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Introduction

Conscients de l’enjeu de la création de valeur dans l’acquisition d’un avantage compétitif durable (Gummerus, 2013), de nombreux décideurs ont longtemps cherché à améliorer la proposition de valeur de leur entreprise en enrichissant continuellement le contenu de leurs offres. Par contraste avec cette pratique, dont l’efficacité a pu être remise en cause (Thompson, Hamilton et Rust, 2005), une stratégie radicalement opposée s’est développée ces dernières années : le low-cost[1]. Le principe du low-cost réside dans la proposition d’offres dénuées de sophistication permettant, via une réduction significative du coût de revient, d’afficher un prix durablement avantageux (Combe, 2011). Cette proposition de valeur semble particulièrement adaptée aux nouvelles attentes et à l’évolution du comportement de bon nombre d’acheteurs (Séré de Lanauze et Siadou-Martin, 2013 ; Raïes et Helme-Guizon, 2014). Développé initialement dans l’aérien et la grande distribution alimentaire, le low-cost s’est d’abord implanté sur les marchés grand public, devenant progressivement un segment de marché spécifique et en progression constante dans de nombreux secteurs d’activité. Si son succès ne se dément pas auprès des particuliers (Aurier et Zollinger, 2009), le déploiement du low-cost reste beaucoup plus restreint auprès des professionnels. Ce résultat contrasté peut provenir des spécificités des marchés interentreprises et des exigences des acheteurs. Toutefois, cette réalité semble progressivement évoluer à en juger le nombre croissant d’entreprises low-cost qui s’adressent désormais à une clientèle d’affaires (Santi et Nguyen, 2012). Comme l’illustre le secteur du transport aérien, l’observation des stratégies déployées par ces offreurs, couplée à l’analyse de la demande des professionnels sur le segment de marché du low-cost, révèlent une catégorie de clientèle particulièrement concernée par la commercialisation de ces produits et services simplifiés à bas coûts : les petites et moyennes entreprises (PME) (Mason, 2000, 2001). Le choix de cette cible d’acheteurs et son intérêt potentiel pour ces offres peuvent s’expliquer, a priori, par certaines caractéristiques intrinsèques des PME (existence de ressources particulièrement limitées) ainsi que par les problématiques auxquelles elles sont actuellement confrontées (recherche d’économies). Toutefois, un examen plus approfondi des spécificités de ces organisations et de ces offres peut amener à s’interroger sur la pertinence réelle et l’adéquation du low-cost aux attentes et exigences des acheteurs en PME.

Si l’émergence et le développement du low-cost, notamment sur les marchés interentreprises, soulèvent un grand nombre de questions pour la recherche en gestion, la contribution des chercheurs en marketing est particulièrement attendue. En effet, compte tenu du caractère différenciant et/ou novateur que peuvent revêtir ces offres simplifiées à bas coûts, en particulier auprès des clients professionnels, il semble essentiel de s’interroger, dans un premier temps, sur leur degré d’acceptabilité par le marché (conditionnant la pertinence de leur développement) avant même de considérer les modalités, les implications et les conséquences de leur déploiement. Jusqu’à présent, le low-cost a principalement été considéré en stratégie, en adoptant le point de vue de l’offreur et en s’intéressant au modèle d’affaires sous-tendant ce type d’offres (Métais, Dauchy et Hourquet, 2009 ; Gagne, 2013). En marketing, l’étude de ce thème de recherche a longtemps été délaissée (Aurier et Zollinger, 2009 ; Combe, 2011), mais plusieurs réflexions récentes traduisent l’intérêt accru des chercheurs pour ce sujet, même si leurs interrogations restent encore limitées au marché des particuliers (Croué, 2006 ; Combe, 2011 ; Marceau, 2011 ; Coutelle-Brillet et Rivière, 2014), et notamment au secteur de la grande distribution (Kapferer, 2004 ; Carpenter et Moore, 2009). Par contraste avec cette attention grandissante accordée aux offres grand public, une recherche menée sur les principales bases de données scientifiques laisse clairement apparaître un déficit majeur de travaux ayant trait à l’analyse du comportement des acheteurs professionnels à l’égard de ces offres simplifiées à bas coûts.

Compte tenu de cette lacune identifiée, et au regard des politiques de ciblage fréquemment opérées par les acteurs du marché, cet article conduit à s’interroger sur la problématique suivante : dans quelle mesure le low-cost peut-il constituer une offre attractive auprès des clients PME ? Pour répondre à cette question, une approche marketing, articulée autour du cadre d’analyse de la valeur perçue, est mobilisée. En cohérence avec les préoccupations actuelles des entreprises centrées sur la création de valeur, le choix de ce cadre d’analyse se justifie par sa capacité à prendre en compte la richesse potentielle de l’interaction sujet-objet. En effet, si les offres low-cost ont longtemps été considérées de manière restrictive au travers de leur seul avantage monétaire, leur succès croissant sur bon nombre de marchés grand public semble témoigner d’une évolution généralisée de l’attitude des individus vis-à-vis de ce type de produits et services. D’un point de vue théorique, cette recherche vise à enrichir la littérature existante sur le low-cost en adoptant une approche centrée sur la demande (par contraste avec les travaux en stratégie) et appliquée aux marchés interorganisationnels (par contraste avec les travaux existant en marketing). D’un point de vue opérationnel, il s’agit, au terme de ce travail, de mieux comprendre la perception, et dans le même temps, les motivations et freins des acheteurs professionnels en PME, vis-à-vis des offres low-cost. Cette meilleure compréhension du comportement d’achat pourra être particulièrement utile pour les entreprises souhaitant commercialiser aux PME des offres simplifiées à bas coûts.

Dans la suite de cet article, une première partie permettra de définir et justifier le champ d’investigation et le cadre théorique de ce travail. Puis, dans une deuxième partie, la méthodologie de l’étude exploratoire, menée auprès de 28 PME, sera exposée, avant de présenter l’ensemble des résultats obtenus. Enfin, après avoir discuté les principales conclusions, les apports de ce travail seront précisés puis les limites et prolongements possibles de cette recherche seront abordés.

1. Vers un cadre d’analyse de l’attractivité des offres low-cost du point de vue des clients PME

Après avoir abordé la nature et le marché du low-cost dans un contexte de grande consommation puis interentreprises, la pertinence d’une étude menée au niveau des clients PME sera soulignée. Puis, afin de mieux cerner la perception des offres low-cost par les acheteurs en PME, le cadre d’analyse de la valeur perçue, proposé en marketing, sera mobilisé.

1.1. Le low-cost : un succès contrasté entre le marché des particuliers et le marché des professionnels

Au-delà de ses impacts sur la stratégie commerciale ou de production, le low-cost est avant tout une stratégie globale d’entreprise, nécessitant de repenser la chaîne de valeur de l’organisation en vue d’acquérir un avantage concurrentiel fondé sur une différenciation « par le bas » de l’offre[2] (Dameron, 2008). Le modèle du low-cost amène à réinterroger les besoins des individus pour les redéfinir dans le sens d’une simplification. L’offre de base correspond au besoin essentiel du client. Le corollaire fréquent de cette simplification est « l’optionnalisation » des attributs secondaires. Cette redéfinition des besoins permet de simplifier et standardiser les phases de conception, de production et de vente, entraînant une baisse durable des coûts et donc des prix. Cette réduction des coûts a également été favorisée par les technologies d’information et de télécommunication (améliorant la rationalisation des processus de production/distribution) et par le phénomène d’internationalisation et de délocalisation (ouvrant l’accès à une main-d’oeuvre moins chère) (Combe, 2011 ; Santi et Nguyen, 2012).

