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01. Introduction

Le présent article interroge l’impact de la politique régionale d’intégration et de gouvernance du genre sur les économies des Etats-membres de l’Union Africaine. Il analyse la politique communautaire africaine du genre à partir de sa traduction dans les Communautés Economiques Régionales (CER).

La protection de la dignité des femmes et la lutte contre les discriminations faites à leur égard[1] sont des conditions sine qua non à la réalisation du développement durable en Afrique. Il s’agit ainsi de concilier le sociétal au social[2] en faisant participer les femmes au développement tout en les protégeant face aux discriminations de toutes sortes auxquelles elles font face. L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), dans sa charte, avait effleuré la question en émettant quelques points, de manière générale, relatifs aux droits de l’homme et des peuples ; d’où la mise en place par l’Union Africaine (UA) du protocole de Maputo[3]. Entériné en 2005, le protocole de Maputo valorise la dignité féminine par les Etats-membres de l’UA l’ayant ratifié et qui l’appliquent en leur sein. L’application du Protocole de Maputo au sein des Gouvernements favorise l’égalité des femmes vis-à-vis des hommes et suscite, par conséquent, leur participation au développement des Etats-membres de l’UA. Il faut donc dire qu’en se référant au Genre dans la politique africaine, l’on fera davantage allusion aux femmes car les autres catégories intégrées dans la théorie du Genre, considérée comme une « forme de révisionnisme anthropologique [4] », ne sont pas mentionnées dans ce Protocole.

Presque 20 ans après son adoption et son implémentation, le protocole de Maputo demeure un enjeu de développement au sein des CER; de ce fait, comment la politique africaine communautaire du genre a-t-elle été intégrée au sein des CER ? Quelles en sont les avancées au regard de la vision africaine ? En quoi et comment la protection de la dignité des femmes constitue un vecteur de développement au sein des pays membres de l’UA ?

La réflexion pour répondre à ce questionnement est axée sur la congruence de l’action publique entre les CER et les gouvernements nationaux pour porter l’intégration africaine, dans la mesure où le politique agit en faveur de l’économique à travers la gouvernance du genre et son incidence sur le développement. Les revendications sociales accueillies par les Gouvernements ont produit des décisions africaines sur le genre dont la mise en œuvre est organisée par les CER et implémentée au sein des gouvernements africains. C’est donc dire que la protection des femmes par les Etats-Membres de l’Union Africaine concourt à la gouvernance économique et au relèvement du développement. La vision panafricaine est donc portée par le Protocole de Maputo lors de son élaboration et son implémentation, ancrée dans les idéaux de l’unité africaine, passe par une organisation au sein des CER et, par la suite, au sein des gouvernements nationaux. Penser le genre par l’implémentation du Protocole de Maputo s’inscrit dans la logique des pères fondateurs qui envisagent que : « L’Afrique ne prendra conscience de son destin, ne réalisera son unité et son développement, ne fera entendre sa véritable voix dans le concert des nations que lorsque les Africains penseront eux-mêmes leurs propres problèmes, élaboreront eux-mêmes leurs propres solutions [5] ». Deux actions publiques économiques, s’inscrivant dans la perspective du « panafricanisme économique [6]», se superposent ainsi : une action publique communautaire des CER, et une action publique nationale ou gouvernementale.

L’ancrage théorique de cet article croise l’analyse cognitive de l’action publique et l’Economie Politique Internationale (EPI) de branche constructiviste. L’analyse cognitive qui « s’efforce de saisir les politiques publiques comme des matrices cognitives et normatives constituant des systèmes d’interprétation du réel au sein desquels les différents acteurs publics et privés inscrivent leur action [7] », permet de comprendre les idées véhiculées pendant l’implémentation du Genre à travers les systèmes de croyances et le référentiel renvoyant à la vision panafricaine. La gouvernance du Genre, vecteur du développement au sein des CER et des gouvernements nationaux s’incrustent ainsi dans la vision panafricaine pour s’opérationnaliser. L’EPI qui saisit le monde comme « une configuration de forces sociales en interactions, dans lesquelles les États jouent un rôle intermédiaire, quoiqu’autonome, entre la structure globale des forces sociales et les configurations locales des forces sociales au sein des pays particuliers [8]», analyse le triptyque États Africains-Femmes africaines-économies nationales ; elle cerne ainsi, les transactions entre les gouvernements africains, les CER, les femmes africaines et le Développement.

Trois principaux repères conduisent la réflexion : La gouvernance du Genre par les CER comme gage de l’application de l’intégration africaine (1), l’incidence économique de la participation des femmes à la gouvernance du développement (2) et la gouvernance du genre et du développement à l’épreuve des réalités (3).

02. La gouvernance du Genre par les CER comme gage d’application de l’intégration africaine

L’intégration régionale africaine dont Pascal Boniface[9] envisage plus comme « une rhétorique qu’une réalité » constitue un enjeu dont des instruments constants sont mobilisés pour atteindre des objectifs d’union des pères fondateurs du rassemblement panafricain. C’est dans cette perspective que l’historien Joseph Ki-Zerbo [10]conseille l’union en ces termes : « Donnons-Nous l’unité et nous ferons décoller l’Afrique ». L’Afrique doit ainsi s’unir et son intégration, quoiqu’elle commence par des morcellements intégrateurs encore connus sous le vocable d’intégration sous-régionale, passe également par l’inclusion des femmes dont la participation au développement national constitue une force productrice tant pour les Gouvernements africains, que pour les sous-régions africaines et le Continent.

