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Les rapports du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) et la conférence de la COP 21 à Paris en décembre 2015 insistent sur l’impérieuse nécessité de s’engager en faveur du développement durable. Sans une réaction rapide et d’ampleur, c’est le monde tel que nous le connaissons depuis des décennies qui court à sa perte… L’ampleur du phénomène ne se limitant pas au Québec d’où sont issus les contributeurs à cet ouvrage collectif, il est urgent de passer à l’action sur le terrain. Par ailleurs, les auteurs rappellent dès l’introduction la place incontournable des PME dans les économies (98 % des entreprises, 70 % des emplois et 40 % du PIB au Canada[1]). D’où l’intérêt de cet ouvrage pour tous ceux qui sont préoccupés par l’avenir de notre planète et par le rôle joué par les PME dans ce débat !
Une enquête menée par l’un des auteurs (François Labelle) auprès de 500 PME québécoises à l’hiver 2014 indique que 40 % des dirigeants de ces organisations ne connaissent pas le concept de développement durable. « Pratiquement aucune de ces PME ne consulte ses parties prenantes pour ses décisions, n’a établi des indicateurs pour mesurer les impacts de ses choix, ni ne communique ses actions aux parties prenantes internes et externes. » (p. 8). Ces constats invitent à la plus grande modestie s’agissant de développement durable en PME, malgré l’engouement pour ce thème depuis une quinzaine d’années dans le monde académique.
L’ouvrage est structuré en sept chapitres : les trois premiers remettent en question quelques idées reçues sur les PME et le développement durable tandis que les quatre suivants analysent des pratiques de gestion concrètes susceptibles de guider les PME sur la voie du développement durable.
Le chapitre 1 par Pierre-André Julien dénonce la croyance en la supériorité des grandes entreprises, notamment de leurs économies d’échelle, sur les PME en matière de développement durable. Comme le conclut l’auteur : « En résumé, si l’on oblige les grandes entreprises à intégrer les externalités négatives (les coûts de la pollution et autres coûts sociaux) dans leurs coûts de production, leur taille devrait diminuer au profit des PME, en général plus respectueuses de l’environnement, tout en permettant de restreindre ces coûts pour le bénéfice de toute la collectivité. » (p. 37). Sans doute une piste à suivre de près du côté des politiques publiques pas toujours alignées sur cette question de l’intégration des externalités négatives…
Le chapitre 2 rédigé par Josée St-Pierre, Camille Carrier et Kristina Pilaeva nuance l’idée selon laquelle les femmes auraient une prédisposition favorable à l’égard du développement durable. Dans la lignée de Pandey (2010) et de son « écoféminisme », les auteures ont mené une enquête auprès de 433 dirigeants de PME québécoises, dont 132 femmes de manière à tester l’hypothèse selon laquelle les entrepreneurs féminins adopteraient un comportement spécifique relativement au développement durable et à son poids dans la performance. Leurs résultats montrent que si les femmes favorisent davantage que les hommes les dimensions liées au développement durable dans leur entreprise, ces dimensions sont néanmoins moins fortement associées à la performance pour les femmes.