Il est utile de préciser que toute production à bas coûts et/ou tout prix bas ne doivent pas être systématiquement associés au low-cost. En particulier, selon le tableau 1, si bon nombre d’offreurs de pays émergents parviennent à proposer des produits à des prix très attractifs (grâce notamment aux faibles coûts salariaux), ces derniers ne correspondent pas nécessairement à des offres low-cost : en effet, tout en présentant des tarifs bien moins chers que ceux affichés par les acteurs historiques du marché, le fabricant chinois de téléphones intelligents Xiaomi, véritable concurrent d’Apple et Samsung, ne cherche pas à simplifier son offre, mais au contraire à commercialiser des produits plutôt haut de gamme. Pour autant, dans certains cas, la simplification est recherchée et assumée : c’est le cas du constructeur automobile indien Tata Motors qui annonçait, il y a quelques années, son souhait de s’implanter en Europe en proposant une voiture low-cost dans une version toutefois retravaillée et mieux équipée que celle commercialisée dans son pays d’origine, afin de séduire les consommateurs occidentaux et faire face à la concurrence de Dacia.

Tableau 1

Classification des pratiques de diminution des coûts et/ou des prix

Classification des pratiques de diminution des coûts et/ou des prix
Sources : adaptées de Combe (2011), Santi et Nguyen (2012), Coutelle-Brillet et Rivière (2014)

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Sur les marchés grand public, et au-delà de l’aérien et de la grande distribution alimentaire, le low-cost s’est développé dans bon nombre de secteurs d’activité (la téléphonie, l’automobile, la banque, etc). Amplifié par le contexte de crise économique et de tension budgétaire des ménages, le succès de ces offres simplifiées à bas coûts peut s’expliquer par l’aversion de nombreux consommateurs à la surabondance fonctionnelle et au perfectionnement continu des biens, ainsi qu’au flot permanent d’innovations (Fournier, Dobscha et Mick, 1998). De même, en proposant une offre dénuée de sophistication, le low-cost répond à une attente forte d’une part importante de consommateurs à la recherche de simplicité (Parrish, 2012 ; Raïes et Helme-Guizon, 2014). Par ailleurs, la consommation croissante de ce type d’offres est à rapprocher des nouveaux comportements « d’achat malin » (smart shopping) et « d’achat réfléchi » (wise shopping). Alors que le premier comportement d’achat conduit à assouvir son envie de consommer en dépensant le moins possible (recherche active des bonnes affaires), le second amène à maîtriser durablement ses dépenses en achetant des produits moins chers et sans superflu (Djelassi, Collin-Lachaud et Odou, 2009). Cette variété de comportements, qui traduit une absence de lien systématique entre low-cost et phénomène de déconsommation[3], amène à l’identification de trois types principaux de demandes de low-cost (Combe, 2011) :

  • Le low-cost de substitution : il consiste pour un consommateur à reporter son choix d’un bien ou service traditionnel vers le produit low-cost.

  • Le low-cost de complémentarité : il consiste pour le consommateur à acheter le produit low-cost en complément du produit traditionnel.

  • Le low-cost d’accession (ou d’induction) : il consiste pour le consommateur à acheter un produit low-cost alors même qu’il ne consommait pas ce type de bien auparavant.

Si le succès du low-cost est incontestable auprès des particuliers, le constat paraît plus mitigé auprès des professionnels. Du côté de l’offre, les produits et services simplifiés à bas coûts restent encore peu nombreux et limités à quelques secteurs d’activité spécifiques (principalement, l’aérien, la téléphonie, la communication). Du côté de la demande, les exigences des acheteurs professionnels semblent a priori plus difficiles à concilier avec les offres low-cost, en particulier en termes de qualité espérée et de service attendu. Malgré tout, plusieurs constats peuvent laisser penser à un développement potentiel de ce type d’offres auprès de la clientèle d’affaires dans les années à venir :

  • En premier lieu, le contexte concurrentiel tend à croître sur ce segment de marché. Ainsi, à l’instar du secteur aérien, de plus en plus d’entreprises low-cost, recherchant de nouveaux relais de croissance, diversifient leurs cibles en s’adressant désormais à une clientèle professionnelle. Dans d’autres secteurs, des groupes industriels, déjà présents sur les marchés interentreprises, développent leur propre filiale low-cost (exemple de Xiameter, filiale low-cost de Dow Corning dans l’activité des silicones). D’autres entreprises encore, à l’image de TVLowCost, ont choisi, dès leur création, de commercialiser exclusivement des offres low-cost à destination des professionnels.

  • Par ailleurs, l’environnement économique actuel incite bon nombre d’organisations à engager une réflexion approfondie sur une réduction généralisée de leurs dépenses. Dans ce cadre, et même si la part du low-cost dans les achats des entreprises reste faible, elle semble toutefois s’accroître progressivement, comme en témoignent les dépenses en matière de transport (étude Xerfi, décembre 2014[4]).

  • Enfin, l’amélioration de l’image du low-cost auprès du grand public, attestée par l’étude publiée par l’Observatoire Cetelem en 2010[5], laisse supposer une acceptation progressive de ces offres auprès des professionnels.

En vue d’accompagner et d’activer le développement potentiel du low-cost sur les marchés interentreprises (Santi et Nguyen, 2012), et afin de mieux cerner ses perspectives d’évolution, il semble indispensable d’acquérir une meilleure compréhension du comportement d’achat des organisations vis-à-vis des offres low-cost. En particulier, et compte tenu de l’absence de travaux menés sur ce sujet dans la littérature en marketing, une analyse approfondie de l’attractivité de ce type d’offres auprès des acheteurs professionnels paraît nécessaire.

1.2. Le low-cost sur les marchés professionnels : l’enjeu d’une approche différenciée et centrée sur la PME

L’étude du low-cost sur les marchés professionnels nécessite, en premier lieu, de s’interroger sur le périmètre d’investigation : doit-on adopter une approche indifférenciée sur ces marchés (valable pour tous types d’entreprises) ou doit-on, au contraire, adopter une approche différenciée en fonction de la structure ? Autrement dit, existe-t-il une « barrière d’espèce » au sens de Torrès (1997) entre grandes et petites entreprises ? Ce questionnement rejoint le débat classique dans la littérature en PME sur l’acceptation ou non de la thèse de la spécificité qui conduit à reconnaître les particularités des PME.

Selon l’approche communément admise de la thèse de la spécificité, il est possible de dresser un profil-type des PME, articulé autour de plusieurs critères : le rôle fondamental du propriétaire-dirigeant (Teyssier, 2011), une stratégie souvent implicite et à court terme (Paradas, 2007), un manque de ressources financières et humaines (Pacito et Julien, 2006), des systèmes d’information peu complexes et souvent informels (Fourcade, Gallego, Polge et Saoudi, 2010), une faible décomposition des tâches (Aldebert et Gueguen, 2013) et une organisation caractérisée par la proximité au sein de l’entreprise ou dans ses relations avec ses parties prenantes (Torrès et Gueguen, 2008 ; Loilier, 2010). La littérature en PME souligne également une insertion territoriale forte de ce type d’entreprises. Comme l’ont montré plusieurs études empiriques (Fourcade et Torrès, 2003 ; Capiez, 2007 ; Bonneveux, Calmé et Soparnot, 2012), l’organisation et la qualité du milieu économique local constituent des facteurs de réussite du développement et de la performance des PME.

