Résumés
Résumé
L’émergence du gangsta rap américain au tournant des années 1990 a stimulé des débats d’envergure nationale sur la question de la liberté d’expression. Bien que le hip-hop ait émergé victorieux de cette guerre culturelle, il semble que grâce à un procédé de marginalisation des discours jugés subversifs, le récit national américain soit demeuré largement inchangé face aux attaques du gangsta rap. Toutefois, avec l’émergence du hip-hop conscient, de nouveaux récits critiques contribuent à nuancer les mythes nationaux américains de l’intérieur et offrent des conceptions alternatives de l’identité américaine au travers de la culture hip-hop.
Corps de l’article
Expression artistique et réactions conservatrices
La musique est probablement le mode d’expression artistique le plus profondément lié aux notions de mémoire et de définition de l’identité. Effectivement, en stimulant un attachement mémoriel, émotionnel et physique presque sensuel, la musique joue un rôle privilégié dans le processus de développement identitaire, ce qui est en fait un objet d’étude privilégié pour aborder les tensions et conflits oeuvrant au sein des sociétés. L’évolution des modes d’expression musicaux des communautés afro-américaines est l’un des exemples les plus poignants de cette réalité. Que l’on étudie le blues, le jazz, le soul, le reggae ou le funk, on constate que ces styles musicaux ont évolué de pair avec les communautés afro-américaines avant d’entrer dans la culture populaire américaine, ce qui n’a pas manqué de provoquer des réactions conservatrices face à ces formes d’art jugées subversives.
Peu de styles musicaux incarnent aussi explicitement ces dynamiques conflictuelles que le hip-hop, puisqu’il reflète à l’origine les réalités sociales, économiques et culturelles de sa communauté et s’attaque directement aux mythes américains. Bien avant d’être médiatisés et édulcorés par la culture populaire américaine, le hip-hop, qui comprend l’art du emceeing, du DJ, du beatmaker, du graffiti, de la danse et du rap, est d’abord né des populations afro-américaines et portoricaines défavorisées de New York comme un contrepoids aux inégalités matérielles, sociales et culturelles de la société américaine postindustrielle [1]. Ne nécessitant pas de moyens techniques ou de connaissances musicales ou artistiques complexes, la culture hip-hop est née au sein des populations défavorisées. Elle est dès lors utilisée pour refléter la réalité quotidienne difficile et les aspirations des jeunes des ghettos, ce qui l’amène ipso facto à critiquer la société ayant donné naissance à ces îlots de pauvreté et de criminalité.
Cette étude s’intéresse à la communauté hip-hop américaine de la fin de la décennie 1980 jusqu’au début des années 2000. Nous couvrons ainsi l’âge d’or du hip-hop jusqu’à sa diversification et sa complexification alors que se déroulent simultanément des débats d’envergure nationale sur la question de la censure et de la liberté d’expression, débats mieux connus sous le nom des Hip-hop Wars.
Éviter les dichotomies simplificatrices
Plusieurs politiciens, critiques musicaux et même certains conservateurs de musée se bornent souvent aux analyses antinomiques faciles de la culture hip-hop [2]. Bien que certaines oppositions reflètent effectivement des réalités vécues et tangibles, entre des concepts tels nigga et white man, entre l’authenticité et l’imitation ou encore entre l’idéologie de résistance liée à la pauvreté et de la dureté de la vie des ghettos et l’image factice de succès et de la vie de vedette, il existe plusieurs nuances et interactions complexes qui demeurent voilées par ces simples dichotomies.
Notre objectif dans cette recherche est de proposer une approche historiographique à la culture hip-hop pour être en mesure de comprendre ce qui semble de prime abord être des oppositions claires et des contradictions comme des processus construits liés au renouvellement identitaire des communautés par l’expression musicale. Nous nous concentrerons principalement sur la communauté afro-américaine en raison de son importance dans la culture hip-hop.
D’après nous, le processus de création musical du hip-hop servirait à élaborer des récits critiques qui reflètent les réalités culturelles, ethniques, linguistiques et socioéconomiques des collectivités en transformations constantes. Cette approche permettrait entre autres de dépasser l’opposition binaire de l’essentialisme ethnique et des notions d’authenticité et d’émulation populaire, explications qui ne permettent pas de comprendre pourquoi et comment la culture hip-hop, malgré sa grande popularité et son intense médiatisation, continue de se renouveler perpétuellement en réussissant à maintenir un regard critique et alternatif qui lui permet de passer du gangsta rap, au hip-hop conscient.
1. Historiographie, approches et définitions
1.1 Historiographie
Un bref résumé historiographique nous permettra d’abord de comprendre la multiplicité des approches face à la culture hip-hop. Trois approches dominantes sont à noter : celles de la continuité, de l’évolution et de la diaspora. L’approche privilégiée dépend généralement de l’emphase mise sur certains aspects ou facteurs de la communauté. Que ce soit la race et l’ethnie, les discours et récits ou les styles musicaux, ces différentes approches donnent une viabilité logique à l’explication privilégiée. Par exemple, plusieurs auteurs réinscrivent la culture hip-hop dans une trame plus large et une continuité ou une évolution des mouvements artistiques et culturels noirs comme la Harlem Renaissance des années 1920 (ou la New Negro Renaissance qui la réinscrit dans une trame plus large) et dans le Black Arts Movement des années 1960. L’approche musicale privilégie quant à elle l’évolution des styles musicaux afro-américains ou un point de convergence des diasporas artistiques de rythmes d’origines africaines, de la capoeira brésilienne et des systèmes de son jamaïcains [3].
Dans une démarche axée sur l’art performatif, Bell Books replace historiquement les performances artistiques comme forme de contestation des inégalités raciales dès le XIXe siècle. L’art performatif permet alors aux élites afro-américaines de s’émanciper du décorum et de la sophistication qu’ils se doivent de projeter pour véhiculer des messages plus radicaux. La Harlem Renaissance est ainsi perçue comme une tentative de se réapproprier la langue vernaculaire comme la voix des idéologies de résistance [4]. Toutefois, bien qu’elle réinscrive la poésie de résistance afro-américaine dans une résistance continue prenant la forme de pressions et modes d’expression en évolution sur une longue période, cette initiative d’élite est souvent critiquée comme ayant surtout influencé la perception des Blancs sur la culture noire sans nécessairement rejoindre les masses afro-américaines. Cette tendance rejoint les critiques de Malcom X envers la bourgeoisie afro-américaine, critiques qui se maintiennent jusque dans la culture hip-hop des années 90 où ses messages sont repris presque intégralement par plusieurs artistes : « Je dois représenter les vrais négros—Les négros des champs [5]. »
Cependant, ces approches ne permettent pas de comprendre les complexités et nuances de la culture hip-hop. Effectivement, elles ne s’intéressent pas aux dynamiques et tensions actuelles où le hip-hop se présente comme un amalgame complexe produit par les marges de la société pour être consommé par son centre après être passé par les entreprises culturelles et les grands médias, processus par lequel se mélangent la culture américaine et la culture hip-hop en un tout plus ou moins cohérent, d’où l’origine de plusieurs tensions. De plus, la différenciation marquée entre une culture d’élite pour l’élite et une culture populaire pour les classes populaires rencontre certains obstacles lorsqu’appliquée au hip-hop, principalement avec le hip-hop conscient et le jazz hip-hop qui élèvent une culture populaire issue des classes inférieures en une forme d’art complexe et recherchée, considérée comme un véritable high art.
