Résumés
Résumé
À l’heure où les artistes visuels autochtones (Premières Nations, Inuits et Métis) se détachent de la « politique de l’identité », les artistes allochtones (d’ascendance européenne) font de plus en plus souvent référence dans leurs oeuvres à des questions en lien avec l’autochtonie. Cet article examine certaines de ces questions en établissant trois dialogues entre le travail d’un artiste autochtone et d’un artiste allochtone vivant au Québec : l’exploitation industrielle des territoires autochtones dans le Nord du Québec, par l’Algonquine Nadia Myre et l’artiste d’origine suisse Thomas Kneubühler ; les nouvelles attitudes et comportements générés par la société d’hyperconsommation, par l’artiste laich-kwil-tach Sonny Assu et le collectif BGL ; les relations entre Autochtones et colons durant le régime colonial français, chez l’artiste innue Sonia Robertson et l’artiste montréalaise Cynthia Girard. Bien que l’autochtonie, à travers ces trois dialogues, apparaisse comme une question partagée par les artistes actuels autochtones et allochtones, à aucun moment il n’est possible d’établir une équivalence entre les uns et les autres. Alors que chez les artistes allochtones l’autochtonie est traitée comme un motif secondaire, passant parfois inaperçue aux yeux des critiques d’art, elle constitue toujours le thème central des artistes autochtones chez qui elle s’ancre dans le destin, souvent tragique, de leur communauté.
Abstract
As Aboriginal visual artists (First Nations, Inuit, and Métis) break away from “identity politics”, non-Aboriginal artists (of European ancestry) increasingly make reference to questions of indigeneity in their work. The article examines this issue by establishing three dialogues between the work of Aboriginal and non-Aboriginals artists living in Quebec : Nadia Myre (Algonquin) and Swiss-born artist Thomas Kneubühler, who address the industrial uses of Aboriginal territories in northern Quebec ; Sonny Assu (Laich-kwil-tach) and the BGL artist collective, who explore new attitudes and behaviours generated by rampant consumerism ; and Innu artist Sonia Robertson and Montreal artist Cynthia Girard, who focus on the relationship between Aboriginal peoples and settlers during the French colonial regime. If, through the lens of these three dialogues, indigeneity appears as an issue shared by both Aboriginal and non-Aboriginal artists, it remains impossible to establish equivalence between the two groups. While indigeneity is usually a secondary motif in the work of non-Aboriginal artists, sometimes even going unnoticed by art critics, it remains a central theme for Aboriginal artists, rooted in the often tragic experiences of their communities.
Corps de l’article
J’ai remarqué […] que Montréal, comme le Québec, a pris beaucoup de retard vis-à-vis le [sic] reste du Canada quand il s’agit d’exposer les artistes des Premières Nations, les Inuits, les Métis… J’ai souvent dénoncé cette réalité. L’exposition au Musée d’art contemporain sur les artistes émergents (La Triennale québécoise, été 2008) n’a inclus aucun artiste autochtone. C’est une constante[1].
Tels étaient les propos que tenait en 2009 Ryan Rice, commissaire et critique d’art mohawk, à l’occasion de l’exposition Hochelaga revisité qu’il avait présentée au MAI (Montréal, arts interculturels). Cette analyse était alors amplement justifiée : les expositions consacrées à l’art autochtone contemporain dans la province s’étaient faites rares après les grandes manifestations de 1992 marquant le 500e anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique du Nord (Indigena à Hull, Nouveaux Territoires à Montréal…). Aujourd’hui elle est cependant caduque, tant les expositions d’art contemporain autochtones se sont succédé à un rythme rapide dans la province depuis trois ou quatre ans[2]. Cet engouement québécois pour l’art contemporain autochtone, après des décennies de désintérêt, mériterait une recherche approfondie. Si un tel travail serait fort utile, ce n’est toutefois pas le projet que nous nous fixons ici. Nous souhaitons plutôt mettre l’accent sur une dimension de l’art actuel québécois peu analysée, celle des résonances qui peuvent exister entre pratiques autochtones (produites par des artistes des Premières Nations, inuits ou métis) et pratiques allochtones (produites par des artistes d’ascendance non autochtone, généralement européenne) sur la question de l’autochtonie[3]. Si les questions sociales et culturelles liées à l’autochtonie sont, bien entendu, présentes avant tout dans les oeuvres des artistes autochtones, force est de reconnaître qu’elles trouvent aussi un écho, depuis une dizaine d’années, chez les artistes québécois allochtones.
Ce nouveau phénomène pourrait s’expliquer en partie par le rapprochement toujours plus grand entre artistes allochtones et artistes autochtones : non seulement de plus en plus d’expositions présentent ensemble des artistes autochtones et des artistes allochtones[4], mais il est désormais admis que certains des artistes autochtones sont les plus doués de leur génération[5]. Au moment où les artistes autochtones atteignent cette reconnaissance nationale et internationale, ils abordent la question identitaire de façon plus ouverte et moins revendicatrice. Ingo Hessel, conservateur au Museum of Inuit Art à Toronto, remarque par exemple que les artistes inuits[6] consacrés ces dernières années par le milieu de l’art contemporain se différencient de leurs prédécesseurs par le fait qu’ils ne se présentent plus comme « artiste inuit » (« Inuit artist »), mais plutôt comme « artiste qui est aussi un Inuit » (« artist who happens to be an Inuk »), et que ce rapport à l’identité est proche de la conception de l’identité des artistes allochtones qui se définissent avant tout comme artistes et seulement ensuite comme Québécois ou Canadiens[7]. Il est permis de penser que cette conception plus fluide et plus exploratoire de l’identité[8] des artistes autochtones a eu pour conséquence directe ou indirecte que les artistes allochtones se sont sentis plus enclins à évoquer la situation autochtone dans leurs oeuvres. Il semble donc intéressant d’examiner comment l’autochtonie est déclinée d’un côté et de l’autre afin de mettre en évidence aussi bien les points communs que les différences. Le Québec n’est certainement pas le seul endroit où des artistes allochtones traitent d’autochtonie dans leur travail et l’on pourrait aussi bien citer, à titre d’exemple, les tableaux de Mario Doucette du Nouveau-Brunswick, qui représentent une fantasque invasion de l’Europe médiévale par des Amérindiens (La croisade des Amérindiens en Europe, 2005-2006), que