Si la définition d’un profil spécifique des PME amène à reconnaître la singularité de leur fonctionnement et de leurs problématiques, cette démarche ne doit pas pour autant occulter les évolutions organisationnelles récentes de ce type de structures. En particulier, face à la mondialisation, certaines TPE/PME ont été amenées à reconsidérer leur intégration territoriale et leur proximité avec leurs parties prenantes pour adopter de nouvelles formes organisationnelles, s’apparentant à celles des grandes entreprises. C’est le cas des nouvelles entreprises internationales[6] (« Born Global » ou « International New Ventures ») (Knight et Cavusgil, 2004 ; Rialp, Rialp, Urbano et Vaillant, 2005) qui, dès leurs premières années d’existence, se lancent sur les marchés internationaux. Malgré cette nouvelle forme de croissance à l’international, couplée à certaines évolutions comportementales des PME (par exemple, leur propension accrue à l’innovation) (Beddi, Bueno Merino et Coeurderoy, 2012), les stratégies de ces dernières semblent encore largement influencées par l’existence de ressources limitées et d’un mode de fonctionnement souvent intuitif, fortement marqué par le rôle du propriétaire-dirigeant et par la recherche d’un lien de proximité (géographique ou relationnelle avec les parties prenantes).

Par opposition à cette approche de la spécificité, un courant de recherche, fondé sur la diversité, s’est développé durant la même décennie. Pour les tenants de cette approche, la démarche universelle de la spécificité ne permet pas d’appréhender l’hétérogénéité du monde des PME (Bayad et Nebenhaus, 1994) et représenterait par conséquent un risque de généralisation de la PME en tant qu’objet de recherche, conduisant à l’idée que toutes les PME seraient conformes au modèle théorique de la spécificité (Torrès, 1997). Il convient alors de s’intéresser aux facteurs de contingence agissant sur la structure de l’entreprise. La principale limite de cette approche réside dans le manque de généralisation des résultats en raison de la trop grande diversité des profils-types proposés selon les différents aspects contextuels étudiés.

Afin de se positionner dans le prolongement des deux courants précédents, il paraît alors nécessaire d’adopter l’approche contingente des spécificités de la PME, proposée par Torrès (1997). Cette approche a pour finalité d’étudier les spécificités de la PME de manière critique, en prenant également en compte les facteurs contextuels impactant directement la nature de la PME. En accord avec cette dernière approche, et comme souligné précédemment, il est fréquent de caractériser les PME, notamment, par leur manque de moyens. Dans le contexte de crise économique actuelle, ces contraintes de ressources apparaissent d’autant plus exacerbées, amenant ainsi les PME à rechercher des économies importantes. Dans ce cadre, les offres low-cost, associées généralement à des prix d’achat attractifs, peuvent représenter une solution appropriée aux préoccupations financières des PME. C’est d’ailleurs sur la base de cette supposition que bon nombre d’acteurs low-cost ont identifié les PME comme des cibles d’acheteurs à privilégier. En effet, l’analyse du positionnement stratégique et du discours d’une multitude d’offreurs low-cost met en évidence leur volonté délibérée de s’adresser en priorité à cette catégorie spécifique de clients professionnels (exemple du loueur de véhicules Ucar, de l’opérateur Zéro Forfait). Par ailleurs, même si les grandes entreprises peuvent être séduites par l’achat de produits et services simplifiés à bas coûts, plusieurs recherches, études et articles de presse spécialisée soulignent que les PME constituent une part importante voire majoritaire de la demande low-cost sur bon nombre de marchés professionnels, à l’instar de ceux de l’aérien et de la communication (Mason, 2000, 2001 ; Le Nouvel Économiste, avril 2012[7] ; Étude Xerfi, 2014). En effet, si le low-cost peut représenter, pour tous types d’entreprises, une opportunité de substituer des offres traditionnelles par des offres simplifiées à bas coûts (ou de les combiner), il offre de surcroît, aux organisations de taille d’autant plus réduite, la possibilité d’accéder à des offres qui leur étaient, jusqu’à présent, inaccessibles (en raison, notamment, de leurs contraintes financières).

Au-delà de l’intérêt qu’elle présente compte tenu des stratégies menées par les acteurs du marché et de l’importance potentielle de la demande, l’analyse de l’attractivité des offres low-cost auprès des clients PME se justifie également par les interrogations qu’elle soulève. En effet, les spécificités des produits et services simplifiés à bas coûts (exemple de la délocalisation de la production) peuvent être, dans certains cas, difficilement compatibles avec les caractéristiques et attentes des PME (demande de proximité). Au regard de ces réflexions, il semble donc essentiel de se focaliser, spécifiquement et en premier lieu, sur le cas des PME et de s’interroger sur la pertinence des offres low-cost auprès d’une telle clientèle. Dans cette perspective, l’approche de la valeur perçue est mobilisée.

1.3. L’approche de la valeur perçue en marketing

La notion de valeur, qui revêt une place centrale en marketing (Sanchez-Fernandez, Iniesta-Bonillo et Holbrook, 2009), a été étudiée au travers de deux courants de recherche complémentaires (Gummerus, 2013) : l’un s’intéresse au processus de création de valeur (voir, par exemple, les travaux sur la logique dominante des services – Vargo et Lusch, 2004, ou ceux de Grönroos, 2011a, 2011b), tandis que l’autre se focalise sur le résultat de la valeur créée, perçue par les clients. Compte tenu de notre objectif visant à mieux apprécier le degré d’attractivité des offres low-cost auprès des clients PME, cet article s’inscrit au sein du second courant de recherche.

Dans la littérature, la valeur perçue d’une offre a été principalement abordée au travers de trois approches : la valeur d’achat, la valeur de consommation et l’approche mixte (Gallarza, Gil-Saura et Holbrook, 2011 ; Rivière et Mencarelli, 2012). La valeur d’achat (valeur ex ante) correspond à l’évaluation globale de l’utilité d’un produit fondée sur les perceptions du consommateur de ce qui est reçu (bénéfices) et donné (sacrifices). Toutefois, elle a souvent été réduite à la seule appréciation du ratio qualité/prix (Zeithaml, 1988). La valeur de consommation (valeur ex post) résulte de l’expérience de consommation/possession d’un bien. Elle s’inscrit dans une approche affective et expérientielle et propose une vision multidimensionnelle de la valeur (Holbrook, 2006). L’approche mixte adopte une voie intermédiaire en profitant du cadre d’analyse de la valeur d’achat (bénéfices/coûts) et de la richesse des composantes de la valeur de consommation (Lai, 1995). Aurier, Evrard et N’Goala (2004) considèrent que les composantes de la valeur de consommation contribuent à déterminer une utilité globale vue comme une somme de bénéfices reçus (ou à recevoir) qui, comparée à la somme des sacrifices consentis (ou à consentir), aboutirait à un jugement de valeur globale. Dans le cadre de cette conceptualisation, la diversité des bénéfices perçus peut s’apprécier à partir du cadre d’analyse d’Holbrook (2006), distinguant quatre formes principales de valeur (Tableau 2) (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004).

Tableau 2

Les sources de valeur perçue d’une offre (bénéfices perçus)

Les sources de valeur perçue d’une offre (bénéfices perçus)
Sources : adaptées d’Holbrook (2006) et d’Aurier, Evrard et N’Goala (2004)

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En complément de ces catégories de bénéfices perçus concernant l’interaction individu/objet, la perspective du marketing relationnel souligne l’enjeu spécifique de la valeur relationnelle issue de l’interaction entre l’acheteur et le fournisseur (Ravald et Grönroos, 1996 ; Gwinner, Gremler et Bitner, 1998).

Parallèlement à ces sources de création de valeur, un acheteur peut également percevoir des sources de destruction de valeur. Sur la base des travaux de Lai (1995), deux types de sacrifices perçus peuvent être distingués : les sacrifices monétaires (prix d’achat et autres prix monétaires) et les sacrifices non monétaires (temps, effort, coûts psychologiques, risque perçu).