La gouvernance du genre entraîne un certain nombre de mesures qui sont appliquées pour une meilleure inclusion des femmes au sein de la société ; mais il est impérieux de définir ces deux termes. La gouvernance est appréhendée comme « l’action publique en réseaux, une pratique relationnelle de coopérations non prédéfinies et toujours à réinventer, à distance des armatures hiérarchiques du passé et des procédures routinisées [11] ». Plusieurs approches définitionnelles sont données pour saisir le Genre. Le Genre est considéré comme « une attribution des rôles sociaux donnés aux hommes et aux femmes, ou bien les rapports sociaux de sexe [12] ». Une approche plus féministe précise : « La notion de Genre permet de comprendre les mécanismes de domination masculine que les Anthropologues retrouvent dans la quasi-totalité des sociétés humaines [13] ». Aussi, doit-on relever que le Genre est caractérisé par « les comportements, les attitudes, les rôles sociaux attribués à chacun des deux sexes [14] ». Le genre perçu selon la vision historique et sociale africaine montre qu’:«au-delà des différences biologiques qui caractérisent chaque sexe, les différences de statut entre hommes et femmes et les rapports qui en découlent ont un caractère socialement construit, donc contingent [15] ». C’est donc dire que c’est la société qui forge les rapports entre les hommes et les femmes et en Afrique, le rôle des femmes, au début du 20e siècle, était réduit à la reproduction et aux tâches domestiques. C’est dans cette perspective, à titre illustratif, qu’au Cameroun, un célèbre texte littéraire « Ngonda n’ira pas à l’école [16] » montrait l’accent de la marginalisation des femmes quant à l’accès à l’alphabétisation. La construction sociale des sexes résulte d’une « grammaire du corps qui est enseignée dans les groupes sociaux, incorporés et extériorisés comme valeurs, codes et conduites sociales [17] ». Ce qui explique les attitudes des femmes africaines qui n’avaient pas d’accès à l’espace public, car confinées aux tâches domestiques. Puisque les femmes n’avaient pas accès à l’espace public au sein des sociétés africaines par le passé, la reconnaissance de leur participation économique demeure un impératif panafricain. Les études féministes ont fort apporté une explication sur la condition féminine, et étant « plurielles, traversées par une multitudes d’objets, d’interrogations, d’approches, de méthodologies, d’enjeux […] elles participent d’une volonté de transformer tant en profondeur notre façon de penser, de dire et de vivre les rapports entre les hommes et les femmes que les conditions symboliques, matérielles et politiques qui légitiment toujours au sein de nos sociétés, malgré les nombreux changements intervenus, la perpétuation, sous formes variées plus ou moins intenses, d’un mode patriarcal d’organisation du social [18] ». Cette perspective explicative permet d’appréhender la marginalisation des femmes en Afrique par une culture patriarcale prononcée dans l’espace public, ce qui justifie le fait que « 70% des femmes sont pauvres dans le monde [19] » dû au fait de leur inaccès à l’espace public. Donc en référence au Genre, nous insisterons sur la condition marginalisée des femmes africaines en société depuis la période coloniale jusqu’à l’aube du 3e millénaire en passant par les années post-indépendance. Aussi doit-on relever que selon la Banque Mondiale, les sources majeures d’inégalités dont font face les femmes se situent au niveau de : « des droits, des ressources et de la participation [20] ». Le Protocole de Maputo constitue un acte juridique fort dont l’application dans les CER et les gouvernements permet une revalorisation des femmes africaines dans les espaces publics.

La gouvernance du genre est saisie comme le pilotage avec des instruments gestionnaires de l’ensemble des actions publiques menées dans un territoire sur la base des relations et de coopération afin de valoriser la place des femmes dans les sociétés africaines modernes. La gouvernance du genre est ainsi un ensemble d’actions qui ont une incidence sur le développement par une construction dynamique de réseaux valorisant les femmes dans les CER Africaines. Les Gouvernements africains promeuvent ainsi les femmes en prenant des décisions pour leur valorisation sociétale par leur application effective, favorisent une construction de l’intégration africaine. Dès lors, deux repères sont retenus ici : le Protocole de Maputo comme engagements institutionnels sur le genre (2.1) et l’implémentation du genre par les CER et gouvernements nationaux comme ciment de l’intégration africaine (2.2).

2.1 Le protocole de Maputo comme engagements institutionnels sur le genre

Le genre, considéré comme un objectif de réalisation du développement, est un construit continental qui s’arrime à la modernité véhiculée par la mondialisation. Puisque, dans ses principes de développement, l’UA intègre la dimension genre en ces termes : « L’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ont été reconnues comme étant des objectifs prioritaires dans les nouveaux discours et scénarii de transformation structurelle et de développement durable de l’Afrique [21] ». Sa promotion sur le Continent africain est un processus qui émane du référentiel de « l’unité africaine » et de longues négociations entre les diverses composantes sociales africaines. Le processus enclenché dans le monde par l’adoption de la Convention pour l’Élimination des Discriminations à l’Égard des Femmes[22] (CEDEF) en 1979, a exercé une influence considérable sur la marche des défenses des droits des femmes en Afrique. Une pression considérable est faite sur les États Africains par la Communauté internationale, mais aussi par les sociétés civiles africaines. L’on observe ainsi, une impulsion africaine venant par le bas qu’on qualifie d’approche « Bottom Up [23] » du Genre portée par les sociétés civiles africaines dans chaque Gouvernement. Le plaidoyer de la cause des femmes Africaines est un construit permanent qui se situe aux origines du Protocole et sa vulgarisation au sein des États membres de l’Union Africaine. À titre illustratif, la cause défendue pour l’adoption d’un instrument de gouvernance au féminin est concrétisée par l’organisation des femmes africaines autour de la campagne « Mouvement de solidarité pour les droits des femmes africaines, en anglais Solidarity for African Womens Rights (SOAWR), en 2002 [24] » portée par l’Association for Women’s Rights in Development (AWID) pour la ratification et la mise en œuvre du Protocole de Maputo. Relevons que le SOAWR constitue « une coalition de 39 États et de 80 organisations des sociétés civiles africaines[25] » dont les « trois objectifs visent la ratification, la vulgarisation et le plaidoyer pour la domestication et la mise en œuvre du Protocole [26] ». Si la cause des femmes est défendue par des organisations Non Gouvernementales sur toute l’Afrique, la « représentation du monde [27] » culturel africain demeurant un impératif de valeurs, de croyances lors de l’inscription des causes féministes sur agenda de l’UA, est portée par les CER et les Gouvernements africains. La lutte par le bas étant engagée, il n’est resté aux États de l’UA qu’à prendre des mesures conventionnelles pour résoudre les besoins des femmes africaines.