l’installation vidéo Nu•tka• (1996) de Stan Douglas, artiste de Vancouver, qui traite des relations entre les Nootkas et les Européens au xviiie siècle. Cependant, plusieurs artistes québécois actuels[9] traitent d’autochtonie dans leurs oeuvres en faisant allusion à des particularités québécoises, qu’il s’agisse de l’histoire de la Nouvelle-France et des relations que pouvaient entretenir alors les Amérindiens et les colons français ou de l’exploitation actuelle des ressources naturelles dans le Nord du Québec, tout particulièrement de l’énergie hydroélectrique[10]. Nous avons choisi ici de « croiser » certaines pratiques d’artistes actuels autochtones et allochtones sur trois de ces questions qui concernent la situation des Autochtones du Québec : la dépossession du territoire par les grands groupes industriels dans le Nord du Québec chez Nadia Myre et Thomas Kneubühler, les excès de la société de consommation et leurs conséquences sur l’écosystème chez Sonny Assu et BGL et, enfin, l’exploration mi-historique, mi-imaginaire des relations entre Autochtones et colons durant le régime colonial français chez Sonia Robertson et Cynthia Girard. Précisons, pour éviter tout malentendu, que les artistes que nous mettons ici en vis-à-vis n’ont, à notre connaissance, jamais exposé ensemble, qu’ils ne travaillent pas ensemble et qu’ils ne se citent pas. On est donc bien ici à mille lieues d’une approche primitiviste comme celle d’Emily Carr peignant des totems et des pirogues haïdas dans les années 1910[11], ou du rapport d’admiration que Jean-Paul Riopelle pouvait avoir pour Grey Owl, cet écologiste britannique qui se faisait passer pour un Amérindien (Hommage à Grey Owl, 1970). Il ne s’agit pas non plus de projets de collaboration comme la vidéo Tungijuq (2007), que Félix Lajeunesse et Paul Raphaël ont réalisée avec la maison de production inuit Igloolik Isuma Productions, ou de projets in situ comme Resolute Bay (2004-2006) de Louis Couturier et Jacky Georges Lafargue, qui ont travaillé avec les habitants de la communauté de Qikiqtaaluk au Nunavut. La particularité des travaux allochtones sur lesquels nous nous penchons vient du fait que l’autochtonie y est présente, mais qu’elle n’en est pas le sujet, au point où il arrive que des critiques commentant ces oeuvres n’en parlent pas du tout. Or c’est au moment où la question de l’autochtonie s’immisce de plus en plus souvent dans les pratiques allochtones que les artistes autochtones se détachent de la « politique de l’identité[12] » et se présentent avant tout comme des artistes. C’est ce double mouvement qui nous semble particulièrement intéressant à examiner.
La dépossession du territoire
L’installation Journey of the Seventh Fire (2008-2009) de l’Algonquine Nadia Myre et celle de l’artiste québécois d’origine suisse Thomas Kneubühler Under Currents (2011) traitent toutes deux de l’exploitation industrielle des territoires autochtones dans le Nord du Québec. Dans Journey of the Seventh Fire, une installation présentée à la galerie Art Mûr de Montréal en 2009, Nadia Myre reproduit sur des tableaux les logotypes des sociétés qui exploitent les ressources naturelles dans le Nord du Québec, qu’il s’agisse de l’électricité avec Hydro-Québec, de l’aluminium avec Alcan ou de l’uranium avec Cameco. L’artiste a volontairement omis le nom des sociétés pour ne garder que leur symbole visuel agrandi à l’échelle du tableau (144 x 144 cm). L’oeil du spectateur s’attarde sur les qualités formelles de ces signes que l’on ne regarde plus, tant ils font partie de notre environnement quotidien. L’agrandissement renforce leur puissance chromatique (bleu, orange, jaune) et leur donne un aspect résolument néopop. Mais à la différence des nombreux artistes contemporains qui ont travaillé avec et sur les identités visuelles des marques commerciales (de General Idea à Francis Baudevin en passant par Ashley Bickerton), Nadia Myre ne prend pas pour cible la société de consommation, ses signes et ses valeurs. Journey of the Seventh Fire contient bien une signification politique, mais celle-ci est inséparable de la technique du perlage que l’artiste a utilisée pour reproduire les logotypes des entreprises québécoises. Les perles sont le matériau de prédilection de Nadia Myre depuis son oeuvre emblématique Indian Act (2000-2002) et renvoient directement aux ceintures wampums, faites de perles en coquilles de palourdes, qui servaient aux Premières Nations à sceller des ententes économiques et des alliances politiques, ou plus largement à marquer un respect mutuel entre des partenaires, entre autres avec les nouveaux arrivants européens. Myre fait ici référence, comme l’indique le titre de l’oeuvre, à une ceinture wampum particulière, celle de la prophétie des Sept Feux, confectionnée à la fin du xive siècle (avant, donc, l’arrivée des Européens) et conservée dans la communauté de Kitigan Zibi (Maniwaki) à laquelle l’artiste appartient[13]. Cette prophétie ancestrale, mise pour la première fois par écrit par Edward Benton-Banai en 1979[14], relate l’histoire de sept prophètes apparus à la nation anishinabée, lui prédisant les sept grandes étapes de son destin (chacune correspondant à un feu), y compris sa lutte pour la survie face aux nouveaux arrivants européens. Cette prophétie, qui s’étend sur plusieurs siècles, est toujours en cours de réalisation : nous achèverions actuellement la septième étape (le septième feu), qui est marquée par le choix crucial que doivent faire les « Blancs » : soit poursuivre la voie de développement qu’ils ont jusqu’alors empruntée et qui finira par causer d’immenses maux à tous les habitants de la planète, soit sceller une nouvelle forme d’entente entre les êtres humains construite sur le respect des peuples, la paix et la fraternité. On comprend que les tableaux de Nadia Myre demandent aux compagnies impliquées dans l’exploitation des ressources naturelles du Nord du Québec de choisir le chemin de la paix et du respect mutuel afin d’éviter la catastrophe annoncée dans la prophétie. Cet appel a bien entendu quelque chose de désespéré, car depuis longtemps les Premières Nations et les colons n’échangent plus de wampum. Nadia Myre continue toutefois de croire qu’il n’est jamais trop tard pour faire le bon choix ; c’est le sens de son minutieux travail de perlage, qui tient de l’incantation rituelle, comme l’a bien noté l’artiste et commissaire métis David Garneau : « She is not despoiling these logos but ritualistically making them over, needling them. The action is shamanic rather than a shaming. It is an exercise of the belief that tiny, personal, repetitive gestures have the power of prayer[15] ».