Par comparaison avec la valeur d’achat ou de consommation, l’approche mixte présente une plus grande richesse conceptuelle en raison de son caractère intégrateur qui permet de réunir des conceptions habituellement disjointes en marketing. Par ailleurs, elle offre de nombreuses potentialités en termes d’applications empiriques grâce à son caractère analytique qui permet de fournir une vue détaillée des différentes sources de création et de destruction de valeur (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004). Pour toutes ces raisons, l’approche mixte de la valeur paraît particulièrement attrayante à mobiliser dans le cadre de cette étude.

Dans le prolongement de certaines investigations démontrant l’existence de motivations non liées exclusivement à des aspects rationnels et économiques dans l’achat d’offres low-cost (Kapferer, 2004 ; Croué, 2006 ; Carpenter et Moore, 2009), une étude récente a cherché à approfondir ces résultats en mobilisant l’approche mixte de la valeur perçue auprès de consommateurs finaux (Coutelle-Brillet et Rivière, 2014). Ce travail a permis de souligner qu’au-delà de l’effet attendu sur les sacrifices monétaires perçus, les stratégies low-cost peuvent aussi créer de la valeur en proposant certains bénéfices (liés aux valeurs émotionnelle, sociale et/ou éthique) et/ou en atténuant la perception de certains sacrifices non monétaires. Au travers de ces conclusions, cette recherche permet de souligner la pertinence de la mobilisation de la notion de valeur perçue, et en particulier de l’approche mixte, dans le champ d’étude du low-cost.

En vue d’apprécier l’attractivité des offres low-cost du point de vue des clients PME, l’adoption d’une démarche similaire auprès d’une cible de professionnels semble séduisante. Elle permettrait notamment de vérifier l’existence d’une valorisation exclusivement économique ou la présence concomitante d’autres sources de création de valeur du low-cost, offrant ainsi une vision des motivations et freins des entreprises à l’égard de l’achat de ce type d’offres. Bien évidemment, cette transposition de l’approche mixte d’un contexte de grande consommation à un contexte d’achat professionnel ne doit pas s’opérer sans considérer les différences qui existent entre ces deux marchés. Notamment, la littérature en marketing interorganisationnel souligne l’importance de deux caractéristiques fondamentales : la dimension collective de l’achat (Ancian et Placer, 2009) et la présence d’une demande dérivée (Pinard-Legry, Marion et Salle, 1996).

Malgré ces spécificités, l’intérêt d’adopter l’approche mixte de la valeur perçue en milieu interentreprises peut se justifier au regard de la littérature récente en marketing industriel. En effet, pendant longtemps, et compte tenu des objectifs de l’organisation, des pressions exercées au sein du centre d’achat et de l’importance stratégique des biens acquis sur les marchés professionnels, la valeur perçue d’une offre a essentiellement été abordée au travers de considérations économiques et fonctionnelles (Callarisa-Fiol, Moliner-Tena et Sanchez-Garcia, 2011). Toutefois, depuis quelques années, la littérature souligne l’intérêt de mieux considérer les aspects affectifs et symboliques dans l’explication du comportement d’achat organisationnel (Lindgreen et Wynstra, 2005 ; Leek et Christodoulides, 2012) et, en particulier, dans l’analyse de la valeur perçue d’une offre à destination de professionnels (Hansen, Samuelsen et Silseth, 2008). Dans cette perspective, des recherches récentes ont démontré la pertinence et l’enjeu de transférer le cadre d’analyse de la valeur d’Holbrook (repris par l’approche mixte pour apprécier les bénéfices perçus) d’un environnement de grande consommation à un environnement d’interaction entre professionnels (Faroughian, Kalafatis, Ledden, Samouel et Tsogas, 2012 ; Coutelle-Brillet, Rivière et des Garets, 2014).

Dans un contexte d’émergence de sources de valeur potentiellement multiples du low-cost, et compte tenu d’une reconnaissance accrue dans la littérature de la sensibilité des entreprises aux aspects non rationnels de l’achat, l’approche mixte de la valeur paraît particulièrement pertinente à mobiliser pour apprécier le degré d’attractivité des offres low-cost auprès des clients PME.

2. L’analyse de la valeur perçue des offres low-cost du point de vue des PME

Afin d’apprécier les sources de valeur perçues par les PME à l’égard des offres low-cost, une étude qualitative exploratoire a été mise en oeuvre. Après avoir exposé ses modalités méthodologiques, les résultats obtenus sont détaillés.

2.1. Méthodologie de l’étude

Bien que le low-cost ait fait l’objet, ces dernières années, d’une attention croissante dans la recherche en gestion, les analyses proposées n’offrent, pour l’essentiel, qu’une vision stratégique du phénomène (Métais, Dauchy et Hourquet, 2009 ; Gagne, 2013) et une compréhension limitée de la demande (étude restreinte au marché des particuliers) (Kapferer, 2004 ; Croué, 2006 ; Carpenter et Moore, 2009 ; Combe, 2011 ; Marceau, 2011 ; Coutelle-Brillet et Rivière, 2014). Compte tenu du peu de connaissances acquises en matière de perception du low-cost dans un contexte professionnel, une approche qualitative exploratoire a été privilégiée dans cette recherche. Cette dernière a permis d’analyser en profondeur l’attitude des PME à l’égard du low-cost et d’identifier ainsi, les sources de création et de destruction de valeur sous-jacentes.

Les entreprises interrogées ont été sélectionnées en fonction de plusieurs critères, adoptant ainsi une démarche contingente de la spécificité : la taille, élément fondamental dans la définition de la PME (selon la Commission européenne, l’effectif de l’entreprise ne doit pas dépasser 250 personnes), le secteur d’activité ou bien encore le type de clientèle visé. Sur ces différents critères, et afin de garantir la richesse de l’analyse, nous avons cherché à diversifier le profil des entreprises de notre échantillon.

La collecte des données a été réalisée entre septembre 2012 et décembre 2013. Compte tenu de la dimension collective de l’achat organisationnel, la question du nombre d’interlocuteurs à interroger par entreprise s’est posée. Toutefois, selon Wilson et Lilien (1992), cette question du nombre n’a que peu d’intérêt : seule compte la connaissance détenue par le répondant sur le processus d’achat. Ainsi, vingt-huit entretiens individuels semi-directifs, d’une durée moyenne d’une heure quinze, ont été conduits auprès de vingt dirigeants et huit responsables d’achat. Nous avons réalisé les entretiens principalement auprès du dirigeant de PME, car il occupe une place centrale dans le processus de décision : ses convictions sont susceptibles de jouer un rôle déterminant dans le processus d’achat d’offres low-cost. Toutefois, lorsque la fonction achat n’incombait pas directement au dirigeant en raison d’une délégation des tâches, nous avons alors interrogé le responsable de cette fonction. Le nombre d’entretiens a été défini selon le principe de saturation sémantique (Annexe 1).

Dans le cadre des entretiens, les entreprises sollicitées ont été interrogées en tant qu’acheteur et les discussions menées ont été organisées autour de trois thématiques principales : la politique générale d’achat de l’entreprise, la perception globale des offres low-cost (à ce stade, les propos recueillis ont essentiellement porté sur les offres grand public) et l’appréciation des produits et services low-cost destinés aux marchés professionnels (Annexe 2).

La conduite des entretiens a révélé qu’aucune entreprise sollicitée n’avait recours à des offres low-cost (telles que définies dans la partie 1). Ce résultat a ainsi permis de neutraliser l’effet potentiel de l’expérience de la PME dans cette catégorie d’offres et de concentrer la suite de l’analyse sur la formation de la valeur perçue avant achat (ex ante).

