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Cet ouvrage collectif, publié sous la direction de Christophe Ancey, professeur de mécanique des fluides à l’École polytechnique fédérale de Lausanne et directeur du Laboratoire d’hydraulique environnementale de la même institution, est le premier en langue française consacré à l’étude quantitative et à la modélisation des avalanches de neige.
La matière est organisée en 14 chapitres rédigés par une équipe composée de huit spécialistes reconnus. Outre Christophe Ancey, qui est lui-même auteur ou co-auteur de 9 chapitres, l’équipe de rédaction comprend notamment Vincent Bain, ingénieur-conseil au sein du groupement Toraval, Éric Bardou, premier assistant à l’Institut de géomatique et d’analyse du risque, Gilles Borrel, géographe et ingénieur de recherche au Cemagref, Roland Burnet, ingénieur de recherche à l’unité Érosion torrentielle, neige et avalanches du Cemagref, Frédéric Jarry, juriste et chargé d’études à l’Association nationale d’étude de la neige et des avalanches, Otto Kölbl, professeur de photogrammétrie à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, et, enfin, Maurice Meunier, ingénieur général du Génie rural, des eaux et des forêts au Cemagref. Cette équipe polyvalente, composée à la fois de théoriciens et de praticiens, permet de couvrir tous les aspects de la gestion et de la prévention du risque avalancheux, allant de la modélisation des avalanches à la cartographie des zones à risque.
L’objectif premier de l’ouvrage est de présenter l’état des connaissances actuelles sur le calcul des avalanches (pour reprendre l’expression des auteurs), autrement dit sur l’ensemble des méthodes qui permettent de déterminer les caractéristiques dynamiques des avalanches de neige telles que la distance d’arrêt (runout) et la pression (force d’impact) exercée sur les infrastructures, et ce, en fonction du type d’avalanche qui peut varier considérablement d’un événement à l’autre au sein d’un même couloir. Une attention spéciale est accordée aux avalanches extrêmes, qui sont les plus dangereuses. La notion d’avalanche extrême nous ramène à la trilogie conceptuelle qui fonde l’analyse de risque, soit la fréquence, l’intensité et la période de retour des événements, trois notions fondamentalement statistiques. C’est pourquoi, après un bref tour d’horizon (chapitre 1) dans lequel sont présentés d’une manière synthétique tous les « ingrédients » de la problématique avalancheuse, les auteurs commencent leur exposé (chapitre 2) par une révision des méthodes, des tests et des lois statistiques qui permettent de rendre compte de la variabilité des phénomènes et de traduire l’incertitude. Des exemples d’application à l’étude des chutes de neige sont développés. Les 12 chapitres suivants, qui constituent le coeur de l’ouvrage, nuancent et approfondissent les thèmes abordés dans les chapitres 1 et 2. Les chapitres 3 et 4 sont consacrés, respectivement, à la dynamique et à la modélisation des avalanches en aérosol et des avalanches coulantes. Différents modèles — en nuage, hydrauliques, bloc glissant — y sont examinés. Le chapitre 5, présenté par son éditeur (Ancey) comme une introduction, aborde la question difficile du calcul des pressions d’impact développées par les avalanches, problème central en génie paravalanche et en zonage du risque.
Les chapitres 6 à 8, axés sur les banques de données et les outils cartographiques disponibles en France et en Suisse, intéresseront plus particulièrement les Européens. Le chapitre 6 explique comment sont réalisées en Suisse et surtout en France les cartes de localisation des phénomènes d’avalanche (CLPA) et l’enquête permanente sur les avalanches (EPA) qui sont, en fait, non pas des outils de prédiction et de cartographie des risques, mais des banques de données sur les avalanches historiques fondées à la fois sur l’observation (EPA) et la mémoire collective (enquêtes, témoignages). Le programme EPA, lancé au début du 20e siècle, est une banque de données sur l’activité avalancheuse dans des centaines de couloirs faisant l’objet d’une surveillance permanente. Les CLPA, qui n’ont aucune valeur réglementaire, ont pour principal objectif d’identifier et de délimiter les zones qui ont été touchées par des avalanches récentes ou historiques. Le chapitre 7 présente brièvement les données nivo-météorologiques disponibles en France et en Suisse ainsi que quelques méthodes pour les analyser (lois de Gumbel, Fréchet et Weibull). Le chapitre 8, d’intérêt limité pour les chercheurs et les praticiens étrangers à la France et à la Suisse, fait l’inventaire des outils et des systèmes cartographiques (photogrammétrie, orthophotographies, systèmes de référence géodésique, etc.) qui sous-tendent dans ces pays l’analyse topographique et la cartographie des avalanches.
Les chapitres 9 à 12 présentent les différentes approches utilisées pour zoner (cartographie, délimitation des zones à risque suivant le niveau de risque) et qualifier le risque avalancheux (distance d’arrêt, période de retour, pression à l’impact, etc.). La gestion du risque avalancheux est un travail collectif qui fait appel à une multitude de données qualitatives (chapitre 9) et quantitatives (chapitres 10 à 12) complémentaires qui doivent être intégrées dans une démarche analytique globale afin d’en arriver à un diagnostic des risques. Dans le chapitre 9, intitulé « Approche naturaliste » — appelée également approche experte — Ancey présente une vue d’ensemble de la démarche, qui comprend de nombreuses étapes, allant des enquêtes (EPA, CLPA, dépouillement des archives) et des levés de terrain (photo-interprétation, caractérisation des terrains avalancheux, analyse des singularités, etc.) au zonage du risque (définition des zones de risque en fonction de la pression d’impact et de la période de retour). Les trois chapitres suivants portent plus spécifiquement sur le calcul des avalanches, c’est-à-dire sur le volet quantitatif de la démarche globale exposée au chapitre 9. Trois types de modèles y sont successivement présentés : (1) les modèles statistiques de distance d’arrêt, qui ont été développés initialement par les Norvégiens Lied et Bakkehøi, puis raffinés par le Canadien McClung (chapitre 10) ; (2) l’approche conceptuelle dont le principal intérêt est qu’elle permet le calcul des avalanches rares par l’utilisation conjointe d’un modèle conceptuel de propagation et d’une simulation statistique basée sur la méthode de Monte-Carlo (chapitre 11) ; (3) l’approche physique qui repose sur les modèles rhéologiques de Coulomb et de Voellmy (chapitre 12). La question du choix des paramètres (calage des modèles) fait l’objet d’une analyse critique très soignée.
Les deux derniers chapitres de l’ouvrage (13 et 14) exposent le contexte législatif et réglementaire du zonage d’avalanche en France et en Suisse.
Cet ouvrage, on l’aura compris, est d’abord destiné aux ingénieurs et aux praticiens de la gestion des risques d’avalanche. Relié sous couverture cartonnée souple, il est imprimé sur du papier semi-glacé de qualité et agrémenté de nombreuses photographies et de cartes en couleur. On y trouve également de nombreux croquis, graphiques et tableaux qui fournissent un support efficace au texte, lui-même rédigé dans une langue claire et très directe. Il s’agit donc d’un ouvrage bien fait, complet, concis, de lecture agréable, qui fait le tour du sujet en prenant appui sur une large revue de la littérature internationale.