Le chapitre 3 coécrit par François Labelle, Kadia Georges Aka, Nohamed Nabil El Mabrouki et Yves-Cédric Koyo est consacré à la possibilité d’envisager les grandes entreprises et les PME comme deux univers compatibles, tout du moins pas si hermétiques qu’au premier abord. Les auteurs s’appuient sur des études de cas de deux PME et de deux grandes entreprises québécoises. La perspective différenciatrice omniprésente dans la littérature mérite ainsi d’être nuancée s’agissant de la responsabilité perçue envers un ensemble élargi de parties prenantes, notamment les communautés locales, mais plus encore concernant la manière d’implémenter le développement durable dans les entreprises. Comme l’écrivent les auteurs « les différences s’amenuisent alors que les nouveaux projets de RSE se concrétisent. » (p. 95). Ce chapitre est particulièrement stimulant pour les chercheurs PMistes tant les pistes de recherche sont nombreuses si l’on accepte de revisiter cette perspective différenciatrice et d’explorer un modèle de gestion des parties prenantes…
Le chapitre 4 par Kadia Georges Aka et François Labelle détaille l’importance du travail avec des alliés pour développer des innovations durables, le dirigeant devant alors jouer un rôle de traducteur au sens de la théorie de l’acteur réseau du centre de gestion scientifique des Mines Paris Tech. Les auteurs illustrent leurs propos par trois cas de PME québécoises au sein desquelles « l’innovation durable a été l’aboutissement d’une opération de traduction réussie où le dirigeant ou le gestionnaire de PME jouent des rôles centraux. » (p. 127). Ceci fait écho à des travaux menés dans le contexte français avec une grille de lecture similaire (Berger-Douce, 2013[2] ; Calmé et Bonneveux, 2015[3]).
Le chapitre 5 rédigé par Michel Trépanier et Pierre Marc Gosselin est consacré à la réalisation de produits écoconçus en contexte PME. Les auteurs s’attaquent au mythe selon lequel l’analyse de cycle de vie (ACV) constituerait un passage obligé de la mise en oeuvre de pratiques d’écoconception. En résumé, « pour écoconcevoir un produit en contexte de PME, travailler qualitativement le cycle de vie du produit à développer est plus efficace et plus pertinent que de la chiffrer. » (p. 174), de quoi sans doute faire réagir nos collègues du génie industriel pour lesquels la quantification est une nécessité en matière d’ACV…
Le chapitre 6 coécrit par Julie Cournoyer et Marie-France Turcotte traite des rôles des PME dans des projets d’écologie industrielle de manière à s’immiscer dans des réseaux porteurs d’innovation durable, à l’instar du corridor de Sorel-Tracy-Contrecoeur (STC) bien connu des Québécois, qui sert d’illustration aux auteures s’agissant des dimensions sociales et économiques de l’écologie industrielle. Cette plongée dans les réalités de l’écologie industrielle revient sur la position particulière des PME dans ces configurations organisationnelles et invite à poursuivre les recherches sur le thème des facteurs favorisant les maillages entre organisations contribuant au développement durable.
Enfin, le chapitre 7 écrit par Hélène Bergeron, Marie Marchand et Chantale Roy aborde le pilotage de la performance durable par un tableau de bord intégratif reprenant les indicateurs préconisés par le référentiel du Global Reporting Initiative (GRI). Les auteures inscrivent leur réflexion dans une conception élargie de la performance incluant la prise en compte des parties prenantes dans une perspective de long terme. Le déploiement de ce type d’outils de pilotage reste néanmoins conditionné par la pédagogie réalisée (ou non) par les organismes d’accompagnement des dirigeants et gestionnaires de PME…
En résumé, cet ouvrage est riche d’enseignements pour tous ceux qui s’intéressent au management du développement durable dans (et par) les PME (enseignants, étudiants, praticiens de l’accompagnement, organismes publics). Le seul regret est l’absence de conclusion qui aurait permis de proposer d’autres avenues pour de futures recherches.
Au fil de l’ouvrage, le lecteur appréciera les nombreuses illustrations proposées par les auteurs et issues du terrain québécois. Pour autant, les leçons à tirer de ces expériences sont bien inspirantes au-delà des seules frontières du Québec !
Parties annexes
Notes
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[1]
Industrie Canada, 2013.
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[2]
Berger-Douce, S. (2013). La diffusion des innovations durables en milieu PME : vers des dirigeants traducteurs ? Dans T Lévy et Z. Su (dir.) Entrepreneuriat, PME durables et réseaux sociaux (p. 79-89). Paris, Éditions L’Harmattan.
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[3]
Calmé, I. et Bonneveux, E. (2015). Implication d’un réseau professionnel de PME et diffusion d’une action collective de RSE. Revue Interdisciplinaire Management, Homme et Entreprise, 2(16), 18-36.