Si le protocole de Maputo est adopté le 11 juillet 2003 au Mozambique par les Etats-membres lors du deuxième Sommet de l’UA[28], il permet aux Etats-Membres de l’Union de posséder un instrument juridique de défense des droits des femmes dont l’entrée en vigueur le 25 novembre 2005 constitue un premier pas vers l’application des lois issues de la vision commune africaine. En considérant que la Charte africaine des Droits Humains et des peuples dans son article 18, appelle les États à éliminer toute forme de discrimination contre les femmes et d’assurer la protection des droits des femmes ainsi stipulés dans les conventions et déclarations internationales[29], le « Protocole interdit toute discrimination contre les femmes dans les domaines institutionnels, législatifs ou autres mesures [30] ». Comme le relève Martial Jeugue, « Ce Protocole est un instrument régional pour la protection des droits fondamentaux des femmes et se considère lui-même comme étant le premier instrument législatif visant à protéger la femme africaine de toutes les formes de discrimination [31] ». C’est donc un instrument africain qui protège les droits économiques et le Bien-être social des femmes africaines.

La vision féministe africaine du Protocole qui porte sur la lutte contre les excisions génitales, les violences domestiques, le viol des femmes en temps de guerre, le kidnapping des femmes par les extrémistes religieux ou politiques (Boko Haram), l’analphabétisme féminin, l’insertion dans les arènes de prise de décision, etc., protège les femmes en plongeant dans les réalités africaines du genre et en établissant une justice sociale où « le point de vue féminin est susceptible de changer la politique mondiale dans un sens plus coopératif et pacifique [32] ». La vision africaine des femmes s’exprime en : « une Afrique dont le développement est axé sur les populations, qui s’appuie sur le potentiel de ses populations, notamment celles des femmes et des jeunes, qui se soucient du bien-être de ses enfants [33] ». Il s’agit ainsi de « la pleine égalité Hommes-Femmes dans toutes les sphères de la vie  [34]» selon l’Objectif 17 de l’Agenda 2063 de l’UA. C’est donc dire que, dans la vision africaine, donner du pouvoir ou de la voix aux femmes dans le monde, revient à avoir un monde plus pacifié du fait de leur attention maternelle qui les prédispose à plus de tolérance. La rhétorique du Genre se positionne ainsi entre adaptations africaines face à la gouvernance mondialisée et s’ancre dans la culture africaine pour se mouvoir. Des piliers stratégiques de promotion du Genre par l’UA sont ainsi répertoriés et sont cernés à travers : « l’autonomisation économique et le développement durable; la justice sociale; les droits des femmes; le leadership et la gouvernance; les femmes, la paix et la sécurité; les médias, la communication et le sport  [35] ». Ce cadre stratégique constitue ainsi un guide opérationnel de l’implémentation du genre au sein des Etats-membres de l’UA dont 36 parmi eux l’ont ratifié sur les 49 l’ayant adopté[36]. Ce qui montre la volonté de la majorité gouvernementale des États africains à faire avancer la défense des droits des femmes sur le Continent Africain. Instrument d’intégration africaine en matière de protection des femmes, le Protocole appliqué sur le terrain constitue une autre manière de construire l’unité.

2.2 L’implémentation du genre par les CER et gouvernements nationaux comme ciment de l’intégration africaine

Selon la vision africaniste d’intégration, le passage par les CER est une condition sine qua non d’intégration continentale et, la promotion du genre à partir des années 2000 constitue un impératif de développement. La vision des pères fondateurs de l’unité africaine est ainsi conditionnée par une intégration économique impliquant un séquençage sous-régional ; dès lors, l’implémentation du genre en Afrique passe par cette même logique. La prise en compte de la dimension Genre au sein de l’UA est effective par la création de la Direction Femme, Genre et Développement au sein de la commission de l’UA en 2000[37] qui permet de « garantir que la capacité est renforcée pour tous les Organes de l’UA, les CER et les États membres pour comprendre le genre, développer les compétences pour atteindre la cible et la pratique d’intégration du genre dans tous les processus de politique et de programmes et actions d’ici 2015, pour combler les fossés existants entre les hommes et les femmes, et tenir la promesse d’opportunités égales pour tous les Africains, hommes, femmes, garçons et filles [38] ». Dans la même veine, la politique de l’UA en matière du Genre[39] est mise sur pied en 2009 et sert de « Point de référence dans la formulation des politiques et fournit le leadership déterminant pour l’égalité entre les hommes et femmes aux Organes, aux Etats-membres et à la Commission de l’UA [40] ». Ces diverses actions marquent la volonté de l’institution africaine de s’arrimer au mouvement de protection des femmes, notamment des femmes en Afrique. Il est question ici d’appréhender la notion du genre en Afrique par une implémentation d’abord au sein des CER et ensuite, au sein des gouvernements nationaux africains.

