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Prix Lionel-Groulx-Fondation-Yves-Saint-Germain
DUCHARME, Michel, Le concept de liberté au Canada à l’époque des révolutions atlantiques, 1776-1838, Montréal/Kingston/Londres/Ithaca, McGill Queen’s University Press, 2010, 350 p.
Michel Ducharme nous offre ici le premier schéma interprétatif global permettant d’aborder l’histoire intellectuelle et politique de la période dite des révolutions atlantiques, soit de la Révolution américaine de 1776 aux rébellions de 1837-1838. Depuis la parution de ce remarquable ouvrage, aucun historien ne peut se pencher sur cette époque en faisant abstraction de l’antagonisme, brillamment mis au jour par Ducharme, entre deux formes de libertés certes concurrentes, mais qui n’en sont pas moins toutes deux issues du mouvement des Lumières et du rejet de l’absolutisme.
En mettant la période sous le signe de l’opposition entre les libertés moderne et républicaine, dont chacune renvoie à des conceptions différentes de l’État, de l’ordre social et de l’individu, l’auteur parvient à insérer de façon convaincante l’expérience canadienne, et particulièrement les troubles de 1837-1838, dans le cadre d’un monde atlantique où s’entrelacent les influences françaises, britanniques et américaines. En dévoilant le ressort idéologique des nombreux débats politiques et sociaux de la période, il contribue de plus à éclairer les fondements de l’État libéral qui s’impose au Canada après l’échec des rébellions et la défaite conséquente des forces républicaines.
Doté d’une thèse forte propre à susciter des réactions au sein de la communauté historienne, richement documenté et battant fièrement le pavillon de l’histoire intellectuelle, l’ouvrage s’inscrit avec originalité dans le grand chantier d’étude du libéralisme ouvert depuis quelques décennies au Canada et au Québec. En définissant un cadre théorique pour la compréhension d’une des périodes les plus complexes de notre histoire, en ajoutant littéralement une strate interprétative à notre lecture des événements, le livre de Michel Ducharme s’impose d’ores et déjà comme un incontournable de l’historiographie de l’Amérique française.
Prix Louise-Dechêne
HENDERSON, Jarett, Uncivil subjects : Metropolitan Meddling, Conditional Loyalty, and Lord Durham’s 1838 Administration of Lower Canada, doctorat (histoire), Université York, Toronto, 2010, 428 p.
Dans sa thèse de doctorat soutenue en septembre 2010, Jarett Henderson reprend un sujet à propos duquel les historiens croyaient sans doute avoir tout dit et tout écrit: la visite éclair dans la colonie et le court régime de John George Lambton, Lord Durham, en 1838. Partant du constat selon lequel on a accordé jusqu’ici beaucoup plus d’attention au rapport de Durham qu’au mandat et à la mission qui lui ont été confiés, Henderson propose une interprétation originale, et par-là courageuse, d’un point d’histoire qui continue de nos jours à susciter des passions.
À travers de constants va-et-vient entre les scènes coloniale et impériale, Henderson examine la réception faite à lord Durham lors son bref séjour dans la colonie et l’horizon d’attente qui entourait son administration, tout en montrant à quel point la rédaction du Report on the Affairs of British North America a été conditionnée par les débats qui avaient cours à ce moment au sein de l’Empire concernant les droits politiques, sociaux et culturels qu’il convenait d’accorder aux différents sujets britanniques. Prenant en compte l’expérience concrète que Durham avait de l’Empire et les jugements posés par les uns et les autres sur son entourage, l’auteur intègre habilement à son étude la perspective genrée tout en rejoignant le champ en plein essor de la « nouvelle histoire de l’Empire ».
Tirant parti d’une vaste documentation en français et en anglais, écrite dans un style dynamique, la thèse d’Henderson montre la voie à suivre à quiconque souhaite renouer avec l’histoire politique sans pour cela sacrifier les acquis de l’histoire sociale ou renoncer à la fraîcheur de l’histoire culturelle.
Prix de l’Assemblée nationale du Québec
MARTEL, Marcel et Martin PÂQUET, Langue et politique au Canada et au Québec. Une synthèse historique, Boréal, Montréal, 2010, 335 p.
Le Prix de l’Assemblée nationale est décerné cette année au livre de Marcel Martel et Martin Pâquet, Langue et politique au Canada et au Québec. Une synthèse historique (Boréal). Ce livre s’est imposé au jury à la fois par son objet, les enjeux linguistiques dans l’espace canadien depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, et par sa grande rigueur. Les auteurs produisent ici une remarquable synthèse des recherches universitaires récentes sur la politique des questions linguistiques et sur la place légale de la langue française au Canada et au Québec. Avec une prose précise et limpide, Martel et Pâquet présentent les longs cheminements constitutionnels des droits des Francophones, de l’Union des Canadas en 1840 à la Charte canadienne des droits et libertés de 1982, en passant par les crises scolaires des XIXe et XXe siècles. De plus, le choix assidu des illustrations et les encarts judicieux enrichissent la subtilité du texte, autant que la conclusion étaye l’argumentaire. En primant cet ouvrage, l’Institut souligne comment les auteurs ont su offrir à un plus large public le savoir historien, qui trop souvent reste confiné aux universités, sans sacrifier la rigueur scientifique à laquelle s’attendent les spécialistes.
Mention spéciale : LEMIEUX, Frédéric, Gilles Lamontagne, Sur tous les fronts, Outremont, Carte blanche, 2010, 669 p.
La biographie de l’ancien maire de Québec Gilles Lamontagne, également ancien ministre fédéral et lieutenant-gouverneur du Québec, écrite par l’historien Frédéric Lemieux, propose un portrait vivant d’un homme d’action qui a traversé l’histoire politique du second XXe siècle. Elle permet aussi de mieux connaître l’histoire municipale de Québec à une période (1965-1977) où la ville est marquée par la modernisation de l’État québécois, laquelle n’est pas sans conséquences sur la capitale. Écrite dans un style accessible à un vaste public, le jury a voulu en souligner les mérites qui, à cet égard, concordent avec les objectifs du prix de l’Assemblée nationale.