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Les coordinateurs de cet ouvrage sur l’entrepreneuriat familial ont voulu sortir des sentiers battus de ce champ de recherche. Ainsi, l’ouvrage s’intéresse-t-il au capital symbolique ou culturel tel que décrit par Bourdieu (2001) ? C’est bien cette thèse qui y est étayée, laquelle amène les auteurs à s’inscrire tout autant dans le sillage des travaux de Pérez (2010) au niveau de l’entreprise familiale au Mexique et à les compléter.
Vingt-deux auteurs, ainsi que les coordinateurs participent à l’élaboration de l’ouvrage, principalement conçu à l’attention des étudiants et des chercheurs dans le domaine de l’entrepreneuriat, mais aussi, grâce à son éclectisme, à celle des chercheurs de différents domaines, en l’occurrence l’anthropologie, l’économie, la sociologie et la psychologie… d’où son originalité.
Le premier chapitre est dédié à l’explicitation de la méthode employée pour aborder un échantillon de 343 entreprises familiales s’étendant des villes de Celaya à Guanajuato, état du centre du Mexique. Les auteurs de l’ouvrage partagent une procédure méthodologique mixte dont « on reconstruit, à partir des discours des objets sujets, les implications objectives des relations sociales », ainsi que l’analyse qui appréhende, par ailleurs, les « parts subjectives des représentations sociales » (p. 5).
Environ la moitié des entreprises étudiées est dédiée à différentes industries de l’artisanat, de la boulangerie, de l’industrie chimique et de l’équipement médical. Le reste est consacré aux commerce ou services. Les résultats obtenus au travers des interviews et des questionnaires sont présentés tout au long des dix-huit chapitres de l’ouvrage.
Par la suite, chaque chapitre peut être lu indépendamment de l’autre selon l’intérêt du lecteur.
Le chapitre deux, écrit par Contreras et Ruiz, s’intéresse aux différents facteurs du capital social interne au sein des entreprises familiales, en l’occurrence l’union, l’appui, la confiance… Dans le cadre du chapitre trois, Contreras, López et Ríos ambitionnent de montrer que la composition de l’entreprise familiale varie en fonction de l’organisation des membres de la famille et de la distribution des rôles y afférant. Dans cette optique, ils invoquent des auteurs qui ont étudié d’une certaine manière le lien familial, comme Lévi-Strauss et Murdock. La problématique proposée par Miranda, Contreras et López aborde dans le quatrième chapitre la division ethnique-technique du travail dans le cadre des entreprises familiales. Le chapitre cinq, développé par López, Ríos et Molina, aborde, pour sa part, la notion de gouvernance dans les entreprises familiales. Statistiquement, il existe plus de 50 % de participation des membres de la famille dans les très petites entreprises, pourcentage que l’on voit se réduire dans les entreprises plus grandes. Le chapitre six, rédigé par López et Contreras, explore les entreprises familiales à partir de la notion de décision stratégique, les auteurs estimant là que la plupart des entreprises dans la région de Celaya ont recours à un modèle démocratique de décision. Le chapitre sept, écrit par Molina, donne à voir les facteurs psychoculturels des conflits dans les organisations familiales. Trois orientations y sont mises en évidence : des études centrées sur les causes du conflit, d’autres sur les effets et, finalement, celles qui s’intéressent à la gestion des conflits.
L’enjeu du chapitre huit est de donner à connaître les pratiques de planification des entreprises familiales et leur rapport à la stratégie développée. López y montre que la planification et le lien avec la stratégie sont directement liés à la taille de l’entreprise. Dans le chapitre neuf, Espinosa et Arroyo s’intéressent à la localisation des entreprises familiales. À partir d’interviews, les auteurs mettent en relief le lien fort entre l’entrepreneur, la famille et le développement local. Ríos, Ferer et López, dans le chapitre dix, défendent l’idée selon laquelle l’entreprise doit être responsable à l’égard de son environnement. Ils constatent qu’une entreprise sur quatre considère important d’avoir des activités en lien avec la responsabilité sociale des entreprises. Pour compléter la dimension culturelle de l’entreprise familiale, Contreras, Méndez et Mosqueda s’interrogent, dans le chapitre onze, sur l’influence de la religion dans ce cadre, à partir des travaux de Weber. Deux points en émergent : deux tiers des personnes interrogées croient que la religion n’y a pas de forte influence et, parmi celles qui pensent que la religion a une influence, on décèle inversement celles pour qui l’activité d’entreprise exerce, à son tour, une influence sur la pratique de la religion.
Les chapitres douze et treize abordent le rapport de la construction sociale à la communauté familiale. Le premier s’intéresse à l’impact de ce rapport sur le développement local. Le second aborde, plus particulièrement, l’importance du capital symbolique dans les entreprises familiales. Caldera, Contreras et Hurtado, dans le chapitre quatorze, s’intéressent aux références identitaires des entrepreneurs, montrant l’impact exercé par la communauté, la religion et l’origine ethnique. Le chapitre quinze, quant à lui, examine le rôle de la femme à l’intérieur des entreprises familiales. Selon Colin et Urbiola, le double rôle de la femme, qui consiste à travailler au sein de l’entreprise, tout en continuant de se charger de son foyer, n’est pas encore près d’être facilité. Dans le chapitre seize, Arreguín et Contreras reviennent sur le processus de décision et évoquent l’importance du conseil de famille et plus particulièrement, le rôle du patriarche de la famille. Ils en concluent que, dans les entreprises familiales, la personne qui prend la décision est plus importante que la décision elle-même. Vega et Hurtado envisagent, dans le chapitre dix-sept, la mise en relation des éléments démographiques spécifiques du Guanajuato et des entreprises familiales. Le chapitre dix-huit, enfin, prolonge le chapitre précédent en se centrant sur le taux très élevé de migration de Guanajuato pour expliquer le rôle des envois d’argent dans la constitution des entreprises familiales.
En somme, il s’agit d’un ouvrage riche en données, variées par rapport aux thèmes abordés. Comme mentionné précédemment, cet ouvrage est avant tout une utilisation des travaux de Bourdieu sur le capital social dans un contexte particulier au Mexique. C›est bien là le fil directeur des différentes contributions. On peut regretter, néanmoins, la faiblesse des liens avec les théories qui fondent le domaine des entreprises familiales et de la mise en perspective avec des études développées dans d’autres pays.
Parties annexes
Références
- Bourdieu, P. (2001). Las estructuras sociales de la economía. Argentine, Editorial Manantial.
- Pérez Lizaur, M. (2010). La empresa familiar en México. Una visión desde la antropología., Mexico, Mexique, Universidad Iberoamericana.