Il existe des interactions sous-régionales avec l’institution panafricaine qui valorisent la dimension féminine au sein des États. « Le régionalisme de jure par les règles de l’UA reparti en 5 organisations sous-régionales reconnaît la CEDEAO, la CEEAC, la SADC, le COMESA et l’UMA  [41] ». Cependant, il faut relever que l’application du Protocole de Maputo est complétée par des politiques sous-régionales lesquelles parachèvent l’idéal panafricain en matière de genre. Dans ce cadre, au niveau régional, les CER « facilitent l’adaptation/l’adoption des initiatives de l’UA reflétant les impératifs régionaux des Etats-membres [42] ». C’est donc une vision communautaire africaine qui s’opérationnalise par l’entremise des CER. En effet, la stratégie en matière du genre du Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe (COMESA)[43] est opérationnelle en 2002 et la loi sur l’équité en matière de genre est mise sur pied par la Communauté d’Afrique de l’Est en 2015[44]; le Protocole sur l’égalité des sexes par la SADC existe depuis 2008 et est revue en 2017[45]; la politique en matière de genre de la CEDEAO est effective depuis 2005[46]; la Déclaration de l’égalité entre les hommes et les femmes de la CEEAC[47] est en marche depuis 2004. Ces multiples politiques sous-régionales permettent aux CER de transformer leurs engagements respectifs en programmes et actions concrètes sur le terrain à travers des activités réelles ancrées dans l’idéal panafricain en matière du genre. Si ces diverses mesures communautaires sont opérationnelles, c’est pour s’arrimer à la politique globale du genre de l’UA qui promeut l’intégration par les CER. La politique du genre des CER appliquée par les Etats-membres constitue ainsi une sorte de « communautarisation de l’action publique » du genre où le sens est construit autour des « normes, valeurs, croyances » africaines.

Au sein des 5 grands ensembles sous-régionaux susmentionnés, il existe des interactions avec d’autres organismes internationaux en matière du genre. La Banque Africaine de développement (BAD) est constamment en interaction avec l’UA elle-même et chaque ensemble sous-régional pour évaluer des avancées sur l’application du genre. L’indice du genre de la BAD est le meilleur indiqué du fait de son exhaustivité et de son objectif[48]. L’on peut ainsi noter que « la Constitution de la Namibie en utilisant un langage neutre garantit l’égalité devant la loi et le droit à la non-discrimination sur la base du Genre; le Rwanda est le premier et seul pays africain au sein duquel plus de la moitié des parlementaires sont des femmes; l’Afrique du Sud détient le taux d’égalité de Genre en emploi en Afrique pour l’emploi salarié, hors agriculture [49] ». À côté de ces pays dans le top 10, se trouvent l’île Maurice, le Malawi, le Lesotho, le Botswana, le Zimbabwe, le Cap Vert et Madagascar qui connaissent de grandes avancées dans l’application du Genre sur leur territoire ; tandis que la Côte d’Ivoire, le Mali, la Mauritanie, la Guinée, le Niger, la Libye, le Tchad, le Soudan, la RCA, le Cameroun, la Somalie, et Djibouti connaissent un faible taux d’égalité de genre en leur sein[50].

La mise en application du Genre au sein des Gouvernements africains est faite par un «processus d’apprentissage [51] » où certaines mesures sont prises pour traduire la politique communautaire des CER et africaine du genre au sein des gouvernements: des départements Ministériels sont créés pour s’occuper de la question des femmes et une ouverture aux postes ministériels devient effective; des quotas sont fixés pour une ouverture à plus de postes féminins au sein des parlements; des campagnes sont faites pour sensibiliser la jeune fille à s’éduquer; des journées internationales de la femme (JIF) sont instituées pour célébrer les droits des femmes longuement obtenus; des mesures sont prises pour l’autonomisation financière des femmes; des procédures sont engagées pour l’obtention du foncier chez les femmes; des luttes contre des violences de toute sorte faites aux femmes sont effectuées; l’enseignement supérieur qui était le précarré des hommes s’ouvrent à plus de femmes lesquelles y occupent des postes administratifs; des femmes s’engagent plus dans la création des entreprises grâce au rôle de l’empowerment; bref de nombreuses actions sont entreprises pour l’amélioration des droits humains des femmes portés sur l’égalité et la justice. Mais il reste certains défis à relever tels que l’accès au foncier, la comptabilité du travail des femmes dans l’informel, l’occupation des femmes à des postes stratégiques, entre autres. Toutes ces actions s’élaborent dans un processus socialement construit[52] où les interactions se font entre les gouvernements et les ressortissants d’action publique. Les acteurs sociaux à travers la société civile et les autorités publiques interagissent pour construire la dynamique genre au sein des territoires nationaux de l’UA. Ce construit historiquement socialisé, c’est-à-dire où les ancrages sociétaux se font ressentir au fil des temps, intervient dans une dynamique d’échanges où les connaissances des experts enrichissent celles des institutions politiques en matière de genre; « la relation entre la connaissance et la base sociale est dialectique dans la mesure où la connaissance est le produit social et qu’elle est un facteur de changement social [53] ». La connaissance des experts émane de l’ensemble des observations des pratiques sociales distillées qui sont capitalisées dans une optique de servir aux populations avec une impulsion des autorités publiques.

Il faut dire que des interactions sont également observées entre les Gouvernements africains et les Représentations nationales d’ONU Femmes pour rendre opérationnelles les conventions internationales et africaines à l’égard des femmes. Il s’agit en fait d’une caution faite par l’organe international en charge de la question de la femme qui légitime les actions menées en faveur du Genre. Il faut souligner que « la légitimation en tant que processus est idéalement décrite comme objectivation de second ordre [54] » car se servant de significations existantes pour en donner de nouvelles. Des pratiques locales en matière de Genre ancrées dans l’existence traditionnelle africaine sont légitimées par ONU Femmes en conformité avec l’agenda mondial sur le Genre. Le 8 février 2022 la convention de partenariat entre ONU Femmes et la CEEAC est signée afin renforcer la mise en œuvre des normes et politique en matière d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes dans la Région d’Afrique centrale[55]. Cette signature est conduite par S.E Dr. Gilberto Da Verissimo, Président de la CEEAC et Oulima SARR, directrice régionale Afrique de l’Ouest et du Centre d’ONU Femmes.

C’est dans cette mouvance de protection des droits des femmes et d’inclusion par le politique au sein des territoires africains que les femmes se sentent impliquées et apportent, par conséquent, leur contribution au développement du Continent africain.

