Elle a ainsi contribué à propager une image négative de cette formule de logement social auprès de la population, conduisant à une « résidualisation » du secteur et à la mise sur pied des premiers programmes expérimentaux d’aide directe au logement dans les années 1970.
À la fin des années 1980, l’état du logement social inquiète à nouveau les autorités publiques. Pour répondre à cette inquiétude, le Congrès crée en 1989 la Commission nationale sur les logements sociaux en détresse sévère (National Commission on Severely Distressed Public Housing). Les travaux de la commission prennent fin en 1992 par la publication d’un rapport accablant sur la situation dans une série d’ensembles résidentiels regroupant environ 86 000 logements sociaux. Ces unités sont classées en grande détresse d’un point de vue physique, économique et social. Selon les commissaires, les personnes qui y vivent sont marquées par le désespoir et le renoncement, et elles nécessitent des niveaux élevés de services sociaux et de soutien, les logements qu’elles occupent sont en très mauvais état et ils s’insèrent dans des zones urbaines socialement et économiquement défavorisées. En plus des critères précédents, les commissaires notent que les zones urbaines dans lesquelles s’insèrent ces logements sont caractérisées par des taux élevés de criminalité et que la violence qui y règne empêche souvent les PHA d’y faire correctement leur travail (NCSDPH, 1992).
En réponse aux travaux de la commission, le Congrès créera le programme HOPE VI en octobre 1992 et en confie l’administration à HUD. Ce programme combine des subventions pour rénover le cadre bâti et des fonds complémentaires pour améliorer la gestion des projets. Il a pour objectif principal d’améliorer l’environnement physique des locataires des logements sociaux parmi les plus dégradés du pays en favorisant les opérations de réhabilitation. Cet objectif de départ sera élargi au fil du temps afin d’intégrer des préoccupations liées à la déconcentration de la pauvreté, à la création de communautés viables inspirées par le nouvel urbanisme et à la revitalisation urbaine des anciens quartiers centraux (Kleit, 2005 ; Popkin et al., 2004).
Après des débuts modestes, le programme a atteint une vitesse de croisière et, entre 1993 et 2006, l’État fédéral y a injecté 6,3 milliards de dollars afin de soutenir 609 projets dans 193 villes[3]. En juin 2006, les bourses versées par le programme aux PHA avaient permis la démolition de 78 100 unités de logement social et celle de 10 000 autres était d’ores et déjà planifiée. Elles ont soutenu la production de 103 600 unités de remplacement, dont 57 100 unités de logement social, le reste bénéficiant d’un subside provenant d’un autre programme ou étant destiné au marché locatif ou à l’accession à la propriété (Popkin et Cove, 2007).
Le programme HOPE VI a contribué à l’érosion du stock de logements sociaux. Il a aussi offert l’occasion au gouvernement fédéral de modifier les pratiques de gestion du secteur. Dès 1995, HUD abandonne la règle qui oblige les PHA à garantir le remplacement de toute unité de logement social démolie. En 1998, le Congrès votera une importante réforme du logement social (The public housing reform act – Quality Housing and Work Responsability Act – QHWRA). La réforme codifie une série de mesures incluses dans le programme HOPE VI. Elle applique aux PHA les principes de la gestion immobilière privée. Elle renforce ainsi leur responsabilité financière et récompense les gestionnaires efficaces en leur accordant une plus grande marge de manoeuvre quant à la sélection des locataires ou aux règles de location. Elle élargit aussi leur capacité à utiliser les fonds publics comme garantie afin d’attirer des capitaux complémentaires. Elle introduit enfin un mode de calcul des subsides d’opération du logement social fondé sur une comparaison entre les différents PHA (benchmarking). Cette formule a conduit certains PHA à suivre de véritables cures d’austérité (Kleit et Page, 2008).
À la suite de ces diverses modifications, le système de gestion du logement social est devenu plus complexe et parfois plus opaque pour les acteurs locaux, les formules de financement changeant constamment d’une année à l’autre et les manques à gagner des PHA devenant plus fréquents. Les écarts entre les sommes qu’ils doivent normalement recevoir en vertu de la formule de financement d’HUD et celles réellement perçues étaient peu fréquents jusqu’en 2002 et constituaient le plus souvent une situation temporaire. Après 2002, cet écart est fréquent et atteint 11 % en 2008, toutefois en nette amélioration par rapport à 2007 où il atteignait presque 20 % (Rice et Sard, 2009).
Le financement du logement social est également en net recul, puisque le budget qui lui est alloué a baissé de 48 % entre 1976 et 2004, pour passer de 56,4 milliards de dollars à 29,2 milliards de dollars (en dollar américain constant) (Kleit et Page, 2008).
