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01. Introduction

Au cours des dernières années, le remplacement du concept d’Asie-Pacifique par celui d’Indo-Pacifique s’observe dans les narratifs étatiques et privés à l’échelle globale pour discuter de cette région du monde. Lors de la dernière reformulation sur la politique de défense du Canada en 2017, le document Protection, Sécurité, Engagement (Défense nationale du Canada 2017) de la défense nationale utilise le terme Asie-Pacifique et non celui de l’Indo-Pacifique. Cette substitution volontaire et récente démontre au moins deux éléments centraux pour ceux et celles qui l’emploient : l’importance grandissante de la région portée par sa croissance économique inéluctable ainsi que le cadrage géopolitique des luttes d’influence qui s’y opèrent (Khurana 2018). Ces luttes visent également à séduire l’Inde, un acteur incontournable et un allié potentiel de plusieurs pays devant le défi chinois. Longtemps considérée comme à la périphérie des intentions géopolitiques de plusieurs pays et puissances (Pant 2017 : 224; 2019), l’Inde est devenue une pièce centrale de cette réorientation discursive et géopolitique au sein des différentes stratégies pour l’Indo-Pacifique (SIP). Par exemple, dans la version 2017 du Diplomatic Bluebook du Japon, l’Inde est évoquée une vingtaine de fois tandis que la version 2023, l’Inde est mentionnée à plus de 180 reprises (Ministry of Foreign Affairs 2023a).

Outre le désir de séduire Delhi dans les nouvelles SIP, il convient que ces stratégies divergent sur la place que doit prendre la Chine. Si certaines SIP indiquent clairement un désir de contenir la Chine, comme celle des États-Unis, d’autres sont muettes sur le sujet. Le durcissement américain envers Beijing encourage les alliés à se « joindre à l’effort visant à contrer les ambitions de la Chine » (Holland 2021 : 228), à refuser de le faire ou sinon à élaborer leur propre SIP. Reste à savoir si la Canada suit le mot d’ordre américain agissant comme « aide-de-camp » (Mustapha 2021 : 176) du bloc anglo-saxon ou préfère-t-il suivre ces propres objectifs nonobstant les pressions américaines qui s’attiseront. Pour certains (Holland 2022 ; Paltiel 2024 : 5), le Canada a déjà décidé de se joindre au club anglo-saxon comme SIP les plus vindicatives envers la Chine. En rapprochant la Stratégie du Canada en Indo-Pacifique (SCIP) à la SIP américaine, Ottawa signale qu’il désire demeurer au centre des réflexions que mène Washington sur les alliés de l’Indo-Pacifique. Son exclusion du Dialogue quadrilatéral sur la sécurité (QUAD), le regroupement sécuritaire (Australie, États-Unis et Royaume-Uni (AUKUS) et de l’Indo-Pacific Economic Framework (IPEF) est indicative de la perte d’influence (Berkshire Miller 2023 : 209) du Canada en Indo-Pacifique d’autant plus qu’il n’est pas mentionné dans la SIP américaine, sauf à l’évocation des Five Eyes.

Pour d’autres, la SCIP est le reflet de valeurs canadiennes (Stephens 2023 :7) qui transcende la politique intérieure vers l’extérieur. Ces valeurs (droits humains, équité, féminisme, réconciliation autochtone) ne sont pas uniques, mais aussi partagées par quelques SIP (Australie, France, Allemagne, Royaume-Uni). La SCIP demeure un document rempli de bonnes intentions, mais peu d’information sur les moyens sont présentés. Contrairement au modèle britannique qui détaille les sommes allouées à des objectifs précis, la SCIP précise les sommes prescrites pour chacun des cinq objectifs, mais reste muette sur les moyens pour y parvenir (Meyer 2022 : 164).

Le Canada n’échappe pas à cette dynamique SIP qui touche principalement les pays du nord et de l’Indo-Pacifique. Ainsi, plusieurs États (et même parfois des entités subétatiques comme c’est le cas du Québec) se sont dotés, pour la plupart dans les cinq dernières années, de SIP (ministère des Relations internationales et de la Francophonie 2021). L’importance de la région pour ces États est également marquée par la réévaluation récente des objectifs et ambitions à son égard. À titre d’exemple, les États-Unis déposaient en 2019 le document A Free and Open Indo-Pacific, Advancing a Shared Vision (Department of State 2019) avant d’élaborer en février 2022 l’Indo-Pacific Strategy (Executive Office of the President 2022). De l’autre côté de l’Atlantique, le Royaume-Uni a procédé de façon semblable en insistant sur l’importance de la région dans le titre The Indo-Pacific Tilt: A Framework qui figurait dans l’Integrated Review of Security de 2021 (Gouvernement du Royaume-Uni 2021). Une mise à jour bien plus complète fut élaborée dans l’édition suivante en 2023 Integrated Review Refresh 2023 : Responding to a More Contested and Volatile World (Gouvernement du Royaume-Uni 2023) où l’Indo-Pacifique en tant que scène de tensions croissantes fait figure d’élément transversal dans l’appréhension de l’ordre mondial multipolaire (Suzuki 2020). Ces pratiques ont également été faites dans le cas français et sa Stratégie de la France dans l’Indo-Pacifique (ministère pour l’Europe et des Affaires étrangères 2022) et du Japon Free and Open Indo-Pacific (Ministry of Foreign Affairs 2023b) en 2023 pour ne nommer que celles-ci.

