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Dès la préface, les auteurs annoncent la couleur : cet ouvrage est le fruit d’une recherche destinée à fournir une « expertise scientifique à l’équipe de juristes qui défend les membres de l’Alliance autochtone du Québec dans le cadre d’une procédure en jugement déclaratoire intentée devant la Cour supérieure du Québec contre le gouvernement du Québec et l’intimé, le Ministère des Affaires autochtones et Nord Canada. »[1] La précision est importante, car elle désigne le public pour lequel cet ouvrage a été écrit. Les auteurs n’en sont pas à leur coup d’essai : nombre de leurs publications précédentes se sont déjà penchées sur la question de la place des Autochtones et de leurs droits depuis la période de la colonisation jusqu’à aujourd’hui. Leurs recherches visent à redonner leur place aux communautés dans un paysage politique québécois qui a trop tendance à vouloir les réduire à des minorités « problématique et coûteuses ». Selon les auteurs, l’objet de recherche de ce dernier livre porte principalement sur les façons dont ont été gérés les territoires autochtones—façons qui ont été largement influencées par les mesures prises par les gouvernements successifs depuis la Grande Paix de 1703 jusqu’à aujourd’hui[2].
Reconnaissance et exclusion des peuples autochtones ne s’adresse pas directement à un public spécialiste de la question autochtone, mais bien à des professionnels aux besoins plus pragmatiques : les deux premiers chapitres n’apportent rien de vraiment nouveau à l’Histoire et les deux derniers, s’ils sont beaucoup plus novateurs, sont surtout très pratiques. L’ouvrage tente de clarifier une situation parfois complexe en matière de reconnaissance autochtone et d’occupation des territoires. L’historique des relations entre communautés et autorités coloniales, tout d’abord sous le Régime français avec le fameux Traité d’Alliance de 1603 puis, après 1763, sous la domination britannique, cherche à démontrer que depuis les premiers jours de la rencontre entre Européens et autochtones, il n’a jamais été question, pour ces derniers, de céder leurs terres de quelque façon que ce soit, mais bien de s’allier avec les nouveaux arrivants dans un but économique (la traite des fourrures) et politique. Les auteurs s’attachent à montrer que si la place des Amérindiens a lentement glissé de celle d’alliés à « problème », voire à celle « d’enfants mineurs et irresponsables » à partir des années 1830, les principaux intéressés ont toujours protesté pour défendre leur identité autochtone et leurs droits d’occupation des terres[3]. Pour faciliter la compréhension du lecteur, les auteurs illustrent leurs propos de nombreuses cartes qui montrent l’évolution du territoire autochtone en fonction des intérêts et des perspectives changeantes des gouvernements depuis le XVIIIe siècle.
Le troisième chapitre aborde, presque trop rapidement, le dernier siècle de relations, depuis la Loi sur les Indiens de 1876 jusqu’aux années 2000, en passant par la difficile reconnaissance par le Québec des droits fondamentaux des peuples amérindiens qui vivent dans la province. Il est, entre autres, question de la révision de la Loi de 1876 en 1951 et du fameux livre blanc de 1969 qui a suscité une levée de boucliers de la part des populations concernées qui s’opposaient à la suppression pure et simple de ladite Loi, sans négociation ni assurance que leurs droits spécifiques seraient défendus autrement. Ce chapitre est celui qui apporte le plus d’éléments utiles à la compréhension globale des difficultés rencontrées par les autochtones pour leur reconnaissance, car il détaille tous les enjeux entourant l’appareil législatif qui s’est mis en place pour catégoriser les Amérindiens, réduire leurs droits tout en défendant leur culture particulière. Les auteurs soulignent d’ailleurs que c’est dans ces années 1970 que se met véritablement en place tout un ensemble d’organismes autochtones qui ont pour but de faire entendre leurs revendications. On comprend alors toute l’importance des tractations politiques et des jugements de la Cour suprême du Canada : ces décisions et ces négociations ont un réel impact dans les décisions prises ensuite par les Gouvernements, fédéral et provincial. Ainsi, suite au procès de 1973 qui valide l’antériorité des autochtones sur le territoire, le Québec a signé la Convention de la Baie-James en 1975. Autre exemple, c’est grâce aux négociations entourant le rapatriement de la Constitution en 1982 que le Gouvernement signe en 1983 les quinze principes qui reconnaissent aux autochtones le droit de posséder et de disposer de leur terre, ainsi que la validité des traités signés avant la Confédération.
On retrouve un discours plus pratique des auteurs dans la dernière partie de l’ouvrage : y sont présentés l’AAQ (Alliance des autochtones du Québec), les communautés et individus qu’elle regroupe, et le territoire du Québec qu’ils occupent. C’est un chapitre visiblement conçu pour défendre le droit de ces autochtones à être reconnus comme tels et à revendiquer leurs terres. En définitive, cet ouvrage remplit sa mission en donnant aux juristes chargés de défendre l’AAQ les clés historiques pour plaider un droit fondamental des communautés à disposer de leurs terres et à être reconnues par Québec. Il s’agit d’une recherche ciblée avec un objectif précis, ce qui a conduit les auteurs à régulièrement répéter leurs arguments, pour affirmer que les autochtones n’ont jamais cédé volontairement leurs droits sur leurs terres et qu’ils en ont été exclus par des lois discriminatoires qu’il faut réviser.