1.2 Approche priorisée
Puisque nous nous intéressons surtout aux années glorieuses de la culture hip-hop qui débutent en 1990, nous ne tenterons pas de retracer les origines profondes de la culture et de la musique hip-hop, travail déjà effectué par plusieurs auteurs et recensé et résumé par Scott Heath dans un article précédemment cité en note de bas de page. Les études sur cette période adoptent fréquemment un point de vue postmoderniste jusqu’au milieu de la décennie 2000. Cette approche favorise l’interprétation des significations identitaires profondes des discours des artistes hip-hop par une lentille très individualisante, intellectualisante et introspective. Le plus grand écueil de l’approche postmoderne est le peu d’importance accordée à certains facteurs sociaux sous-jacents et la difficulté de mesurer l’impact de ces discours intellectuels dans la réalité, le vécu, le quotidien et la perception populaire des populations concernées.
Selon Annette J. Saddik, professeure en théâtre et en littérature anglaise qui est l’une des tenantes de cette approche, le hip-hop doit être réinscrit dans une continuité des formes d’expression performative afro-américaines en constant renouvellement. Sans être une renaissance, la culture hip-hop serait plutôt l’une des formes les plus récentes de performance théâtrale mettant à jour des tensions de la société américaine. Contrairement à d’autres formes de performances théâtrales, la culture hip-hop aurait particulièrement attiré l’attention et stimulé les débats en raison de sa popularité, de son intense médiatisation et de ses succès économiques indéniables. Cette approche a été graduellement nuancée et enrichie par une emphase nouvelle sur l’importance des perceptions populaires. Derek Murray, Scott Heath, James Spady et Carla Stokes, qui publient environ dans les mêmes années, accordent en ce sens une importance plus grande à l’impact social de la culture hip-hop. On peut tout de même déduire que la relation paradoxale du hip-hop avec la culture américaine dominante constitue le cadre d’analyse privilégié pour l’étude de la culture hip-hop.
1.3. Nuances hip-hop et rap
Pour être en mesure de bien comprendre les complexités et les critiques internes de la communauté hip-hop, il faut d’abord différencier les termes de culture hip-hop et de rap. La culture hip-hop désigne tout un ensemble esthétique qui inclut différents modes d’expression du hip-hop tel que mentionné en introduction. Le rap désigne quant à lui le rythm and poetry, c’est une manière de réciter un texte rythmée et poétique, tout simplement.
Utilisé comme marqueur d’authenticité raciale, le rap est généralement plus clairement associé à l’ethnie afro-américaine [6]. Cette définition est plus fréquemment utilisée par des acteurs externes du milieu. La culture hip-hop est quant à elle généralement utilisée pour référer à une communauté universelle ouverte aux influences extérieures alors que, par glissement conceptuel, le rap fait plus souvent référence au gangsta rap qui est associé aux pendants négatifs de la culture : armes, drogues et prostitution [7]. Cette distinction est reprise par les grands médias américains, principalement les MTV Awards qui établissent des catégories distinctes pour les artistes hip-hop et rap, sanctifiant ainsi une division fondée sur des critères subjectifs d’acceptabilité et d’accessibilité plutôt que sur le style et le contenu musical à proprement parler. Cette tendance influence nécessairement les perspectives de marchandisation de certains artistes ainsi que les perceptions du public sur une division assez floue. Le résultat est la favorisation du hip-hop, perçu comme plus universel, au détriment du rap, perçu comme essentialiste noir. Le rôle du emcee (maître de cérémonie) en est grandement dévalorisé puisque ses capacités d’autodéfinition artistique et son rôle de protagoniste agissant au coeur des interrelations complexes entre les différents éléments constitutifs de son art lui sont retirés.
En entrevue, Talib Kweli, artiste de hip-hop conscient, dénote justement la tension engendrée par la définition commerciale de son art. Ce labelling influence non seulement ses perspectives de succès commercial, mais aussi sa conception personnelle de son art. « J’ai permis à l’industrie de définir mes perceptions de ce qui fait un artiste. Comme ils diraient, “Tu es un artiste underground. Tu ne fais pas d’enregistrements pour la radio. Voilà ce que font les artistes gangsta. Le gangsta c’est la pop. Ceci est un enregistrement pop. Celui-là est tel type d’artiste hip-hop. Celui-ci est tel type d’artiste [8].” »
2. Hip-hop Cultural Revolution et la Cultural War
Le hip-hop n’a pas obtenu sa légitimité par l’assimilation et l’acceptation, il l’a plutôt obtenue par un individualisme affirmé et, surtout, par des tactiques de « guérilla capitaliste » : en attaquant agressivement le marché par des moyens non conventionnels. Le hip-hop est idéologiquement dichotomique face à la structure contemplative du monde artistique et sa conscience de soi le protège contre toute tentative du monde artistique pour adoucir et ultimement canaliser sa vigueur et sa puissance [9].
Par les modifications profondes des modes d’expression et par la redéfinition esthétique et identitaire qu’elles suggèrent, les expressions de révolution culturelle et de guerres du hip-hop sont désormais assumées au sein des intellectuels et du grand public [10]. Ces guerres débutent au tournant de la décennie 1990 alors que les récits de contestation proposés par les artistes hip-hop, qui dénoncent vertement le discours national dominant, suscitent plusieurs réactions de la part des élites traditionnelles, donnant ainsi le nom à une série d’évènements aujourd’hui nommée The Hip-hop Wars [11].
2.1. La théorie de la guerre culturelle : récit alternatif et « backlash conservateur »
« À moins que nous ne nous opposions à ce phénomène [la musique rap], elle s’insinuera dans notre société et détruira les valeurs morales de notre jeunesse [12]. »
Les Hip-hop Wars se sont largement construites sur les réactions conservatrices et tentatives de censures stimulées par la popularisation et l’impact grandissant de la culture hip-hop dès le début des années 1990. Le hip-hop mobilise alors l’attention médiatique, académique et politique de groupes d’intérêts aux tendances conservatrices et souvent nationalistes qui condamnent unilatéralement ce qu’ils considèrent comme une culture violente, sexiste, stéréotypée, où règne la misogynie, les paroles hédonistes, l’hypermatérialisme, la glorification du gangstérisme et un contenu jugé immoral et inadéquat qui promeut des images racialisantes et une idéologie de résistance face au système. Ces critiques, qui se basaient sur les stéréotypes principalement associés au gangsta rap, ont cependant tenté de condamner la culture hip-hop dans son ensemble, nourrissant ainsi une « guerre culturelle » d’envergure nationale. Avec des sommets en 1992 et 1996, ces débats fortement médiatisés sur la censure et le boycottage du hip-hop délaissent cependant les nuances complexes et conflits internes au sein même de cette culture en la posant comme un bloc monolithique véhiculant un message uniforme [13]. Toutefois, nous n’accorderons que peu d’attention au déroulement des conflits qui sont déjà explicités de manière exhaustive par Tricia Rose dans son livre de 2008 portant le titre évocateur de The Hip-hop Wars. Nous nous concentrerons plutôt sur les critiques internes et l’évolution de la communauté hip-hop qui marquent d’après nous le passage du gangsta rap au hip-hop conscient au cours de ces mêmes années.
La vision du commentateur politique conservateur et ancien nominé de la Cour suprême américaine Robert H. Bork reflète bien cette vision des élites traditionnelles. Ce dernier perçoit la culture hip-hop comme fondamentalement haineuse, une musique dégénérée trouvant ses sources dans l’individualisme excessif et le libéralisme moderne hostiles aux vraies valeurs américaines [14]. Les critiques du hip-hop, perçues comme des attaques directes aux valeurs américaines, stimulent sans surprise un backlash conservateur. Ces situations sont fréquentes dans les situations de guerres mémorielles et de guerre d’histoire publique où s’affrontent différents récits nationaux. Les Hip-hop Wars pourraient ainsi s’inscrire dans le cadre d’analyse des guerres d’histoire et des crises mémorielles en contexte postcolonial [15]. Cette approche a le bénéfice d’expliquer les réactions conservatrices avec l’émergence d’un récit alternatif critique, toutefois le conflit ne concerne pas seulement un évènement historique passé, mais une situation d’inégalité qui persiste encore aujourd’hui.