Bien que lancé tardivement en novembre 2022 (Affaires mondiales Canada 2022a), le Canada n’est pas en reste dans cette dynamique d’émission de stratégie pour la région. La question se pose donc à savoir si la SCIP est similaire aux autres SIP ou bien si elle dégage une certaine originalité répondant avant tout à ses particularités (internationales, nationales et commerciales) ? Dessiner une stratégie sur ses intérêts proprement nationaux est louable, mais du coup peut limiter sa portée internationale et devenir « une recette pour l’isolement plutôt que de l’influence » (Paikin 2023). Une certaine syntonisation s’avère nécessaire pour trouver des alliés ou restreindre le nombre d’opposants à ces volontés. Avec le peu de moyens investis (2,3 milliards dollars canadiens) sur cinq ans, peut-on accuser le Canada d’être un passager clandestin/favorisé (free-rider/easy rider) des SIP comme le souligne Nossal (2024), ainsi que Jockel et Sokolsky (2019) ? Est-ce tout simplement du suivisme (bandwagoning) ?

À travers sa SCIP, le Canada énonce cinq objectifs à partir desquels découlent des moyens pour la réalisation de ses ambitions. Les cinq objectifs de la SCIP identifiés (paix et sécurité, échanges commerciaux, fluidité migratoire, environnement et engagement) répondent à la spécificité canadienne, mais sont généralement partagés avec le reste du monde. Pour déterminer le degré de la conformité ou l’originalité de la SCIP face aux différentes SIP, une comparaison de ces cinq objectifs avec les autres SIP nous permettra de dégager ce qui est original ou pas, mieux situer la SCIP dans son originalité ou sa conformité.

Le premier segment de cet article utilise le prisme des cinq piliers canadiens pour comparer les éléments convergents et divergents de la SCIP avec une douzaine de SIP[1]. Est-ce que les objectifs sont similaires et partagés par les SIP ? Est-ce que la SCIP est différente des autres stratégies ? Quels sont les secteurs dans lesquels le Canada agit seul ? Le deuxième segment abordera le défi chinois, car l’attitude des États-Unis envers la Chine modulera la dynamique géopolitique en Indo-Pacifique dont le Canada ne pourra s’esquiver. Compte tenu de la montée en puissance de la Chine, l’aspect sécuritaire prend une place très importante dans les SIP qui craignent l’unilatéralisme chinois en mer notamment.

02. Convergences et divergences des stratégies indopacifiques et celle du Canada

Avant de verser dans l’analyse sectorielle de la SCIP, il faut énoncer quelques limites de cette comparaison avec les autres stratégies. D’abord, les SIP ne sont pas des listes exhaustives de l’ensemble des moyens employés pour la réalisation des ambitions respectives dans la région. On repère conséquemment à plusieurs reprises des idées ou concepts qui reviennent d’une stratégie à l’autre sans toutefois que nous puissions affirmer que les moyens employés seront les mêmes pour les différents États. Certaines mises en commun d’approches étatiques ou de postures deviennent alors plus ambiguës à effectuer. Une autre limite importante réside dans la teneur informationnelle des documents analysés. Si certains États se sont dotés de stratégie pour l’Indo-Pacifique à proprement dit, d’autres ont émis des documents plus simples et englobants (Pays-Bas, Italie, ASEAN) limitant l’analyse comparative des SIP. Finalement, la plupart des SIP, contrairement à celle du Canada, ne sont pas chiffrées, ce qui limite la capacité à statuer où se trouvent les priorités avancées dans certaines SIP.

2.1 Sécurité

Le premier pilier de la SCIP, soit « Promouvoir la paix, la résilience et la sécurité » énoncent des éléments cruciaux aux enjeux sécuritaires modernes. Sans surprise, l’interprétation de l’enjeu par les différents États dépend de multiples éléments telles les capacités matérielles, les visées pour la région et la présence géographique des ceux-ci dans la zone Indo-Pacifique. On comprend ainsi comment les initiatives et les moyens employés diffèrent lorsque l’on compare l’approche canadienne à celle des États-Unis, de la France ou encore du Japon. 