L’installation de Thomas Kneubühler Under Currents, présentée dans le cadre de la deuxième Triennale québécoise au Musée d’art contemporain de Montréal, entre en résonance avec Journey of the Seventh Fire de Myre. Il s’agit d’une installation de photographies de grand et très grand format (81 x 107 cm et 91 x 230 cm) accompagnées d’une vidéo qui représentent les installations qu’Hydro-Québec possède dans la région de la Baie-James et qui permettent de produire et d’acheminer de l’électricité vers les villes du sud du Québec et des États-Unis[16]. On est tout de suite happé par l’aspect esthétique de ces photographies, dans lesquelles les immenses infrastructures faites de transformateurs, de pylônes, de lignes à haute tension ne parviennent pas à oblitérer l’aspect grandiose des paysages de la taïga. Cette dimension esthétique est particulièrement évidente avec la photographie Power Station (2011), présentée dans un caisson lumineux. Il s’agit d’une vue nocturne prise d’un belvédère surplombant la station Brisay sur la rivière La Grande, dans laquelle l’éclairage électrique donne un aspect spectaculaire au site, seul point lumineux perdu dans l’immensité de la taïga[17]. La présence des Premières Nations apparaît pour la première fois dans la série des six photographies Nomadic Settlements (2011), où des éléments d’architecture autochtone côtoient les baraquements temporaires des ouvriers et les pourvoiries destinées aux touristes. Cependant, c’est dans la vidéo Currents (2011)[18] que l’acculturation des Cris est évoquée de la façon la plus évidente. Cette vidéo est diffusée sur l’écran d’un iPod, dont le minuscule format contraste avec celui de la Power Station installée à proximité, accroché au mur au-dessus des centaines de pages de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois signée en 1975 entre le gouvernement québécois, les Inuits et les Cris[19]. La plupart des séquences de la vidéo ont été filmées d’un véhicule automobile se déplaçant sur la route transtaïga qui relie les installations hydroélectriques de la Baie-James. Elles sont interrompues par des plans fixes (un chasseur autochtone avec sa proie, une voiture de sécurité veillant sur les installations) ou par le défilement de mots et de phrases écrites en cri accompagnés de leur traduction anglaise (« the river », « the river flow », « there are many rivers »…). Dans la séquence intitulée « Relocated », la caméra filme dans un long travelling les maisons construites pour les Cris pendant qu’une voix hors champ déclare en français : « Il n’y avait pas de villages avant. Les Autochtones étaient des nomades, donc il n’y avait pas de villages à déplacer [au moment de la construction des barrages] », soulignant ainsi que l’exploitation des ressources hydroélectriques a définitivement altéré le mode de vie des Autochtones. L’idée d’un monde à l’envers est renforcée par l’incrustation d’un pictogramme qui met en garde les embarcations contre la cime des arbres qui se trouvent… sous l’eau. Under Currents ne traite pas seulement de la transformation de l’énergie (la force hydraulique) en courant électrique et de son déplacement du nord vers le sud, mais aussi de la transformation radicale des modes de vie autochtones. L’oeuvre de Thomas Kneubühler et celle de Nadia Myre abordent bien une même question, mais selon des approches totalement différentes. Alors que les longs travellings de la vidéo de Kneubühler soulignent son statut de simple témoin de l’acculturation des populations autochtones, les logotypes perlés de Nadia Myre s’ancrent dans les croyances ancestrales de sa nation et prennent in fine la forme d’une incantation visant à établir les termes d’une alliance qui permette d’échapper à une catastrophe écologique imminente.
La consommation à outrance
Il existe de nombreuses affinités entre les oeuvres du trio d’artistes québécois BGL[20] et celle de l’artiste laich-kwil-tach (Kwakwaka’wakw) de la côte ouest, Sonny Assu, établi depuis quelques années au Québec. Les deux utilisent l’humour et la dérision pour s’en prendre aux excès de la société de consommation et à leurs conséquences dévastatrices sur l’environnement et plus particulièrement sur les forêts. C’est le thème d’une des oeuvres emblématiques de Sonny Assu (Longing, 2011) constituée de 18 retailles de cèdre, rebuts de coupes industrielles pour la production de chalets en bois rond, que l’artiste a trouvées sur le territoire traditionnel de sa nation sur l’île Quadra en Colombie-Britannique. Il a suffi à l’artiste de poser ces retailles sur des présentoirs pour les métamorphoser aussitôt en masques cérémoniels. Cette oeuvre, riche en significations – qui n’est pas sans rappeler la série de Prototype for New Understanding (1998-2005) de l’artiste d’ascendance dunne-za Brian Jungen, qui consistait à transformer des chaussures de sport en masques sacrés de la côte nord-ouest –, pose la question des ravages de la déforestation, mais aussi celle de la production de déchets comme signe d’abondance, comme il l’explique lui-même : « Peut-être exhibons-nous inconsciemment les déchets de [notre] consommation (bouteille d’eau, tasse à café jetable, emballage de produit) comme indicateur de richesse[21] ». Cette dilapidation ostentatoire de la richesse est au coeur de plusieurs oeuvres de Sonny Assu, qui parvient à faire résonner avec beaucoup de subtilité le gaspillage de la société de consommation et l’institution ancestrale du potlatch pratiquée chez les nations autochtones de la côte nord-ouest de l’Amérique de Nord (Kwakwaka’wakw, Tlingit, Haïda, Tsimshian…). Le potlatch, qui a tant fasciné les anthropologues européens, de Franz Boas à Georges Bataille en passant par Marcel Mauss, est une cérémonie rituelle organisée pour marquer divers événements (funérailles, mariage, passation de pouvoir à un parent…) au cours de laquelle le clan organisateur expose ses richesses en les distribuant ou en les détruisant. Certains potlatchs organisés au cours du xixe siècle pouvaient demander des années de préparation et durer plusieurs jours au cours desquels des milliers d’objets étaient échangés ou détruits, qu’il s’agisse d’objets utilitaires comme des couvertures ou des canoës ou d’objets précieux comme les coppers, ces pièces de cuivre qui garantissaient à leur propriétaire un immense prestige. De 1884 à 1951, un amendement à la Loi sur les Indiens a interdit la pratique du potlatch au Canada, les missionnaires et les fonctionnaires fédéraux jugeant scandaleuse la dimension dilapidatrice de telles pratiques. Sonny Assu connaît parfaitement cette histoire[22] qui est celle de sa nation, et aussi celle de sa famille, comme le rappelait son installation Billy and the Chiefs : The Complete Banned Collection (2012), présentée dans le cadre de l’exposition itinérante Beat Nation, dans laquelle on pouvait écouter un enregistrement du grand-père de l’artiste, chief Billy Assu, en train d’interpréter des chants conçus pour les potlatchs. D’autres oeuvres de Sonny Assu font très directement référence au potlatch comme l’installation 1884-1951 (2009) présentée dans le cadre de l’exposition Sakahàn. Art indigène international, dans laquelle 67 gobelets de café jetables et leur couvercle, faits pour l’occasion entièrement en cuivre, étaient disposés en vrac sur une couverture de la baie d’Hudson. Le titre de l’oeuvre (les 67 années d’interdiction du potlatch), la couverture (l’objet le plus fréquemment échangé dans les potlatchs) et le cuivre (le matériau le plus précieux des potlatchs) établissaient un lien sans ambiguïté entre la cérémonie rituelle des Premières Nations et une société de consommation qui refuse de voir dans sa production effrénée de déchets sa « part maudite », selon l’expression de Georges Bataille[23]. Enfin, dans ses peintures sur panneau (iPotlatch, 2006 ; iPotlatch Ego, 2007) ou sur peau retournée (iDrum, 2009 ; iConsume, 2011), Sonny Assu s’emploie à croiser les motifs iconographiques et le style de la peinture de la côte nord-ouest (le formline art) avec les publicités d’Apple pour le iPod, soulignant ainsi que tous ces objets high-tech fonctionnent à la manière de « totems personnels » nous permettant d’afficher notre appartenance et nos valeurs : « Whether it’s a Blackberry, iPod, laptop, digital camera, or any other object of pop-consumerism, we can relate to these items like figures on a totem pole[24] ». Par l’humour et la dérision, l’artiste parvient donc à brouiller les croyances et l’art des Premières Nations avec les us et les coutumes de la société de consommation moderne, tout en nous rappelant que ce jeu de miroirs est aussi une histoire faite de traumatismes et d’acculturation.