L’aide directe au logement
Les programmes d’aide directe au logement ont connu une trajectoire inverse. Initiés à partir des années 1970 de manière expérimentale, ils ont été institutionnalisés dans la Section 8 de la loi sur le logement. Jusqu’en 1998 et l’adoption du QHWRA, deux programmes d’allocation directe au logement coexistaient à l’intérieur de la loi. Ils ont été fusionnés à l’occasion de la réforme (CBPP, 2009). Ce programme vient en aide à plus de deux millions de ménages. Son budget a été multiplié par quatre entre 1976 et 2004 pour atteindre 37,3 milliards de dollars. Le seul moment où ce budget a connu une baisse est à la fusion des programmes en 1998. Cette réduction a correspondu à une perte évaluée à 150 000 allocations (Kleit et Page, 2008). Elle a toutefois été résorbée depuis (CBPP, 2009).
Un des objectifs du programme d’allocation au logement est d’accroître le choix des ménages défavorisés. À la fin des années 1980, cet objectif s’est traduit par l’introduction de la notion de « portabilité » (portability). Elle prévoit qu’un ménage peut utiliser la subvention d’un PHA pour déménager partout où il le souhaite (Varady et Walker, 2000). La seule exception qu’un PHA peut mettre à cette règle concerne une obligation de résidence d’un an sur son territoire pour les ménages aidés pour la première fois. Comme la gestion des allocations se fait sur le plan local, les PHA qui reçoivent des ménages prennent en charge la gestion administrative des dossiers et en facturent le coût aux PHA d’origine, lesquels continuent à financer le montant des allocations versées aux ménages (CBPP, 2009).
Le programme d’allocation au logement a également été associé à plusieurs programmes expérimentaux visant à disperser les ménages vivants dans le logement social ou dans des espaces résidentiels privés subventionnés par HUD et qui se sont dégradés au fil du temps (Varady et Walker, 2000). Il a ainsi été utilisé dans le cadre des programmes de déségrégation Gautreaux I et II mis en place à Chicago à la suite d’une plainte des locataires du logement social quant au caractère discriminatoire de sa localisation dans des quartiers exclusivement peuplés par les Afro-Américains (Boyd et al., 2010). Il a ensuite été mobilisé à petite échelle dans le cadre du programme MTO et à grande échelle dans le cadre de HOPE VI. Enfin, il est parfois associé de manière ponctuelle et expérimentale à d’autres programmes sociaux, comme dans l’expérience Welfare to Work Voucher menée entre 2000 et 2004 (Wood et al., 2008).
Les limites d’accès au programme sont fixées en fonction d’un pourcentage du revenu médian de la région de résidence. Le revenu annuel maximal pour être admissible au programme est fixé par les PHA. Il correspond à une proportion du revenu médian régional comprise entre 50 et 80 %. Outre la fixation de cette limite, les PHA disposent également d’une marge de manoeuvre dans le choix des populations à servir en fonction de leur composition familiale, de l’âge ou de leurs besoins spéciaux en logement. La seule contrainte qui pèse sur les PHA en ce qui a trait à l’accès au programme est qu’ils doivent réserver les trois quarts des nouvelles allocations au logement à des ménages ayant des revenus extrêmement faibles (moins de 30 % du revenu médian régional).
Une fois admis dans le programme, un ménage peut utiliser son allocation pour louer un logement sur le marché privé. Il ne peut cependant pas utiliser sa subvention pour louer n’importe quelle unité. Une série de règles s’appliquent à ce stade. La première règle qui s’applique est que le montant demandé par le propriétaire pour couvrir le loyer et le coût des commodités doit être « raisonnable ». Pour déterminer ce montant, deux étapes sont prévues par le programme. HUD fixe d’abord un « loyer juste du marché » (fair market rent) pour chaque unité territoriale couverte par un PHA et, éventuellement, à des échelles spatiales plus fines. Le montant retenu doit être en mesure de couvrir le loyer et les coûts des commodités pour 40 % des unités louées durant la dernière année, à l’exclusion des unités neuves. Dans un nombre réduit d’aires métropolitaines, ce montant peut aller jusqu’à 50 % des unités récemment louées si le quarantième percentile permet seulement aux ménages de louer des logements dans quelques quartiers défavorisés. Les PHA déterminent ensuite un « paiement standard » (payment standard) qui peut être de 10 % supérieur ou inférieur au « loyer juste du marché ». Le ménage paie une portion du loyer équivalente à 30 % de ses revenus à laquelle s’ajoute le coût des commodités, le PHA payant la différence. Un ménage peut choisir de louer un logement pour lequel il doit assumer des coûts supérieurs au paiement standard. Il doit cependant prendre à sa charge la différence entre le coût du logement et le paiement standard. Son taux d’effort dépasse alors la norme de 30 % fixée par HUD (celui-ci ne peut toutefois dépasser 40 % pour les ménages aidés pour la première fois ou dans le cas d’un déménagement). La seconde règle qui s’applique est que l’unité convoitée par le ménage aidé doit être conforme à des normes de qualité fixées par le programme. Les PHA s’assurent du respect de cette règle en inspectant les logements. La troisième règle est que les ménages disposent au minimum de 60 jours et au maximum de 120 jours pour trouver une unité qui réponde aux exigences précédentes de coûts et de qualité. Si le ménage n’y arrive pas, il perd son allocation au logement.
