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Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) rend accessible à tous les citoyens près de 33 kilomètres de documents judiciaires répartis dans ses 10 centres conservant des archives. Leur acquisition structurée, débutée à la fin des années 1980, est le fruit d’un important travail d’évaluation archivistique.
À l’époque, l’espace de plus en plus restreint dans les palais de justice et l’entrée en vigueur de la Loi sur les archives ont donné l’impulsion à ces réflexions. Le corpus à évaluer avait une ampleur herculéenne : les documents produits par tous les tribunaux judiciaires, de la Nouvelle-France aux années 1980, correspondaient à environ 74 kilomètres de documents textuels répartis dans des dizaines de lieux de conservation à travers le Québec. Ces travaux ont mené à l’adoption des premiers calendriers de conservation des tribunaux judiciaires dont les dispositions finales furent appliquées progressivement dans les années 1990.
Aujourd’hui, la transformation numérique et la nécessité de mettre à jour les outils de gestion de l’information, en plus des responsabilités attribuées par la Loi sur les archives à BAnQ et aux tribunaux judiciaires, sont le moteur de nouvelles réflexions concernant les calendriers de conservation. Le corpus analysé est constitué d’informations encore actives et consignées sur des supports analogiques, sauf quelques exceptions. Le volume d’informations créé par l’activité judiciaire reste impressionnant : c’est plus de 500 000 causes qui sont ouvertes chaque année dans les palais de justice du Québec.
L’évaluation des informations produites par les tribunaux réalisée par les Archives nationale du Québec s’inspire notamment de la théorie de la macro-évaluation. Ce type d’évaluation étudie les missions assurées par une ou plusieurs organisations, puis dans un deuxième temps s’intéresse aux différents processus et enfin aux documents produits dans le cadre d’une même fonction.
Bien que la macro-évaluation réoriente l’évaluation en la faisant passer du document vers son contexte de création, l’examen des documents reste l’étape définitive primordiale. Cette analyse de contenu informationnel produit par les tribunaux s’appuie sur le cadre conceptuel des Archives nationales du Québec. Celui-ci comprend six dimensions regroupant chacune des critères qui leur sont propres, soit la représentativité, la rareté, la preuve crédible, la communicabilité, l’exploitabilité et le contexte organisationnel.
Au cours des prochaines années, le ministère de la Justice et les tribunaux poursuivront la transformation numérique du système de justice québécois. Ce chantier d’envergure modifiera en profondeur la façon de créer et de gérer l’information judiciaire. Il s’agit d’un véritable changement de culture qui interpelle les Archives nationales du Québec dans leur rôle d’aide-conseil auprès des organismes publics en matière de gestion de l’information.
Les enjeux de cette transformation sont majeurs. En voici quelques exemples :
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l’interprétation de la notion de propriété de l’information dans un contexte où les mêmes données sont réutilisées dans une multitude de processus et par divers organismes ;
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la gestion efficace d’une masse d’informations créées de manière très décentralisée, à la fois analogiques, nées numériques et migrées ;
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l’identification adéquate des informations ayant le plus de valeur pour y mettre plus de ressources ;
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le maintien de l’intégrité et de l’authenticité des informations nées numériques devant être migrées vers d’autres formats à court, moyen et long terme ;
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les profils de métadonnées, notamment pour maintenir un lien compréhensible entre les informations créées et pouvoir les gérer efficacement tout au long de leur existence et de leur contexte de gestion.
La transformation numérique en cours modifie le paradigme de gestion des informations judiciaires et interpelle une plus grande diversité d’acteurs, de connaissances et de compétences. Les Archives nationales du Québec participent à ces réflexions auprès des créateurs et gestionnaires des informations judiciaires. En plus de favoriser une gestion plus efficace et de collaborer à rendre la justice plus accessible aux citoyens, ces travaux contribuent à constituer la mémoire judiciaire pour les générations futures.