Tout comme Sonny Assu, BGL utilise un humour décapant pour souligner le gaspillage propre à la société de consommation et ses conséquences néfastes sur l’environnement. Le thème de la déforestation est très présent dans le travail du trio québécois (Sentier battu, 2001 ; À l’abri des arbres, 2001 ; La source, 2004) tout comme les clins d’oeil répétés à la culture populaire – plusieurs oeuvres de BGL intègrent par exemple Darth Vader, le personnage de La Guerre des étoiles. Au-delà des thématiques communes, on note également des stratégies artistiques similaires comme la transformation d’objets quotidiens (les gobelets de cuivre chez Assu), puisque les premières oeuvres de BGL, à la fin des années 1990, consistaient à refaire en bois des objets symboles de la société de consommation : des téléphones portables (BGL Mobilité, 1997-2003), des aspirateurs (Expo sur tapis, 1998), une voiture Mercedes-Benz et une piscine de jardin (Perdu dans la nature, 1998). Or BGL mêle également, même si c’est de façon occasionnelle, culture québécoise et culture autochtone. Ce lien entre autochtonie, société de consommation et identité québécoise apparaît tout particulièrement dans une oeuvre phare de sa production, Jouet d’adulte (2003)[25]. Dans cette sorte de ready-made assisté, les trois artistes ont retourné un véhicule tout-terrain et l’ont transpercé de nombreuses flèches, à la manière d’un animal abattu, le sang étant remplacé par une flaque d’huile (simulée par une plaque en époxy noire). Cette oeuvre a été présentée dans plusieurs contextes[26] : en 2003, en bordure d’une route de campagne, puis la même année à la galerie Lacerte de Québec, jumelée avec Bosquet d’espionnage, une autre oeuvre de BGL. Enfin, en 2005, elle a fait partie d’une performance pour le moins insolite intitulée Montrer ses trophées, qui s’est déroulée dans les rues de la ville de Québec : Jouet d’adulte était posé sur une remorque traquée par une luxueuse voiture Audi sur le toit de laquelle était attaché un énorme orignal empaillé.
La référence ironique à la chasse est évidente dans Jouet d’adulte, tout particulièrement dans la version de Montrer ses trophées, qui rappelle l’importance de la chasse à l’orignal dans l’imaginaire québécois[27]. Par ailleurs, il est étonnant de constater que, si les principaux textes critiques consacrés à cette oeuvre insistent tous sur la substitution facétieuse de la machine à la bête traquée, aucun ne souligne le clin d’oeil aux westerns hollywoodiens, et plus précisément à la scène de l’attaque de la diligence par les « Indiens » rendue célèbre par les films de John Ford. Seuls, à notre connaissance, les conservateurs du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) ont insisté sur cette dimension autochtone de Jouet d’adulte. L’oeuvre, qui fait partie de la collection du MBAM, a été installée en 2006 dans une des salles consacrées à l’art inuit contemporain ; on peut la voir aujourd’hui dans la section dédiée à l’art contemporain québécois et canadien où elle dialogue avec l’immense tableau Trappeurs d’hommes (2006) de l’artiste métis Kent Monkman. BGL a également produit en 2008 une variation nordique de Jouet d’adulte intitulée Arctic Power (2008). Il s’agit d’une motoneige accidentée suspendue au plafond. L’engin disloqué et recouvert d’un givre artificiel (fait de flocons de velours et de sel collés), quasiment méconnaissable, prend la forme d’une carcasse animale. Le titre de l’oeuvre, qui fait référence à l’Arctique, évoque bien entendu le territoire des Inuits, où la motoneige aurait une fois de plus été prise comme objet de chasse. Les os et les carcasses, réels ou fictifs, sont très présents dans l’art contemporain autochtone : on les retrouve chez Edward Poitras, Brian Jungen, Carl Beam... La suspension des os ajoute un caractère sacré à la prise de chasse, comme le précise le critique huron-wendat Guy Sioui Durand au sujet d’une installation de Sonia Robertson dont nous parlerons un peu plus bas : « les os suspendus constituent un hommage aux esprits des bêtes tuées dont la mort permet la survie humaine[28] ».
BGL comme Sonny Assu mêlent donc avec humour et dérision les cultures autochtones et allochtones sur fond de critique de la société de consommation. Mais si les deux pratiques résonnent l’une avec l’autre, il est bien évident que les différences sont plus nombreuses que les similarités. Là où BGL offre à la culture autochtone une revanche amusée sur une culture moderne québécoise prise pour cible, l’oeuvre de Sonny Assu plonge au plus profond des traumas de l’acculturation (la Loi sur les Indiens, l’interdiction du potlatch).