Quelques résultats
Une étude a ainsi montré que la proportion des ménages en mesure d’utiliser leur allocation au logement – également désignée comme le taux de succès des ménages – a diminué de 81 % au début des années 1990 à 69 % en 2000 (Finkel et Buron, 2001). Le temps nécessaire pour trouver une unité s’est également allongé durant la même période et il est corrélé à l’état du marché du logement. Enfin, les caractéristiques du ménage influent sur leur taux de succès, les familles nombreuses, les personnes âgées ou handicapées arrivant moins souvent que les autres à utiliser leur allocation.
Les mêmes constats ont été produits à partir de l’observation de villes ou de programmes particuliers. À Chicago, une ville dont le logement social vit une crise profonde et où les autorités municipales ont décidé de démolir tous les grands ensembles sociaux, les ménages éprouvent d’importantes difficultés à se reloger, le marché y étant très dynamique jusqu’en 2008. Les propriétaires d’ensembles locatifs abordables ont souvent profité de ce dynamisme pour les transformer en copropriétés. Le stock de logements locatifs accessibles aux ménages à revenu faible ou modeste s’est donc volatilisé, alors même que la demande pour ce type de logements était à la hausse (Sampson, 2008).
Les résultats du programme expérimental MTO confirment les tendances précédentes. Ils mettent aussi en évidence un possible effet de la segmentation du marché du logement sur le taux de réussite des ménages. Le programme prévoyait en effet d’assigner de manière aléatoire des familles résidantes du logement social de cinq villes – Baltimore, Boston, Chicago, Los Angeles et New York – à un des trois groupes suivants : le premier recevait une allocation au logement et une aide à la recherche d’un logement pour se réinstaller dans un quartier à faible taux de pauvreté (moins de 10 % des personnes sous le seuil fédéral de pauvreté), le second recevait une allocation au logement standard, et le troisième constituait un groupe contrôle maintenu dans le logement social. Plus de 4 600 familles ont participé au programme entre 1994 et 1998 (Shroder, 2001). Elles étaient réparties de façon relativement égale entre les trois groupes expérimentaux. Seuls les deux premiers d’entre eux recevaient une allocation au logement. La comparaison des taux de succès de ces deux groupes est intéressante.
Le tableau 1 décompose le taux de succès en fonction du groupe auquel étaient assignées les familles et selon la ville de résidence. Globalement, les familles du premier groupe, celui appelé à se réinstaller dans un quartier à faible taux de pauvreté, ont connu des taux de succès plus faibles que ceux des familles pouvant utiliser l’allocation au logement à leur guise. Boston et New York présentent des taux de succès plus faibles que les autres villes, quel que soit le groupe pris en compte. Enfin, c’est à Chicago, où l’ensemble des familles ayant pris part à l’expérimentation est afro-américain, que l’écart entre les deux groupes est le plus important.
Les écarts observés entre les villes s’expliquent par l’état du marché du logement – Boston et New York étant réputées pour avoir un marché du logement tendu (Briggs et al., 2010b ; Curley, 2010). Les écarts internes à chaque ville s’expliquent en revanche par un phénomène de segmentation du marché. Les ménages défavorisés ne sont pas en mesure de s’insérer dans n’importe quelle partie de la ville, en raison du fait que l’offre de logements abordables n’est pas uniformément distribuée et à cause des barrières liées aux caractéristiques des ménages (Briggs et al., 2010b ; Sampson et Sharkey, 2008).
Pour remédier à ce faible taux de succès, les PHA ont pris plusieurs initiatives. Ils offrent d’abord des services d’aide à la recherche d’un logement aux ménages qui reçoivent une allocation. Les PHA sous-traitent le plus souvent ces services à des organismes à but non lucratif (Curley, 2010 ; Kleit et Page, 2008). Les études menées sur ces services indiquent que leur efficacité et leur qualité varient d’une ville à l’autre. L’étude sur le taux de succès des ménages montrait ainsi que la présence ou l’absence de tels services ne le faisait pas varier significativement (Finkel et Buron, 2001). Une enquête ethnographique débouche par contre sur des résultats beaucoup plus encourageants (Marr, 2005). Il reste toutefois difficile de trancher la question au regard des deux études précédentes. Les PHA ont développé ensuite leurs propres outils. Le PHA de New York, l’un des mieux gérés du pays, compile ainsi des listes hebdomadaires de logements vacants et que les propriétaires sont prêts à louer à un ménage porteur d’une allocation au logement. Ces listes sont accessibles à tous sur le site du PHA. Enfin, les PHA ont développé une pratique qui s’apparente à de l’overbooking commercial. En fonction du taux de succès des ménages, ils ont pris l’habitude de proposer la même allocation au logement à plusieurs ménages à la fois. Cette pratique leur garantit un taux d’utilisation des allocations supérieur. À l’inverse, si les PHA ont à faire face à un taux de succès plus élevé que prévu, ils sont tenus de couvrir les frais reliés à l’ensemble des propositions d’allocation faites aux ménages. L’instabilité budgétaire attribuable aux modifications fréquentes de la formule de financement des PHA et la baisse de leurs réserves financières ont toutefois limité leur capacité à organiser cette pratique de manière efficace. Le taux d’utilisation des allocations au logement autorisées par le fédéral a ainsi diminué de six points entre 2004 et 2008 pour se fixer à 90 % (CBPP, 2009)[4].