Dans l’univers académique, on suggère plutôt que le hip-hop, principalement le gangsta rap, constitue une dénonciation des inégalités et une tentative d’accorder une place nouvelle au récit afro-américain en réinscrivant leur identité dans une idéologie de lutte et de résistance. En ce sens, les réactions conservatrices américaines témoignent de leurs craintes face à la montée en puissance des récits alternatifs proposés par la culture hip-hop où s’entremêlent les critiques sociales et les performances artistiques hautement médiatisées. À leurs yeux, ce mode de définition identitaire est éminemment corrosif en raison de sa nature profondément subversive et provocatrice et des frontières floues entre « l’innocence » de son caractère de spectacle et ses appels directs à la résistance et à la révolution [16].
Selon cet angle d’analyse, ces guerres culturelles opposent une conception traditionaliste de l’histoire nationale à un récit alternatif jugé subversif, situation qui dégénère rapidement avec la radicalisation des points de vue face à la marginalisation du hip-hop et aux menaces de censure. En dépassant les simples dichotomies entre tendances conservatrices et libérales et les oppositions binaires entre Blancs et Noirs [17], nous espérons jeter un éclairage nouveau sur le sujet grâce aux apports des théories sur les guerres mémorielles et sur les discours et prestations artistiques subversives.
2.2. Du gangsta rap au hip-hop conscient
Au faîte de la guerre culturelle du hip-hop, soit du début à la fin de la décennie 1990, le gangsta rap est un style dominant. Ce style témoigne alors de l’origine des premiers artistes hip-hop qui sont souvent issus du gangstérisme. Ice-T note à ce sujet que son public se constituait alors majoritairement de ses confrères gangsters et que la demande le poussait à parler de leur mode de vie et de leurs expériences en tant que criminels des ghettos [18]. Toutefois, il faut comprendre que le hip-hop se diversifie rapidement et développe son propre réseau, nous tenterons donc d’identifier les nuances et critiques internes qui témoignent de l’émergence graduelle du hip-hop conscient.
2.2.1 Le gangsta rap critiqué et réinterprété
Tout d’abord, l’analyse politique, ayant tendance à définir la culture hip-hop en entier à partir du gangsta rap qui constitue sa branche la plus radicale, suggère aussi une polarisation sur la question de la censure (pour ou contre). On en vient alors à une représentation faussée faisant abstraction des réalités complexes de cette communauté qui comprend plusieurs courants et qui possède ses propres critiques et dissensions internes comme l’ont bien démontré les études de Ogbar et Saddik [19]. Il est indéniable que plusieurs critiques faites au gangsta rap sont fondées, néanmoins, ce qui apparaît d’abord comme une critique sincère pour l’avenir des jeunes Américains cache la plupart du temps des attaques sordides et insidieuses contre la culture des jeunes afro-américains et contre leur capacité d’analyse, de commentaire et de critique de la société américaine [20].
Au demeurant, plusieurs artistes et critiques attaquent directement le sexisme, la violence, la misogynie et l’attitude de gangsters nouveaux riches de leurs confrères. The Roots, groupe originaire de Philadelphie jouant avec un band live, parodie et dénonce ouvertement le style de vie et la représentation faussée du hip-hop dans leur composition What They Do de l’album Illadelph halflife (1996). En 1997, l’éditorialiste musical Selwyn Hinds du magazine musical le plus populaire des États-Unis, The Source, écrit quant à lui un article replaçant les inégalités, la culture de violence et la misogynie américaine bien avant l’émergence du hip-hop, dénonçant du coup le combat de Dole, Tucker et Bork comme une vaste hypocrisie dont le hip-hop est le bouc émissaire.
Qui plus est, plusieurs auteurs se sont évertués à réinterpréter le gangsta rap selon une approche de performance artistique. La violence et la misogynie apparente de ces artistes [21] ou l’image de mafioso nouveau riche exhibant fièrement ses succès [22] sont ainsi réinterprétées comme des mises en scène satiriques. Cité par Saddik, Ice Cube, artiste de Los Angeles ayant participé à N.W.A, soulève à ce sujet que les jeunes sont en mesure de faire la différence entre l’acte théâtral du hip-hop et ses messages sociaux plus sérieux : « “C’est fait à la manière d’un conte ou d’une narration théâtrale” […] Il argumente que sa distinction entre le “jeu informel” et les “messages” plus formels est apparente pour les jeunes qui peuvent “faire la différence” même si leurs parents en sont incapables [23] ». Ces représentations sont basées sur la conscience de soi aiguë de l’artiste qui comprend sa position d’acteur médiatisé, pensons notamment à l’album au titre explicite de All Eyez On Me de Tupac qui est lui-même issu du milieu du théâtre.
Depuis quelques années, la portée du gangsta rap est ainsi réévaluée comme une intersection entre une conscience de soi aiguë, une esthétique et des propos agressifs et la centralité de la notion d’authenticité qui en ferait une critique postmoderne subversive. Par ses nuances et contradictions conscientes mettant en scène les tensions dramatiques et les paradoxes de l’identité afro-américaine postmoderne, le gangsta rap serait une représentation théâtrale face au récit traditionnel de l’American Dream en vue de dévoiler les failles de la société capitaliste néolibérale. D’après nous, les propos de Saddik doivent cependant être nuancés, car le gangsta rap se prend et se perd souvent dans ce jeu d’équilibre et de personnages, surtout que plusieurs artistes pionniers furent réellement des gangsters [24]. De plus, entre l’intention de l’artiste et les perceptions de son public, la distance peut être grande et les messages risquent d’être pris au pied de la lettre plutôt que comme une critique postmoderne.
Cette approche postmoderne devrait donc être circonscrite à quelques artistes plutôt que d’être perçue comme un cadre d’analyse pour tout le gangsta rap. En ce sens, il ne faudrait pas faire abstraction d’une tranche d’artistes qui pensent et agissent réellement selon un code de gangstérisme, de misogynie et de masculinisme et d’un public qui adhère réellement à ces messages et agit en fonction de ceux-ci, comme le dit clairement Ice-T en entrevue [25]. De plus, sans la conscience de mise en scène satirique, loin d’atteindre son objectif, l’artiste renforce, médiatise et incarne l’objet même de sa critique, d’où les nombreuses réactions conservatrices qui ne voyaient que cet aspect sans nécessairement comprendre les mécanismes subtils de la critique satirique.
2.2.2. Vers le hip-hop conscient ?
Le rap conscient est un sous-genre du hip-hop focalisé sur la création d’une conscience et le partage du savoir. Traditionnellement, les rappeurs conscients décrient la violence, la discrimination et les autres fléaux sociaux. Le genre est soutenu par la conviction que les changements sociaux radicaux sont engendrés par la connaissance de soi et la découverte personnelle [26].
Je dirais que dans quelques années, c’est le seul rap [le rap conscient] qui sera important pour les populations. Les vendeurs de drogue diront « Ouais, on empoisonne nos propres gens » ; les gangbangers, « Ouais, on tue nos propres gens. » Ils réaliseront, ils entendront ce que l’on fait. On essaie seulement de leur faire savoir [27].