03. L’incidence économique de la participation des femmes à la gouvernance du développement des CER

En « étudiant les interactions entre le politique et l’économique, l’Economie politique internationale [56] » permet de cerner les jeux interactifs qui se font entre les CER et les gouvernements, et entre les CER et l’UA par le prisme de la gouvernance du genre et son incidence sur le développement en Afrique. Par la promotion du genre en Afrique à travers l’inclusion des politiques genrées par les Gouvernements et la valorisation des droits des femmes, les situations économiques nationales et des CER sont renforcées par des acteurs dont l’intervention publique était autrefois restreinte; ce qui apporte un changement économique à coloration féminine. L’intégration africaine par l’adoption du Protocole de Maputo envisage donner une place primordiale aux femmes par leur participation dans tous les domaines de la vie publique, qui longtemps, a été réservée aux hommes ; les femmes s’y sentant exclues, voire marginalisées. L’on observe ainsi « des discours dominants sur les rapports de sexe, intériorisés par les hommes et les femmes  [57] » où chaque catégorie du Genre occupait une place que la société lui octroyait. La « prégnance de la suprématie masculine [58] » dans la vie publique africaine est revisitée avec le Protocole de Maputo et son application par les Etats-membres de l’UA. Ce qui est important dans cette section repose sur le fait que, contrairement à la politique communautaire du genre de l’UA qui passe par les CER pour être implémentée dans les Etats-membres selon une « approche Top down ou implémentation par le haut [59] », l’incidence économique de la participation des femmes dans les CER emprunte une trajectoire « Bottom up ou analyse par le bas [60]  », c’est-à-dire que la force productrice constituée des femmes agit d’abord sur les économies nationales pour ensuite être repérée au niveau des CER et conséquemment au sein de l’UA.

Deux principales articulations sont retenues dans cette réflexion. La première articulation porte sur le rôle des femmes comme force productrice économique nationale (3.1.). Le second mouvement de la réflexion de cette partie concerne l’incidence des femmes protégées sur les économies sous-régionales et régionales (3.2).

3.1 Le rôle des femmes comme force productrice dans les économies nationales

Dans les économies nationales, la force productrice représente une part importante se saisissant dans « l’agriculture, le commerce, l’industrie, les exportations, la gestion verte [61] » qui sont des éléments favorisant le développement national. Le producteur constitue ainsi un « second personnage ou acteur fondamental de la vie économique [62] » ; la production combinant trois facteurs, notamment « le travail, le capital et l’entreprise [63] ». La production des femmes participe à la constitution des économies nationales en Afrique, mais demeure encore un défi si elle est véritablement encadrée. Les gouvernements africains en adoptant et en appliquant le Protocole de Maputo laissent une place considérable aux femmes dans leurs interventions à la vie publique économique nationale. Les aspects sur lesquels les gouvernements africains se sont appesantis pour promouvoir les femmes africaines sont multiformes. Les indices de genre en Afrique relèvent trois dimensions principales sur lesquelles l’implémentation du genre par les gouvernements africains est évaluée : « la dimension économique qui détermine si les hommes et les femmes ont des chances économiques égales; la dimension sociale qui mesure les disparités d’accès à l’éducation et aux services de santé ; et la dimension représentation et autonomisation qui mesure le degré de participation des femmes et des hommes aux processus et organes de décision de leur pays et détermine si les femmes et les hommes sont représentés à égalité dans les institutions politiques [64] ». Ces aspects privilégiant désormais la place de la femme dans la vie publique conduisent à un meilleur épanouissement de cette dernière qui s’implique dans les affaires publiques et apporte par conséquent un changement à l’orientation sociétale. Ainsi, « l’égalité aux opportunités économiques, en matière de développement humain et, sur le plan du droit et des institutions [65] » constitue un socle de propulsion des femmes sur la scène économique. Les pouvoirs publics constitués en puissance régulent ainsi le marché par l’inclusion des femmes; « la puissance et le marché [66] » constituant ainsi des forces constructrices de l’économie politique nationale, sous-régionale et régionale.

Dès lors, la participation des femmes au développement, par leur inclusion dans la vie publique économique et leur investissement dans le secteur informel, contribue au relèvement du taux de croissance économique nationale et le Produit Intérieur Brut (PIB) surtout lorsqu’il est connu que les femmes sont dynamiques dans leur lieu de prédilection et parfois y excellent plus que le sexe opposé malgré leurs multiples maternités. Il faut relever que l’on parle plus du « concept de genre et développement que de celui de femmes et développement afin d'exposer les relations sociales entre les hommes et les femmes par rapport au développement [67] ». L’Afrique est fortement enracinée dans l’agriculture qui occupe près de 32% [68] en apport économique; l’agriculture, en « concert avec les autres secteurs d’activité, participe à la production rapide de la croissance économique en réduisant la pauvreté et renforçant l’environnement durable » et demeure le secteur qui emploie le plus en Afrique car en 2020 l’on dispose 50,5%[69] de l’emploi total; cependant, « 70% de la population en Afrique vivent en zone rurale et 82% de la population rurale en Afrique subsaharienne vivent de l’agriculture ». La part des femmes est considérable dans ce secteur. La Participation en tant que force productrice des femmes au développement est fort observée dans le domaine agricole et commercial. Dans cette mouvance, les données ci-après situent le degré d’inclusion et de considération des femmes dans les secteurs économique, social et, représentation et autonomisation.