L’analyse des données a été effectuée suivant la méthodologie proposée par Spiggle (1994). Une fois la phase de codage réalisée, une analyse de contenu thématique manuelle a été menée. Celle-ci a permis d’apprécier le processus de formation et la nature des sources de création et de destruction de valeur liées à la perception, par les PME, des offres low-cost. En complément d’une analyse horizontale (inter-entretiens), une analyse verticale (intra-entretien) a permis d’examiner le degré de concomitance des différentes sources de valeur. Afin d’enrichir l’analyse, la variation potentielle des résultats a été appréciée au regard d’un certain nombre de caractéristiques liées aux PME (en particulier, le secteur d’activité, la taille et le type de clientèle).

2.2. Les résultats de l’étude

À l’issue de l’analyse des verbatim, trois résultats principaux ont pu être mis en exergue. Tout d’abord, et comme attendu au regard de l’accessibilité tarifaire les caractérisant, les offres low-cost sont fréquemment associées à un faible sacrifice monétaire synonyme, pour la plupart des répondants, de valeur fonctionnelle médiocre (2.2.1.). Au-delà de son impact sur les composantes rationnelles de la valeur, le low-cost est également appréhendé au travers d’autres sources de valeur. En particulier, une attitude négative paraît largement partagée parmi les répondants vis-à-vis des aspects émotionnels, éthiques et relationnels des offres simplifiées à bas coûts (2.2.2.). Ces dernières semblent faire l’objet d’une évaluation plus contrastée en termes de valorisation sociale et de sacrifices non monétaires (2.2.3.).

2.2.1. Le low-cost, synonyme de prix faible et de qualité médiocre

À l’évocation du low-cost destiné aux professionnels, la majorité des répondants mettent d’abord en avant la notion de prix faible impliquant, selon eux, une détérioration de la qualité perçue des offres. Ces deux sources de création et de destruction de valeur sont fortement associées dans le discours des répondants.

« Les avantages (du low-cost) pourraient être évidemment le prix… l’inconvénient par contre serait la qualité moindre » (PME1).

Concernant l’aspect monétaire du low-cost, l’analyse conduit à souligner la capacité de ces offres à satisfaire deux types de motivations d’achat des entreprises :

  • Maîtriser leur budget à l’instar des « acheteurs réfléchis » (wise shoppers) : « le low-cost, ça fait faire des économies » (PME5). Dans certains cas, l’idée même d’achat « intelligent » apparaît : « utiliser ces offres, c’est diminuer ses charges de façon intelligente » (PME15).

  • Dans une moindre mesure, faire des bonnes affaires à l’instar des « acheteurs malins » (smart shoppers) : « le low-cost… pour faire une vraie bonne affaire » (PME3).

Au-delà de l’identification de ces motivations d’achat, la valorisation monétaire du low-cost peut s’expliquer par l’anticipation de nombreuses conséquences potentielles pour l’organisation, induites par la perception de prix bas. Tout d’abord, le low-cost peut permettre à l’entreprise de mieux s’adapter au contexte économique actuel : « le low-cost me permettra de continuer à voyager malgré les restrictions budgétaires » (PME11). Notamment, et en cohérence avec l’existence de ressources fortement limitées caractérisant les petites et moyennes organisations, bon nombre de répondants estiment que ces sources d’approvisionnement sont particulièrement adaptées aux PME. En effet, considérablement affectées par la crise, ces dernières cherchent à réduire leurs coûts afin d’assurer la pérennité de leur activité : « le low-cost est plus probable pour les PME/TPE, surtout quand on voit le nombre de petites entreprises obligées de fermer à cause de la crise » (PME27). Dans cette perspective, l’achat d’offres low-cost représente une alternative aux offres standards et répond ainsi à une demande de substitution. Hormis cette adaptation des PME au contexte actuel, d’autres conséquences, liées à la perception de l’avantage économique du low-cost, peuvent être identifiées :

  • Investir les économies réalisées dans des domaines jugés plus importants : « le low-cost permet de faire des économies sur certains achats et ainsi de mettre plus de budget sur d’autres éléments prioritaires » (PME7).

  • Pouvoir accéder à de nouvelles offres (demande d’accession) : « il y a un avantage d’accessibilité à de nouveaux produits » (PME8).

  • Améliorer sa compétitivité grâce à des prix plus avantageux pour les clients (répercussion des gains monétaires liés au low-cost sur le prix de vente aux clients) : « l’avantage pour mon entreprise serait le prix plus bas et le fait de répercuter cette baisse sur le client. Cela me permettrait de mieux me placer par rapport à la concurrence » (PME13).

Toutefois, même si la plupart des répondants perçoivent ces gains monétaires, leur perception semble varier en fonction du contexte d’achat : « le low-cost serait envisageable, mais pas dans l’urgence, car il faut être méfiant et prudent pour faire une vraie bonne affaire » (PME3). Certains répondants, issus principalement de TPE spécialisées dans les services de conseil et d’accompagnement à destination des entreprises ou dans la restauration grand public, vont même jusqu’à opposer les produits low-cost à la notion d’économie, considérant que ces offres sont susceptibles d’engendrer des coûts supplémentaires. Cette perception négative peut s’expliquer par trois raisons principales :

  • La « surfacturation » des options supplémentaires : « il faut juste se méfier des options chères qui peuvent être en plus et du coup ne pas être rentables » (PME8).

  • Les conséquences monétaires à long terme liées à une mauvaise qualité de l’offre : « au final, ça coûte plus cher de devoir racheter un produit moins cher de façon régulière que de payer plus au départ et être tranquille plus longtemps » (PME20).

  • Les conséquences monétaires liées à l’inadéquation de l’offre aux besoins spécifiques du client : « le low-cost peut s’avérer plus coûteux s’il ne répond pas aux attentes finaleset spécifiques » (PME6). Ce dernier résultat renvoie à l’aspect « standardisé » qui caractérise les offres low-cost.

Concernant la valeur fonctionnelle des offres low-cost, la perception d’une qualité médiocre peut provenir d’une moindre performance et fiabilité perçues du produit, ainsi que d’une absence ou d’une dégradation des services accompagnant l’offre : « si je commande une imprimante, je vais avoir l’objet, mais derrière on ne va pas forcément me proposer un service après-vente. Dans une entreprise, c’est problématique » (PME17). Les conséquences principales associées à une faible qualité perçue des offres low-cost peuvent concerner :

  • L’entreprise en tant qu’entité globale, et notamment sa performance et sa compétitivité : « en achetant low-cost,l’inconvénient pour mon entreprise pourrait être de perdre en compétitivité » (PME7).

  • Les salariés de l’entreprise : « l’inconvénient en donnant le minimum à un salarié est de perdre en motivation et en qualité de travail » (PME7).

Cette appréciation négative de la qualité du low-cost et de ses conséquences anticipées est toutefois à nuancer en fonction du degré d’implication de l’entreprise dans l’achat qui dépend de plusieurs facteurs (Tableau 3).

Tableau 3

Facteurs conditionnant l’implication des PME face à l’achat de low-cost

Facteurs conditionnant l’implication des PME face à l’achat de low-cost

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2.2.2. Une perception négative des valeurs émotionnelle, éthique et relationnelle du low-cost

Au-delà d’une faible qualité perçue, le low-cost est également associé à d’autres sources de destruction de valeur. Un consensus apparaît, parmi les répondants, concernant la capacité de ces offres à dégrader les valeurs émotionnelle, éthique et relationnelle.

