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Introduction

L’enseignement du français au Brésil date de longtemps. Dans l’histoire, une série de réformes dans l’enseignement secondaire a assuré la présence du français et d’autres langues dans l’enseignement public et privé du pays. Si cette présence remonte aussi loin qu’à l’époque où le Brésil était une colonie du Portugal, comme nous le rappelle Ana Luiza Ribeiro Meneses (1996), d’autres chercheurs, comme Ceres Leite Prado (1996), confirment la tradition du français et d’autres langues dans l’enseignement nous rappelant qu’en 1854, la célèbre école publique, le Collège Pedro II, situé à Rio de Janeiro, rend officiel et obligatoire l’enseignement du français, de l’anglais, de l’allemand et de l’italien (qui est facultatif). Ce n’est qu’à partir de 1901, à la suite d’une réforme de l’enseignement brésilien, que le français est devenu obligatoire aussi dans les écoles privées du pays. Entre 1942 et 1961, dans le cycle secondaire, le français et l’anglais sont des langues très importantes, et l’espagnol est étudié pendant une année. En 1942, l’enseignement de l’allemand et de l’italien ne sont plus présents dans les cursus.

Ces études montrent qu’une place importante était accordée à l’enseignement des langues étrangères au Brésil avant les années 1960. Cela indiquerait une reconnaissance de la présence de cultures diverses dans le pays entraînant des effets positifs sur les systèmes éducatifs public et privé en ce qui concerne l’enseignement des langues étrangères.

Cette tendance ne s’est cependant pas maintenue et, à partir des années 1960, en raison des changements économiques et géopolitiques survenus à la suite de réformes, on décide de supprimer le français dans les programmes d’enseignement du secondaire. Ce premier pas a tout de suite déclenché un mouvement de résistance en faveur du français dans quelques institutions, mais a aussi provoqué des discussions dans les institutions d’enseignement gouvernementales et non gouvernementales sur l’avenir des langues étrangères au Brésil.

Qu’en est-il de la réalité de l’enseignement brésilien depuis les années 1960 ? Que disent les politiques linguistiques sur la place des langues étrangères aux niveaux secondaire et universitaire ? Dans quelle mesure le programme IsF, de 2016, peut-il reprendre la perspective plurilingue dans l’enseignement au Brésil ? Quels sont ses limites et ses atouts dans le plan national brésilien ?

Pour répondre à ces questions, dans un premier temps, nous allons revenir sur les directives nationales en matière de langues étrangères dans l’enseignement au Brésil pour en définir les objectifs et les orientations. Nous ferons ensuite le lien avec le programme IsF, qui préconise la reprise du plurilinguisme dans le cadre d’une politique linguistique axée sur l’internationalisation. Pour conclure, nous signalerons les perspectives actuelles que nous observons en ce qui a trait à la formation permanente des futurs enseignants de français dans les universités.

Les directives nationales sur les langues étrangères dans l’enseignement au Brésil

La place des langues étrangères dans l’enseignement public et privé secondaire et supérieur au Brésil a toujours été tributaire des directives nationales mises en place par le ministère de l’éducation et de la culture du pays.

En décembre 1961, une loi nationale de directives et de bases pour l’éducation, appelée Lei de Diretrizes et Bases (LDB) n° 4024, a entraîné, selon Ribeiro Meneses, la « décentralisation de l’enseignement et sur le plan pédagogique, un essai d’adaptation de l’enseignement pour qu’il soit plus identifié à la communauté et au mouvement historique » (1996 : 12)[1]. L’enseignement secondaire était alors considéré comme élitiste et propédeutique, inadapté donc aux besoins émergents de main-d’oeuvre et à l’évolution rapide de la société. À la suite de la mise en vigueur de cette nouvelle loi, le français, trop encyclopédique, a été évincé de plusieurs établissements scolaires et de plusieurs États du pays. Ribeiro Meneses note que « l’exception en a été les états du sud du pays, Paraná, Santa Catarina et Rio Grande do Sul, états où le français[2] et l’anglais ont été conservés dans les programmes scolaires » avec, toutefois, une réduction du nombre d’heures hebdomadaires d’enseignement, car « il fallait donner la place dans la grille d’horaires à de nouvelles disciplines, comme l’éducation morale et civique et l’initiation au travail » (1996 : 12). Notons cependant le statut privilégié de l’anglais à cette époque, qui s’imposait déjà comme langue de communication internationale, surtout dans le domaine économique. Comme l’affirme Mariza Pereira Zanini,

