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Si l’historiographie se rapportant à l’Église catholique du Québec s’était considérablement renouvelée au cours des dernières décennies et avait donné lieu à la publication d’une synthèse en cinq volumes d’une histoire du catholicisme québécois, l’ensemble de ces travaux n’avaient pas encore conduit à la publication d’une brève synthèse qui mette à la portée d’un large public les connaissances les plus récentes sur le sujet. De ce point de vue, l’ouvrage de Lucia Ferretti vient combler une lacune importante, tant la synthèse de circonstance, publiée par Nive Voisine en 1970, à la demande de la Commission Dumont, appelait, trente ans plus tard, un relais qui ne semblait pas vouloir venir.
Non seulement l’ouvrage de Ferretti comble une lacune majeure, mais la lecture de cette Brève histoire de l’Église catholique au Québec nous montre à quel point le défi a été relevé avec brio. En six courts chapitres, nerveux et denses, Lucia Ferretti nous offre un panorama vivant de près de quatre siècles de catholicisme au Québec, une Église issue d’un projet missionnaire, qui devient une Église coloniale et qui deviendra par la suite, et pour longtemps, « l’une des composantes de l’identité canadienne » et « l’une des institutions du peuple canadien dominé » (p. 46).
Parmi les qualités de l’ouvrage, je retiens d’abord son souci de mettre en contexte le développement du catholicisme québécois en relation avec le développement plus général du christianisme (au Canada, aux États-Unis, en France, en Italie et ailleurs en Europe) et de la société. Les pages 33 à 37 ou 91 à 95 donnent un bel exemple de cette brève mise en contexte nécessaire à une interprétation juste des développements du catholicisme québécois.
Le lecteur observera également la finesse de la position interprétative de l’analyste. Ne cédant en rien à la posture critique indispensable dans la conduite d’une telle entreprise, l’auteure ne prétend jamais à une explication sans reste du fait religieux. Son analyse de l’accroissement des vocations (p. 116-117) illustre bien cette position herméneutique pleine de finesse et de délicatesse. À cet égard, l’objectif formulé dans l’introduction de rendre à l’Église « sa densité propre, religieuse » est atteint. Cet objectif est également atteint par la place accordée à la vie religieuse des fidèles, car l’Église, c’est en même temps « une foi, une religion, une institution », comme l’indique un sous-titre de la p. 19.
Le lecteur appréciera également le talent de synthèse de la professeure Ferretti. S’en tenant à l’essentiel, retranchant tout détail inutile à son propos, elle parvient à nous faire comprendre la complexité des choses, à faire ressortir les contradictions et à nuancer son propos. Dans ce cas, synthèse ne signifie pas présentation partielle et partiale de son sujet, mais mise en perspective des données essentielles pour une intelligence de la réalité.
L’ensemble est bien écrit, la narration entraînante et le récit, vif et vivant, est bien mené du début à la fin. J’ai déjà recommandé à quelques reprises cet ouvrage à des collègues étrangers qui voulaient avoir un premier aperçu de l’histoire de l’Église catholique au Québec ou encore à des étudiants en théologie, soucieux de pouvoir situer sur un horizon historique la question qu’ils abordaient. Toujours, cet ouvrage a su passionner et a donné le goût de poursuivre plus loin, ce qui est la marque d’un ouvrage qui touche son public et atteint son objectif.