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En décembre 2020 paraît au Québec la deuxième édition du référentiel de compétences professionnelles de la profession enseignante (Ministère de l’Éducation, 2020). La mise en oeuvre de ce référentiel entraine une révision des programmes, et notamment des stages. Le temps est donc propice à l’« introspection », soit à un bilan des pratiques en cours et des outils en vigueur au sujet de l’accompagnement et de l’évaluation des compétences en stage, et ce, afin d’effectuer une « prospection » des pratiques et des outils d’évaluation à mettre en oeuvre à la lumière des avancées scientifiques dans le domaine.

Le sujet de l’évaluation des compétences professionnelles en contexte de stage demeure relativement peu exploré en recherche (Boyer, 2013). Certes, on peut souligner des contributions ayant pour objet les manières d’arrimer l’évaluation des stagiaires à l’approche par compétences (Bélair et al., 2017 ; Figari et Remaud, 2014) et à ses présupposés, tels que, notamment, la place importante maintenant accordée à l’évaluation formative et à la progression des stagiaires dans les guides de stage (Bélair et al., 2017). Or, la particularité de chaque contexte de stage et la complexité de la pratique professionnelle posent des difficultés aux formateurs dans l’évaluation des compétences (Lapointe et Guillemette, 2015 ; Scallon, 2007 ; Tourmen, 2015).

En outre, la progression du développement des compétences d’un stagiaire sur l’ensemble de son cheminement au cours des quatre années de la formation comporte aussi des difficultés. Il est donc nécessaire de se doter d’une trajectoire possible de développement de compétences (Gouin et Hamel, 2017 ; Tardif, 2017) qui soit suffisamment flexible pour accueillir les trajectoires individuelles, tout en garantissant un profil de sortie de la formation initiale relativement commune à l’ensemble des finissants (Barrie, 2004 ; Prégent et al., 2009). La prise en compte du parcours de chaque stagiaire et de la progression du développement de ses compétences constitue un enjeu de taille puisque son évaluation est effectuée par une diversité et une succession de formateurs.

L’évaluation des compétences requiert la mobilisation du jugement professionnel des formateurs (Maes et al., 2020). Or, les enseignants associés et les superviseurs de stage mentionnent ressentir souvent de l’inconfort lorsqu’on leur demande de recourir à leur jugement professionnel pour évaluer le développement des compétences des stagiaires (Lebel, 2009 ; Tourmen, 2015). La question de la formation et de l’accompagnement des formateurs en stage en enseignement à l’égard du jugement professionnel est toujours vive.

Ce numéro thématique a pour but de faire le point sur les fondements théoriques de l’évaluation des compétences en contexte de stage et de brosser un portrait des outils et pratiques d’évaluation en vigueur dans les programmes de formation initiale à l’enseignement. Il a également pour visée de nourrir la réflexion collective autour de la question de l’évaluation en stage à laquelle s’adonnent actuellement professeurs, chercheurs et formateurs qui doivent entamer un bilan et une refonte de leurs principes et outils d’évaluation et d’accompagnement, notamment en raison de l’arrivée du nouveau référentiel de compétences professionnelles (Ministère de l’Éducation, 2020). Chacune des contributions du numéro apporte un éclairage sur ces réflexions.

La contribution de Louise Bélair et Nadine Talbot (UQTR) aborde la question du soutien qu’offrent les outils d’évaluation, et notamment les grilles d’évaluation, aux formateurs dans l’expression d’un jugement éclairé sur le développement des compétences des stagiaires. Elle invite à prendre en considération les différentes postures des formateurs dès la conception des outils d’évaluation et d’accompagnement.

L’article d’Olivier Maes, Catherine Van Nieuwenhoven et Stéphane Colognesi (Université catholique de Louvain) traite plus particulièrement du travail de coévaluation des formateurs et de la construction du jugement professionnel dans le cadre de ce processus. Elle permet d’identifier les caractéristiques du jugement professionnel déployé lors de l’évaluation des compétences en stage.

La contribution d’Olivia Monfette (UQO) et Annie Malo (UdeM) porte sur l’analyse, entreprise par le Centre de formation initiale des maîtres de l’Université de Montréal, des outils d’évaluation en cours dans les différents programmes de formation à l’enseignement des universités québécoises. Ce portrait invite à réfléchir aux caractéristiques des outils, et notamment des grilles d’évaluation, en cohérence avec une approche par compétences.

Enfin, l’article de Josée-Anne Gouin, Bernard Wentzel et Hélène Gasc (Université Laval) présente les résultats issus d’un dispositif de consultation réalisé au sein du baccalauréat en enseignement au secondaire de cette université. La contribution invite à réfléchir à la progression du développement des compétences sous l’angle d’activités professionnelles essentielles retenues par les formateurs.