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La formation des enseignants un peu partout en Occident se fait depuis plus de vingt ans autour de référentiels de compétences. Bien entendu, ceux-ci varient selon les systèmes de formation et les contextes nationaux. Toutefois, malgré des différences inévitables, les référentiels présentent tous des orientations et des caractéristiques communes, lesquelles s’appuient souvent, mais pas uniquement, sur les connaissances issues de la recherche. Ce virage vers la formation par compétences a représenté un grand défi pour tous les formateurs. Plus de deux décennies après que ce virage a été amorcé, on aurait pu croire que les défis de formation auraient été surmontés. Or, il n’en est rien. Former aux compétences représente toujours une problématique complexe pour les programmes et ceux qui y interviennent. Élaborer des dispositifs pédagogiques, des situations d’apprentissage pertinentes et signifiantes, ainsi qu’évaluer l’acquisition et la maîtrise des compétences représentent continuellement des défis importants pour les formateurs. Dans ce contexte, la question suivante émerge : qu’en est-il aujourd’hui de la formation par compétences des enseignants ? Bien que cette question ait été posée bien des fois, force est de constater qu’elle est toujours à l’ordre du jour. Dans ce numéro thématique, nous mettons l’accent sur les dispositifs mis en place par les formateurs afin de relever le défi de la formation par compétences. Plus spécifiquement, il met de l’avant les pratiques de formation innovantes axées sur l’amélioration de l’expérience d’apprentissage, sur l’engagement, la persévérance et la réussite des étudiants en formation initiale, ainsi que sur le développement de la capacité des futurs enseignants à composer avec la complexité du travail qui les attend.

Le premier texte est consacré au le défi complexe d’articuler la théorie à la pratique. C’est à ce défi que réfléchissent la professeure Vivegnis et ses collègues. Dans ce texte, les chercheuses présentent la mise en oeuvre d’une nouvelle modalité de stage. On découvre ainsi que différents acteurs impliqués dans les stages perçoivent plus de liens entre la théorie et la pratique dans les travaux des étudiants. Cependant, cette évaluation n’a pas permis de décrire la nature réelle de ces liens. Cette recherche explore donc la façon dont les étudiants en formation initiale en enseignement intègrent ces liens dans différentes productions effectuées durant leur stage; plus spécifiquement des incidents critiques. Basés sur l’analyse thématique, leurs résultats donnent à voir et à comprendre les sources et les types de savoirs convoqués dans ce type de travaux.

Le deuxième texte rédigé par la professeure Monney et sa collègue présente les résultats d’une recherche menée auprès d’enseignants qui accompagnent des stagiaires en enseignement. Plus spécifiquement, elle vise le développement de la compétence à évaluer chez les stagiaires. À partir d’entretiens d’autoconfrontations simples et croisées auprès de cinq enseignantes associées et de leurs stagiaires, les chercheuses dégagent les différentes formes et logiques d’accompagnement mises en place par les enseignants. Surtout, il ressort de ce texte que, dans le cas du développement de la compétence à évaluer, la logique d’accompagnement dialogique apparaît comme étant la plus féconde.

On le sait, la compétence réflexive est au coeur du curriculum de la formation des enseignants et c’est le sujet qu’aborde le troisième texte. Cette compétence contribue de manière capitale au développement de la professionnalité de l’enseignant en devenir. Dans leur texte, Deprit et ses collègues ont pour objectif de comprendre si les étudiants et leurs formateurs perçoivent le bien-fondé de la compétence réflexive. Leurs résultats démontrent que les principaux ingrédients de la réflexivité sont perçus essentiellement comme des leviers de réflexivité. En outre, la mise en place d’un climat bienveillant apparaît comme étant une condition incontournable au développement réflexif.

Enfin, dans le même ordre d’idées, la contribution de Marie-Andrée Pelletier vient clore ce numéro. Le développement réflexif des enseignants étant multidimensionnel, il s’avère important d’étudier comment les compétences psychologiques peuvent se déployer lors de la formation initiale. Plus spécifiquement, la chercheuse s’est interrogée sur la manière dont les enseignantes régulent leurs émotions. L’étude présentée ici, dont l’objectif principal était de déterminer les besoins de formation concernant les compétences sociales et émotionnelles, a mobilisé 48 enseignantes de niveau préscolaire. Les résultats mettent en évidence le rôle capital du développement des compétences émotionnelles en formation initiale, notamment en ce qui concerne : la conscience de soi, l’autogestion, la conscience sociale, les habiletés relationnelles et la prise de décision responsable.