L’identité partagée
L’histoire des relations entre Autochtones et colons français durant la Nouvelle-France a été abordée à plusieurs reprises dans les oeuvres de Sonia Robertson et de Cynthia Girard. Dans l’exposition Le Pavillon du Québec. Deuxième Volet : la Nouvelle-France (présentée du 9 mai au 15 juin 2002 au Centre Clark de Montréal), Cynthia Girard retrace le récit imaginaire des relations entre Autochtones et Français, dans lequel le fantasme et la réalité se contaminent l’un l’autre. Faut-il préciser que le travail de Girard ne s’apparente en aucun cas à la peinture d’histoire traditionnelle ? Ses tableaux mélangent en effet allégrement les styles artistiques (op art, pop art, dadaïsme, peinture naïve, bande dessinée…), les références historiques (Louis Riel, Montcalm, l’arrivée des Filles du roi en Nouvelle-France…) et les clins d’oeil à la culture contemporaine de masse (soirées fétichistes, enseigne Tim Hortons, marque de friandise Oh Henry !, pilules de Viagra). Cette hétérogénéité stylistique et sémantique, déclinée sur fond d’humour décapant, renvoie à l’identité bigarrée du Québec à l’ère de la mondialisation[29]. Dans la lecture « historique » proposée par l’exposition au Centre Clark, les relations entre colons français (missionnaires jésuites, coureurs des bois ou personnages historiques comme Montcalm et Delorimier) et Amérindiens jouent un rôle de premier plan. Tout d’abord, la cruauté des uns répond à celle des autres. Le tableau grand format (2,25 m x 2,46 m) Les saints martyrs canadiens (2002) donne à voir, dans un style volontairement naïf inspiré de George Catlin, huit vignettes représentant chacune un des célèbres missionnaires jésuites et son bourreau amérindien en train de lui infliger son supplice : Jean de Brébeuf se fait décapiter, René Goupil se fait défoncer le crâne, etc. Un peu plus loin dans l’exposition, le tableau Louis Riel (2002) reproduit sur toute sa surface une planche de bois – allusion à Étant donné : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage (1946-1966) de Marcel Duchamp – et laisse voir dans un noeud évidé une autre saynète : la pendaison du leader métis Louis Riel[30]. Or ce jeu de massacre est aussi un jeu de séduction, comme le suggère Martyr canadien (archétype) (2002), qui offre une scène qui contraste avec les vignettes précédentes puisque les figures évidées occupent toute la toile et sont dessinées dans une facture très classique[31]. On y voit un Iroquois richement vêtu s’apprêtant à scalper sa victime masculine presque entièrement dénudée et dont la pose à la fois languissante et soumise donne à la scène un caractère fortement érotique, renforcé encore par la mention dans le coin supérieur gauche du tableau « Bar Saloon. Nouvelle-France. Soirées fétiches. Bienvenue aux dames » sur une boule-miroir. Cette lecture érotique des relations franco-amérindiennes est encore plus évidente dans Filles du roi/Filles de joie (2002)[32]. Comme son titre l’indique clairement, ce tableau fait référence aux orphelines envoyées en Nouvelle-France par Louis XIV afin d’assurer le peuplement de la colonie. Dans le tableau de Cynthia Girard, ces « filles », aux moeurs supposément légères, s’engouffrent en porte-jarretelles dans le lit du fleuve Saint-Laurent, assimilé à un conduit vaginal, et sont attendues par une rangée de soldats en érection, que l’on imagine être ceux du régiment de Carignan-Salières, envoyés par Louis XIV pour lutter contre les Iroquois, et qui finiront par s’installer définitivement dans la colonie et épouser les Filles du roi. À ce premier mode de peuplement de la colonie, voulu par le roi, s’en ajoute un autre beaucoup moins bien vu par le pouvoir royal, celui du métissage. Au centre de la carte du Québec, et dans le prolongement d’une très phallique rivière Saguenay, on aperçoit un coureur des bois, reconnaissable à sa toque en peau de castor, copulant joyeusement avec une Amérindienne entre un tipi et quelques sapins. Cette petite saynète renvoie aux motivations des coureurs des bois, qui quittaient la colonie pour s’enrichir en pratiquant la traite des fourrures, mais aussi pour trouver les compagnes dont la colonie était dépourvue (on comptait, en 1710, une femme pour sept hommes au sein de la Nouvelle-France). C’est ainsi que « de nombreux Français, malgré le regard inquisiteur des missionnaires, vivent au contact des autochtones [sic] les délices d’une nouvelle sexualité, profitant d’une liberté inusitée dans la société mère[33] ». Ces accouplements et ces mariages mixtes entre Amérindiens et colons français jouèrent toutefois un rôle extrêmement important dans le peuplement du pays et furent, entre autres, à l’origine de la nation Métis du Manitoba[34].
Les saynètes désopilantes de Cynthia Girard nous parlent de l’alliance politique et économique que les Français et les Amérindiens ont entretenue pendant près d’un siècle et demi. Cette alliance est également évoquée dans plusieurs oeuvres de Sonia Robertson, une artiste innue de la communauté de Mashteuiatsh (Pointe-Bleue)[35]. C’est le cas de Refaire l’alliance (2004-2005), réalisée pour l’exposition Au fil de mes jours en 2005 au Musée national des beaux-arts du Québec et dont la structure principale était constituée de quatre wampums suspendus. Cette installation était en fait un travail in situ qui pointait à la fois le site des plaines d’Abraham, symbole de la défaite du régime français et de la fin de l’alliance entre Amérindiens et Français, et les bas-reliefs situés sur la façade du musée illustrant les contacts entre Champlain et les Amérindiens. C’est encore de cette alliance dont il était question dans l’installation Dialogue entre Elle et moi à propos de l’Esprit des animaux, présentée au centre des arts Skol de Montréal du 12 janvier au 9 février 2002. Cette installation spectaculaire était faite de dizaines de fourrures d’animaux suspendues (loups, ours, renard, castor…) qui semblaient s’envoler par une des fenêtres de la galerie. Les premières fourrures posées au sol étaient cousues entre elles et formaient déjà la structure d’un manteau alors que les dernières, prêtes à franchir la fenêtre, n’étaient pas encore transformées. Cette installation complexe – qui comprenait aussi des ossements d’animaux, un crâne de castor, une projection de diapositives… – possédait une forte dimension spirituelle, puisqu’il s’agissait non seulement d’un hommage à l’esprit sacré des animaux, mais également d’un hommage personnel de Sonia à sa soeur Diane, artiste elle aussi, qui avait présenté en 1992 chez Skol une oeuvre intitulée L’Esprit des animaux, un an avant sa mort. Dans cette oeuvre, Sonia Robertson nous rappelait également que l’alliance entre colons et Amérindiens avant même d’être politique était économique, tout entière scellée autour du commerce de la fourrure dont les deux parties tiraient profit. Plusieurs éléments de l’installation, entre autres une bande sonore reproduisant le bruit de machines à coudre, nous rappelaient que les locaux de Skol occupaient le site d’une ancienne manufacture de fourrure – une plaque au-dessus d’une porte condamnée porte encore la mention « Fourrures Robertson and Son »[36] – et que Montréal a longtemps été la capitale du commerce de la fourrure. Non seulement la pelleterie était au coeur de l’alliance franco-amérindienne jusqu’au milieu du xviiie siècle, mais celle-ci n’a pas complètement disparu, comme nous le rappelle Guy Sioui Durand dans son commentaire de l’exposition :
Mais Dialogue entre Elle et moi à propos de l’Esprit des animaux évoque plus précisément encore la rencontre des activités traditionnelles de chasse, de trappe et de commerce de fourrures dans la communauté de l’artiste – et spécifiquement dans sa famille où la chasse des hommes fournit encore aujourd’hui les fourreurs montréalais – avec la fabrication des manteaux qui avaient anciennement cours dans l’édifice[37].
On assistait donc à un troublant mélange des temporalités, où le passé et le présent, les morts et les vivants, les humains et les animaux semblaient poursuivre un dialogue ancestral.
Si les oeuvres de Cynthia Girard et de Sonia Robertson sont fort éloignées par l’esthétique et le ton – l’une est facétieuse alors que l’autre est empreinte de gravité et de solennité –, elles revisitent néanmoins, chacune à sa façon, l’histoire de l’alliance entre colons français et Amérindiens qui alimente encore aujourd’hui l’identité québécoise. Elles nous rappellent également, en opérant un renversement du regard, que si la colonisation est avant tout une entreprise de domination et de soumission, elle est aussi faite d’appropriations, d’attirances et d’échanges mutuels et que l’acculturation peut parfois devenir un phénomène réciproque[38].