Néanmoins, l’hypothèse de Saddik est intéressante, car d’un point de vue historiographique, elle nous permet de trouver dans le gangsta rap les racines du hip-hop conscient, qui, tout en étant critique et politisé, s’est cependant distancié de l’agressivité et de l’attitude réactionnaire de son prédécesseur. Suivant cette logique, le gangsta rap annoncerait le hip-hop conscient d’artistes comme A Tribe Called Quest, Black Star (Mos Def et Talib Kweli), The Roots et Immortal Technique, artistes qui, sans être les plus populaires du hip-hop, sont cependant parmi les plus respectés de la communauté en raison de leur immense talent de emcee et de musiciens et de l’équilibre qu’ils maintiennent entre leur créativité artistique et le contenu conscient et les critiques sociales et politiques qu’ils formulent.
D’après nous, le gangsta rap constituerait en ce sens une étape initiale d’affirmation plus radicale par une attitude de provocation agressive et une affirmation théâtrale peu nuancée. Le style répond alors aux demandes de représentations identitaires des communautés défavorisées qui vivent quotidiennement le gangstérisme, comme en témoigne l’entrevue de Ice-T, tout en répliquant aux conservateurs qui brandissent la menace de la censure, favorisant ainsi paradoxalement l’accélération de sa politisation qui passe rapidement des critiques sociales aux critiques politiques [28]. Le parcours du gangsta rap qui, de style dominant au début des années 1990 devient une simple branche intégrée à la culture hip-hop vers la fin de cette même décennie, témoigne de sa nécessité intrinsèquement liée au milieu et à la période desquels il est issu : entre la censure, les pressions politiques et les milieux défavorisés où le gangstérisme est omniprésent et omnipotent. Aujourd’hui, cette branche tend de plus en plus à n’être qu’une approche stylistique, ayant perdu contact avec son authenticité première où l’agressivité et l’attitude réactionnaire et révolutionnaire étaient réellement ressenties et louangées, pour devenir une véritable mise en scène satirique qui met en exergue les contradictions et tensions comme Saddik le suggérait. L’émergence et la montée en importance des groupes de hip-hop conscient témoigneraient ainsi de l’évolution du contexte social et politique autant que de l’évolution de la culture hip-hop qui adopte de nouvelles tactiques axées sur la prise de conscience personnelle et collective et le partage des connaissances pour engendrer les transformations sociales.
3. Les valeurs, ambiguïtés et contradictions du hip-hop
« Le capitalisme global et la révolution sont comme l’huile dans l’eau, cependant dans le hip-hop, elles sont plutôt des soeurs siamoises [29] ».
3.1. Contradictions internes du hip-hop
La culture hip-hop est porteuse de plusieurs paradoxes et conflits internes qui dévoilent des failles et manquements au sein de la société américaine. Fréquemment, ces contradictions se retrouvent au coeur du discours d’un même artiste. En explorant les principales contradictions et zones grises du hip-hop (essentialisme racialisant, violence, gangstérisme, matérialisme grotesque, misogynie et hypermasculinité) et en les replaçant dans leurs cadres historiographiques, nous comprendrons mieux pourquoi et comment cette culture peut à la fois promouvoir et critiquer ce qui semble être des contradictions fondamentalement irréconciliables.
3.1.1. Entre essentialisme et communauté universelle
L’une des contradictions fondamentales de la culture hip-hop sur laquelle nous reviendrons fréquemment est une analyse des relations sociales et des rapports de pouvoir basée sur un essentialisme racial ou ethnique. Le gangsta rap contribue ainsi, peut-être plus directement que tout autre genre, à la création d’un autre : le Blanc, représenté par le système américain en général, perçu comme l’ennemi auquel il faut résister [30]. Plusieurs artistes véhiculent tout de même un message inclusif par le partage et l’affirmation d’une culture cosmopolite et l’avancement de la culture hip-hop authentique à travers le monde [31]. Comme pour d’autres genres musicaux, cette vision d’une communauté hip-hop ouverte à l’adhésion individuelle est hautement paradoxale. Tout comme la musique reggae, le hip-hop porte en son sein des contradictions internes quant à l’identité collective dont il se fait porteur en véhiculant les idéaux de l’identité afro-américaine et de la localisation spatiale restreinte selon l’origine des artistes : Brooklyn, le West Side, le East Side, Philadelphie, Los Angeles, etc. Comme le suggère Paul Gilroy dans son étude sur la culture et l’identité noires atlantiques, les nouvelles identités discursives devraient avoir comme mission de transcender l’ethnicité et les nationalités pour dépasser l’essentialisme racial binaire [32]. Cependant, la persistance des sentiments d’appartenance et de solidarité ethniques rendent cette quête difficile, voire impossible, tant que persistent les inégalités qui nourrissent ce sentiment.
L’artiste Talib Kweli incarne parfaitement ces contradictions. Alors qu’il propose une identité noire affirmée, il véhicule aussi des discours inclusifs quant à l’adhésion individuelle et à la communauté hip-hop mondiale [33]. Cette situation s’explique par la mission de dénonciation des inégalités et des abus que s’est donnés le hip-hop. Des messages très localisés atteignent ainsi une portée universelle, car tous les opprimés peuvent se reconnaître et s’identifier à ces critiques comme ce fut le cas avec le combat des rastafaris contre le Babylon System ; le même processus opère avec les artistes hip-hop. L’aspect localisé et l’essentialisme ethnique sont ainsi délaissés face à la portée universelle des discours de résistance face aux oppressions et aux inégalités du système.
3.1.2 Dénonciation et glorification du capitalisme
« Le hip-hop n’est peut-être pas transgressif dans le sens traditionnel de contestation au poing levé, toutefois, qu’est ce qui est plus transgressif dans la culture américaine que le succès d’une personne noire dans l’arène économique globale ? » [34].
On constate aussi une tension au niveau des dénonciations du système capitaliste qui côtoient l’apologie et l’étalage du succès et une proximité indéniable avec la commercialisation des produits artistiques. Haupt souligne notamment la réappropriation de la culture hip-hop dominante et de ses sous-cultures plus ombrageuses par des compagnies telles Tommy Hilfiger, Nike ou Fila, expliquant ainsi partiellement les vigoureuses attaques de certains artistes face à cette culture de consommation qui, en plus d’être productrice d’inégalités, ose reprendre la contre-culture issue de ces inégalités pour s’assurer de meilleures ventes [35].
L’importance des critiques économiques dans les discours des artistes hip-hop démontre cependant un dépassement de l’essentialisme ethnique par une compréhension des racines économiques des inégalités qui perdurent. En ce sens, le hip-hop serait à la fois une satire et une critique postmoderne de la nation américaine dont il met en scène les incohérences et les contradictions tout en utilisant à leur plein potentiel les capacités de production et de marchandisation du capitalisme avancé [36]. Comme le suggère Murray, « Quelle affirmation est plus mordante qu’un dentier de platine incrusté de diamants [37] ? » En ajoutant à cette analyse la réappropriation du pouvoir économique par plusieurs artistes qui deviennent producteurs [38], on comprend à quel point la culture hip-hop est porteuse d’une analyse économique des inégalités raciales avec d’un côté un discours d’altérité satirique hautement critique et de l’autre un pouvoir économique nouveau.
Certains éléments de tension semblent toutefois persister malgré l’approche satirique, car comme pour le punk, l’authenticité subversive et contestataire semble avoir été perdue avec la commercialisation. Cependant, il ne faut pas oublier que, malgré la dominance médiatique des vidéoclips à plusieurs millions où le rêve américain est repris et mis en exergue par les artistes hip-hop tels Notorious B.I.G., Snoop Dogg ou 50 Cent, le hip-hop continue de générer des sous-cultures de contestation qui critiquent sévèrement ces représentations stéréotypées et innovent en préservant la sacro-sainte authenticité.