La localisation des ménages aidés. Études et évaluations
Les résultats du programme d’allocation au logement sont à mesurer à l’aune de ses objectifs : l’accroissement de la capacité de choix des ménages et leur insertion dans des quartiers mixtes. Une telle évaluation est toutefois rendue difficile par la complexité du programme. Elle impose en effet un suivi de la carrière résidentielle des ménages et suppose dès lors la mobilisation de moyens substantiels.
Les limites précédentes expliquent en partie pourquoi les dernières évaluations générales du programme datent de la fin des années 1990. Ces évaluations ont été menées à la demande d’HUD (Devine et al., 2003 ; HUD, 2000). Elles indiquaient que le programme d’allocation au logement remplissait ses objectifs de manière satisfaisante, puisque les ménages aidés résidaient en moyenne moins souvent dans un quartier marqué par la pauvreté.
Une étude réalisée en 2000 notait ainsi qu’un quart des ménages bénéficiant d’une allocation au logement résidaient dans un quartier où le taux de pauvreté se situait sous les 10 %, contre seulement 8 % des ménages du logement social. À l’inverse, la moitié des locataires du logement social résidaient dans un quartier pauvre, alors que c’étaient seulement le cas pour un cinquième des personnes bénéficiant d’une allocation au logement (HUD, 2000). Une autre étude menée en 2003 et qui s’intéressait aux cinquante plus grandes agglomérations urbaines du pays arrivait à des conclusions générales similaires. Les auteurs de l’étude notaient ainsi que près de la moitié des bénéficiaires d’une allocation au logement vivaient dans un quartier où moins de 10 % de la population se situe sous le seuil de la pauvreté et que seulement 10 % d’entre eux vivaient dans un quartier où ce taux était supérieur à 40 %. Ils soulignaient aussi que les ménages bénéficiant d’une meilleure localisation se trouvaient en banlieue et que ceux dirigés par un adulte afro-américain ou hispanique couraient davantage le risque de se retrouver dans un quartier où le taux de pauvreté est supérieur à 30 % (Devine et al., 2003).
Comme le programme d’allocation au logement a été associé à d’autres programmes plus ou moins expérimentaux, il est possible de mettre à jour une série des observations précédentes à partir d’un corpus de recherches plus récent. Au sein de ce corpus, deux grands paramètres sont en général pris en compte pour évaluer les effets des allocations directes au logement sur les choix résidentiels des ménages. Le premier concerne, comme dans les études antérieures, le niveau de pauvreté du quartier dans lequel les ménages aidés s’installent. Le second questionne la capacité du programme d’allocation au logement à lutter contre la ségrégation ethnoraciale qui caractérise les villes américaines et leur marché du logement.
Le programme HOPE VI constitue un laboratoire de choix pour évaluer les impacts du programme d’allocation au logement. Il prévoit en effet la destruction nette d’un large stock de logements sociaux et leur remplacement par des ensembles résidentiels mixtes, auxquels tous les ménages n’auront pas accès en raison des critères d’attribution appliqués par les PHA. La relocalisation constitue donc le principal effet du programme pour une large proportion des ménages (Goetz, 2010 ; Goetz et Chapple, 2010).
Quatre études sur le programme HOPE VI permettent de mettre à jour les trois options devant lesquelles les ménages se trouvent placés – voir le tableau 2, à la page suivante. Les deux premières ont été conduites au début des années 2000 et utilisent des données administratives. Les deux suivantes sont le fruit des efforts d’HUD pour confier à différentes équipes de recherche une partie de l’évaluation du programme. La première, The HOPE VI Residential Tracking Study (The Tracking Study), a été menée en 2001 sur huit sites, dont deux sites complètement réhabilités, un presque en voie de l’être complètement, et cinq en cours de réhabilitation. La seconde, The HOPE VI Panel Study (The Panel Study), a débuté en 2001 et se proposait de suivre l’évolution des locataires de cinq sites en lien avec l’avancement des opérations de réhabilitation. L’intérêt de cette recherche est qu’elle suit la même cohorte de locataires au fil du temps. Les deux recherches procèdent par échantillon et ont pu compter chacune sur environ 800 participants.