Un monde imbriqué
En guise de conclusion, nous aimerions répondre à deux questions qui se posent de façon légitime à la fin de ce parcours en forme de regards croisés sur les pratiques autochtones et allochtones actuelles. La première consiste à se demander si, en devenant des artistes « comme les autres », les artistes autochtones ne risquent pas d’y perdre leur identité. L’autre question, qui découle de la première, consiste à savoir si, en affirmant que l’autochtonie est « une question partagée », nous ne nous livrons pas à notre tour à une forme de dépossession, en ôtant aux Autochtones quelque chose qui leur appartiendrait en propre. Les dialogues que nous avons suscités entre pratiques autochtones et pratiques allochtones nous invitent à conclure par la négative aux deux questions. Essayons de voir plus précisément pourquoi.
C’est un fait que les artistes autochtones depuis une petite dizaine d’années ont atteint une reconnaissance pleine et entière du monde de l’art, en devenant même parfois les artistes les plus célébrés de leur génération. Le fait que Brian Jungen ait eu une exposition solo à la Tate Modern de Londres en 2006, plus de trois ans avant d’en obtenir une au National Museum of the American Indian à Washington, prouve qu’il est avant tout reconnu comme un « artiste qui est aussi un autochtone » plutôt que comme un « artiste autochtone », pour reprendre la distinction d’Ingo Hessel citée en introduction. Ce phénomène se vérifiait également dans l’exposition Oh, Canada (2012-2013) au MASS MoCA, qui faisait une très large place aux pratiques autochtones canadiennes sans pour autant les identifier comme telles. Ces oeuvres existaient pour elles-mêmes, au-delà de leur identité autochtone. Un commentaire récent de Marc Lenot, un critique d’art français, au sujet de l’exposition d’art actuel québécois À Montréal, quand l’image rôde[39] présentée en France au cours de l’automne 2013, est en ce sens intéressant. Le critique fait de la vidéo de Nadia Myre Portrait in motion (2002) « la pièce la plus marquante de l’exposition ». Il conclut après en avoir fait une description minutieuse : « c’est d’abord un travail politique, sur le point de vue ethnologique et l’image préconçue des Premières Nations […], mais c’est aussi un travail poétique sur l’apparition, le reflet, le non-vu. À suivre[40] ». L’oeuvre n’est plus réduite à une identité culturelle, même si celle-ci n’est pas ignorée, et retient avant tout l’attention par sa force esthétique. Toutefois, on peut se demander si, en s’éloignant de la « politique de l’identité » – qui avait fortement marqué la génération des artistes autochtones des années 1980-1990 dont les oeuvres étaient beaucoup plus radicales et militantes même lorsqu’elles adoptaient le ton de l’humour et de l’ironie –, les artistes autochtones actuels, absorbés par le mainstream de la mondialisation artistique, ne risquent pas de se détourner de leur culture et finalement de l’oublier. Il nous semble, au contraire, que les logotypes perlés de Myre, les tableaux néopop d’Assu, les installations de Robertson, loin de s’apparenter à un phénomène de déculturation, traduisent une connaissance très précise de leur culture et un engagement sans ambiguïté pour défendre son avenir. Si ces artistes connaissent parfaitement l’histoire de leur communauté (les ceintures wampums de Kitigan Zibi, l’institution du potlatch chez les Kwakwaka’wakw, la pratique de la chasse et du commerce de la fourrure à Mashteuiatsh), qu’ils restituent avec beaucoup de subtilité dans leur travail, ils parviennent aussi à éviter l’enfermement identitaire, puisque leurs oeuvres concernent toujours aussi les populations allochtones (la destruction de l’environnement, les excès de la société de consommation, le partage d’une histoire commune). Le fait que les marqueurs culturels soient moins immédiatement présents chez eux que chez les artistes autochtones de la génération précédente ne signifie nullement que les artistes actuels autochtones aient rompu avec leur héritage culturel ou soient moins actifs pour dénoncer les phénomènes de dépossession et de déculturation.
Quant à savoir si nous contribuons à notre tour à une forme de dépossession en présentant l’autochtonie comme une « question partagée », comme un thème que tout artiste peu importe son origine et sa culture pourrait aborder, il faut encore une fois s’en remettre aux oeuvres pour constater que nul danger n’est à craindre de ce côté-là. Comme nous l’avons vu, à aucun moment il n’est possible de poser un principe d’équivalence, et encore moins de substitution, entre les pratiques autochtones et allochtones évoquées ici. En effet, le point de vue des artistes allochtones sur la question de l’autochtonie est forcément différent de celui des artistes autochtones, puisqu’ils ne partagent pas la communauté de destin propre à ces derniers. Rappelons que l’autochtonie, dans les trois pratiques allochtones sur lesquelles nous nous sommes arrêté (Thomas Kneubühler, BGL et Cynthia Girard), n’est jamais le sujet principal des oeuvres, mais est toujours traitée en rapport avec des questions plus générales dans lesquelles elle intervient (l’imaginaire de la chasse à l’orignal dans la culture québécoise, l’histoire des colons français en terre d’Amérique, les excès de la société de consommation, l’impact de l’exploitation des ressources naturelles sur l’environnement…). Ces oeuvres tendraient plutôt à prouver que les cultures des colonisateurs et des colonisés sont toujours fracturées l’une par l’autre et finissent d’une façon ou d’une autre par s’imbriquer[41]. L’art actuel québécois serait un des lieux où cette imbrication apparaît aujourd’hui le plus nettement. Il serait tentant d’y voir une survivance du « Middle Ground[42] », ce « terrain médian » dans lequel les Amérindiens et les colons français avaient trouvé une façon de vivre ensemble au xviie et au xviiie siècle en surmontant leur méfiance et leur incompréhension réciproques. Mais peut-être qu’ici le passé éclaire l’avenir plus encore que le présent. C’est ce que semblait évoquer dans un texte récent l’artiste métis David Garneau, à qui nous laissons le mot de la fin :
There may come a day when the idea of an Aboriginal-only exhibition of contemporary art will seem quaint. Quaint because […] the idea of an Aboriginal-only exhibition would be redundant because there are so many of them in the network of on-and off-reserve public art galleries, spaces devoted to local and inter-Nation exhibitions of Indigenous art and in displays of work by Settler artists who contemplate their current and historical entanglement with First Peoples[43].