[…] il ne faut pas croire que l’influence de conseillers d’éducation des États-Unis d’Amérique et le pouvoir de pression économique qu’ils représentaient au moment de l’élaboration de la réforme de l’éducation, n’aient pas joué un rôle important pour expliquer cette évidence utilitaire en ce qui concerne le système d’éducation et la politique linguistique. […] Entre-temps, sur le plan politique, un coup d’état militaire a lieu en mars 1964 pour empêcher les réformes sociales et la politique nationaliste du gouvernement populiste. En 1968, suite à des manifestations des ouvriers et des étudiants, le gouvernement militaire a fait appel à l’AI-5 (Acte Institutionnel n° 5) qui a fermé le Congrès National, limité les droits politiques des citoyens, endurci la censure et entrepris une « chasse aux sorcières », le Brésil, se fermant à l’étranger, rétrécit son regard vers une politique éducationnelle plutôt plurilingue

2007 : 44

En 1971, le régime militaire promulgue la loi n° 5692 établissant que le Conseil fédéral à l’éducation (CFE) serait chargé de fixer les disciplines à retenir pour chaque établissement scolaire et pour chaque degré. C’est dans ce contexte que les langues étrangères deviennent facultatives. En 1975, le CFE donne un avis favorable au rapport du conseiller Newton Sucupira, selon lequel le texte de la loi de 1971 souffrait d’une lecture trop restrictive en ce qui concerne les langues étrangères. Pour remédier à cela, le conseiller propose un changement du texte de la loi, de manière à ce que l’article « une » soit employé pour définir la langue étrangère à être enseignée à l’école, ou substitué par « une ou plusieurs ». Il faut signaler que l’anglais et le français étaient les deux langues étrangères les plus enseignées à l’école et que l’enseignement de l’allemand, de l’italien et de l’espagnol constituait des cas isolés et peu nombreux à l’école publique. Par la résolution n° 53, la loi de 1971 a été modifiée, et l’enseignement des langues étrangères est devenu obligatoire pour le secondaire et recommandé pour le primaire.

Toujours dans ce domaine, il faudra attendre 1996 pour voir l’arrivée d’une nouvelle loi sur l’éducation, la loi 9.394, qui revoit les directives et les bases de l’éducation nationale. C’est dans la partie diversifiée du cursus que l’enseignement d’au moins une langue étrangère moderne devient obligatoire pour les enfants à partir de 11 ans, le choix de la langue à enseigner étant laissé à la discrétion de la communauté scolaire en fonction des possibilités de l’institution.

Pour le cursus du niveau moyen, la loi prévoit l’inclusion d’une langue étrangère moderne obligatoire, choisie par la communauté scolaire et d’une deuxième langue étrangère à caractère optionnel, en fonction des disponibilités de l’institution. L’influence de cette loi sur la formation des enseignants de langues étrangères a été importante dans la mesure où elle ouvrait à nouveau la voie à une deuxième option, justifiant ainsi la formation de nouveaux enseignants. Dans le texte de la LDB 1996 – §5º : « Dans la partie diversifiée de l’emploi du temps scolaire, il sera inclus, à caractère obligatoire, à partir du CM2, l’enseignement d’au moins une langue étrangère moderne, dont le choix reviendra à la communauté scolaire[3] ».

Même si, pour l’école primaire, la loi est explicite quant à l’enseignement d’au moins une langue étrangère, dans la pratique on était déjà conscient qu’il y aurait difficilement de la place dans les grilles horaires pour y inclure une deuxième langue. Le grand espoir demeure donc la possibilité d’action sur le cycle moyen, où, selon la loi, une deuxième langue étrangère à caractère optionnel devra être offerte. C’est à ce moment que l’on peut entrevoir la possibilité d’un enseignement plurilingue. Dario Pagel rappelle que 

[…] si l’on observe un progrès certain de la situation de l’enseignement des LE dans la nouvelle loi, c’est en partie parce que la FBPF (Fédération Brésilienne des Professeurs de Français), en 1991, en collaboration avec les associations de Santa Catarina et de Rio Grande do Sul, s’était mise en contact avec Mme Angela AMIN, rédacteur officiel de la loi à l’époque à l’Assemblée Nationale, et lui avait présenté un document qui justifiait l’enseignement obligatoire des LE à partir de la 5e année jusqu’à la fin des études secondaires

Pagel, 1997

Il s’agit là d’une victoire politique de la FBPF, victoire à laquelle d’autres associations ont également contribué. Le rédacteur du projet de loi avait proposé, dans le premier texte de la LDB (1996), que les langues étrangères soient offertes sans obligation par les écoles, à la mesure de leurs moyens. Il faudra une action concertée de toutes les associations d’enseignants de langues étrangères et des départements universitaires concernés pour que l’offre pluraliste de langues étrangères soit adoptée à l’école brésilienne.