En termes d’opportunités économiques, le Malawi, la Gambie, la RCA, le Botswana, le Rwanda, la RDC, l’Ouganda, la Tanzanie, le Zimbabwe et le Lesotho sont les dix pays africains qui offrent de meilleures performances économiques; avec la Tanzanie qui donne une meilleure participation du taux de femme au travail; le Botswana qui apporte son soutien aux femmes en agriculture, horticulture et élevage et; le Malawi qui améliore l’accès des femmes à la formation, à l’information, aux intrants et aux services agricoles[70]. En ce qui concerne le développement humain, l’Algérie détient le meilleur taux d’Afrique des naissances assistées par un personnel qualifié; la Tunisie a institué des services gratuits de planning familial pur améliorer la santé reproductive; le Botswana fournit à 90% des femmes enceintes des tests VIH et un Programme de prévention y afférent; L’Île Maurice fournit une éducation primaire, secondaire et supérieure gratuite avec un taux d’alphabétisation des filles à 90%[71]. À côté de ces pays viennent l’Afrique du Sud, la Namibie, la Libye, le Cap Vert, le Swaziland et l’Egypte qui sont les parmi les meilleurs pays africains promouvant le développement humain. Pour ce qui est des femmes dans les rôles de citoyennes et de dirigeantes, le Rwanda garantit des droits fonciers égaux entre les époux; l’Angola dispose des barrières ouvertes à l’entrepreneuriat des femmes; le Parlement d’Afrique du Sud est l’un des plus équitables du monde avec près de 50% de femmes; l’Île Maurice dispose des lois contre la discrimination directe ou indirecte dans l’emploi, le recrutement, les services publics et l’éducation des femmes. Aussi, la Namibie, le Burundi, le Malawi, le Mozambique, la Sierra Leone et le Zimbabwe font partie des 10 meilleurs pays africains en égalité au sein des instances de décisions.

À l’analyse, l’on peut dire que l’obtention des taux élevés d’égalité de genre rime avec l’indice de développement humain dans la mesure où, les pays où le développement est avancé (Tunisie, Ile Maurice, Libye, Algérie, Botswana, Namibie, Maroc, Ghana, Gabon, Afrique du Sud) sont soumis à un fort taux d’égalité de genre; tandis que ceux qui sont en marge du développement ont un faible taux d’égalité de genre (Zambie, Cameroun, Tanzanie, Mauritanie, Lesotho, Soudan, Togo, Bénin, Malawi, Cote d’Ivoire, Gambie, Ethiopie, Mozambique, RDC, Mali, Burkina Faso, Tchad, Sierra Léone, Niger, RCA); à côté de ces indices, l’on a des pays à faible développement humain, mais qui détiennent un fort taux élevé de genre (Kenya, Swaziland, Zimbabwe, Rwanda, Ouganda, Sénégal, Burundi)[72]. Cependant, tout dépend des ancrages culturels et de l’exposition des sociétés à la modernité pour justifier le taux élevé de l’indice de genre dans certains pays par rapport à d’autres. Toutes ces données susmentionnées issues de l’indice du genre en Afrique démontrent la volonté gouvernementale à donner une place d’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus de développement national. Le rôle des femmes africaines, par leur fonction de production, demeure capital dans les économies nationales dans la mesure où leur contribution vient renforcer celle des hommes tout en relevant la force productrice. L’incidence de la participation des femmes sur l’économie nationale africaine montre une influence du « politique dans l’économique, dans le marché par sa régulation  [73] ».

Dans la mesure où « le politique et l’économique sont inextricablement interreliés dans la compréhension de la performance dans l’économie [74] », l’on peut relever qu’au sein des Gouvernements Africains, les résultats obtenus par le travail des femmes consolident l’économie nationale et renforce la production des marchés en denrées alimentaires. L’agriculture, l’industrie et le commerce sont des secteurs d’activité qui relèvent l’économie nationale. Le tableau ci-après montre une participation des femmes dans le secteur économique en Afrique :

Figure

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Sur ce tableau[75] l’on voit que la participation des femmes dans les économies nationales en Afrique côtoie celle des hommes dans les secteurs agricoles et les services; cependant, dans l’industrie, les femmes sont en moitié représentée que les hommes. Néanmoins la légère baisse de cette contribution observée en 2020 et 2021 résulte de la vulnérabilité des économies nationales face au COVID-19 qui a touché autant les femmes que les hommes. L’influence des femmes africaines sur l’économique devient plus prégnante par leur participation au marché. L’on voit donc que la prise en compte de l’inclusion du genre entraîne une amélioration de la production agricole, de l’entrepreneuriat, du commerce en Afrique. Les femmes entre 20 et 50 ans en Afrique constituent près de 60% de la population active et, par conséquent, de la force productrice. Les femmes apportent une autre vision du monde par le paradigme mobilisé féministe, elles font fleurir les domaines qu’elles touchent.

De ces avancées significatives, le rôle de la femme demeure crucial dans le développement des pays africains. La femme gagne en termes d’occupation de place relative au rôle de production. Longtemps restées marginalisées dans ce rôle, les femmes occupaient plus le « rôle de reproduction [76] » dans les sociétés africaines. La « production et le commerce en économie constituent des éléments essentiels dans l’économie nationale [77] » dont les femmes se présentent de plus en plus pour participer aux besoins individuels, familiaux et communautaires. Par leur grande inclusion, les femmes deviennent des figures de proue dans le domaine économique par leur fonction de production.

3.2 De l’incidence des femmes protégées sur les économies sous-régionales et régionales Africaines

La participation des femmes, dans les économies nationales, a une incidence dans les économies des CER et par conséquent en Afrique tout entière en consolidant son intégration régionale selon le « paradigme communautaire d’unité africaine [78] ».

En 2019, les scores pour l’indice de genre en Afrique varient d’une CER à une autre. L’on note que : « la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) a 60,1%, la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) dispose de 57,9%, le Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe (COMESA) a un taux de 49,7%, la Communauté Economiques des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) contient 47,2%, la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a 43,7%, l’Union du Maghreb Arabe (UMA) dispose de 42,9% et le G5 Sahel a 32,4%; tandis que la moyenne africaine est de 48,6% [79] ». En observant ces statistiques, l’on se rend compte que la CER de l’Afrique de l’Est (CAE) dispose d’une forte propension inclusive du genre (60,1%) dans ses pratiques tandis qu’en Afrique du Nord, l’UMA encaisse le taux le plus bas en pratique du genre, soit 42,9%. C’est dire que l’ancrage de la pratique du genre est fort avancé en CAE, ceci peut s’expliquer par la culture et l’ouverture à la modernité des sociétés.