Parties annexes
Note biographique
Jean-Philippe Uzel est professeur d’histoire de l’art à l’Université du Québec à Montréal et membre du Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIÉRA). Il a été en 2012-2013 titulaire de la Chaire d’études du Québec contemporain à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3. Son champ d’expertise porte, d’une manière générale, sur les rapports entre les arts visuels, la culture et la société au sein de la modernité esthétique. Ces dernières années, il a publié plusieurs articles sur l’art autochtone contemporain dans différentes revues (esse arts + opinions, Espace Sculpture) et ouvrages collectifs au Québec (Monde et réseaux de l’art, 2000 ; L’Indécidable, 2008) et à l’étranger (Cannibalismes disciplinaires, 2009 ; La fonction critique de l’art, 2009).
Notes
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[1]
Ryan Rice, cité dans Jérôme Delgado, « Montréal, terre iroquoise », Le Devoir, 3 avril 2009, p. b1.
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[2]
Pour que la liste de ces expositions ait un sens, il faudrait distinguer les expositions itinérantes présentées dans les institutions québécoises mais conçues à l’extérieur du Québec (Beat Nation en 2013 au Musée d’art contemporain de Montréal, Le monde à l’envers en 2009 au Musée d’art de Joliette…), celles conçues au Québec mais ne présentant pas d’artistes vivant dans la province (TRIBE chez Optica à Montréal en 2011, Danse au Berdache au Musée des beaux-arts de Montréal en 2009…) et, enfin, les projets québécois incluant des artistes autochtones québécois, qu’il s’agisse d’expositions permanentes faisant place à des artistes contemporains autochtones (la salle « Identités fondatrices » du pavillon Bourgie au Musée des beaux-arts de Montréal) ou d’expositions temporaires (Baliser le territoire en 2012 et Storytelling en 2014 à la galerie Art Mûr de Montréal, Akakonhsa’ – Fabuleux dédoublement à la Maison de la culture Frontenac de Montréal en 2013…).
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[3]
Précisons que l’autochtonie n’est en rien un phénomène réductible à l’Amérique du Nord. Avec la mise sur pied en 2000 de l’instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en 2007, l’autochtonie est aujourd’hui une réalité internationale qui renvoie à l’ensemble des Premiers Peuples, minoritaires sur leur propre territoire, qui ont subi et qui continuent à subir le joug de la colonisation. Les commissaires de la grande exposition d’art autochtone international Sakahàn, organisée en 2013 au Musée des beaux-arts du Canada, retenaient pour leur part dans la définition d’autochtonie la notion « d’auto-identification volontaire » : « Pour que le mot “autochtone” ait une fonction significative, il est essentiel qu’il renvoie aux notions de particularisme culturel, de dualité et d’hybridité, et qu’il offre la possibilité d’une auto-identification volontaire à une affiliation culturelle quelconque » (Christine Lalonde, « Introduction : au carrefour de l’indigénéité, de la mondialisation et de l’art contemporain », Greg H. Hill, Candice Hopkins et Christine Lalonde (dir.), Sakahàn. Art indigène international, catalogue d’exposition, Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada, p. 15).
-
[4]
Pour ne citer que quelques cas, limitons-nous à certaines expositions « mixtes » dans lesquelles les artistes étudiés dans le présent article ont exposé : « Nous venons en paix ». Histoire des Amériques au Musée d’art contemporain de Montréal en 2004 (avec Cynthia Girard), Burning Cold au Yukon Arts Center en 2007 (avec BGL), Anthem/Hymne à la Galerie d’art de l’Université de Carleton en 2007 (avec Cynthia Girard), Oh, Canada au MASS MoCA en 2012-2103 (avec BGL) et À Montréal, quand l’image rôde au studio Le Fresnoy en France en 2013-2014 (avec Nadia Myre).
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[5]
Comme en témoigne, par exemple, la remise du prix pancanadien Sobey Art Award en 2002 à Brian Jungen, en 2006 à Annie Pootoogook et en 2013 à Duane Linklater.
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[6]
Annie Pootoogook, Shuvinai Ashoona, Jamasee Padluq Pitseolak…
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[7]
Ingo Hessel, « “I Am an Artist”. Inuit Art Transcends Ethnicity », Gerald McMaster, Inuit modern : the Samuel and Esther Sarick Collection, catalogue d’exposition, Toronto/Vancouver, Art Gallery of Ontario/Douglas & McIntyre, 2010, p. 189.
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[8]
C’est ce que disait récemment Christine Lalonde : « In fact, many of the artworks don’t define indigeneity, they explore it and question it. That’s the nature of identity : that it will always be evolving and changing – it’s fluid » (citée dans Bryne McLaughlin, « Curator Q&A : How Indigenous Art Took Centre Stage in Sakahàn », Canadian Art, entretien mis en ligne le 23 mai 2013, http://www.canadianart.ca/features/2013/05/23/sakahan-national-gallery-of-canada/ (14 août 2013)).
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[9]
Nous avons choisi de traiter dans le présent article seulement trois productions, mais ceci est loin de clore la liste des artistes allochtones québécois qui font référence à l’autochtonie, que l’on pense aux travaux de Raphaëlle de Groot sur la Nouvelle-France (L’histoire illustrée, 2003-2004) ou à ceux de Charles Stankievech sur la géopolitique de l’Arctique (Loveland, 2011), qui évoquent en creux la présence inuit.
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[10]
Réalités de l’autochtonie au Québec dont rendent bien compte les documentaires signés par Richard Desjardins et Robert Monderie L’Erreur Boréale (1999), Le Peuple invisible (2007) et Trou Story (2011), ou, plus récemment, l’ouvrage collectif : Alain Beaulieu, Stéphan Gervais et Martin Papillon (dir.), Les Autochones et le Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2013.
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[11]
Sur le regard primitiviste d’Emily Carr voir : Marcia Crosby, « Construction of the Imaginary Indian », Stan Douglas (dir.), Vancouver Anthology. The Institutional Politics of Art, Vancouver, Talonbooks, 1991, p. 275-278.
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[12]
Johanne Lamoureux, « Identités non alignées », Jacques Des Rochers (dir.), Art québécois et canadien : la collection du Musée des beaux-arts de Montréal, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 2011, p. 362-367.
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[13]
William Commanda (Ojigkwanong), une des figures autochtones les plus respectées au Canada, était jusqu’en 2011, année de sa mort, le gardien du wampum des Sept Feux et de deux autres wampums sacrés.
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[14]
Edward Benton-Banai, The Mishomis Book. The Voice of the Ojibway, St. Paul , Indian Country Press, 1979.
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[15]
« Elle ne dégrade pas ces logos, mais les refait de nouveau, les recoud de manière rituelle. L’action est chamanique plutôt que dépréciative. C’est un exercice qui incarne la croyance selon laquelle des gestes minuscules, répétitifs et personnels peuvent avoir le pouvoir d’une prière » [je traduis] (David Garneau, « Nadia Myre. Landscape of Sorrow and other new work », Art Mûr. Invitation, vol. 4, n° 5, mai-juin 2009, p. 12).
