Corps de l’article

01. Introduction

Ce numéro thématique de la Revue Interventions Économiques se situe presque à mi-chemin entre la création de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) et le centenaire des indépendances en Afrique. Il s’apparente à une évaluation mi-parcours d’un méga projet du continent, celui de l’unité, de la souveraineté et du développement. Il dresse ainsi le bilan et trace les perspectives d’une Afrique qui aspire à des coopérations qui tiendront compte de ses intérêts économiques et sécuritaires. L'histoire économique montre et démontre que depuis le XIIIe siècle, un rapport de force existe entre le Nord et le Sud justifiant le retard de ce dernier. Ce rapport de force est né avec la révolution industrielle, le monde étant un bloc unique auparavant. Cependant, certains pays et certaines régions du monde ont pu s’affranchir de ce déséquilibre. Comment expliquer que l’Afrique soit restée toujours à la traine ?

Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Le manque d’industrialisation, la faiblesse des institutions, la dépendance aux matières premières, le déficit démocratique et la gouvernance, etc. On ajoute à cela, l’héritage colonial qui pèse toujours sur l’essor de l’Afrique et qui est accentué par l’irresponsabilité de ses élites et la primauté de leurs intérêts personnels, et bien sûr les instabilités politiques qui entravent non seulement la gouvernance nationale, mais aussi l'intégration régionale et continentale.

02. L’Afrique a été au cœur du partage colonial

Contestant le monopole ibérique et portugais sur le commerce maritime, les français, les Anglais et les Hollandais commencent à partir du XVe siècle à conquérir le monde et à se partager les colonies. L’Afrique a été au cœur de ce partage. L’unité politique et l’intégration économique que l’Afrique connaissait avant ces colonisations ont disparu. Cette disparition s’est opérée à travers un morcèlement de l’espace politique et un démantèlement des empires et des royaumes anciens. À ce démantèlement se substitue un rassemblement administratif en subdivisions, cercles et territoires, selon un système pyramidal centralisé autour du gouverneur général et unifié par une législation qui tend à transcender les particularismes coutumiers (Ekanza, 2006)[1].

Les intérêts économiques du colonisateur ont été privilégiés au détriment des solidarités entre les peuples, des homogénéités culturelles et des activités économiques. Les colonisateurs français et anglais agissaient selon le même schéma : servir leurs intérêts. L’Angleterre a procédé par une désindustrialisation des colonies anglaises les contraignant d'abandonner leurs industries et d'importer des produits industriels anglais.

En Afrique francophone, les dynamiques économiques antérieures et la fluorescence du commerce intra continent ont été compromises par le colonisateur français. Le Sahel, qui représentait la plaque tournante de ce commerce, a perdu toute sa puissance. Les produits de consommation, autrefois fournis sur le marché régional, ont été soumis à une rude concurrence à la faveur des produits d’importation acheminés à travers l’océan. Les relations Europe-Afrique se sont substituées aux relations Afrique-Asie.

Une culture du travail et de l’asservissement a été inculquée aux peuples africains par les colonisateurs. Ces derniers profitaient ainsi des richesses naturelles du continent et exploitaient sa main-d’œuvre. Le centre et le sud de l’Afrique furent le théâtre de l’exploitation minière. Des produits agricoles fournis par des propriétaires terriens africains par la force étaient exportés à l’état brut. Plus tard, dans le cadre d’un mouvement d’expropriation sur les hautes terres du Kenya, au Congo belge et au Cameroun, les exploitants africains se réduisaient à de simples travailleurs au profit des colons. Cette situation s’est aggravée par les catastrophes naturelles (sècheresse), la famine et la propagation des maladies graves et contagieuses.

La fracture du Nord et les horreurs commises par les Européens durant le premier conflit ont désillusionné les Africains sur cette prétendue civilisation de l’Europe. La crise de 1929 et la Deuxième Guerre mondiale ont porté le coup de grâce et allumé la mèche pour une longue période de résistance et de revendications des Africains pour leur indépendance. Par-delà cette résistance forte et générale au sein du continent, le droit international né du nouvel ordre mondial d’après-guerre a mis les pays colonisateurs face à leur propre paradoxe. Après une période d’intimidation, de répression et de massacre, ils capitulèrent. L’Afrique inspirée par l’air de l’égalité et des libertés soufflé par l’Organisation des Nations Unies est libre. L’indépendance de l’Inde en 1947, la défaite de Diên Biên Phu en 1954, la conférence de Bandoeng en 1955, l’échec franco-britannique à Suez en 1956 mettent en cause la survie du colonialisme en Afrique[2]. Les notions de « tiers-monde » et de « sous-développement » émergent, posant la question de l’égalité à l’échelle mondiale[3].