Au regard des résultats compilés dans le tableau 2, les principales destinations des locataires concernés par les plans de réhabilitation sont le logement social et le programme d’allocation au logement. À elles deux, ces options représentent 80 % des relocalisations des ménages. Ce schéma général de relocalisation suscite l’inquiétude chez les spécialistes du logement et au sein des groupes de défense des locataires. Le logement social se caractérise en effet, comme nous l’avons déjà mentionné, par un processus de « résidualisation », alors que le programme des allocations au logement repose sur la capacité des ménages à se trouver un logement adéquat. Il est loin d’être assuré que les ménages relocalisés sont en mesure de bénéficier d’un environnement résidentiel de meilleure qualité.
Une première manière d’évaluer le déplacement des ménages concernés par le programme HOPE VI est de mesurer la distance parcourue. L’étude de Kingsley et al. (2003) trouve ainsi que les ménages ayant bénéficié d’une allocation au logement se sont éloignés en moyenne de 6,3 km par rapport au site réhabilité. Les résultats du Panel Study indiquent que la distance médiane de déplacement pour les bénéficiaires d’une allocation au logement se fixait à 5,5 km après 48 mois, alors qu’elle n’était que de 3,7 km pour les ménages relocalisés dans le logement social. Ces résultats et d’autres observations produites à partir d’études de cas sur différents sites touchés par le programme HOPE VI montrent que les ménages ont tendance à se relocaliser dans le périmètre du centre-ville ou des proches banlieues (inner-ring suburbs). Très peu quitteront leur municipalité de résidence et ceux qui le font y sont le plus souvent forcés parce qu’ils ne peuvent s’offrir un logement sur le marché privé (voir, par exemple, Buron et al., 2002 ; Curley, 2010 ; Oakley et al., 2009 ; Salama, 1999).
La proportion de ménages sous le seuil de la pauvreté constitue un deuxième indicateur pertinent pour évaluer la qualité de la relocalisation des ménages. Sans surprise, les sites classés en détresse grave présentent des taux de pauvreté très élevés (au-dessus des 80 %) et s’insèrent dans des quartiers eux-mêmes très pauvres avec des taux qui dépassent les 60 % (NCSDPH, 1992). La relocalisation des ménages a pour effet de réduire le taux de pauvreté moyen auquel ils sont exposés. Cette réduction est plus importante pour les ménages relocalisés à l’aide d’une allocation au logement, étant donné les écarts déjà notés entre ces derniers et ceux qui résident dans le logement social. Ainsi, l’étude réalisée à partir des données administratives sur les locataires bénéficiant d’une allocation au logement montre que le taux moyen de pauvreté chute de 61 à 27 % lors de la relocalisation (Kingsley et al., 2003). Le même type d’observation est produit par l’enquête par panel. Cette enquête indique aussi que ce sont les ménages bénéficiant d’une allocation au logement qui expérimentent la réduction la plus importante du taux de pauvreté dans le quartier où ils résident (Popkin et al., 2009). Les deux études s’accordent pour reconnaître que cette réduction varie d’une ville à l’autre, en raison de l’état du marché du logement, du volume de ménages à relocaliser en même temps et des critères de sélection imposés au retour dans le logement social une fois la réhabilitation terminée.
Dans les villes où les plans de réhabilitation concernent une large proportion des logements sociaux, comme à Chicago ou à Atlanta, les résultats de la relocalisation des ménages sont beaucoup moins positifs. Les cas de ces deux villes soulèvent également une série de questions à propos d’un troisième indicateur propice à l’évaluation du programme d’allocation au logement. Elles sont en effet marquées par une segmentation du marché du logement selon l’appartenance ethnoraciale des individus. Les ménages relocalisés à partir des sites touchés par le programme HOPE VI appartiennent soit à la minorité afro-américaine, soit à la minorité hispanophone. Leurs choix sur le marché du logement se trouvent souvent limités par cette caractéristique personnelle et ils se retrouvent le plus souvent dans un quartier dont la population est largement dominée par ces deux groupes minoritaires et où le taux de pauvreté est élevé (Oakley et Burchfield, 2009 ; Oakley et al., 2009).
Outre l’appartenance ethnoraciale, d’autres caractéristiques peuvent influer sur les choix résidentiels des ménages et leur capacité à les actualiser. Une enquête conduite à Seattle conclut ainsi que les caractéristiques individuelles des ménages jouent un rôle dans le processus de relocalisation. Ce sont les ménages les plus jeunes et les adultes insérés sur le marché du travail qui arrivent le mieux à se relocaliser à l’aide d’une allocation au logement. Ces préférences sont aussi médiatisées par certaines contraintes particulières, comme la manifestation de différentes formes de discrimination ou la peur exprimée par certains propriétaires de loger des familles de grande taille (Kleit et Manzo, 2006). Les résultats de cette étude et les conclusions de l’enquête par panel indiquent qu’une partie des ménages, les plus fragilisés par des problèmes multiples liés au vieillissement, à la santé ou à l’insertion sur le marché du travail, risquent de se retrouver sans logement et sans aide (Marquis et Ghosh, 2008 ; Popkin et al., 2005).