Parallèlement, les résultats de la participation des femmes par leur inclusion de la dynamique économique donnent les éléments suivants. En 2019, le ratio emploi par population (REP) dans le monde est respectivement, 57,4% pour le total, soit 70,3% pour les hommes et 44,6% pour les femmes; celui de l’Afrique entière est de 58,8% soit 67,5% pour les hommes et 50,2% pour les femmes; le REP en Afrique du Nord est de 40,1% dont 63,1% pour les hommes et 50,2% pour les femmes; celui en Afrique Centrale est de 65,6% soit 68,7% pour les hommes et 62,4% pour les femmes; le REP en Afrique Orientale est de 74,8% dont 79,6% pour les hommes et 70,2% pour les femmes; celui en Afrique australe est de 41,4% soit 47,3% pour les hommes et 35,8% pour les femmes; et enfin, le REP en Afrique Occidentale est de 55,0% soit 60,8% pour les hommes et 49,2% pour les femmes. Sur la base de ces données chiffrées de l’OIT, l’on observe que le REP des femmes est fort supérieur en Afrique Orientale (70,2%) et faiblement bas en Afrique australe (35,8%), avec respectivement 50,2% pour l’Afrique du Nord (3e rang), 62,4% en Afrique Centrale (2e rang) et 49,2% pour l’Afrique Occidentale (4e rang). Aussi faut-il relever que la participation des femmes en termes de forces productrices en Afrique est ainsi supérieure (50,2%) à celle des femmes du monde entier (44,6%), c’est pour dire que les femmes africaines sont activement engagées dans l’emploi, le « travail participant au même titre que le capital et l’entreprise à la constitution des facteurs de production [80] ».

Au niveau sous-régional des 5 grands ensembles de l’UA, en contribuant aux économies nationales, par des échanges sous-régionaux et inter-africains, les femmes participent au fleurissement du commerce intra-africain. Le commerce des femmes participe à la coopération inter-africaine qui « malgré une difficile rencontre possible entre théories et les faits [81] », développe les sous-régions et le continent. L’on a observé des échanges commerciaux entre femmes africaines, notamment des femmes camerounaises[82] qui font leurs achats de pagne soit au Bénin, au Togo ou en Côte d’Ivoire, les femmes gabonaises qui se ravitaillent en produits agricoles au Cameroun[83], ou les mèches ghanéennes qui sont prisées par les Camerounaises grâce aux échanges commerciaux. Le rôle des femmes africaines est capital dans le développement de l’Afrique et de ses États, et participe, par conséquent, à l’intégration africaine.

04. Gouvernance du genre et du développement, socle de l’intégration africaine à l’épreuve des réalités

La volonté des pères fondateurs de l’UA de passer par une intégration africaine par les CER implique la participation des femmes qui selon la vision inclusive du genre envisage leur fardeau en ces termes : « Les femmes de la génération actuelle définiront le destin de l’Afrique [84] ». C’est donc dire que la gouvernance du Genre en Afrique, se référant plus à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, l’envisage comme « toute une action sociale impliquant une opération de définition sociale de la réalité [85] ». La définition sociale de la réalité du genre en Afrique se réfère aux rapports sociaux entre les hommes et les femmes promouvant et valorisant ces dernières afin d’atteindre le développement tant espéré. La promotion du Genre a ainsi une incidence sur l’intégration africaine en passant par le développement par les CER. La dimension économique de la gouvernance du genre révèle une implication participative des femmes qui créent des « richesses nationales [86] » par leurs engagements économiques, et par conséquent celles des CER. La gouvernance du développement et celle du genre sont à la confluence de l’intégration africaine. Néanmoins malgré des avancées considérables observées sur le terrain, il existe des résistances à la participation des femmes africaines dans les économies nationales, sous-régionales et régionales. L’implémentation du genre en Afrique connaît des avancées significatives (4.1) qui sont quelques fois freinées par des défis (4.2.) d’inclusion et d’auto-exclusion féminine.

4.1 Des avancées significatives de la gouvernance du genre par les CER et leur incidence sur le développement en Afrique

La promotion du Genre par une approche féministe prend un tournant décisif avec l’adoption du Protocole de Maputo en 2003 et son entrée en vigueur en 2005; les acteurs politiques africains de l’UA, des CER et des gouvernements nationaux ont promu l’intégration africaine par une inclusion de la gouvernance du genre au sein de leurs institutions. Le genre ainsi est appréhendé comme « un décryptage de la complexité de la situation des femmes en termes de sexe, de classe, de race, de religion, voire de caste [87] ». Selon le rapport du PNUD 2017 : « Assurer aux jeunes filles et aux femmes l’égalité d’accès aux opportunités et aux services aurait une incidence positive considérable sur les avancées au titre du développement humain global en Afrique Subsaharienne [88] »; l’UA se positionne dans cette mouvance en propulsant les femmes dans la participation économique en déclinant sa vision en ces termes : « Amener la femme africaine à jouer un rôle actif dans le développement de l’Afrique [89] ». Comme cela a été susmentionné, les ressources, les droits et la participation constituent les sources d’inégalité auxquelles sont exposées les femmes, et sont des facteurs sur lesquels l’UA, les CER et les gouvernements se sont penchés pour améliorer les conditions des femmes ; mais la vision stratégique africaine consiste à les mettre au-devant de la scène publique à travers leurs actions économiques. En commémorant les 60 ans de l’unité et d’intégration en Afrique, et 20 ans après l’adoption africaine du Protocole de Maputo garantissant les droits des femmes, il y a lieu de noter que l’application des plans d’actions relatifs au genre est effective dans les CER et les gouvernements nationaux. L’inclusion du genre comme principe de développement apporte un changement économique au sein des Etats-Membres par la participation massive des femmes africaines, notons que le changement est saisi comme une transformation structurelle et cognitive en Afrique en termes « d’apprentissage et d’incrémentalisme [90] ». Cependant, l’on distingue quatre catégories de pays africains appliquant la dimension Genre en leur sein : « la forte égalité du genre, la moyenne égalité du genre, la faible égalité du Genre et la très faible égalité du Genre [91] ». Ces indices varient en fonction des pays : il peut y avoir des pays dont le développement humain est fort ancré tandis que l’inclusion dans les institutions politiques est faible comme nous l’avons susmentionné. Cette relation est réciproque pour les autres pays. À titre illustratif, l’inclusion des femmes dans les lois et les institutions est faiblement ancrée en RDC tandis que les opportunités économiques pour les femmes ont un fort taux d’égalité. Des unités de genre sont créées au sein des CER pour réguler les conditions des femmes africaines et leur participation économique. Des politiques de genre de même que des plans d’action existent et sont implémentés dans les CER et les gouvernements. Des résultats sur l’implémentation du genre sont palpables et permettent d’identifier le rôle des femmes dans le développement des CER en Afrique. Aussi, des pays (Congo, Mali, Niger) au sein desquels l’application du Genre avant avoisinait les 10% en 2000, atteignent le seuil de 25% de nos jours. Le « Sénégal, le Mali et le Burkina Faso reconnaissent les mêmes droits de possession de terre autant aux femmes qu’aux hommes [92] ».