03. Les indépendances

Vers la fin des années 1960, la quasi-totalité des pays du continent africain avait déjà accédé à l’indépendance, pacifiquement ou au prix de guerres sanglantes. L’Afrique se trouvait ainsi habitée par le rêve de l’unité et du développement et mue par l’espoir de trouver sa place sur l’échiquier international. Cependant ces longues périodes de colonisation ont laissé derrière elles une Afrique dévastée, des accords qui maintiennent les nouveaux États sous domination économique, monétaire et militaire, des marchandages d’intérêts avec les élites africaines et surtout une désintégration du continent qui subsiste jusqu’à présent. Les relations politiques et diplomatiques de l'Afrique avec d'autres continents ont ainsi joué un rôle crucial dans son intégration. L'analyse de ces relations révèle comment elles influencent les politiques intérieures. Le monde bipolaire dominé par deux pays puissants (les États-Unis et l’URSS) avait divisé le continent africain ; les problèmes économiques et sociaux se sont vus accentués par une démographie galopante, des ressources naturelles mal exploitées, des systèmes d’éducation et de santé chaotiques, des reconstructions en manque de moyens et des institutions en panne.

04. La naissance de l’Organisation de l’Union africaine (OUA)

L’OUA fut créée en mai 1963 à Addis-Abeba en Éthiopie, fruit des efforts conjugués de plusieurs pays ayant déjà accédé à leur indépendance. Symbole de l’unité africaine, elle incarne l’espoir de liberté, d’égalité, de justice et de souveraineté des peuples. Son objectif est entre autres[4] de permettre aux pays du continent d’accéder au développement et d’être maitres de leur destin. Pour cela, l’organisation appelait à la multiplication et à l’intensification de la coopération intracontinentale et à la promotion de l’intégration du continent à l’économie mondiale tout en respectant la Charte des Nations Unies et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Car ll était essentiel de diversifier l'économie pour réduire la dépendance aux matières premières, en développant des industries à valeur ajoutée et des services.

Après une lueur d’espoir durant les années 1960 où la production et le revenu réel par habitant ont augmenté sensiblement, on assiste à une détérioration des économies de la plupart des pays africains avec une montée de la pauvreté durant les années 1970 et 1980. Cette situation était le résultat des renchérissements des importations, des prix bas des exportations, des sécheresses, de l’absence d’une industrialisation et de la faiblesse des institutions qui se manifeste par des politiques économiques inadéquates qui ont creusé les déficits budgétaires et aggravé le fardeau de la dette. Les taux de change élevés, caractéristique (avec des exceptions) des pays disposant de matières premières, et l’inflation ont réduit de manière drastique la compétitivité des pays. Les ressources minières et les produits agricoles s’exportaient à l’état brut dans le cadre d’une gestion frauduleuse encouragée par un système juridique défaillant. Cette situation a plongé les pays producteurs de matières premières dans une économie de rente et les externalités sur les autres secteurs sont devenues handicapantes.

Face à cette situation, des pays ont recouru à la dette extérieure pour financer leurs investissements. Mais c’était « le serpent qui se mordait la queue ». Eu égard aux mauvaises politiques économiques, la rentabilité des investissements ne suffisait pas à générer de la croissance pour les pays et à leur permettre de rembourser leurs dettes qui ne cessaient de s’accumuler. Le programme d’ajustement structurel (PAS) imposé par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) dans les années 1980 fut adopté par 34 pays d’Afrique. C’était une condition du FMI imposée aux États africains pour obtenir de nouveaux prêts. Basé sur les politiques d’austérité, de privatisation du secteur public et de libéralisation de l’économie, ce programme a créé un désastre dans les domaines de la santé, de l’éducation, des infrastructures, et a aggravé davantage la situation économique et sociale du continent dont la dépendance vis-à-vis du Nord s’est vue largement accentuée.

