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À Ottawa, le 13 août 2002, Hélène Jetté s’éteignait des suites d’un cancer. Elle avait 48 ans. Elle a mené une lutte courageuse contre la maladie en gardant intacts jusqu’à la fin son amour pour la vie, sa gentillesse, son ouverture aux autres. Elle laisse dans le deuil sa fille Louise Demers, son époux Larry Dyke, sa famille et ses nombreux amis.
Dans le petit monde des palynologues quaternaristes canadiens, l’histoire d’Hélène Jetté est singulière. Née à Saint-Honoré, son enfance est champêtre mais ses études se font à Chicoutimi, ville où elle décroche un baccalauréat en biologie de l’Université du Québec, en 1976. Elle fut technicienne pollenanalyste dans le laboratoire de Pierre Richard de février 1977 à mai 1984 ; elle y a accompli un travail soutenu, remarquable de minutie et d’application pour l’identification du pollen, des spores et des autres microfossiles. Elle a ainsi contribué à l’encadrement de plusieurs étudiants inscrits aux études supérieures.
En 1984, Hélène Jetté obtenait un poste d’assistante de recherche au Laboratoire de paléoécologie dirigé par Robert Mott, à la Commission géologique du Canada, à Ottawa. Elle s’est montrée alors particulièrement active. À l’appui des travaux de Robert Mott et de Thane Anderson, elle participe à l’échantillonnage de nombreux lacs au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et dans l’État de New York (étés de 1984 à 1987). En 1987, elle contribue à l’organisation du XIIe Congrès de l’INQUA tenu à Ottawa et participe activement à l’excursion dans les provinces atlantiques. En 1988, elle présente une communication avec Robert Mott sur les problèmes de datation des sédiments du lac Chance Harbour, au VIe congrès de l’Association québécoise pour l’étude du Quaternaire qui a alors lieu à Rimouski. En septembre 1989, elle s’inscrit à la maîtrise au Département de géographie de l’Université de Montréal et en 1991, elle dépose son mémoire de recherche sur La palynostratigraphie postglaciaire de la région du lac Harriman (Gaspésie méridionale), qu’elle publie l’année suivante dans Géographie physique et Quaternaire. Hélène avait alors déjà à son actif deux publications tirées de sa collaboration avec Anne de Vernal (1983), de l’Université du Québec à Montréal, et avec Robert Mott (1991).
Hélène Jetté s’est grandement impliquée dans la composante paléoécologique de PMIP (Paleoclimate Model Intercomparison Project) pour la période de 6000 ans BP, au niveau du Canada. Elle a présidé à la parution d’une synthèse de La paléogéographie et la paléoécologie d’il y a 6000 ans au Canada réunissant les contributions de quinze auteurs (Géographie physique et Quaternaire, 1995). C’était une première mondiale dans les contributions nationales à PMIP, qui faisait suite à un atelier parrainé en 1992 par la Société royale du Canada, le Centre climatique canadien et la Commission géologique du Canada. Son implication dans la confection de la toute première carte de la paléovégétation du Canada d’il y a 6000 ans fut essentielle (1994). En 1992, Hélène s’était inscrite au doctorat à l’Université de Montréal avec un sujet portant sur l’histoire postglaciaire de la végétation et du climat le long du fleuve Mackenzie. Elle projetait d’appliquer des fonctions de transfert pollen-climat, en collaboration avec Anne de Vernal et Joël Guiot (Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie) et d’y intégrer une comparaison avec l’étude des diatomées ; elle a effectué les contraignants travaux de terrain durant deux étés consécutifs et complété sa scolarité de doctorat. Avec le retrait de la Commission géologique du Canada du champ de la paléoécologie en 1995, la carrière d’Hélène Jetté a été interrompue. Celle de plusieurs autres personnes a connu le même sort.
Hélène a alors accusé le coup, déployé son extraordinaire énergie et mis ses talents au service du Secteur des minéraux et des métaux du ministère des Ressources naturelles du Canada. Elle fut d’abord responsable de la coordination des politiques minières provinciale et fédérale pour le Québec ; elle prépara l’une des premières évaluations environnementales de ces politiques, en s’appuyant sur sa formation en sciences naturelles. Sa compétence et sa rigueur, reconnues à tous les niveaux du gouvernement et par l’industrie lui ont valu d’être choisie pour coordonner un groupe de travail du Ministre sur les règlements fédéraux et provinciaux touchant les normes environnementales après exploitation minière. Le travail d’Hélène et de l’équipe fédérale reçut le premier des prix du Conseil Privé pour le développement de politiques. Hélène fut nommée adjointe au Directeur de la Division de l’intégration de la politique du développement durable ; elle était la principale conseillère du Secteur touchant les questions liées aux évaluations environnementales des exploitations minières en milieu nordique.