Des avancées sont significatives et varient en fonction des pays et des domaines d’inclusion féminine. 20 ans après l’adoption du Protocole de Maputo, la participation de la femme au développement Africain demeure un impératif garanti par les Gouvernements. Mais des freins demeurent visibles qu’il faut remédier.

4.2 Des défis à relever dans la gouvernance du genre et son incidence sur le développement des CER

Des défis immenses demeurent à relever dans l’implémentation de la gouvernance du développement pour l’intégration africaine en incluant la femme. Si le pourcentage de participation des femmes dans l’économie demeure bas par rapport à celui des hommes, c’est parce qu’elles ne sont pas suffisamment protégées et incluses dans le développement. Selon le tableau que nous avons mentionné ci-dessus, la participation des femmes dans le secteur de l’industrie est de moitié inférieure à celle des hommes de 2011 à 2021; l’on a 8,3% pour les femmes contre 17,3% pour les hommes. Des zones d’intervention économique demeurent des domaines de prédilection de la gent masculine, ce qui constitue un frein le développement des gouvernements nationaux et, par incidence celui à l’intégration africaine économique par les CER. Ainsi, la protection des femmes demeure insuffisante pour qu’elles participent pleinement au développement africain. Jean Emmanuel Pondi conseille de « repenser le développement de l’Afrique à partir des réalités africaines [93] », ce que l’on puise dans le réveil africain en matière de genre. Tout ce qui vient de l’Occident ou bien tout ce qui est importé par une « greffe de l’État [94] » ne correspond pas aux spécificités africaines; le genre doit être pensé selon la philosophie africaine qui longtemps donnait une place d’honneur aux femmes avant la période coloniale du fait « des acquis que leur conféraient leurs sociétés [95] » puisque c’est la période « coloniale qui prive les femmes africaines du savoir, de l’avoir et du pouvoir [96] ».

Des disparités continuent d’exister entre les pays et d’une CER à une autre : l’emploi des femmes sur population totale est de 50,2% en Afrique du Nord, 62,4% en Afrique Centrale, 70,2% en Afrique Orientale, 35,8% en Afrique Australe et 49,2% en Afrique Occidentale. Ces chiffres avancés ci-dessus montrent que la place donnée aux femmes comme forces productrices varie d’une CER à une autre et dépend du degré d’application des politiques et plans d’action liés au genre. Aussi faut-il souligner que des avancées dans tel domaine plutôt que dans tel autre sont visibles ; certains pays sont plus avancés en matière de genre que d’autres. Les « ressources étant déterminantes du travail, donc de la production [97] », constituent le plus un frein dans l’élan de participation des femmes dans le développement économique. « Au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso, bien que l’accès à la terre soit équitable entre les femmes et les hommes, il n’en demeure pas moins que les femmes bénéficient que d’un droit d’usufruit sur la terre de leur époux; au Cameroun, le mari est le seul habilité à gérer le patrimoine du couple; au Kenya, la femme n’hérite pas la terre de son défunt conjoint et s’il est décédé de VIHSIDA, elle est chassée de ces terres; etc.[98] ». Le foncier demeure ainsi un obstacle à l’épanouissement des agricultrices africaines, motrices du développement des gouvernements nationaux et des CER car l’accès à la terre demeure une conditionnalité de la production agricole.

Il faut une égalité entre les pays africains dans la promotion du Genre. Aussi, des problèmes tels que le foncier dont sa détention est proscrite aux femmes africaines, des accès aux crédits bancaires et aux infrastructures, demeurent poignants dans tout le Continent. Les pratiques telles que des violences faites aux femmes à l’instar de l’excision, le mariage précoce, perdurent. L’exclusion des femmes aux soins de santé où les hommes sont des médecins est une réalité dans le monde arabe africain; cette liste d’obstacles n’est pas exhaustive.

05. Conclusion

En conclusion, l’implémentation du genre en Afrique issue du Protocole de Maputo, donnant une orientation africaine de l’inclusion des femmes au sein des sociétés africaines et leur incidence au développement économique des gouvernements et des CER, fait apparaître une gouvernance ancrée dans les réalités culturelles africaines dont la vision repose sur l’intégration africaine. Des disparités entre les pays et les CER ne font pas véritablement avancer le rôle des femmes dans leur participation au développement et, par conséquent vers une intégration véritablement africaine pour tous. Il faut donc une similitude dans les pratiques en matière de genre dans tous les pays africains et les CER même s’il existe des spécificités provenant des aires culturelles distinctes.