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[16]
Voir sur cette installation : Pierre Dessureault, « Thomas Kneubühler, Under Currents », Ciel variable, n° 92, 2012, p. 12-21.
-
[17]
Les prises de vue nocturnes de lieux illuminés sont un des leitmotive du travail de Thomas Kneubühler, qui a également photographié de nuit des pistes de ski (Electric Mountains, 2009), des immeubles de bureaux (Office 2000, 2003-2008) et des stationnements privés (Private Property, 2006).
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[18]
Thomas Kneubühler, Currents, 2011, 6,30 min., http://www.thomaskneubuhler.com/projects/ 7/13 (27 juillet 2013).
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[19]
La convention stipule dans son article 2.1 (« Remise des droits ») que les Autochtones renoncent à leurs droits territoriaux ancestraux en échange de la reconnaissance par le gouvernement du Québec de territoires de chasse et de pêche, de l’octroi de l’autonomie politique de ces communautés et de certains dédommagements financiers.
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[20]
BGL est formé de Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière.
-
[21]
Sonny Assu, cité par Heather Igloliorte (dir.), Decolonize me = Décolonisez-moi, catalogue d’exposition, Ottawa/Oshawa, Galerie d’art d’Ottawa/Robert McLaughlin Gallery, 2012, p. 108.
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[22]
À l’occasion de sa performance au centre-ville de Montréal intitulée My Wealth Is your Knowledge (2012), Sonny Assu écrivait au sujet du potlatch : « Pour les personnes qui pratiquent le Potlatch, la richesse est une accumulation de biens destinés à être donnés. Cela contraste fortement avec la vision occidentale de la richesse. Là où nous accumulons pour faire étalage de notre richesse, les personnes qui pratiquent le Potlatch considèrent leur geste de donner comme leur richesse » (http://www.offerings-offrandes.com/offerings/2012/09/06/my-wealth-is-your-knowledge-ma-richesse-est-votre-savoir/ (14 août 2013).
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[23]
Georges Bataille, La part maudite, Paris, Minuit, 1967.
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[24]
« Qu’il s’agisse d’un Blackberry, d’un iPod, d’un ordinateur portable, d’une caméra numérique ou de n’importe quel objet de consommation « pop », on peut s’identifier à ces articles comme aux figures d’un mât totémique » [je traduis] (Sonny Assu, « Personal Totems », Linda M. Morra et Deanna Reder (dir.), Troubling tricksters. Revisioning critical conversations, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 2010, p. 150).
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[25]
On peut même affirmer que cette oeuvre, qui fait partie de la collection du Musée des beaux-arts de Montréal, est emblématique de l’art actuel québécois. La revue esse l’a choisie pour son édition 2008 de timbres-poste, où l’oeuvre est représentée dans sa version originale en pleine campagne avec une ferme québécoise en arrière-plan.
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[26]
Anne-Marie Ninacs, « Les éléments », Anne-Marie Ninacs et Catherine Dean, BGL, Québec, Manifestation internationale d’art de Québec, 2009, p. 54-57.
-
[27]
Serge Gautier, « Chasse à l’orignal », Encyclopédie du patrimoine culture de l’Amérique française, http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-634/Chasse%20%C3%A0%20l%E2%80%99orignal/ (14 septembre 2013).
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[28]
Guy Sioui Durand, « Sonia Robertson. Dialogue entre elle et moi à propos de l’esprit des animaux », Centre des arts actuels Skol. Livret d’exposition 2001- 2002, Montréal, Skol, 2002, Feuillet 6, p. 4.
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[29]
Jean-Ernest Joos, « La mondialisation de Cynthia Girard », esse arts + opinions, n° hiver 2004, p. 64- 65.
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[30]
Cynthia Girard a réalisé l’année suivante un autre tableau Louis Riel 2 (2003) consacré à la vie du leader métis.
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[31]
Il s’agit en fait de la reproduction de la gravure de L. F. Labrousse intitulée Guerriers iroquois illustrant le livre de Jacques Grasset de Saint-Sauveur Encyclopédie des voyages publié à Paris en 1796.
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[32]
Ce tableau a par la suite été montré dans l’exposition « Nous venons en paix ». Histoire des Amériques en 2004, où il répondait aux tableaux de Kent Monkman représentant les premiers « contacts » de Daniel Boone avec les Amérindiens (Daniel Boone’s First View of the Kentucky Valley, 2001 ; The Rape of Daniel Boone Junior, 2002).
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[33]
Gilles Havard et Cécile Vidal, Histoire de l’Amérique française, Paris, Flammarion, 2003, p. 373.
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[34]
Ibid., p. 377-384.
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[35]
Les Innus de Mashteuiatsh se nomment aussi les Ilnuatsh ou les Pekuakamiulnuatsh pour se distinguer des Innus de la Côte-Nord dont leur dialecte diffère. Le terme Montagnais, qui leur a été donné par les colons français, est tombé en désuétude.
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[36]
Guy Sioui Durand voit dans ce hasard objectif entre les patronymes de l’artiste et des anciens pelletiers un tour digne du trickster (Guy Sioui Durand, « Sonia Robertson. Dialogue entre elle et moi à propos de l’esprit des animaux »…, op. cit., p. 5).
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[37]
Ibid., p. 2-4.
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[38]
« Et puisque la traite, comme toute activité d’échange chez les Amérindiens, s’accompagnaient de rituel de sociabilité, d’adoption et d’alliance, elle favorisait également l’acculturation des Français et les métissages » (Gilles Havard et Cécile Vidal, Histoire de l’Amérique française…, op. cit., p. 314).
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[39]
L’exposition organisée par Louise Déry regroupait 14 artistes québécois actuels et était présentée au Studio national des arts contemporains Le Fresnoy à Tourcoing du 5 octobre 2013 au 5 janvier 2013.
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[40]
Marc Lenot anime le blog « Lunettes rouges » consacré à l’actualité artistique et hébergé par le site du quotidien français Le Monde (http://lunettesrouges.blog.lemonde.fr/2013/10/08/montreal-au-fresnoy-limage-qui-rode/ (15 octobre 2013).
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[41]
Nicholas Thomas, Possessions : Indigenous Art/Colonial Culture, Londres, Thames & Hudson, 1999, p. 15.
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[42]
Richard White, Le Middle Ground. Indiens, empires et républiques dans la Région des Grands Lacs. 1650-1815, Toulouse, Anacharsis, 2009.
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[43]
« Peut-être qu’un jour l’idée d’une exposition composée exclusivement d’artistes autochtones semblera dépassée. Dépassée parce que […] superflue tant ces artistes seront présents dans le réseau des galeries et musées publics à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, des lieux voués à l’exposition d’art autochtone local et international, et dans des expositions d’artistes non autochtones qui se rendront compte de leur imbrication actuelle et historique avec les Premiers Peuples » [je traduis] (David Garneau, « Close encounters : the next 500 years », Border Crossings, vol. 30, n° 2, mai 2011, p. 73).