Sur un total de 720,6 millions de dollars assignés au volet sécuritaire, le Canada en investira 492,9 millions en sécurité conventionnelle, soit environ 68 % de la somme allouée à ce pilier sécuritaire et 21 % de la somme totale prévue par la SCIP, tous piliers confondus. Précisément, ce montant servira à « renforcer la présence navale du Canada dans l’Indo-Pacifique et accroître la participation des Forces armées canadiennes aux exercices militaires régionaux » (Affaires mondiales Canada 2022b). Sachant que la marine canadienne est dépourvue de moyens, Nossal (2024) indique que ces affectations sont avant tout cosmétique transférant des navires du côté Atlantique vers le Pacifique. Il faudra attendre 2030 avant qu’une nouvelle frégate entre en fonction. Avec son désir d’augmenter « son engagement militaire et sa capacité de renseignement comme moyens d’atténuer les comportements coercitifs et les menaces à la sécurité régionale » (Affaires Mondiales Canada 2022a : 15), la proposition canadienne est à cet égard très semblable à celle des autres SIP recueillies. C’est-à-dire que, bien que le narratif envers la Chine varie d’un État à l’autre, la volonté généralisée se situe au niveau de la stabilité et de la prospérité de la région. Cette orientation répandue est conséquente à l’affirmation commune des SIP en ce qui a trait à la liberté de navigation. Aussi, d’autres concepts plus récents sont également étiquetés par plusieurs SIP comme les enjeux de cybersécurité (tous hormis l’ASEAN) ou encore la défense contre l’ingérence étrangère (Canada, États-Unis, Royaume-Uni, Union européenne, République tchèque et Pays-Bas).

Plusieurs États partagent également l’objectif d’augmenter les effectifs militaires en Indo-Pacifique (Canada, États-Unis, France, Royaume-Uni, Japon, Corée du Sud). Les États-Unis sont de loin les plus imposants comme somme allouée. L’Indo-Pacific Command (INDOPACOM) demande 87 milliards de dollars américains pour les années 2024-2028 afin d’équiper les nombreuses bases américaines dans la région. Plus de 15 milliards de dollars sont exigés pour 2024 (Gould 2023). Du côté du Royaume-Uni, 20 milliards de livres sterling sont prévues pour l’exercice 2024-2025 (Gouvernement du Royaume-Uni 2023 : 4). Il est toutefois difficile de comparer l’importance de ce volet avec les autres États sachant que les montants alloués à leurs ambitions pour l’Indo-Pacifique ne sont pas clairement annoncés comme c’est le cas au Canada, au le Royaume-Uni ou aux États-Unis. Cependant, on comprend tout de même l’étendue des considérations sécuritaires révélées par le prisme des moyens concrets stipulés par les SIP. Ainsi, la France mentionne dès le premier objectif de son pilier sécuritaire vouloir « assurer et défendre l’intégrité de la souveraineté de la France, la protection de ses ressortissants, de ses territoires et de sa ZEE [zone économique exclusive] » (Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères 2022 : 56). Les extrants d’un tel objectif se concrétisent conséquemment sous la forme de surveillance accrue de ses territoires, d’exercices militaires multilatéraux et d’opérations pour contrer les activités de pêche illégale. Dans le cas du Japon, on mentionne surtout le renforcement des capacités de garde-côtières des pays de la région aux moyens d’entraînements conjoints et de coopération. Néanmoins, les Forces maritimes d’autodéfense (Maritime Self-Defense Forces) participeront également à l’ambition partagée parmi tous les pays de contribuer à la stabilité régionale notamment grâce des exercices conjoints avec l’Inde et les États-Unis (Kishida 2023 : 4). Ces exemples montrent comment l’approche des SIP compose avec les réalités géostratégiques des États. Si le Canada se positionne « comme un partenaire fiable pour promouvoir la sécurité et la stabilité dans la région et au Canada » (Affaires mondiales Canada 2022a : 15), d’autres pays éprouvent des défis plus intenses avec la Chine, notamment dans les conflits maritimes. Finalement, l’objectif canadien d’améliorer l’interopérabilité de ses effectifs sécuritaires avec des partenaires est partagé par une majorité des SIP, mais les partenaires ciblés par l’initiative peuvent varier. Dans le cas du Canada, l’effort d’interopérabilité vise le Viet Nam, l’Indonésie, Singapour et la Malaisie tandis que la France opte davantage pour l’Inde et le Japon comme partenaires stratégiques (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères 2022 : 40-42).

