À l’automne 2020, lorsque nous avons imaginé le thème des scandales et des silences pour le 29e colloque de l’Association des étudiant.e.s diplômé.e.s du département d’histoire de l’Université de Montréal (AÉDDHUM), nous prenions conscience collectivement de ce à quoi une crise mondiale de la santé pouvait ressembler. Nous avons également réfléchi aux impacts que des soulèvements populaires, parfois violents, à travers le monde, pouvaient avoir pour le présent et les générations futures. Par les réseaux sociaux, dépassant rapidement les médias traditionnels de l’information, des événements, des groupes, et des phénomènes sociaux ont monopolisé l’attention mondiale. Ce faisant, ils ont aussi eu la double-conséquence de créer des éclipses médiatiques. D’autre part, les scandales, en particulier politiques, continuent d’être omniprésents dans les médias actuels. À ces scandales s’entremêlent des silences, poussés en marge des consciences au fil des cycles médiatiques. De la même manière, certains épisodes et certaines voix sont passés du scandale au silence, ou même n’ont jamais capturé l’attention du grand public. Bien souvent, ces mises sous silences sont en elles-mêmes scandaleuses aussitôt qu’on les constate. Ainsi, lorsque nous avons entrepris d’organiser ce colloque, le lien entre scandales et silences nous paraissait évident, tant l’un semblait répondre à l’autre. Cet entrelacs nous a poussées à nous questionner au sujet des notions de silences et de scandales en sciences humaines et sociales. Nous nous sommes interrogées sur le sens de ces mots, et ce qui fait qu’un individu, un événement, un discours tombe dans la catégorie du scandale. Une fois qualifié de scandaleux, à quel point et à quel moment l’objet tombe-t-il dans l’oubli ? Et une fois dans l’oubli, sombre-t-il pour autant dans le silence ? Quels facteurs ou phénomènes entrent en jeu pour le sortir de l’oubli, mettre au jour le scandale ou même le réactualiser ? Observe-t-on des scandales à retardement sans voir au préalable une réduction active au silence ? Quelles relations de pouvoir mettent en oeuvre les silences ou instrumentalisent les scandales ? Nous avons voulu proposer une réflexion autour des notions de scandales et de silences parce qu’ils se retrouvent à la fois dans nos vies de tous les jours, au travers des médias, et de notre vie de chercheur.e.s, à la fois au travers des sources primaires que l’on étudie et de notre approche à la recherche en tant que telle. Si le sociologue Éric de Dampierre proposait une étude du scandale dès 1954, la notion de scandale est restée en marge des discussions méthodologiques et épistémologiques jusque dans les années 1990. Son retour est alors lié à l’influence de nouvelles approches sociologiques, en particulier la sociologie pragmatique qui se concentre sur les « épreuves », ainsi qu’à l’émergence des concepts d’espace public, de publicité, et de visibilité sociale. En revenant sur les origines sanskrite et grecque du mot, Dampierre soulignait son sens primaire: tomber dans le péché. Jusqu’au Moyen-Âge, la notion de scandale se rapporte principalement au religieux, au fait de douter de la foi, mais durant la période moderne, un glissement permettra au terme d’être utilisé hors du contexte théologique. À partir du XVIe siècle, le scandale s’inscrit dans un changement des institutions politiques face aux idées hérétiques, évolution illustrée par le fait que les transgressions religieuses des protestants sont qualifiées d’offenses politiques et publiques contre le roi et le royaume durant les guerres de religion en France. Cela représente une stratégie discursive dans laquelle la dimension publique joue un rôle essentiel, faisant passer des notions religieuses à une compréhension politique visant un public plus large et varié. Le scandale se comprend donc comme l’introduction d’idées non conventionnelles, …
Introduction
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Soheila Ghaziri
Université de MontréalAudrey Martel-Dion
Stanford UniversityMarly Tiburcio-Carneiro
University of Oxford
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