3.1.3. Masculinisme et misogynie
Il est difficile, voire impossible de dissocier entièrement le masculinisme et la misogynie de la culture de gangstérisme, car elle est profondément liée à la représentation et à l’éloge de la violence et de l’hédonisme. Toutefois, ces valeurs ne constituent pas un phénomène récent propre au hip-hop. Steve Estes fait remonter la définition identitaire masculiniste jusqu’aux mouvements des droits civiques et au Black Power, cette culture serait ainsi ancrée depuis fort longtemps dans l’identité afro-américaine [39]. Cornell West et Phillip Brian Harper y voient même une reproduction des mythes d’hétérosexisme, de masculinité et de l’identité patriarcale américaine, récits qui ne seraient pas seulement spécifiques aux Afro-Américains : nous n’avons qu’à penser à l’image mythique du cowboy.
Aussi, ce manque de respect pour les femmes est déjà sévèrement critiqué par les artistes de l’époque : « On ne doit pas manquer de respect envers la femme noire, ou envers aucune autre femme d’ailleurs, car chaque femme possède le potentielle de mettre un Dieu au monde. Personne ne devrait faire ce qu’ils font aux femmes noires, dans la musique, dans la rue, ce sont des violations [40] ». Cependant, cette critique ne s’interroge pas en profondeur sur la prédominance d’une identité fondée sur l’éloge du masculinisme et de l’hétérosexualité noire qui laisse de côté les femmes, les homosexuels, les transgenres, les personnes âgées et les handicapés [41]. Ajoutons que malgré l’attitude misogyne des artistes du gangsta rap qui nomment les femmes qu’ils ne peuvent obtenir bitches, ils adoptent une attitude de vénération et de respect sacro-saint envers leurs mères, ajoutant ainsi à l’incohérence de leurs propos [42]. Notons que le groupe de hip-hop conscient The Roots critique sévèrement cette culture misogyne dans un manifeste de 12 minutes narré à la première personne par une voix féminine aux accents robotiques déshumanisées en dénonçant la violence conjugale et les abus sexuels dans l’album Things Fall Apart (1999) [43].
D’autre part, de récentes études portant sur les représentations et récits de la sexualité dans vingt-sept pages web personnelles d’adolescentes afro-américaines dévoilent un portrait nuancé. Effectivement, loin d’être unilatéral ou dominant, l’impact de la culture hip-hop et de la misogynie caractéristique du gangsta rap ne semble être qu’un facteur médiatique parmi tant d’autres jouant dans la définition de l’identité sexuelle des jeunes afro-américaines. Plutôt que l’approche traditionnelle de réaction, de stigmatisation et de censure face aux représentations jugées immorales de la femme noire dans la culture hip-hop, Stokes propose une alternative qui mettrait fin à la vision de la femme noire comme une consommatrice culturelle passive dans le processus de définition sexuelle. Elle suggère qu’une éducation sexuelle ne peut être efficace que si elle prend en compte les représentations médiatiques dominantes et leurs significations et impacts réels dans la vie des jeunes Afro-Américaines face aux représentations des proches, des parents et, plus largement, de la culture noire américaine [44]. L’étude de Gwendolyn G. Pough sur l’espace accordé au féminisme dans le hip-hop témoigne de cette nouvelle approche favorisant le rôle actif continu des femmes et du féminisme au sein de la culture hip-hop [45]. Les tendances académiques rejoignent ici l’attitude du hip-hop conscient en visant à stimuler la prise de conscience et le partage de connaissances plutôt que la répression, témoignant ainsi de l’avant-gardisme du hip-hop conscient qui précède ces nouvelles tendances académiques.
3.1.4. Violence et gangstérisme
Au demeurant, l’attitude misogyne et masculiniste associée au hip-hop est renforcée par la glorification et l’approche mythique, presque romantique, du crime organisé, de la mafia et du gangstérisme, perçus comme une stratégie de survie et un acte subversif contre le système américain oppressif. Toutefois, cette approche fait surtout référence au gangsta rap qui témoigne des interactions quotidiennes de ces artistes avec la violence et le gangstérisme [46]. Dès le milieu des années 2000, l’approche postmoderne qui favorise l’étude du gangsta rap comme des discours rebelles et subversifs est enrichie par des publications qui replacent la marginalité et la défiance « officialisée et normalisée » du hip-hop dans un contexte d’association persistante aux discours de transgression racialisés en tensions continues avec sa marchandisation accrue et son intégration à la culture de consommation de masse [47].
Toutefois, les paradoxes sont nombreux et peuvent porter à confusion : ces artistes déclarent ouvertement jouer un rôle (notamment Snoop Dogg et Ice Cube), tout en se déclamant authentiques, la distance entre satire et réalité est ainsi constamment brouillée. La conscience de la nature performative de leur art et du rôle qu’ils assument supposerait une identité complexe, enfouie par couches successives et une capacité, voire une nécessité d’assumer un rôle puissant empli de style, de dignité et d’authenticité [48]. L’attitude du gangster ou du proxénète nouveau riche est donc tout indiquée de par son caractère subversif à plusieurs niveaux ; succès économique et masculinité noire doublée d’une apologie du crime. Toutefois, malgré la richesse de ces approches, elles nous informent surtout sur la perception du public et font abstraction des milieux sociaux desquels les artistes sont issus. Comme le mentionne Ice-T, à l’origine, les gangsta rappers tiennent des propos violents et misogynes car c’est leur réalité quotidienne et, par devoir d’authenticité, ils doivent représenter ce mode de vie.
3.2. La notion d’authenticité
Sans aucun doute, la valeur la plus fondamentale du hip-hop, celle qui est au coeur même du rôle du emcee, qui assure la cohésion culturelle malgré ses nombreux paradoxes et qui permet un renouvellement constant du genre, est la notion d’authenticité. L’authenticité réfère au lien unissant l’artiste à son lieu d’origine, à son histoire, à son public, à son ethnie, à sa classe, à sa « nature véritable » et à sa mission première de représentation honnête et pure qui est le fardeau de tout emcee. Ces artistes aux responsabilités de conscience et de critique sont ainsi érigés et respectés en tant que véritables Prophets of the Hood puisqu’ils sont la voix et l’âme des communautés desquelles ils sont issus [49]. Néanmoins, la notion d’authenticité est souvent mal comprise, autant par les critiques musicaux et les compagnies de disques que par les intellectuels et les muséologues.
L’authenticité est souvent opposée de manière réductrice aux nouveaux genres commerciaux et aux tentatives d’imitations et de reprises. Elle est centrale dans les discours de plusieurs artistes, principalement dans leurs discours introductifs, notamment chez RZA de Wu-Tang Clan [50]. Les commentaires des critiques musicaux se nourrissent ainsi des réactions de certains artistes qui voient leurs styles imités et leurs enregistrements repris. La réaction première est évidemment la dénonciation et le rejet de ces nouveaux artistes : « Hey yo, à tous ceux négros qui pensent devenir des emcee instantanément, vous saisissez, sortez de ce putain de rêve, mec. Ça prend des années pour ça ». L’opposition binaire entre l’authenticité et l’imitation suit inévitablement : « Plusieurs négros essaient de faire du hip-hop et font cette merde de r&b-rap et d’autres saletés, vous saisissez—ou ils font cette merde de funk. Fuck that. Ce qu’on fait ici c’est du vrai emceeing, c’est le hip-hop… Wu-Tang vous l’apporte dans sa forme la plus pure [51] ».
Cette vision rigide critiquée et démystifiée par Nikki Lee dans une série de clichés a le désavantage de rompre le lien de réciprocité entre la communauté et la culture hip-hop en rendant l’artiste responsable de maintenir une tradition fixe et une pureté fictive du genre. Cette tradition, que l’on retrouve dans les termes récurrents the roots of hip-hop et true hip-hop, renforcerait cette image d’intemporalité et de fermeture aux changements qui témoigne d’une dangereuse nostalgie d’un passé glorieux qui pourrait empêcher le renouvellement du hip-hop en le coupant de son énergie et de sa vitalité. Selon cette vision, plutôt qu’une évolution continuelle et qu’une symbiose entre communauté et représentation artistique, les artistes se verraient contraints de représenter et maintenir virtuellement un standard culturel par la pratique de ce qu’ils considèrent comme le hip-hop authentique.