En ce qui a trait aux spécificités sécuritaires de la SCIP, elle est la seule stratégie à évoquer l’Arctique. En effet, le Canada se présente comme un acteur incontournable dans la stabilité de l’Arctique, ce qui est important pour les pays de l’Indo-Pacifique désirant investir dans la région. Cependant, le manque de ressources du Canada pour l’Arctique limite son influence sécuritaire rappelant plutôt son rôle politique au sein du Conseil de l’Arctique puisque les moyens militaires sont aux mains des Américains, Russes et Chinois (Lackenbauer et Koch 2021 : 9). En créant ce forum, le Canada exportait une de ses valeurs basées sur l’implication des communautés autochtones dans le Grand Nord (Exner-Pirot 2020 : 447), une redite dans sa SCIP.

Une autre spécificité de la SCIP se retrouve dans l’absence de propositions concrètes dans le domaine de la santé régionale (sécurité non conventionnelle comme les pandémies). Le concept de « santé » est utilisé à quelques reprises, mais seulement de façon générale parmi d’autres objectifs. Comparativement, les autres SIP mentionnent des apports concrets pour les pays de l’Indo-Pacifique notamment en finançant et en distribuant des vaccins (États-Unis, France, Italie, Corée du Sud, Union européenne), en coopérant en recherche en lien avec la santé (Union européenne, France, Allemagne) ou même en appuyant des initiatives régionales de l’ASEAN (Japon). La SIP américaine souligne que le Dialogue de sécurité quadrilatérale (QUAD), où le Canada est absent, agira comme chef de file dans la distribution de vaccins en Indo-Pacifique (Executive Office of the President 2022 : 16)[2].

2.2 Échanges commerciaux

Pour ce qui est du volet économique représenté par le deuxième objectif, « Accroître les échanges commerciaux et les investissements et renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement », l’approche canadienne ressemble sous plusieurs angles aux autres. Parmi les constats généraux, les SIP contextualisent sans faute le potentiel économique de l’Indo-Pacifique combiné à sa présence grandissante sur le marché global ainsi que dans les diverses chaînes d’approvisionnement. C’est donc sans surprise que les SIP abordent immanquablement la nécessité d’approfondir les relations commerciales tant sur le plan bilatéral que multilatéral. Dans le même ordre d’idée, l’effort volontaire de renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement fait figure de proue pour l’ensemble des SIP.

Le Canada précise davantage certains objectifs en matière économique comme la promotion et la protection des investissements, souvent évoquées par l’entremise d’accords à venir, notamment avec l’Inde. Cet objectif n’est pas mentionné par les autres SIP puisque la plupart des pays possèdent déjà des accords sur les investissements avec l’Inde (France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie et République tchèque). On comprend ainsi que le Canada tente d’établir les jalons de relations commerciales stables pour les entreprises canadiennes qui investissent en Inde. C’est également le cas pour la promotion à l’étranger des opportunités économiques. La SCIP mentionne des missions commerciales à venir dans la région, une initiative peu spécifiée par les autres stratégies. Le même constat s’offre dans d’autres pans de la représentation commerciale comme l’ouverture de bureaux en Indo-Pacifique alors que le Canada annonçait vouloir établir « son premier bureau d’Agriculture et Agroalimentaire » (Affaires mondiales Canada 2022a : 19). De leur côté, la France et le Royaume-Uni mentionnent que les représentations commerciales déjà présentes agiront comme relais aux exportations. Observation semblable en ce qui a trait au soutien aux entreprises et investisseurs nationaux ciblant la région (Italie, République tchèque, Allemagne). Conséquemment, la stratégie économique canadienne est plutôt claire sachant qu’il s’agit du pilier avec la deuxième plus petite somme des cinq annoncés dans la SCIP (244 millions de dollars). À cela s’ajoute une multitude d’autres apports gouvernementaux (Banque de développement du Canada, Affaires mondiales Canada, section économique des ambassades, etc.), déjà mis en place pour maximiser les exportations canadiennes en Indo-Pacifique. 

À la lueur des chiffres analysés des exportations canadiennes vers l’Indo-Pacifique, plusieurs observations se dégagent[3]. Les exportations canadiennes vers la Chine plafonnent depuis 10 ans et rien n’indique qu’un réchauffement politique s’amorce permettant une reprise de la croissance. De plus, le Canada, étant un pays fournissant plusieurs intrants au secteur industriel, est confronté à un ralentissement de l’économie chinoise causée en partie par la surproduction et la crise du secteur immobilier. Également, la capacité chinoise à maintenir une croissance solide est hypothéquée par une structure démographique vieillissante et une chute dramatique de la population chinoise à plus long terme. Parallèlement, ce phénomène n’affecte pas le commerce bilatéral avec le Japon qui se porte bien.

En observant la dernière décennie, qui n’est pas garante de la prochaine en termes de performance économique, mais constitue un bon indicateur du progrès des échanges, quatre destinations des exportations canadiennes se distinguent par une croissance de plus de 60 % depuis la dernière décennie : l’Inde, la Corée du Sud, le Vietnam et les Philippines. Il va de soi que la vague d’urbanisation et d’industrialisation en Inde peut affecter positivement les exportations canadiennes comme cela s’est produit lorsque la Chine traversait le même processus.