Sur le plan international, de nouveaux changements ont vu le jour en cette période, impulsés par la division internationale du travail et la multiplication des firmes multinationales, donnant ainsi l’opportunité à certains pays de devenir des pays industrialisés ou émergents. Cette tendance s’est accélérée après 1980, une période d’ouverture des économies et de libéralisation des échanges. L’Afrique a manqué ce rendez-vous. La nouvelle organisation du travail avec l’apparition des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les années 1990 ont fait émerger le concept de chaines de valeur mondiales (CVM)[5] en le liant à la compétitivité, à la valeur ajoutée et à la mondialisation (Gereffi, Humphrey et Sturgeon, 2005)[6]. L’intégration du continent dans ces CVM est restée insignifiante et pour cause le faible développement du secteur industriel et de l’investissement dans les infrastructures, le manque de soutien au secteur Recherche et Développement, à l’innovation et à la formation, la quasi-absence des entreprises de grande taille, l’accès difficile aux crédits et au foncier, la faible valeur ajoutée du secteur d’exportation, la non-profitabilité des investissements directs étrangers, le faible développement des intégrations régionales et l’inefficacité des réformes institutionnelles. La liste est longue et l’Afrique peine à instaurer des stratégies et des programmes à la hauteur de ces défis.

05. De l’Organisation de l’Unité africaine à l’Union africaine

En 1999, les chefs d’État et de gouvernement de l’OUA ont signé la Déclaration de Syrte pour la création de l’Union africaine (UA). Les États membres de l'OUA se rendirent à l’évidence en faisant de la substitution de l’OUA par l’UA une condition nécessaire d'accélération du processus d'intégration du continent, donnant ainsi naissance, en 2002, à l'UA à l’occasion du Sommet de Durban. Cette évolution institutionnelle visait de surcroît à répondre aux changements que connaissait le monde, dictés par la mondialisation, la fragmentation de plus en plus grande de la production mondiale, l’ouverture de toutes les économies du monde ou presque, avec tout ce qui peut en découler comme conséquences positives (croissance, développement des pays pauvres) ou négatives (exploitations des richesses et de la main-d’œuvre de ces pays).

En plus de ces changements, des ruptures ont eu lieu dans certains domaines comme les progrès technologiques ultras rapides, la transition écologique, les bouleversements géopolitiques et l’apparition de nouvelles puissances économiques et de nouveaux marchés. L’Afrique devait s’intégrer pour accélérer son processus de développement et faire face à ses problèmes économiques et sociaux qui retardent ce processus. L’UA a pour objectifs de promouvoir la coopération; de coordonner et d’harmoniser les politiques entre les communautés économiques régionales; d’accélérer le développement du continent notamment par la promotion de la recherche et l’accueil et le développement des technologies; d’éradiquer les maladies, les famines et la pauvreté; de promouvoir l’égalité des sexes; d’instaurer des politiques communes sur le commerce, la défense et les relations extérieures et d’encourager la participation effective des Africains de la diaspora. Ces objectifs s’inscrivent dans un contexte qui rend indispensable une approche inclusive et durable, prenant en compte les petites entreprises, l'égalité des sexes, et l'impact environnemental.

L’Agenda 2063 a été ainsi mis en place comme un cadre stratégique pour réaliser ces objectifs. La croissance économique au cours des deux dernières décennies était très peu créatrice d’emplois à cause du retard industriel. La pauvreté et les inégalités ont augmenté. L’agenda 2063 reconnait le rôle important du développement industriel inclusif et durable. L’Objectif du Développement Durable 9 invite également la communauté internationale à « Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation ». L’industrialisation, dans un cadre de partenariat global, est un vecteur non seulement de création d’emplois et de croissance économique, mais également de transfert de technologie.

L’échec de son programme de transformation des années 1990 (marqué par le PAS) et celui de la politique d’ouverture des années 2000 qui était marquée par l’envolée des cours des matières premières et la surévaluation des taux de change ont été déterminants pour le continent. L’Afrique a pris conscience, à la suite de ce cumul d’échecs, que, pour réussir, il faudrait déconstruire les politiques et les programmes qui en sont à l’origine et élaborer des programmes spécifiques au contexte pour un continent uni, souverain et développé. Ce trio est incontournable.