Hélène Jetté est pour nous un exemple de force, de courage et de ténacité. Malgré une carrière écourtée en palynologie, elle y aura tout de même oeuvré près de vingt ans ; elle a fait sa marque et nous a laissé un héritage important. Le souvenir de sa gentillesse et de son dévouement nous soutiendra dans notre vie personnelle, comme dans l’accomplissement de l’oeuvre commune.
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On August 13, 2002, Hélène Jetté died in Ottawa as a result of cancer. She was 48. Hélène showed little outward sign of her struggle and maintained her love of life, kind disposition and concern for others to the end. She leaves her daughter Louise Demers, her husband, Larry Dyke, her family and many friends to mourn her passing.
In the small world of Canadian Quaternary palynology, Hélène’s story is unique. Born in the village of St. Honoré, a country childhood was followed by studies at the Université du Québec in Chicoutimi, where she earned a B.Sc. in biology in 1976. She then served as pollen analyst in Pierre Richard’s laboratory from February, 1977 to May, 1984. Her work was remarkable for attention to detail and effectiveness in identifying pollen, spores, and other microfossils. Furthermore, she endeavoured to transfer these skills to a host of students embarking on graduate studies.
In 1984 Hélène accepted a research assistant position in the paleoecology laboratory directed by Robert Mott at the Geological Survey of Canada. Hélène worked at the GSC until 1995, the year the paleoecology group was practically eliminated in the face of massive federal budgetary cuts. During her time at GSC, Hélène was active in a variety of palynological and paleoecological studies. Supporting Dr. Mott’s and Dr. Thane Anderson’s work, she aided sampling of lake bottom sediments in New Brunswick, Nova Scotia, Newfoundland, and New York State (summers of 1984 to 1987). In 1987 she helped to organize the 12th INQUA Congress in Ottawa and in 1988 presented with Dr. Mott an analysis of problems with dating sediments at Chance Harbour Lake at the 6th AQQUA conference in Rimouski. Her Master’s thesis, on the postglacial palynostratigraphy of the Lake Harriman region (southern Gaspé Peninsula) was completed by 1991 and published in Géographie physique et Quaternaire in 1992. She already had two other publications in collaboration with Anne de Vernal, Université du Québec à Montréal (1983) and Robert Mott (1991).
The growing interest of the Terrain Sciences Division of GSC in climate change led Hélène to become active in the paleoecologic component of the Paleoclimate Model Intercomparison Project (PMIP) for 6000 years BP. This activity culminated in a special volume of GpQ in 1995 which she coordinated and edited. The volume described the paleogeography and paleoecology in Canada 6000 years ago, with 15 contributing authors. It was the first contribution on this scale to PMIP and followed a workshop conducted by the Royal Society of Canada, the Canadian Climate Centre, and the GSC. Her primary role in the compilation of the first paleovegetation map of Canada for 6000 years ago was essential for this project (1994). In 1992, Hélène began a doctoral project at the Université de Montréal on the postglacial vegetation and climate history of Mackenzie valley. She planned to apply transfer functions linking climate and pollen in collaboration with Anne de Vernal and Joël Guiot (Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie), including an integration with diatom results. Field work during two summers and her residence requirements were completed, but the end of her employment with GSC also ended her doctoral program. She continued to approach her work with openness and devotion but her research career was terminated, along with several others.
In 1995, Hélène was again hired by Natural Resources Canada but now in the Minerals and Metals Sector. In the Mineral and Metal Policy Branch she was responsible for coordinating provincial and federal mining policy for Québec. Being fluently bilingual, having a background in environmental science and the ability to organize and rigorously analyse issues not only won her this job but also made her the logical choice to prepare one of the first “environmental assessments of policy” as required by then new government guidelines. It was these same qualities that resulted in her being enticed to work with the Sustainable Development Policy Integration Division, led by David Pasho. There she took on the challenge of coordinating the federal government’s response to the reports by a House Standing Committee on Streamlining Environmental Regulations for Mining. The trust and respect that she earned from federal and provincial departments, the minerals and metals industry and non-governmental organizations resulted in her being selected to coordinate a Mines Ministers Task Force to review federal-provincial-territorial environmental regulations affecting mining. For her work on this first national review of its type, Hélène and the federal team won Sector and Departmental awards and the first ever Clerk of the Privy Council’s Award for Policy Development.
By this time, Hélène had become the Deputy Director of the Division, the lead policy advisor in the Department on northern mining issues and the environmental assessment of mining projects and a well respected expert in cumulative effects assessment, regulatory reform and decision making processes based on sustainable development.
Hélène Jetté is an example of determination, courage and devotion. Despite her career in palynology being cut short, it lasted close to twenty years. She has left her mark and an important legacy. Everybody’s memories of her are fond ones. A person so loved can never die for she was the embodiment of so many gracious qualities.