Il est probablement trop tôt pour évaluer l’impact qu’a eu la signature du PTPGP sur les exportations canadiennes puisque seuls le Vietnam et l’Indonésie ont augmenté les importations en provenance du Canada depuis la dernière décennie tandis que celles de la Malaisie plafonnent et vont même décliner à Singapour. Il reste au Canada de signer une entente commerciale avec l’ASEAN, car outre les Philippines qui connaissent également une croissance importante, il ne reste que peu de pays de l’Indo-Pacifique non-signataires d’entente avec le Canada.

Finalement, la plus grande croissance des exportations canadiennes en Indo-Pacifique se situe dans la nourriture (légumes et animaux) et les produits chimiques. La croissance démographique de la région explique cela, mais aussi la délocalisation d’entreprises vers la région Indo-Pacifique nécessite davantage d’intrants pouvant satisfaire ses industries. En sens inverse, les importations canadiennes en provenance de l’Indo-Pacifique reflètent ce que vivent les économies développées. Une augmentation importante des importations en machinerie (ordinateurs, téléphones, audio-vidéo, etc.) explique pourquoi le commerce bilatéral croit, notamment en provenance de Corée du Sud, mais aussi de plus en plus en provenance du Vietnam et de l’Inde. Fait notable qui distingue le Canada de toutes les autres économies ayant lancé des SIP est l’augmentation notable des importations en produits alimentaires issues de l’Indo-Pacifique reflétant ainsi une croissance phénoménale des diasporas asiatiques au pays. Cette croissance diasporique est unique dans le monde laissant présager un commerce bilatéral qui, globalement, devrait croître plus rapidement que dans le reste du monde.

2.3 Migration

La plus grande spécificité de la SCIP lorsque comparée aux autres stratégies pour l’Indo-Pacifique s’articule autour de son troisième pilier soit, « Investir dans les gens et tisser des liens entre eux ». Comme pour les autres piliers, il est possible de retrouver des éléments qui se répètent de part et d’autre comme les échanges à travers les coopérations scientifique et académique, les bourses d’études ou encore la facilitation des déplacements des individus entre les États et la région de l’Indo-Pacifique (surtout en ce qui a trait aux académiques). En revanche, l’approche canadienne va plus loin. Au-delà du nombre de lignes expliquant à la fois l’importance de ce volet pour le Canada en plus des moyens concrets d’application, la stratégie prévoit plusieurs mécanismes de rapprochement des peuples qui ne figurent pas ailleurs. Il est question notamment d’initiatives marquées d’inclusion des diasporas de l’Indo-Pacifique vivant au Canada, d’un programme d’attractivité pour les étudiants étrangers en ce qui a trait à leur avenir après les études (opportunités de résidence permanente et d’emploi) ou encore de renforcement des capacités canadiennes de traitement des visas. Le gouvernement canadien assigne d’ailleurs 74,6 millions de dollars des 261,7 millions prévus pour ce pilier pour le « réseau centralisé canadien ainsi qu’à New Delhi, à Chandigarh, à Islamabad et à Manille, afin de renforcer les liens étroits entre nos peuples » (Affaires mondiales Canada 2022b). Bien que la somme allouée à ce troisième pilier ne soit pas la plus importante, le cadrage avoué de l’aspect humain par la SCIP est tout sauf anodin. À vrai dire, seule l’Australie mentionne l’importance de recruter de la main-d’œuvre qualifiée de l’Indo-Pacifique pour contribuer à son développement économique, mais spécifie qu’elle fera la lutte à l’immigration illégale. C’est d’ailleurs l’illégalité qui revient à plusieurs reprises dans les SIP européennes qui abordent l’immigration.

En effet, le Canada est un pays d’accueil pour de nombreuses familles issues de la région Indo-Pacifique. À titre indicatif, le recensement canadien de 2021 établissait à 1 347 715 le nombre d’individus d’origine indienne, à 925 490 d’origine philippine et à 1 712 870 d’origine chinoise pour ne mentionner que ces groupes (Statistiques Canada 2021). Pour ce qui est des minorités visibles, ce sont 2 571 400 personnes qui s’identifiaient comme Sud-Asiatique, 957 355 comme Philippin, 390 340 comme Asiatique du Sud-Est, 218 140 comme Coréen et 90 890 comme Japonais (Statistiques Canada, 2021). On comprend à la lumière de ces nombres l’importance des diasporas pour une population canadienne se dénombrant à 40 millions en 2023. Par exemple, l’investissement consulaire canadien en Inde prend d’autant plus de sens lorsque le Canada est reconnu comme étant le pays le plus indianisé du G20 et que, en 2022, un immigrant sur cinq était né en Inde. Si l’on compare proportionnellement le Canada avec le reste des pays producteurs de SIP, il reçoit 2,72 fois de plus de migrants en provenance de l’Inde que son plus proche « rival » américain et 13 fois plus que la France.