L’Unité du continent en est une condition sine qua non. L’ambition d’unité fait partie des vocations initiales du panafricanisme, qui traduisait, d’ailleurs, l’ambition d’un gouvernement africain, selon la vision du président ghanéen de l’époque, Kwame Nkrumah. Dans son credo « Un gouvernement de l’Union pour une Afrique unie » (Lecoutre, 2008)[7] émergeait déjà l’idée d’institutionnalisation de politiques communes et d’unité politique au niveau continental. Il s’agit d’une approche qui fait de la construction d’une identité politique africaine une condition de la prospérité et du développement du continent. Réactualisée par la Déclaration d’Accra de 2007, dont le modèle d’intégration réaffirme le projet des « États-Unis d’Afrique », cette idée est portée par certains leaders africains comme le Colonel Muammar Kadhafi (un des chantres contemporains des « États-Unis d’Afrique ». Déjà avec la création, en 2002, de l’Union Africaine se profilait le projet d’un gouvernement de l’Union et des États-Unis d’Afrique. Il reste que l’approche a été renversée.

La souveraineté de l’Afrique est bafouée par l’endettement, l’aide au développement et les accords commerciaux et d’investissements mal négociés. À la dépendance économique et financière s’ajoute celle monétaire (Franc CFA) qui mine la croissance et le pouvoir d’achat de certains pays du continent. Le développement suppose des États forts, souverains et unis. Il doit être basé sur les entreprises et les marchés. Les États doivent fournir les infrastructures matérielles, appuyer les secteurs industriels, de recherche et développement et de l’innovation. Ils doivent également garantir la protection des activités locales au niveau interne (fiscalité, foncier, crédit, etc.) et au niveau externe (concurrence). Des réformes institutionnelles doivent être opérées pour permettre aux intégrations régionales et locales de jouer pleinement leur rôle. De plus, le soutien à l'intégration économique passe par le développement d'infrastructures de transport, d'énergie, et de télécommunications pour faciliter le commerce et les investissements intra-africains.

06. Les objectifs de ce numéro

De l’évolution institutionnelle qu’a connue le continent, peuvent se dégager quelques interrogations : Que reste-t-il des rêves unitaristes du début du panafricanisme ? L’UA a-t-elle réussi à sortir l’institution de cette image qui fut jadis collée à l’OUA, à savoir sinon un instrument au service des intérêts des grandes puissances, du moins un « syndicat de chefs d’État » ? 60 ans après la naissance de l’OUA et 40 ans avant 2063, quel bilan dresser et quelles perspectives tracer de « L’Afrique que nous voulons » ?

La Revue Interventions Économiques s’y penche. Ce numéro thématique comprend des contributions originales portant sur les diverses dimensions de l’unité africaine et les dynamiques d’insertion des Afriques dans l’économie mondiale.Les champs de recherche et d’investigation mobilisés ici, sont vastes et variés, marqués par une interdisciplinarité nécessaire tant sur le plan méthodologique que sur le plan de la réflexion. L’ambition de départ de ce numéro était de fournir un panorama des intégrations et du développement en Afrique et de questionner les institutions sur les acquis générés par 60 ans d’expériences (institutionnelles) et d’actions pour le développement.

L’unité et la solidarité, premier objectif de l’OUA et de l’UA par la suite, sont un de ces champs de réflexion. Ce dernier concerne la gestion commune des crises (endémies et pandémies; famine, etc.), mais aussi le développement des stratégies pour la démocratie et la bonne gouvernance et des mécanismes pour garantir les libertés fondamentales. Une analyse critique de l’article 23 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples se basant sur une approche pragmatique essaie de mettre la lumière sur les bases et les ressorts de cet objectif. L’unité et la solidarité s’étalent également au soutien technique et financier pour les infrastructures, au développement de l’approvisionnement énergétique, à la modernisation de l’agriculture et à la facilitation des échanges.