En raison de leur aspect extérieur jugé basique, de leur caractère standardisé et d’une absence de services périphériques, les offres low-cost sont souvent perçues comme présentant une faible valeur émotionnelle : « les distractions sont presque inexistantes sur les vols low-cost » (PME12), « l’emballage est moins beau » (PME23). La dégradation de la valeur émotionnelle peut également provenir des contraintes liées à l’utilisation du low-cost (en termes d’accès à l’offre, de paiement systématique des services additionnels, etc.) provoquant ainsi un sentiment de frustration de l’entreprise : « c’est le côté frustrant du low-cost » (PME6). La perception défavorable de cette source de valeur apparaît assez fréquemment, dans le discours des répondants, avec l’idée de fausses économies liée au low-cost, et semble en priorité provenir de TPE issues de secteurs d’activité variés (produits et services) et s’adressant à une clientèle d’entreprises. L’appréciation négative de cette valeur émotionnelle paraît toutefois plus nuancée auprès des PME évoluant sur des marchés exclusivement de particuliers.

Le modèle d’affaires, sous-jacent à la production d’offres low-cost et impliquant généralement un phénomène de délocalisation couplé à une compression des coûts de production et de distribution, est souvent considéré, par bon nombre de répondants, comme étant à l’origine de conséquences sociétales négatives. De ce fait, la valeur altruiste/éthique de ces offres s’en trouve fortement dégradée : « le low-cost s’est développé au détriment de l’emploi en France… je pourrais refuser une offre low-cost à cause de l’éthique » (PME9). Cette perception négative du low-cost sur le plan éthique peut être reliée aux spécificités des PME, et notamment à la forte insertion territoriale qui les caractérise et à l’importance de la proximité qu’elles accordent dans leurs relations avec leurs fournisseurs. L’analyse des caractéristiques des entreprises évoquant cette valeur éthique défavorable amène à souligner la forte diversité des profils des organisations aussi bien en termes d’activités (produits, services), de taille (TPE ou PME) ou de clientèle (particuliers et professionnels).

Par ailleurs, l’analyse souligne une possible dégradation de la valeur relationnelle, issue de l’interaction entre acheteur et fournisseur, dans le contexte du low-cost : « le low-cost va à l’encontre du relationnel qui est important pour moi » (PME13). Cette détérioration semble due à la dématérialisation, à la déshumanisation et à la dépersonnalisation des contacts, générant une perte de confiance, ainsi qu’à la réduction ou la suppression du service après-vente, souvent considéré comme la garantie d’un accompagnement durable : « avoir quelqu’un seulement par Internet, ça n’aide pas dans la relation de confiance » (PME5), « le low-cost… c’est quand même compliqué parce qu’entre professionnels tu as une relation durable, donc si tu rognes sur le SAV, ça ne va pas le faire » (PME16). Cette dégradation de la valeur relationnelle apparaît comme d’autant plus importante et préjudiciable pour les PME, fortement attachées à la notion de proximité et aux contacts directs avec leurs interlocuteurs commerciaux : « je pense que ça peut être intéressant pour les grands groupes, mais pas pour les PME.Pour nous [les PME], la relation commerciale est primordiale, mais avec ce système, il n’y a plus de contact physique » (PME18). L’appréciation négative de cette facette relationnelle de la valeur perçue des offres low-cost semble principalement provenir de PME issues de divers secteurs d’activité, de taille modeste (inférieure à 50 salariés), s’adressant uniquement ou en partie à des clients professionnels, et portant un regard parfois ambivalent sur l’avantage monétaire réel induit par ce type d’offres.

Si, au-delà de la dégradation de la valeur fonctionnelle (qualité perçue), différentes sources potentielles de destruction de valeur (émotionnelle, éthique et relationnelle) ont pu être identifiées, l’analyse verticale a permis de souligner une faible concomitance de ces dernières dans le discours des répondants.

2.2.3. Une appréciation contrastée de la valeur sociale et des sacrifices non monétaires liés au low-cost

Contrairement aux valeurs émotionnelle, éthique et relationnelle, les répondants présentent des opinions plus contrastées concernant l’évaluation de la valeur sociale et des sacrifices non monétaires liés aux offres low-cost.

La plupart des personnes interrogées expriment des réticences relatives à l’image pouvant être véhiculée par l’achat d’offres low-cost. Ce ressenti s’exprime à deux niveaux : en interne et en externe. D’un point de vue interne, et dans le cadre des produits et services à destination de salariés, les données collectées montrent un impact potentiellement négatif de l’usage des offres low-cost sur l’attractivité de l’entreprise aux yeux des salariés et des candidats potentiels, ainsi que sur l’implication, la motivation et la fidélité des collaborateurs : « les produits low-cost comme les billets d’avion peuvent décourager les salariés qui voient d’autres entreprises proposer plus de confort à leurs collaborateurs » (PME7). D’un point de vue externe, le low-cost est considéré comme une menace pour l’image de marque et la réputation de l’entreprise, et une source de confusion par rapport à la stratégie, au positionnement et aux valeurs de l’organisation : « cela ne correspondrait pas du tout à notre idéologie, notre positionnement, nos valeurs…il ne faut pas que l’aspect low-cost adopté par l’entreprise vienne ternir son image, son positionnement » (PME25). Comme détaillé dans le tableau 4, cette crainte, liée à la renommée de l’entreprise, peut être d’autant plus forte dans certains cas bien spécifiques.

Tableau 4

Facteurs amplifiant la dégradation de la valeur sociale de l’entreprise

Facteurs amplifiant la dégradation de la valeur sociale de l’entreprise

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En opposition à cette perception négative, plusieurs entreprises interrogées, majoritairement des TPE évoluant dans le domaine des services, émettent un jugement positif à l’égard de la valeur sociale des offres low-cost. Leur appréciation favorable est liée à la récence de ces produits sur les marchés, conférant à leurs utilisateurs une image de modernité : « je pense qu’une entreprise qui utilise du low-cost est en accord avec son temps » (PME17). Si ces répondants semblent distinguer une pluralité de sources de création de valeur vis-à-vis du low-cost (gain monétaire, valeur sociale), leur perception des sources potentielles de destruction de valeur paraît en revanche plus restrictive, se limitant à la dégradation de la qualité perçue.

Concernant les sacrifices non monétaires, une majorité de répondants soulignent l’existence de trois composantes (risque, temps, effort) susceptibles de diminuer la perception de la valeur de l’offre. Tout d’abord, en raison d’une incertitude sur la fiabilité des produits low-cost, la présence d’un fort risque perçu, renforcée dans l’esprit des répondants par l’absence de service après-vente, peut être mis en exergue : « je ne pourrais pas acheter du low-cost, car j’aurais peur d’avoir des problèmes de sécurité et de pannes » (PME13). Certains répondants vont même jusqu’à mettre en avant un risque de « contagion » du low-cost : « le risque c’est que notre entreprise devienne elle aussi low-cost » (PME17). Comme détaillé dans le tableau 5, le risque de performance perçu est susceptible de produire trois conséquences particulières du point de vue des répondants.

Tableau 5

Conséquences du risque de performance perçu

Conséquences du risque de performance perçu

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Au-delà de représenter une conséquence du risque de performance perçu, et en raison d’un manque de visibilité et de transparence parfois évoqué par les répondants, le coût temporel perçu peut également provenir de la difficulté de l’entreprise à se procurer les informations nécessaires pour acquérir des offres à bas coûts : « cette recherche du moins cher me prend du temps » (PME19).

L’importance de la perception du risque et du sacrifice temporel semble varier selon la taille de l’entreprise. Alors que les économies monétaires générées par le low-cost sont considérées comme plus avantageuses pour les PME, il semble que les sacrifices non monétaires, articulés autour du risque perçu et du coût temporel, soient moins préjudiciables pour les structures de plus grande taille : « les petites structures devront tout gérer si cela ne marche pas alors que dans une grosse structure, quelqu’un peut prendre le relais et gérer les soucis qu’il y a » (PME17). Ce constat peut, une nouvelle fois, être relié à l’existence de ressources limitées caractérisant particulièrement les petites et moyennes organisations.