2.4 Environnement

Le quatrième pilier de la SCIP ciblant un « Avenir vert et durable » démontre encore une fois la compréhension de l’enjeu pour les États de l’Indo-Pacifique, phénomène d’ailleurs répandu à travers l’ensemble des SIP. En passant de la gestion des océans (souvent mentionné selon une perspective sécuritaire également) à l’appui aux transitions énergétiques ou encore à la réduction des gaz à effet de serre (GES) de façon plus générale, le Canada accompagne une forte majorité des SIP à ces égards. En revanche, l’approche canadienne se penche sur des éléments plus précis qui ne font pas partie de plusieurs stratégies. Par exemple, la SCIP est accompagnée uniquement des stratégies de la France et de l’Union européenne en ce qui a trait à la gestion de la pollution par le plastique. Le constat s’applique également en matière de tarification carbone, concept uniquement mentionné par le Canada et la Corée du Sud.

Une chose est certaine en revanche, le financement des infrastructures vertes est souvent mentionné dans une perspective de durabilité par les SIP. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un constat fort surprenant sachant que la région accuse un retard en la matière. Nulle part les SIP mentionnent le projet chinois de la Belt and Road Initiative (BRI) comme stimulant aux investissements en infrastructures. Également ce pilier profitera de la plus grande somme allouée dans la SCIP (913 millions de dollars). Étonnamment, il s’agit aussi du deuxième pilier canadien le moins défini de la stratégie. En effet, l’« avenir durable et vert » ne s’étend que sur une page et demie alors que la moyenne est d’environ trois pages pour les autres piliers. Cela s’explique possiblement par la concentration de la forte majorité des fonds annoncés dans un vecteur bien précis. En effet, l’allocation de 82 % de la somme prévue pour le pilier (750 des 913,3 millions de dollars) servira à renforcer « la capacité de [la société d’État] FinDev Canada[4] à étendre ses activités à l'Indo-Pacifique et à accélérer son travail dans les marchés prioritaires afin de soutenir le développement d’infrastructures de haute qualité et durable » (Affaires mondiales Canada 2022b).

2.5 Engagement

Le cinquième et dernier pilier, soit celui qui place le Canada comme « partenaire actif et engagé dans l’Indo-Pacifique » est aussi celui avec le moins de moyens (147 millions de dollars) et le moins détaillé de la SCIP. L’annonce de dépenses consulaires et l’intégration du Canada dans les forums multilatéraux de l’Indo-Pacifique serviront de dénominateurs pour cet objectif mal défini.

Le Canada annonce l’augmentation des rencontres diplomatiques en Indo-Pacifique et près des deux tiers (100 millions de dollars) seront alloués à l’augmentation du nombre de missions diplomatiques canadiennes en Indo-Pacifique ainsi qu’à travers Affaires mondiales Canada. Outre l’ouverture d’un bureau commercial spécialisé dans les produits agroalimentaires à Manille, de nouveaux bureaux seront ouverts à Fidji et Hawaii. Des ajouts de personnel consulaire étaient prévus à Islamabad, Chandigarh et New Delhi, mais cette annonce de la SCIP précède la crise diplomatique entre le Canada et l’Inde qui a ralenti et même fermé la présence consulaire. Lorsque Justin Trudeau a annoncé en juillet 2023 à la Chambre des communes l’implication présumée du gouvernement indien dans l’assassinat d’un leader sikh au Canada, le système consulaire, après une fermeture de plusieurs mois s’est réouvert en novembre 2023, mais au ralenti. À cela s’ajoute aux nouvelles restrictions canadiennes envers le nombre d’étudiants étrangers agissant comme porte d’entrée migratoire. Ainsi, l’ambition canadienne d’augmenter sa présence en Inde n’est pas assurée compte tenu des relations amères (Nachiappan 2024 : 34).

En 2009, la nomination d’un ambassadeur canadien à l’ASEAN indiquait déjà que l’Asie du Sud-Est devenait une région importante pour les chaines de valeurs (Granger et Caouette 2019). Jouissant d’un Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) avec certains pays de l’Asie du Sud-Est (Vietnam, Malaisie, Brunei et Singapour), le Canada négocie présentement une entente de libre-échange avec l’ASEAN. Comme l’ensemble des SIP, le SCIP souligne la centralité de l’ASEAN pour la région avant d’explorer les potentielles sphères de coopération. La SCIP annonçait un objectif clair : devenir un partenaire stratégique de l’ASEAN. Cet objectif fut d’ailleurs rempli le 6 septembre 2023 (ASEAN 2023a). D’autres SIP annonçait des initiatives semblables comme l’Allemagne qui désirait obtenir un statut de partenaire de dialogue, mais qui devra se satisfaire du statut de partenaire de développement (Federal Foreign Office 2020). La France participait à l’ASEAN avec un statut de partenaire de développement depuis 2021, mais elle non plus, n’a pas obtenu ce statut stratégique (ASEAN 2023b).