Malgré les limites du processus de relocalisation, la plupart des études portant sur HOPE VI concluent à une amélioration générale de la qualité de vie pour les ménages relocalisés. Cette amélioration est attribuable en partie au fait que les conditions de logement et de vie auxquelles avaient à faire face les ménages dans leur ancien logement social étaient souvent déplorables. Pour en donner une idée, citons seulement quelques chiffres extraits de l’enquête de base (baseline survey) de l’étude par panel : avant leur relocalisation, 60 % des ménages déclarent avoir une fuite d’eau dans leur logement ; 40 %, des revêtements de mur et de sol dégradés ; 30 %, des problèmes de chauffage ; 78 % s’inquiètent de la consommation et de la vente de drogues dans le quartier ; 67 %, des attroupements dans les espaces communs ; et 67 %, des coups de feu réguliers à proximité de leur logement (Popkin et al., 2002). La relocalisation permet donc d’accéder à un logement de meilleure qualité, ceux bénéficiant d’une allocation au logement étant les mieux nantis. Un autre élément qui ressort des évaluations du programme est le net renforcement du sentiment de sécurité chez les personnes relocalisées. Il est particulièrement marqué chez les femmes et les jeunes filles, alors qu’il est plus modeste, voire inexistant chez les jeunes hommes (Popkin et Cove, 2007). À nouveau, le processus de relocalisation et le tri qu’il opère entre les ménages se révèlent déterminants. Les ménages qui en profitent le plus sont ceux qui sont relocalisés sur le marché privé, suivis par ceux relogés dans le logement social, alors que ceux qui restent sur les sites en cours de réhabilitation expérimentent une dégradation de leur sécurité. Cet écart s’explique par le fait que de nombreux logements sont vacants entre le moment où les occupants en sont évincés et leur démolition. Ils sont alors souvent occupés illégalement, et les sites en transformation enregistrent en général une recrudescence des activités criminelles (Popkin et al., 2009).
Le programme expérimental MTO aboutit aux mêmes conclusions que les études s’intéressant à HOPE VI. Les ménages participants ont pu avoir accès à des quartiers où le niveau relatif de pauvreté était plus faible que dans le logement social, en particulier s’ils étaient affectés au groupe expérimental. Rappelons que tous n’arrivaient cependant pas à utiliser leur allocation au logement. Les études sur MTO permettent d’aborder un point important des programmes de déconcentration de la pauvreté, celui de leurs effets à moyen et à long terme. Le suivi des ménages participants à MTO sur une période de dix ans répond en partie à cette question. Une enquête de terrain approfondie menée dans trois villes – Boston, Los Angeles et New York – et qui s’intéressait surtout aux ménages du groupe expérimental ayant réussi à se trouver un logement dans un quartier à faible taux de pauvreté identifie trois trajectoires résidentielles typiques. La première correspond à des ménages (40 % de l’échantillon) qui expriment une forte préférence pour les quartiers à faible taux de pauvreté. Ils sont les plus stables sur le plan résidentiel, les moins attachés à leur quartier d’origine et ceux pour lesquels les relations avec le propriétaire et le nouvel environnement se passent bien. La seconde regroupe des ménages (56 % de l’échantillon) modérément mobiles qui, après avoir résidé dans un quartier à faible taux de pauvreté, se réinstallent dans un quartier dont le taux de pauvreté est modéré à élevé (20 % et plus). La troisième se compose de ménages (4 %) qui présentent une forte mobilité résidentielle et qui se sont d’abord installés dans un quartier à faible taux de pauvreté, pour ensuite déménager dans un quartier où le taux de pauvreté est modéré ou élevé, avant de s’installer de nouveau dans un quartier du premier type (Briggs et al., 2010a ; Briggs et al., 2010b).
Cette question est aussi abordée par une enquête récente dont l’intérêt principal est de tenter d’évaluer la mobilité des ménages bénéficiant d’une allocation au logement à l’intérieur du programme standard, c’est-à-dire non conditionnel ou lié à un programme expérimental. L’étude porte sur la ville de Colombus, en Ohio. Observant la mobilité de l’ensemble des ménages aidés entre 1999 et 2005 à partir des données administratives du PHA, l’étude conclut à un effet positif du programme sur la capacité des ménages à s’installer dans un quartier à faible taux de pauvreté. Elle trouve aussi que les facteurs influençant l’installation des ménages sont d’abord individuels, en particulier l’âge et le sexe du principal soutien de ménage. Enfin, ce sont les ménages dont le principal soutien est afro-américain qui bénéficient le plus du programme, même s’ils continuent à résider majoritairement dans des quartiers dont la population est dominée par des groupes minoritaires (Teater, 2008, 2009). Les résultats précédents, globalement positifs, sont cependant à replacer dans le contexte d’une ville de taille moyenne et dont le marché du logement est moins tendu que dans d’autres villes, comme Boston ou New York, par exemple. Ils sont aussi à situer dans une conjoncture particulière de l’économie américaine, observation également formulée par les chercheurs qui évaluent MTO, puisqu’il s’agit d’une période durant laquelle les salaires réels et le taux d’emploi ont régulièrement augmenté. Il est dès lors difficile d’attribuer aux seuls programmes issus des politiques du logement l’amélioration des conditions de vie des ménages. Il n’empêche que ces programmes ont tout de même permis à certains ménages de saisir les possibilités offertes par une conjoncture économique globalement favorable (Briggs et al., 2010b).