L’un des objectifs de cette approche est néanmoins viable, car en maintenant cette pureté et cette authenticité, la culture hip-hop telle que présentée par le groupe RZA est censée exister tant et aussi longtemps que la culture qui l’a vue naître existe. Ainsi, ce qui semble de prime d’abord une contradiction qui fixe le hip-hop sur ses positions incite dans les faits le emcee à évoluer avec son public et, par extension, présuppose que les nouveaux emcees ont la mission de représenter à leur tour leurs générations, permettant ainsi un renouvellement constant de la culture hip-hop. Les objectifs de dénonciation des inégalités et de représentation de la communauté d’origine sont ainsi préservés face aux pressions externes. Selon Heath, plus qu’une simple dénonciation des faibles imitations et reprises, RZA suggère donc à la communauté hip-hop le remède de l’expérimentation et du renouvellement des modes d’expression pour maintenir sa vitalité culturelle [52], processus interne rendu possible grâce à la proximité critique avec la communauté autour d’espaces de discussion [53].
En définitive, la notion d’authenticité serait le moteur de la vitalité culturelle et artistique du hip-hop. Toutefois, et c’est là où elle peut devenir néfaste, l’authenticité n’est pas nécessairement perçue sous cette forme. La tendance à la division binaire du genre entre authentique et imité et entre artistes originaux et produits culturels est présente chez plusieurs artistes, critiques musicaux populaires, institutions académiques et corporations et institutions multinationales, ajoutant à cette vision critique mal interprétée un poids intellectuel, politique et commercial. Un débat fictif basé sur une division imaginée se construit par la suite, empêchant toute discussion ou réflexion commune sur la formation et l’évolution des communautés au travers des échanges culturels alors que c’est là l’objectif premier de l’authenticité pour plusieurs emcees et, surtout, que c’est là où doit se diriger le hip-hop en tant que culture universellement partagée.
4. Une satire des mythes américains ?
Il ressort de notre analyse que la majorité des traits généralement associés à la culture hip-hop seraient directement inspirés de la culture américaine dominante. Ainsi, la guerre culturelle du hip-hop s’explique en grande partie par cette particularité où, lorsque ces mythes nationaux sont repris, glorifiés et critiqués par les populations afro-américaines, ils sont perçus comme une menace par les tenants du récit traditionaliste des États-Unis [54]. Le danger pour le mythe américain qu’identifient certains conservateurs se situe dans l’exhibition exagérée de certains symboles nationaux fondamentaux tels la masculinité, la richesse et le succès : « George analyse l’hypocrisie du rêve américain dans les termes de la culture hip-hop en nous rappelant que les valeurs qui soutiennent le matérialisme exacerbé du hip-hop, la conscience des marques, l’iconographie des armes, l’anti-intellectualisme—et à cela j’ajouterais la misogynie—sont plus largement des sous-produits de la culture américaine » [55].
4.1. Failles du récit national américain
« L’une des plus importantes menaces aux valeurs familiales américaines se situe dans la manière dont la culture populaire les ridiculise […] Je crois que nous avons atteint un point où notre culture populaire menace de miner notre caractère national [56]. »
« White, brown, yellow and black colored is not restricted—You have a self destructive destiny when you’re inflicted [57]. »
Les représentations récurrentes des problèmes socioéconomiques et des inégalités ethniques caractéristiques du hip-hop s’expliqueraient ainsi par une faille fondamentale du récit national américain. Ce récit, voulant que l’État soit le défenseur des libertés individuelles, de la démocratie, du droit à la propriété et de la loi, décontextualise en fait les inégalités ethniques de leurs cadres socioéconomiques et culturels liés aux rapports de pouvoir qui sont cachés et protégés par ce même récit national, dépolitisant ainsi ces questions. Selon le prisme de l’idéal du succès américain, la faute des échecs revient aux individus, particulièrement à ceux-là mêmes qui résistent au récit national [58]. Ainsi, malgré la phase d’affirmation réactionnaire et malgré les débats politiques autour du gangsta rap, le récit traditionnel américain est demeuré largement inchangé et inflexible grâce à la marginalisation opérée par les élites conservatrices face aux récits subversifs du gangsta rap, évitant ainsi de réinscrire les inégalités dans leurs cadres historiques, socioéconomiques et culturels.
L’une des missions premières du hip-hop semble donc être de réinscrire les inégalités dans un récit qui représente plus directement les réalités sociales, ethniques, économiques et culturelles des populations desquelles il est issu. L’art sert alors à combler un vide laissé par le récit national auquel n’adhèrent que partiellement les populations victimes d’inégalités qui sont laissées de côté par la prospérité et le récit glorieux du mythique succès américain. L’attachement et la popularité du gangsta rap ou du hardcore rap s’explique alors facilement, car c’est la seule mise en récit de leur quotidien qui est représentative et accessible. C’est pourquoi la culture hip-hop se donne comme mission de mettre en scène des inégalités jusqu’alors effacées et aplanies par le discours national dominant où les inégalités collectives sont justifiées par le primat du droit individuel et où le politique se décharge de ses responsabilités sur l’institution juridique, rendant ainsi toute contestation collective impossible, surtout dans un contexte d’inégalités d’accès à l’éducation et à la richesse doublée d’un racisme culturel et institutionnalisé rendant l’accès à la justice presque impossible [59].
Selon cette approche, le mode d’expression réactionnaire que constitue le gangsta rap ne doit pas être banni comme immoral comme le suggèrent les critiques conservatrices, il doit plutôt être vu comme une dénonciation symptomatique des réalités qui perdurent : « Aussi, la violence juvénile existait avant l’apparition du gangsta rap. Tucker, Bole, Bork et les autres demeurent pourtant silencieux sur la nature corrosive et perverse de la pauvreté, du désespoir et de la misère dans les communautés urbaines qui produisent le genre de paroles que l’on retrouve dans le gangsta rap, paroles qui décrivent justement ces pathologies sociales [60] ». L’artiste YoYo dénonce à juste titre la censure qui évite la source réelle du problème : « Les rappeurs sont le produit des États-Unis. Attaquez le monde dans lequel les rappeurs vivent et non les mots qu’ils utilisent pour le décrire [61] ». Tupac Shakur, artiste proéminent du gangsta rap, célèbre en raison de son talent d’artiste, de sa personnalité complexe et controversée et de sa mort fortement médiatisée dans une fusillade en 1996, énonce une opinion similaire en entrevue lorsque questionné sur le sujet : « Si ces gens se préoccupaient vraiment de la protection des enfants comme ils le prétendent, ils passeraient plus de temps à essayer d’améliorer les conditions des ghettos dans lesquels ces enfants grandissent [62] ». Le même constat revient chez l’artiste de hip-hop conscient latino-américain Immortal Technique qui dénonce les inégalités de la société capitaliste américaine qui poussent souvent les plus démunis à la criminalité : « A feeble-minded young man with infinite potential—The product of a ghetto-bred capitalistic mental—Coincidentally dropped out of school to sell weed [63] ».
Un aspect qui n’est toutefois pas soulevé par ces artistes est qu’en étant perçus comme extérieurs au récit national américain, en étant vus comme une contestation directe, une critique, voire une attaque aux valeurs américaines, les discours du gangsta rap ont été marginalisés avec succès. Le récit national américain n’aurait donc pas été aussi fortement ébranlé qu’on l’aurait cru, car la méthode employée a été trop radicale et trop réactionnaire pour pouvoir le modifier profondément de l’intérieur, objectif que le hip-hop conscient semble s’être fixé en adoptant une approche plus alternative et informative que subversive et confrontationnelle.