03. Le défi chinois

Au-delà des piliers guidant les orientations des États pour leurs ambitions en Indo-Pacifique, un aspect important brille autant par sa présence que son absence parmi les différentes stratégies : la mention du défi chinois. Un phénomène s’opère d’ailleurs à la lumière des stratégies, soit la mention de la Chine comme étant « une puissance mondiale de plus en plus perturbatrice » comme énoncé par le Canada dans la SCIP (2022 : 7). La perception du Canada de la Chine a profondément changé depuis l’Affaire Huawei et la détention des deux Michaels en Chine. Une perception négative facilite un changement de cap qui ménageait la Chine par le passé à une attitude plus affirmée. Ainsi « gérer les relations avec la Chine […] est un défi de taille » (Calvert 2018 : 147). Il s’agit d’un constat qui s’étend aux autres pays de l’anglosphère des deux côtés de l’Atlantique en le Royaume-Uni et les États-Unis. Dans leur SIP, les États-Unis qualifient notamment les actions de la Chine comme de l’intimidation (bullying) et mentionnent une attitude coercitive et agressive à l’échelle globale (Executive Office of the President 2022 : 5). Le Royaume-Uni décrit la posture chinoise comme étant agressif et « menaçant de créer un monde défini par le danger, le désordre et la division » (Gouvernement du Royaume-Uni, 2023 : 2). Pour sa part, la République tchèque signale que la Chine est « un adversaire économique et un rival systémique » (The Czech Republic's Strategy For Cooperation With The Indo-Pacific 2022 : 5).

Afin de contenir la Chine, « les États-Unis ont souligné l'importance des partenaires stratégiques régionaux dans les deux documents [National Security Strategy 2017 and National Defense Strategy], mais n'[avaient] pas défini leur rôle ni comment leurs capacités affectent la stratégie américaine » (Cordesman et Burke 2019 : 48). Après le retrait des États-Unis du Partenariat Trans-Pacifique, développé sous l’administration d’Obama et à la suite de la pandémie, le retour des États-Unis se précise avec la renaissance du QUAD, premier sommet tenu en personne par l’administration Biden, la naissance de l’AUKUS et le lancement de l’IPEF. En effet, les SIP des États-Unis ainsi que du Royaume-Uni étiquettent la Chine comme un défi sur plusieurs plans, notamment sécuritaire, tandis que plusieurs pays nuancent ce que le défi chinois représente. En 2017, l’Australie consacre la moitié de son livre blanc à l’Indo-Pacifique où elle stipule que l’intégration de la Chine est nécessaire afin d’assurer la stabilité de la région tout en demeurant un proche allié des États-Unis (Ministry of Foreign Affairs 2017 : 38).

L’Union européenne signale qu’elle désire maintenir son engagement avec la Chine dans le but de l’encourager « à jouer son rôle dans une région pacifique et prospère » (European External Action Service 2021 : 4). De son côté, la France mentionne également la Chine à quelques reprises dans sa SIP, mais aussi dans le cadrage de la rivalité sino-américaine. La SIP française identifie des valeurs et des concepts comme la liberté de navigation qu’elle défend sans toutefois identifier de pays fautifs. Ce narratif qui épargne la Chine est également utilisé par les voisins japonais et coréen compte tenu de la proximité d’un conflit éventuel. Le premier ministre japonais, Fumio Kishida, n’a pas mentionné une seule fois la Chine dans son allocution The Future of the Indo-Pacific – Together with India, as an Indispensable Partner en mars 2023 qui allait servir de mise à jour pour sa stratégie Free and Open Indo-Pacific (Kishida 2023). Cependant, si l’on remonte à l’édition 2019 du Diplomatic Bluebook japonais, Tokyo énonçait qu’elle continuerait de réagir aux initiatives de changements unilatéraux du statu quo en mer de Chine de façon « calme et ferme » (Ministry of Foreign Affairs 2019 : 56). Pour ce qui est de la République de Corée, les mentions spécifiques à la Chine sont uniquement pour les sphères de coopération ou encore comme étant « un partenaire clé dans la poursuite de la paix et la prospérité dans la région Indo-Pacifique » (Governement of the Republic of Korea 2022 : 14). 