En 1998, de manière plus explicite, dans un autre document législatif, on autorisera l’inclusion d’une deuxième langue étrangère, à caractère optionnel dans les programmes d’enseignement. Cela a été confirmé, un peu plus tard, en 2000, dans les directives nationales curriculaires (DCN) qui orientaient les projets pédagogiques des lycées, dans lesquels figurait la reconnaissance que l’enseignement et l’apprentissage de langues étrangères permettaient aux élèves de connaître les rapports étroits entre langues et cultures.

[…] une langue étrangère moderne sera incluse, comme discipline obligatoire, choisie par la communauté scolaire, et une deuxième langue à caractère optionnel, selon les disponibilités de l’institution[4].

DCN, 1998

Par la suite, la loi nº 11.161, de 2005, autorise l’offre de l’espagnol comme matière optionnelle au collège et obligatoire au lycée. L’enseignement de l’espagnol au Brésil n’a pas présenté un grand intérêt jusqu’à la création du marché commun du Sud, le Mercosur (1991). Cette législation a eu un effet négatif sur le français, qui s’est vu une fois de plus dépassé dans l’enseignement scolaire par une autre langue étrangère, en plus de l’anglais. Elle a aussi entraîné la prolifération de nouveaux cursus de formation d’enseignants d’espagnol, pour répondre à la demande créée par cette loi nº 11.161 de 2005.

Tout ce contexte rend évident l’absence d’une politique linguistique stable et à long terme qui permettrait l’émergence d’un vrai plurilinguisme. Encore une fois en 2017, le ministère de l’éducation et de la culture a décidé de changer la législation et de mettre en place une autre directive nationale. Il s’agit de la Base nationale commune curriculaire - BNCC, de décembre 2017- dont la version finale a été approuvé en 2018. Son objectif est de définir des axes communs pour tout le territoire, comme celui nommé Langages et Technologies, qui comprend la langue portugaise, les arts, l’éducation physique et la langue anglaise. Dans cette nouvelle législation, on revient en arrière ne validant que l’enseignement de l’anglais comme langue étrangère :

La langue anglaise doit être comprise comme une langue d’usage mondiale, par la multiplicité et la variété de ses usages, de ses usagers et de ses fonctions dans le monde contemporain.

Dans l’enseignement au lycée, exploiter l’utilisation de l’anglais dans la culture numérique, dans les cultures des jeunes, dans des études et des recherches, mais aussi élargir les perspectives à l’égard de la vie personnelle et professionnelle. D’autant plus que cela permet une ouverture vers des possibilités de rapprochement et d’intégration avec des groupes multilingues et multiculturels dans le monde globalisé – en comptant sur le fait qu’ils sachent communiquer en anglais –, avec différents répertoires linguistiques et culturels.

L’apprentissage de l’anglais permet aux étudiants d’utiliser cette langue pour approfondir la compréhension du monde dans lequel ils vivent, d’exploiter de nouvelles perspectives de recherche et d’obtention d’informations, d’exposer leurs idées et leurs valeurs, d’argumenter, de gérer des conflits d’opinion de façon critique, parmi d’autres actions en relation avec leur développement cognitif, linguistique, culturel et social. Ainsi, cet apprentissage élargit la capacité discursive et réflexive dans les différents domaines de la connaissance[5].

BNCC, 2018

Les effets nocifs sur l’offre plurielle de langues étrangères de cette dernière législation se font surtout sentir à présent sur le plan scolaire. Les directeurs scolaires se sentant autorisés à n’offrir que l’anglais et à réduire les options de langues font pression sur les enseignants d’autres langues étrangères que l’anglais pour qu’ils changent leurs activités. Ces remaniements de main-d’oeuvre peuvent les amener à l’enseignement de la langue maternelle ou même au développement d’autres tâches scolaires, tels les services de bibliothèque ou de remplacement éventuel des enseignants absents d’autres matières, par exemple.

À propos de la réduction du nombre d’heures d’enseignement historiquement imparti aux langues étrangères modernes et classiques, Vilson J. Leffa (2016) propose les trois tableaux qui suivent[6].

Tableau 1

L’enseignement des langues à l’époque de l’Empire : heures hebdomadaires d’études multipliées par le nombre d’années d’étude des langues

L’enseignement des langues à l’époque de l’Empire : heures hebdomadaires d’études multipliées par le nombre d’années d’étude des langues

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Tableau 2

L’enseignement des langues de 1890 à 1931 : heures hebdomadaires d’études multipliées par le nombre d’années d’étude des langues

L’enseignement des langues de 1890 à 1931 : heures hebdomadaires d’études multipliées par le nombre d’années d’étude des langues

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Tableau 3

L’enseignement des langues après 1931 : heures hebdomadaires d’études multipliées par le nombre d’années d’étude des langues

L’enseignement des langues après 1931 : heures hebdomadaires d’études multipliées par le nombre d’années d’étude des langues
Source des tableaux : Vilson J. Leffa, Língua estrangeira.Ensino e aprendizagem, Pelotas, EDUCAT, 2016, p. 52, 53 et 58

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Ainsi, de manière plus explicite, on peut constater dans la législation que, tout au long des décennies, on a eu :

  1. La reconnaissance d’un espace national accordé à une ou à plus d’une langue étrangère ;

  2. Une réduction de la place accordée à l’enseignement des langues étrangères en général dans les programmes scolaires ;

  3. Des inégalités en ce qui concerne la place des langues étrangères et de chaque langue étrangère dans le plan national à différents moments politiques du pays.