Afin d’éclairer le lecteur sur les réactions du continent en termes d’unité et de solidarité face à des situations en relation avec la stabilité, la paix et la sécurité, l’accent a été mis sur l’importance de la souveraineté et l’intégrité territoriale des États et du renforcement des capacités des forces de sécurité et de soutien en matière de dialogue dans les pays en situation de conflit. Ces notions de souveraineté et d’intégrité territoriale soulèvent toute la question de la gouvernance, un chantier prioritaire pour la prospérité du continent. L’unité africaine, analysée par le prisme de la gouvernance et de la démocratie, est abordée sous divers angles. Pour le présent numéro, il s’agit de s’intéresser à la défense et à l’application, par les États africains, de certaines valeurs communes sous-tendant des dynamiques de gestion transparente de l’État et de participation citoyenne.

La gouvernance politique se conjugue avec la gouvernance économique. L’Afrique doit suivre la voie de l’émergence et du développement, par-delà le caractère controversé de ces concepts. L’analyse des trajectoires de la pensée économique et la pensée politique africaine conduit à considérer que la question de l’émergence oscille entre volonté de communautarisation des stratégies de développement et effort d’individualisation de celles-ci.

Bien qu’abondamment abordée dans le numéro à travers une analyse descriptive comparative spatiale, la question de l’impact des investissements directs étrangers (IDE) sur l’intégration économique en Afrique se pose. Contrairement à une opinion très répandue, les IDE sont loin d’être en faveur du processus d’intégration économique en Afrique.

Certes, le degré d’intégration en Afrique est-il différent d’une région à l’autre avec des régressions au sein de certaines. Dans ce numéro, il est démontré en quoi le choix de privilégier les communautés économiques régionales (CER) dans l’intégration commerciale continentale pourra contribuer à intensifier le commerce intra-africain. L’objectif de la démonstration est de déterminer la structure des échanges commerciaux intra-africains au sein des CER, d'identifier les principaux facteurs susceptibles de les intensifier, notamment le rôle des accords d’intégration régionale et de s’interroger sur les opportunités qui pourraient se présenter à ces pays en dehors de leurs CER. Analyser et surmonter les barrières non tarifaires ainsi que les défis logistiques est crucial pour libérer le potentiel du commerce intra-africain. Une mise en œuvre effective de la ZLECAf requiert l'harmonisation des politiques commerciales et douanières entre les pays membres.

Une autre approche du commerce intra africain a été mise en exergue. Elle prend en compte les distances géographiques et économiques. Les niveaux d’intégration commerciale contrastés au sein des CER risquent d’accentuer l’asymétrie d’intégration continentale. La distance économique impacte positivement et significativement l’intensité des échanges et suggère le renforcement de l’intégration via les chaînes de valeur régionales. Avec la ZLECAf, l’UA a fait le choix de faire des CER, les pierres angulaires de l’intégration commerciale continentale (rapport UA-BAD- CEA, 2017). En outre, l'économie numérique, en particulier la digitalisation des processus commerciaux, offre d'importantes opportunités pour améliorer le commerce et l'intégration économique en Afrique.

La problématique de l’égalité des sexes n’a pas été exclue. La protection de la dignité des femmes et la lutte contre les discriminations faites à leur égard[8] sont des conditions sine qua non de la réalisation du développement durable en Afrique. La politique régionale d’intégration et de gouvernance du genre devrait avoir un impact sur les économies des États membres de l’UA. Ce numéro thématique interroge la pertinence et la faisabilité du protocole de Maputo 20 ans après son intégration. Il montre également l’implication des femmes dans la construction d’une paix durable à l’échelle mondiale, régionale et nationale et la nécessité de la mise en œuvre de politiques en faveur des femmes et des filles touchées par les violences sexuelles liées aux conflits.

Une mosaïque de thématiques en somme, s’abritant sous une multitude de disciplines, mais qui déversent toutes vers le même objectif : dresser le bilan des indépendances d’hier à aujourd’hui et dessiner les perspectives pour l’Afrique de 2063. Ce faisant, il s’agit d’étudier les politiques et les programmes de développement actuels en vérifiant leur possibilité de mise en œuvre et en prenant en considération leurs coûts eu égard à leurs bénéfices. Les auteurs des textes de ce numéro ont croisé leur regard en usant des frontières poreuses entre les thématiques qui caractérisent ce genre de problématique, afin d’affiner leurs analyses, renforcer leurs arguments et en sortir avec des conclusions enrichissantes, éclairantes et - nous l’espérons - inspirantes. Nous les remercions vivement.