4.2. Engagement, glorification et critique
Comme nous l’avons abordé précédemment, loin d’être une exception ou un rejet unilatéral des valeurs américaines, la représentation de la société américaine offerte par le gangsta rap témoigne d’un engagement des jeunes noirs avec le récit national. La révision de ce récit par la culture hip-hop soulève ses incohérences, ses contradictions et son décalage par rapport aux communautés afro-américaines des centres urbains. Le gangsta rap n’est finalement qu’une manifestation inévitable d’une culture qu’il envie, glorifie, amplifie et critique à la fois [64]. L’avantage de cette approche est que l’identité proposée par la culture hip-hop n’est plus perçue comme « externe » et « en contradiction » avec le récit national dominant. Au contraire, elle est influencée, voire produite par ce récit dont elle dévoile les tensions, insuffisances et contradictions. Toutefois la forme par trop réactionnaire et subversive du gangsta rap a facilité une attitude d’inflexibilité et un backlash conservateur qui a permis, de concert avec les compagnies de disque, de marginaliser le gangsta rap et de l’associer à une frange radicale.
Cette projection identitaire se ferait donc en réaction aux pressions d’un milieu hostile dont les artistes se réapproprient les grandes lignes narratives à leurs propres fins, se faisant ainsi miroir exemplifié et amplifié de la culture américaine. La représentation excessive de certains symboles par le gangsta rap dénoncerait ainsi l’hypocrisie du rêve américain qui se cache normalement derrière une esthétique plus subtile et moins ouvertement ostentatoire de la richesse, de la misogynie et de la violence. L’engagement du gangsta rap avec le récit américain semble néanmoins n’avoir été compris que par une communauté intellectuelle et artistique. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, leurs critiques ont été marginalisées avec succès, laissant le récit national globalement intouché. Ainsi, l’émergence et la popularité grandissante du hip-hop conscient à l’échelle globale permettra peut-être le dépassement de cette tendance à la marginalisation des discours alternatifs et critiques.
Le hip-hop conscient comme alternative critique engagée
Au final, la culture hip-hop semble tout de même avoir réussi à s’extirper des définitions identitaires réactionnaires violentes et des dichotomies simplificatrices pour se redéfinir par une approche consciente, critique et informée de la société américaine. L’émergence du hip-hop conscient témoignerait ainsi de l’esquisse d’un nouveau mode de définition identitaire recentré sur le vécu individuel et collectif des artistes et des auditeurs qui réaffirme l’importance d’une critique plus nuancée basée sur une compréhension profonde et informée des dynamiques complexes de la société américaine où l’acteur a un rôle clé dans sa propre construction identitaire. Cette nouvelle approche narrative témoigne aussi de l’évolution des récits identitaires américains qui rompent graduellement avec l’essentialisme racial de la totalité pour concevoir leurs identités au confluent des concepts d’ethnie, de situation socio-économique, de genres et de différences culturelles et religieuses pour proposer, à travers le hip-hop, des récits assumés fièrement comme alternatifs avec toutes leurs complexités, divergences, ouvertures, flexibilités et adaptabilités qui reflètent les interactions complexes, influences mutuelles et l’évolution des différentes communautés. En portant attention aux messages des groupes de hip-hop conscient, on peut ainsi accéder à tout un réseau de critiques et d’alternatives sociales doublement engagées : engagées émotionnellement et historiquement dans les récits nationaux et engagées en tant qu’art porteur de messages sociaux et d’appels à l’action.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Sur l’origine de la culture hip-hop, voir Ice-T en entrevue avec B. Cross, « Diamond in the Back, Sunroof Top... » Grand Street, n° 46 (1993), p. 92 et R. S. Heath, « True Heads: Historicizing the Hip-Hop “Nation” », dans « Context », Callaloo, vol. 29, n° 3, Hip-Hop Music and Culture, (2006), p. 846.
-
[2]
Pour un bref aperçu des questions politiques, référer à T. Rose, The Hip-hop Wars, Philadelphia, Basic Books, 2008, 308 p. Pour un aperçu historiographique de la littérature sur le hip-hop, référer à R. S. Heath, « True Heads… », p. 846 et pour un aperçu des problématiques liées à la muséologie et à l’institutionnalisation du hip-hop, se référer à D. C. Murray. « Hip-Hop vs. High Art: Notes on Race as Spectacle », Art Journal, vol. 63, n° 2 (2004), p. 4-19.
-
[3]
R. S. Heath, « True Heads... », p. 849 et 859.
-
[4]
A. J. Saddik, « Rap’s Unruly Body: The Postmodern Performance of Black Male Identity on the American Stage » TDR (1988-), vol. 47, n° 4 (2003), p. 120 (traduction libre).
-
[5]
Black Moon, « I Got Cha Opin », Enta Da Stage, Wreck Records, 1993, cité par R. D. G. Kelly, « House Negroes on the Loose: Malcolm X and the Black Bourgeoisie » Callaloo, vol. 21, n° 2, Emerging Male Writers: A Special Issue, Part II (1998), p. 419, citation originale en langue anglaise : « I gotta represent the real niggas-The field niggas. »
-
[6]
P. Gilroy, The Black Atlantic: Modernity and Double Consciousness, Cambridge, Harvard University Press, 1993, 280 p. et P. Gilroy, Against Race, Belknap, Harvard University Press, 2001, 406 p.
-
[7]
R. S. Heath, « True Heads... », p. 860.
-
[8]
J. G. Spady et Talib Kweli, « The Fluoroscope of Brooklyn Hip Hop: Talib Kweli in Conversation », Callaloo, vol. 29, n° 3, Hip-Hop Music and Culture (2006), p. 1004 -1005 (traduction libre).
-
[9]
D. C. Murray, « Hip-Hop vs. High Art... », p. 8.
-
[10]
J. G. Spady et Talib Kweli, p. 994.
-
[11]
Référer à T. Rose, The Hip-hop Wars…
-
[12]
Ibid. p. 95 (traduction libre).
-
[13]
L’un des meilleurs exemples de cette condamnation unilatérale est qu’en réponse aux pressions du sénateur Bob Dole et de groupes d’intérêts dont une des figures de proue est Dolores Tucker, présidente du National Political Congress of Black Women, Time Warner vend ses parts de 50 % de Interscope Records, le label accusé le plus ouvertement de promouvoir un gangsta rap jugé immoral.
-
[14]
J., O. G. Ogbar, « Slouching toward Bork: The Culture Wars and Self-Criticism in Hip-Hop Music », Journal of Black Studies, vol. 30, n° 2 (1999), p. 166-167.
-
[15]
Concernant les notions de guerre d’histoire publique et de backlash conservateur, référer à A. Paul et P. Hamilton, « ‘Unfinished Business’: Public History in Postcolonial Nation », dans D. J. Walkowitz et L. Maya Knauer, dir., Contested Histories in Public Space, Durham, Duke University Press, 2009, p. 122-135 et P. J. Robert, « Reading History Curriculum as Postcolonial Text: Towards a Curricular Response to the History Wars in Australia and Beyond », Curriculum Inquiry, 37, 4 (2007), p. 383-400.
-
[16]
A. J. Saddik, « Rap’s Unruly Body... », p. 112.
-
[17]
Dans un article de 1992 paru dans la revue Off Our Backs, le soutien de la célèbre Sister Souljah à cette vision essentialiste du conflit démontre que cette perspective est assez répandue. ALH, « Sister Souljah›s been getting a lot of bad rap », Off Our Backs, vol. 22, n° 6 (1992), p. 5.