Entre politique sociale et responsabilité individuelle. Choix élargi ou choix imposé
La nature des aides directes au logement implique un changement dans le mode d’allocation d’une ressource rare. On passe d’un programme exclusivement public à un programme hybride impliquant le privé (Le Grand, 1991). Ces aides sont donc d’abord à analyser à l’aune de la « démarchandisation » qu’elles permettent, c’est-à-dire de la capacité qu’ont les politiques sociales à rendre le bien-être des individus indépendant du marché (Esping-Andersen, 1999). Pour ce faire, il faut se tourner vers les règles et les normes en vigueur dans le programme et voir comment elles interagissent avec le marché.
De manière générale, le marché du logement se caractérise par une relative complexité, même lorsqu’il est comparé à d’autres marchés de biens durables. En effet, les agents y expriment une large gamme de préférences – sur la qualité du bien, sur sa localisation ou sur son potentiel économique futur – qui se condense en une seule décision. Il est donc sujet à des déséquilibres plus fréquents, lesquels se reflètent dans la dynamique des prix, en particulier à moyen terme. Il est aussi complexe parce que le stock de biens disponibles évolue lentement (l’offre est peu élastique). Il se segmente enfin selon différentes dynamiques liées à des préférences individuelles qui se forment à l’intérieur d’un contexte social plus large.
Les paramètres des aides directes interagissent ainsi avec l’évolution des caractéristiques du marché. Le fait de fixer un montant maximal pour le loyer limite par exemple les ménages au segment inférieur de ce marché. Il est dès lors prévisible de concevoir que le potentiel des aides à « démarchandiser » l’attribution des ressources aux ménages sera limité en période de forte demande. Cette dernière se traduit en effet par une augmentation du prix, laquelle se répercute d’un segment à l’autre du marché, les ménages qui ne sont plus capables de se loger dans un de ses segments supérieurs faisant glisser leur demande vers les segments inférieurs. Il est alors très difficile de maintenir la capacité de choix des ménages disposant de moyens financiers modestes ou faibles, et ce, même si le système prévoit une adaptation des allocations consenties à l’évolution du marché. Il est aussi à craindre dans une telle situation que le nombre des aides disponibles diminue, à moins que l’État ne consente à augmenter le budget du programme, alors même que les périodes de croissance sur les marchés du logement sont souvent les plus difficiles à vivre pour les ménages à faible revenu. La situation inverse n’est pas forcément plus avantageuse pour ces derniers. La récession économique survenue aux États-Unis en 2008 à la suite de la contraction du marché immobilier l’illustre : elle rend sans doute plus accessible une série de logements, mais ceux-ci se trouvent surtout sur le marché de l’accession à la propriété et peu sur le marché locatif. Et s’il est envisageable de s’attendre à une réduction des loyers, elle coïncide également avec une forte augmentation des ménages qui sollicitent de l’aide pour se loger.
Le fait que les ménages doivent trouver eux-mêmes un logement qui répond aux normes du programme induit une possible limitation de leur choix, et ce, même s’ils bénéficient d’une aide à la recherche. La limite mise au loyer et au temps qui leur est alloué les incite en effet à se tourner vers les propriétaires qui acceptent les locataires porteurs d’une allocation. Il est plus probable qu’il s’agisse de propriétaires qui gèrent une grande quantité de logements et pour lesquels la charge de travail administratif additionnel lié aux subventions ne pose pas de problème. Il est alors possible que des phénomènes de micro ségrégation apparaissent à l’intérieur de leur parc résidentiel, les gestionnaires concentrant les ménages aidés dans quelques immeubles de moindre valeur. Une manière d’éviter ces effets consiste à confier la recherche des propriétaires prêts à participer au programme à l’autorité locale responsable du logement, comme c’est le cas dans le cadre du Programme de supplément au loyer (PSL) au Québec. Il est alors possible à ces mêmes autorités de contrôler le ratio des ménages aidés sur le total des ménages d’un immeuble. À Montréal, l’Office municipal d’habitation évite ainsi que ce ratio dépasse un quart. Une telle mesure permet évidemment d’éviter une trop forte concentration des ménages aidés à l’échelle des immeubles ; elle ne garantit cependant pas qu’ils résident dans un espace socialement et ethnoculturellement mixte, puisque les autres locataires qui les entourent peuvent vivre une situation sociale proche de la leur, mais sans bénéficier d’une allocation au logement.