Au-delà de ces coûts perçus, les produits low-cost sont également considérés comme présentant généralement un degré moindre de praticité et nécessitant une plus grande implication du client dans la production et/ou la distribution de l’offre : « Les vols low-cost sont au départ d’aéroports moins accessibles et proposent moins d’horaires de départ que les vols classiques » (PME12), « les inconvénients, c’est qu’il faut tout faire soi-même… c’est des coûts cachés pour l’entreprise » (PME10).

Par opposition à cette vue négative du low-cost, certains répondants apprécient positivement ce type d’offres au regard de leurs avantages en termes de gain de temps et de praticité. Cette perception peut principalement s’expliquer par l’instauration d’une relation dématérialisée et à distance entre les acteurs low-cost et leurs clients (offrant ainsi un accès facilité à l’offre) : « j’apprécie, car je commande de chez moi ou n’importe où du moment que j’ai un téléphone adapté avec Internet. Pour ma part, ça me simplifie la vie » (PME19). Cette appréciation positive du low-cost est principalement partagée par des TPE dans le domaine des services, évoluant sur des marchés de particuliers, et est fréquemment couplée avec la perception d’autres sources de création de valeur (gain monétaire, valeur sociale). Afin de former un jugement de valeur globale, ces dernières sont mises en perspective avec des sources potentielles de destruction de valeur limitées, dans le discours de ces répondants, à la détérioration de la qualité perçue.

Discussion, apports, limites et voies de recherche

Alors que le low-cost constitue un segment de marché bien établi et en croissance auprès des particuliers, sa présence sur les marchés professionnels reste encore limitée. Toutefois, de telles offres peuvent être particulièrement attractives a priori pour les PME qui, touchées de plein fouet par la crise économique, recherchent plus que jamais des solutions efficaces pour diminuer leurs dépenses. Dans ce cadre, ce travail a cherché à apprécier, via la mobilisation de l’approche de la valeur perçue, le degré d’attractivité du low-cost auprès d’une clientèle de PME. Au-delà d’une relation attendue entre low-cost, prix bas et qualité médiocre, les résultats conduisent à identifier un consensus parmi les répondants concernant une dégradation potentielle des valeurs émotionnelle, éthique et relationnelle perçues des offres low-cost. Par ailleurs, l’analyse met en exergue une appréciation plus contrastée de la valeur sociale et des sacrifices non monétaires. Ainsi, le gain financier ne semble pas être le seul avantage perçu par les acheteurs professionnels : d’autres sources de création de valeur, liées à l’image véhiculée par le low-cost ainsi qu’au gain de temps et à la praticité qu’il confère, peuvent être perçues par les potentiels acquéreurs. Ces résultats s’inscrivent dans le prolongement de ceux constatés en grande consommation démontrant l’existence de motivations d’achat non liées exclusivement aux aspects monétaires de l’offre low-cost (Kapferer, 2004 ; Croué, 2006 ; Carpenter et Moore, 2009 ; Coutelle-Brillet et Rivière, 2014). Plus globalement, nos conclusions peuvent être mises en perspective avec certaines recherches ayant investi la valorisation de différentes solutions visant à restituer du pouvoir d’achat aux consommateurs (tels l’achat d’occasion, les soldes, les promotions, les magasins d’usine, les marques de distributeurs). En effet, il a été démontré que ces options commerciales permettent non seulement de satisfaire la volonté des individus de maîtriser leurs dépenses, mais également de générer d’autres bénéfices non économiques (Chandon, Wansink et Laurent, 2000 ; Filser et Plichon, 2004 ; Roux, 2004 ; Gonzalez et Korchia, 2008 ; Ambroise, Brignier et Mathews-Lefebvre, 2010). Au-delà de ces considérations, la mise en évidence d’une valorisation sociale du low-cost confirme l’importance de la prise en compte des éléments non rationnels de l’offre dans l’analyse du comportement d’achat organisationnel (Lindgreen et Wynstra, 2005 ; Leek et Christodoulides, 2012 ; Coutelle-Brillet, Rivière et des Garets, 2014).

La diversité constatée des effets du low-cost sur les différentes dimensions de la valeur perçue peut s’expliquer par un certain nombre de caractéristiques intrinsèques, mises à jour dans l’étude et liées aussi bien à l’offre qu’au modèle d’affaires sous-tendant cette offre. En particulier, la diminution des coûts, permettant la fixation d’un prix de vente durablement bas, est rendue possible en raison de la simplification de l’offre (entraînant un design standard, la disparition ou l’appauvrissement du service après-vente, la dématérialisation des échanges) et d’une délocalisation fréquente d’une partie de l’activité. Ces spécificités, susceptibles de dégrader les valeurs émotionnelle, éthique et relationnelle, peuvent être particulièrement difficiles à concilier avec les particularités et attentes des PME en matière d’insertion territoriale et de proximité avec les partenaires commerciaux. Par ailleurs, le contexte d’achat et de consommation de l’offre est susceptible de conditionner le degré de valorisation fonctionnelle des produits et services low-cost. Enfin, les sources de valeur perçue peuvent varier selon les parties prenantes concernées par les conséquences de l’achat d’offres low-cost : en effet, l’offre low-cost peut concerner l’entreprise, en tant qu’entité globale (en affectant sa performance et sa compétitivité), mais aussi les salariés de l’entreprise (l’usage de services low-cost peut entraîner une perte d’efficacité et de motivation des collaborateurs, une diminution de l’attractivité de l’entreprise auprès des candidats potentiels), ainsi que les propres clients de l’entreprise (baisse de la qualité finale du produit vendu, répercussion de la baisse de coût sur le prix de vente final).

En guise de synthèse des résultats, et en s’appuyant sur le paradigme P*O*S (Person * Object * Situation) (Punj et Stewart, 1983), un cadre d’analyse de la formation de la valeur perçue d’une offre low-cost (du point de vue des PME) est proposé en figure 1. Celui-ci suggère de nombreuses propositions concernant à la fois la nature multidimensionnelle de la valorisation des offres low-cost par les professionnels et le rôle d’une diversité de déterminants à l’origine du processus de formation de la valeur perçue par les PME. Bien que justifiée par la démarche exploratoire adoptée, l’identification de cette diversité de déterminants, émanant de la richesse des verbatim collectés, ne conduit pas à l’acquisition d’une vision parcimonieuse du phénomène étudié. En revanche, et compte tenu de l’état des connaissances dans ce champ de recherche, la mise à jour de cette variété d’antécédents constitue une première étape primordiale dans la compréhension du comportement des acheteurs professionnels vis-à-vis du low-cost et permet d’apprécier l’éventail des leviers d’action potentiels en vue de favoriser l’adoption de telles offres.

Figure 1

Cadre d’analyse de la valorisation d’une offre low-cost par les PME

Cadre d’analyse de la valorisation d’une offre low-cost par les PME

* Le signe positif est attribué à une création de valeur et le signe négatif est attribué à une destruction de valeur.

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Les conclusions de ce travail peuvent être mises en perspective avec celles issues d’une recherche antérieure concernant la valeur perçue des offres low-cost en grande consommation (Coutelle-Brillet et Rivière, 2014). Une comparaison des résultats obtenus amène à identifier un certain nombre de convergences et de divergences dans la valorisation des offres low-cost par les particuliers et les professionnels (Tableau 6).