-
[18]
Ice-T en entrevue avec B. Cross, p. 92.
-
[19]
Ibid., p. 166 et 168. L’auteur fait notamment référence aux critiques internes du milieu concernant le gangsta rap et le mobster rap qui lui succède, qui font l’objet de plusieurs critiques par les artistes qui y voient un détournement du hip-hop pour en faire un produit haineux ou une marchandisation pervertie, matérialiste et narcissique à l’image du nouveau riche.
-
[20]
J. O. G. Ogbar, « Slouching toward Bork... », p. 181.
-
[21]
Notamment N.W.A., Ice-T, Snoop Dogg et Ice Cube. Ces deux derniers font partie des artistes les plus controversés par leurs propos misogynes et leurs critiques sociales pourtant conscientes qui prônent la libération de l’homme noir. Cette attitude souligne une misogynie sous-jacente par l’absence, ou la dégradation de la femme noire dans plusieurs compositions et la libération de l’homme et non du peuple noir. Ces artistes permettent aussi de comprendre la distance entre leurs personae de scène de gangsters qui contraste avec leurs réalités matérielles et familiales. Ice Cube, issu d’une famille de classe moyenne, n’a jamais trempé dans le crime organisé et comme Snoop Dogg, il est père de famille et habite un quartier tranquille. Dans leurs personae de scène, ils véhiculent tout de même les valeurs propres au gangsta rap : trafic de drogues, meurtre, oppression ou exploitation des femmes, tout en acceptant l’argent des compagnies de disques. À ce sujet, voir les articles de J. O. G. Ogbar, A. J. Saddik et de D. A. McBride, « Can the Queen Speak? Racial Essentialism, Sexuality and the Problem of Authority », Callaloo, vol. 21, n° 2, « Emerging Male Writers: A Special Issue », Part II (Spring, 1998), p. 363-379.
-
[22]
Jay-Z, Notorious B.I.G, Junior M.A.F.I.A, Puff Daddy, etc.
-
[23]
A. J. Saddik, « Rap’s Unruly Body... », traduction libre, p. 110-112.
-
[24]
Notamment Ice-T, Notorious B.I.G., Tupac Shakur et plusieurs autres.
-
[25]
Ice-T en entrevue avec B. Cross, « Diamond in the Back… », p. 92.
-
[26]
H. Adaso, « What is Conscious Rap? », About.Com, Rap/Hip-Hop, traduction libre, [En ligne], http://rap.about.com/od/genresstyles/p/ConsciousRap.htm (consulté le 23 mai 2014).
-
[27]
Michael Mix’xinMoor en entrevue avec B. Cross, « Diamond in the Back… », p. 101 (traduction libre).
-
[28]
M. McDaniel en entrevue avec B. Cross, « Diamond in the Back… », p. 95.
-
[29]
D. C. Murray, « Hip-Hop vs. High Art... », p. 5 (traduction libre).
-
[30]
Sur la notion de définition de l’identité noire par l’attitude réactionnaire, voir J. Jones dans T. Rose, A. Ross et al. « Race and Racism: A Symposium » dans Social Text, n° 42 (1995), p. 11.
-
[31]
R. S. Heath, « True Heads… », p. 846 et p. 858.
-
[32]
P. Gilroy, The Black Atlantic: Modernity and Double Consciousness… et P. Gilroy, Against Race....
-
[33]
J. G. Spady et Talib Kweli, p. 1006.
-
[34]
D. C. Murray, « Hip-Hop vs. High Art... », p. 5 (traduction libre).
-
[35]
A. Haupt, « Hip-Hop, Gender and Agency in the Age of Empire », Agenda, n° 57, Urban Culture (2003), p. 21.
-
[36]
A. J. Saddik, p. 113.
-
[37]
D. C. Murray, « Hip-Hop vs. High Art... », p. 10 (traduction libre).
-
[38]
Notamment Puff Daddy, Master P. ou Jay Z.
-
[39]
S. Estes, I am a man! Race, manhood, and the civil rights movement, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2005.
-
[40]
Michael Mix’xinMoor en entrevue avec B. Cross, « Diamond in the Back... », p. 101 (traduction libre).
-
[41]
Sur l’homosexualité noire, voir D. A. McBride, « Can the Queen Speak?... », p. 363-379.
-
[42]
Ganxsta Red et Godfather (membres de Boo-Yaa T.R.I.B.E.) en entrevue avec B. Cross, « Diamond in the Back… », p. 97.
-
[43]
The Roots, « The Return to Innocence Lost », Things Fall Apart, MCA, 1999.
-
[44]
C. E. Stokes, « Representin' in Cyberspace: Sexual Scripts, Self-Definition, and Hip Hop Culture in Black American Adolescent Girls' Home Page », Culture, Health & Sexuality, vol. 9, n° 2 (2007), p. 169-184.
-
[45]
G. D. Pough « What It Do, Shorty? » Black Women, Gender + Families, vol. 1, n° 2 (2007), p. 78-99.
-
[46]
Ice-T en entrevue avec B. Cross, p. 92.
-
[47]
D. C. Murray, p. 5.
-
[48]
A. J. Saddik, « Rap’s Unruly Body... », p. 123.
-
[49]
E. Perry, Prophets of the Hood, Politics and Poetics in Hip Hop, Durham, Duke University Press, 2000, 236 p.
-
[50]
R. S. Heath, « True Heads… », p. 855.
-
[51]
Les deux dernières citations sont tirées du manifeste de RZA sur l’album Wu-Tang Forever (1997), disque 2, piste 01, cité par R. S. Heath, « True Heads… », p. 855 (traduction libre). Citation originale en langue anglaise : « Hey yo, and to y’all niggas who think you gon’ become an emcee overnight, youknowwhatimsayin, you better snap out that fuckin’ dream, man. It takes years for this. A lot of niggas try to take hip-hop and make that shit R&B-rap and bullshit, you know what im sayin -or make that shit funk. Fuck dat. This is emceeing right here; this is hip hop... Wu-Tang gon » bring it to you in the purest form. »
-
[52]
R. S. Heath, « True Heads... », p. 856.
-
[53]
R. S. Heath, « Hip-Hop Now: An Introduction », Callaloo, vol. 29, n° 3, Hip-Hop Music and Culture (2006), p. 714.
-
[54]
C. West, Race Matters, New York, Vintage Books, 1994, p. 128 et G. Nelson, Hip Hop America. New York : Penguin Books, 1998, p. 110.
-
[55]
Ibid., p. XII (traduction libre).
-
[56]
Bob Dole, candidat républicain à la présidentielle, Los Angeles Speech, May 31, 1995.
-
[57]
Immortal Technique, « Dance With the Devil », Revolutionary vol. 1., Viper Records, 2001.
-
[58]
M. E. Dyson dans « Race and Racism: A Symposium », p. 13.
-
[59]
Voir le livre au titre évocateur de P. Butler, Let’s get free : a hip-hop theory of justice, New York, New Press, 2009, 214 p. qui propose une justice alternative compréhensive du milieu et du vécu collectif et individuel.
-
[60]
J. O. G. Ogbar, « Slouching toward Bork... », p. 175 (traduction libre).
-
[61]
S. Pfeiffer, Stop the witch hunts! Establishment organizations should fight conditions youth live in, not rap. The R.O.C., 1996, cité par J. O. G. Ogbar, « Slouching toward Bork... », p. 178 (traduction libre).
-
[62]
C. Philips, « A Time Warner profit from rap music is rejected ». Los Angeles Times, (1996), p. DI, D5., cité par J. O. G. Ogbar, « Slouching toward Bork... », p. 179.
-
[63]
Immortal Technique, « Dance With the Devil », 2001.
-
[64]
A. J. Saddik, « Rap’s Unruly Body... », p. 115.