La SCIP précise quatre niveaux d’intervention avec la Chine que l’on ne retrouve pas dans les autres SIP : national, bilatéral, régional et multilatéral. Le plan national illustre dès le départ la méfiance canadienne à l’égard de la Chine alors qu’il est question de sécurité nationale, de mise à jour de la Loi sur Investissement Canada, de propriété intellectuelle ou encore d’ingérence étrangère. Dans la même veine, sur le plan bilatéral, la SCIP annonce la protection de « l’accès du Canada au marché chinois, tout en travaillant avec ses clients pour diversifier leurs activités à l’intérieur et à l’extérieur de ce marché » (Affaires mondiales Canada 2022a : 8). On remarque dès lors la volonté avouée du gouvernement canadien de diversifier son réseau d’exportation en Indo-Pacifique. Sur le plan régional, Ottawa évoque la diversification de ses intérêts pour l’Indo-Pacifique à travers ses investissements et partenariats notamment. Le plan multilatéral est quant à lui un peu plus nuancé. La SCIP propose une approche à plusieurs États partenaires pour faire respecter les normes internationales, dont celles qui sont ignorées par la Chine. Cependant, la stratégie canadienne prévoit la coopération avec la Chine sur des enjeux spécifiques comme les changements climatiques ou encore la protection de l’environnement comme ce fut le cas lors de la COP15 et l’adoption du cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal.

04. Conclusion

Comparer les politiques pour l’Indo-Pacifique comporte son lot de risque. Les pays voisins de la Chine n’ont pas nécessairement les mêmes objectifs comparés aux pays lointains comme le Canada, le Royaume-Uni ou les États-Unis. Néanmoins, ils subissent la rivalité sino-américaine qui entraîne les pays à faire des choix géopolitiques. L’Inde résiste, comme toujours, mais la plupart des pays de l’Indo-Pacifique préfèrent éviter la confrontation avec la Chine pour des raisons de bon voisinage.

Pour répondre à la question principale visant à déterminer si la SCIP est originale ou simplement un suivisme géopolitique, revenons sur les cinq objectifs. Toutes les SIP abordent l’aspect sécuritaire, notamment celui des mers. Le Canada n’est pas une exception, mais ce qui le caractérise dans cet objectif est le peu d’investissements à cet égard. Sachant que les gouvernements canadiens ont sous-financé la défense et la marine canadienne depuis des décennies, la SCIP n’indique pas un revirement de situation ni un intérêt géostratégique. Au mieux, le Canada est le seul à évoquer l’Arctique, mais ses moyens prédisposent un rôle purement politique. Le deuxième objectif économique n’est pas une exclusivité canadienne, car la plupart des SIP voient une croissance des échanges en Indo-Pacifique. Diversifier ses partenaires commerciaux n’a rien d’original puisque les exportations canadiennes vers la Chine plafonnent et la conclusion du PTPGP répondait en partie à cette diversification désirée. Se tourner vers l’Inde et le Vietnam répond à une tendance enclenchée depuis une décennie, mais de plus en plus apparente depuis la pandémie. Étant donné que le Canada a déjà ratifié un accord sur la promotion et la protection des investissements avec la Chine (2014), en signer un avec l’Inde s’avère nécessaire comme l’indique la SCIP. La plupart des pays européens ont déjà ratifié un tel accord avec l’Inde, seuls le Canada et les États-Unis tardent à le faire. L’Inde et le Vietnam sont souvent évoqués en termes de résilience des chaînes d’approvisionnement, ce qui amplifie la nécessité de tels accords.

Toutes les SIP abordent les changements climatiques comme une raison d’entreprendre des relations axées sur l’efficience énergétique et comment les pays du Nord peuvent contribuer aux pays en développement. Le Canada ne fait pas exception, mais son volet est peu élaboré, limitant la concrétisation de ses moyens par la lutte au plastique et le pays demeure un grand exportateur de charbon, gaz et pétrole. Comme dernier objectif, le Canada n’est pas le seul pays à annoncer la multiplication de représentations diplomatiques et l’établissement de nouveaux bureaux en Indo-Pacifique. Son désir de se joindre à d’autres forums multilatéraux de l’Indo-Pacifique comme la réunion des ministres de la Défense de l’ASEAN (ADMM+) et au sommet de l’Asie de l’Est dont la Russie et les États-Unis (ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande) font déjà partie ne serait qu’une politesse compte tenu du peu que le Canada a à offrir.

Pour trouver une originalité quelconque de la SCIP, le troisième objectif semble davantage prometteur puisqu’il reflète une situation particulière du Canada peu comparable avec les autres SIP. Avec ses diasporas nombreuses en provenance de l’Indo-Pacifique, le Canada sera humainement et économiquement de plus en plus affecté par cette région du monde. Contrairement aux autres SIP (occidentales), le Canada n’aborde pas l’illégalité de la migration ni le trafic humain.