Tableau 6

Comparaison de la valorisation des offres low-cost par les particuliers et les professionnels

Comparaison de la valorisation des offres low-cost par les particuliers et les professionnels

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Sur le plan théorique, cette recherche présente deux apports essentiels pour la littérature en marketing. Tout d’abord, si plusieurs travaux se sont intéressés à la valorisation d’un certain nombre de solutions visant à restituer du pouvoir d’achat aux consommateurs finaux (l’achat d’occasion, les soldes, les promotions, les magasins d’usine, les marques de distributeurs), peu d’investigations ont été menées sur ce thème dans le domaine interorganisationnel. En particulier, et même si les recherches consacrées aux offres low-cost grand public restent limitées (Kapferer, 2004 ; Croué, 2006 ; Carpenter et Moore, 2009 ; Combe, 2011 ; Marceau, 2011 ; Coutelle-Brillet et Rivière, 2014), l’étude de l’attractivité de ce type d’offres auprès de la clientèle d’affaires a suscité encore moins d’attention de la part des chercheurs. Au vu de cette lacune et de l’importance croissante de ces offres sur les marchés des entreprises, ce travail a permis d’appréhender la complexité du comportement de l’acheteur professionnel et d’aboutir à la proposition d’un cadre d’analyse de la formation de la valeur perçue du low-cost, reflétant spécifiquement le point de vue des clients PME (Figure 1). Par ailleurs, cette recherche contribue à enrichir la littérature sur la valeur perçue dans un contexte interorganisationnel. En premier lieu, et dans le prolongement de travaux antérieurs (Lindgreen et Wynstra, 2005 ; Coutelle-Brillet, Rivière et des Garets, 2014), elle permet de confirmer le caractère multifacette de la valeur perçue d’une offre et de démontrer la pertinence du déploiement de l’approche mixte de la valeur dans le domaine des interactions entre professionnels. De même, et en cohérence avec la notion de demande dérivée, les résultats obtenus conduisent à enrichir la démarche utilisée pour apprécier la valeur perçue dans un contexte interorganisationnel, en distinguant différents niveaux d’analyse (l’entreprise en tant qu’entité globale, les salariés et les clients du client). En accord avec l’approche multi-informants d’Ulaga et Chacour (2001), cette contribution souligne l’importance d’adopter une vision collective et multiparties prenantes lors de la phase de diagnostic de la proposition de valeur d’un offreur.

Sur le plan opérationnel, plusieurs préconisations peuvent être formulées à l’égard des entreprises souhaitant développer de nouvelles offres low-cost à destination des PME. En premier lieu, et au-delà d’un travail de réassurance nécessaire sur la qualité des produits et services low-cost, il semble indispensable de lever les freins à l’achat en améliorant la perception des clients professionnels concernant les aspects émotionnels, relationnels et éthiques de ces offres. Ainsi, tout en conservant un contact commercial dématérialisé (via Internet), une réflexion concernant la proposition de e-services (web-call center, chat, visioconférence, etc.) et l’affectation systématique d’un conseiller personnel à distance pourrait être conduite afin de rassurer le consommateur sur la relation client/fournisseur. Au-delà de l’application de ces mesures, les entreprises low-cost pourraient s’inspirer des facteurs clés de succès d’une politique de marketing relationnel (identifiés notamment par Ivens et Mayrhofer, 2003) afin de mieux rivaliser avec les acteurs traditionnels, fréquemment amenés à recourir aux outils du marketing relationnel pour se différencier de leurs concurrents à bas coûts (Mayrhofer et Roederer, 2011). Cette piste d’action semble d’autant plus pertinente pour les organisations s’adressant à une clientèle de PME, sensibles à la proximité relationnelle avec leurs fournisseurs. Par ailleurs, des opérations de communication pourraient être menées à l’initiative d’organisations représentatives des entreprises low-cost (par exemple, le Club des entreprises low-cost) en vue d’améliorer les considérations sociétales relatives aux offres à bas coûts. En parallèle de ces actions sur les sources de destruction de valeur, il semble également nécessaire d’agir sur les principales sources potentielles de création de valeur. Ainsi, et au-delà de l’argument prix traditionnellement évoqué par les entreprises low-cost, la mise en avant d’une image positive (relative à la modernité et au sentiment de vivre avec son temps) ainsi que d’une plus grande praticité et d’un gain de temps liés à l’usage de ces offres, constituent autant d’arguments supplémentaires auxquels semblent être particulièrement sensibles les TPE évoluant dans les services. Au-delà de ces mesures préconisées, une communication multidestinataires pourrait être déployée, visant à s’adresser aussi bien à l’entreprise dans sa globalité (en évoquant l’impact du low-cost sur la performance de l’organisation), qu’aux salariés ou aux clients directs (en insistant sur les avantages de s’approvisionner auprès d’un fournisseur qui achète lui-même des offres à bas coûts). Enfin, concernant les fournisseurs de low-cost ciblant aussi bien les marchés des particuliers que des professionnels, la comparaison établie dans le tableau 6 doit amener les offreurs à adopter des discours différenciés selon qu’ils cherchent à séduire les consommateurs ou les entreprises.

Ces différents apports doivent toutefois être considérés au regard des limites de cette recherche qui représentent autant de voies d’exploration futures. En premier lieu, il est important de noter que l’échantillon de l’étude regroupe une part importante de TPE : ainsi, il pourrait être envisagé de solliciter, ultérieurement, davantage de PME de plus grande taille. Une extension de ce travail pourrait même consister à apprécier la pertinence des produits et services à bas coûts auprès des grandes entreprises (au-delà de 250 salariés). De même, compte tenu des travaux de Wilson et Lilien (1992), il a été fait le choix d’interroger, pour chaque organisation, une seule personne. Malgré le rôle central de chacun des répondants dans les processus d’achat, une collecte d’informations auprès des différents membres du centre d’achat pourrait être conduite lors d’une prochaine étape. Il semblerait par ailleurs opportun d’approfondir le cadre d’analyse présenté en figure 1. En effet, la démarche adoptée a consisté à comprendre le processus de valorisation d’une offre low-cost à partir du discours des répondants. Toutefois, la prise en compte d’autres variables non abordées par ces derniers (telles que, par exemple, l’existence d’une certification qualité dans l’entreprise cliente, l’intégration de ses fournisseurs parmi les parties prenantes considérées, le caractère tangible ou intangible de l’offre low-cost) pourraient éventuellement permettre d’améliorer la compréhension du phénomène étudié. De même, l’influence de certaines des variables évoquées par les répondants mériterait d’être mieux appréciée au vu de leur importance potentielle en matière de politique d’achat des entreprises (cas, par exemple, du rôle de la stratégie de l’entreprise cliente). Par ailleurs, compte tenu de l’échantillon interrogé, cette recherche n’a permis de s’intéresser qu’à la valeur perçue ex ante du low-cost : d’autres travaux pourraient ainsi se focaliser sur la valorisation de ces offres après usage par les clients professionnels. Au regard du caractère exploratoire de cette étude, une phase confirmatoire, menée sous forme d’enquête quantitative, serait également nécessaire. Cette dernière permettrait d’apprécier le poids de chaque source (de création et de destruction) de valeur dans la formation de la valeur globale d’une offre low-cost. Plus globalement, le cadre intégrateur, proposé en figure 1, pourrait être considéré en détail afin de mieux évaluer l’importance et la pertinence de chaque déterminant identifié dans le processus de formation de la valeur perçue. Ces différentes pistes de recherche, associées aux résultats de ce travail, témoignent de l’intérêt de poursuivre les investigations dans ce champ de recherche fécond. En particulier, si le caractère novateur et différenciant des offres low-cost a justifié l’emploi, dans cet article, d’une approche marketing visant à appréhender leur acceptabilité par le marché, d’autres perspectives d’analyse, centrées davantage sur des problématiques stratégiques ou de gestion des ressources humaines par exemple, pourraient orienter les recherches futures.