Une seconde ligne analytique utile pour comprendre les programmes d’allocation au logement concerne les objectifs qui leur sont associés, en particulier ceux liés à la promotion de la mixité sociale. Les programmes font en effet reposer l’atteinte de leurs objectifs à saveur collective sur les agents individuels. Or, il n’est pas possible de comprendre les résultats atteints sans faire référence à l’entrelacement des choix sur le marché du logement. L’intérêt des locataires et des bailleurs n’est pas forcément le même, et les capacités des uns et des autres à les réaliser ne sont pas distribuées également. Dans de telles circonstances, le rôle régulateur de l’État peut intervenir, surtout si une partie des agents impliqués dans le processus sont des victimes potentielles de discrimination. L’acteur public ne peut alors faire reposer seulement sur les épaules des ménages la responsabilité de se trouver un logement adéquat dans un environnement social de qualité. Il doit au contraire tenir un rôle de régulateur ou de médiateur sur le marché et s’assurer que les individus échappent à la discrimination. Mais le cas américain, où de telles mesures sont prises, montre cependant les limites des programmes d’allocation au logement quant à l’inversion des tendances ségrégatives portées par le marché.
Le transfert d’une partie des responsabilités enchâssées dans les programmes d’aide au logement destinés aux individus pose également la question de leur capacité individuelle à se comporter de manière efficace sur le marché du logement. Outre des caractéristiques individuelles prescrites, telles que l’appartenance ethnoraciale, les individus ont accès à une gamme de choix limitée par leurs besoins. La réalisation de ces choix dépend dès lors en partie de la dynamique du marché et de la capacité des agents à en avoir une connaissance exhaustive. Cette dernière caractéristique associée au fonctionnement classique des marchés ne se vérifie cependant presque jamais, la circulation de l’information est la plupart du temps asymétrique et les compétences nécessaires pour la décoder sont inégalement distribuées. Il est fort probable que ce soient les ménages les plus fragiles qui se heurtent aux obstacles les plus importants sur le marché et qu’ils finissent par s’orienter vers les choix qui leur sont les plus accessibles, mais qui ne sont pas forcément les meilleurs. Le marché peut ainsi produire une nouvelle segmentation de l’offre en triant les ménages entre les différentes formes d’aide – logement social, allocation au logement, logement coopératif ou communautaire.
Si les aides directes au logement sont appelées à se développer dans l’avenir, le cas américain et les questions qu’il soulève attirent l’attention sur la nécessité de les analyser en fonction du prisme de la responsabilité partagée entre différents acteurs : les locataires, les bailleurs et les pouvoirs publics. L’arrimage de ces différentes responsabilités reste largement à définir dans le cadre des politiques du logement, partiellement en raison du fait que le bien qu’il cible n’est pas un bien comme les autres, mais qu’il implique une série de choix et de valeurs qui font l’objet d’un équilibre complexe sur le marché. Les objectifs ambitieux souvent associés aux programmes d’allocation au logement ne pourront alors être atteints qu’à la condition qu’ils intègrent plus finement les contraintes imposées par le marché aux ménages défavorisés, sous peine de voir les individus se heurter continuellement aux mêmes barrières.
Parties annexes
Notes
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[1]
Nous n’aborderons donc pas la question de l’évaluation budgétaire et administrative des différentes formules de logement social ou d’aide directe au logement, lesquelles ont déjà fait l’objet de plusieurs études (voir, par exemple, Laberge et Montmarquette, 2010).
-
[2]
Ce projet de recherche a été mené grâce à un financement du Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC) et dirigé par Paul Morin de l’Université de Sherbrooke. Il visait à saisir les possibles effets du programme des habitations à loyer modique (HLM) sur le bien-être et la santé des familles et des personnes seules de moins de 65 ans. Ce projet se prolonge actuellement par une étude financée par la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) portant sur une comparaison des niveaux de bien-être et de santé des familles aidées par l’entremise du programme HLM et celles de bénéficiant d’une aide directe au logement (Programme de supplément au loyer – PSL).
-
[3]
À ce budget, il faut ajouter les sommes investies par des acteurs privés qui prennent part aux projets de reconstruction des sites. Il n’existe cependant pas d’évaluation précise de ces investissements.
-
[4]
D’autres voies pour accroître le taux de succès des ménages et d’utilisation des allocations ont été empruntées. Elles sont d’ordre légal. Puisque les bénéficiaires des allocations au logement sont souvent issus d’un groupe minoritaire ou ont des caractéristiques spécifiques, ils sont sous la protection du Fair Housing Act, dont l’objectif est de prévenir la discrimination sur le marché du logement. On notera toutefois que cette interprétation de la législation n’est pas partagée par tous les tribunaux. Une autre option consiste à rendre obligatoire la participation des propriétaires. Plusieurs États ont ainsi pris des mesures législatives allant en ce sens. Cette mesure légale fait cependant aussi l’objet d’une interprétation divergente de la part des tribunaux (pour ces différentes questions de droit, voir, par exemple, Ellickson, 2010 ; Rotem, 2010 ; Sterken, 2009).
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