La dernière loi (BNCC, 2018) préconise la défense du monolinguisme, de l’anglais comme langue universelle de communication (língua franca) et n’encourage pas les autres langues étrangères. Cette option politique va dans le sens contraire de la réalité où coexistent plusieurs langues et cultures sur le territoire brésilien en raison des processus d’occupation et d’immigration de différentes origines tout au long de l’histoire du pays. Elle va également à l’encontre du mouvement de mondialisation, qui tend à rapprocher de plus en plus les langues et les cultures, à les mettre en relation et en réseau.

Dans ce document, l’anglais, qui fait partie de l’axe appelé Langages, est la seule langue qui doit obligatoirement figurer dans le cursus des écoles publiques alors que la mention aux « autres langues » correspond au statut de « langues optionnelles » et, dans ce cas, la préférence est accordée à l’espagnol. Ainsi, il n’y a pas de politique linguistique quant à l’enseignement des autres langues étrangères, puisque c’est aux établissements scolaires de prendre la décision, dans la mesure où celle-ci ne va pas à l’encontre du cursus. Cette absence de soutien gouvernemental amène les institutions à ne garder que l’anglais.

La BNCC, 2018, axe Langages, comprend les disciplines suivantes : langue portugaise, arts, éducation physique, enseignement religieux, géographie et, dans les dernières années du cursus, langue anglaise. D’après le document, l’objectif visé par l’inclusion de ces disciplines dans la formation des élèves est de leur permettre de développer des compétences diversifiées dans plusieurs domaines de connaissance. Outre l’absurdité d’insérer, dans un État laïque, le cours d’enseignement religieux, cet axe Langages ne met pas en valeur le rapprochement entre les cultures brésiliennes et l’Autre, c’est-à-dire les différentes langues et cultures (2018 : 63).

L’option politique consiste donc à considérer l’anglais comme la seule langue de communication par laquelle les élèves seraient censés avoir accès à un monde globalisé et pluriel, selon la BNCC :

Apprendre la langue anglaise permet la création de nouvelles formes d’engagement et de participation des élèves dans un monde social de plus en plus globalisé et pluriel, dans lequel les frontières entre les pays et les intérêts personnels, locaux, régionaux, nationaux et transnationaux sont de plus en plus épars et contradictoires. Ainsi, l’étude de la langue anglaise peut rendre possible à tous l’accès aux savoirs linguistiques nécessaires à l’engagement et à la participation, contribuant à l’esprit critique des étudiants et à l’exercice de la citoyenneté active, en plus de multiplier les possibilités d’interaction et de mobilité, en ouvrant de nouveaux parcours d’enrichissement des connaissances et d’études. C’est ce caractère formateur qui inscrit l’apprentissage de l’anglais dans une perspective d’éducation linguistique consciente et critique, dans laquelle les dimensions pédagogiques et politiques sont intrinsèquement liées

2018 : 241[7]

C’est dans une perspective à l’opposé de ce que préconise la législation brésilienne actuelle, visant donc la mise en valeur d’une politique d’offre plurilingue, que l’on va présenter le programme Idiomes sans frontières. Celui-ci a réussi à créer un espace de diffusion du plurilinguisme et d’actions de formation d’enseignants des langues étrangères en réseau.

Le programme Idiomes sans frontières : vers une politique plurilingue dans l’enseignement des langues au Brésil

En 2011, le gouvernement brésilien lance pour la première fois un programme de mobilité internationale dont l’objectif principal était de permettre aux étudiants des institutions d’enseignement supérieur – universités et instituts fédéraux[8] – de réaliser une partie de leurs études à étranger. Le programme appelé Science sans frontières (Ciência sem Fronteiras) a eu des effets positifs sur les institutions brésiliennes dans la mesure où les étudiants ayant obtenu une bourse du gouvernement avaient l’occasion d’étudier pendant six mois dans des centres de recherche de niveau international. Du côté des institutions étrangères qui allaient recevoir les boursiers, un important apport financier était aussi prévu. D’après les données du Ministério da ciência, tecnologia e inovações (2022, en ligne), dans la période comprise entre 2011 et 2014, se sont portés candidats 257 956 étudiants pour séjourner dans une trentaine de pays ayant des ententes avec le gouvernement brésilien et 80 652 bourses ont été offertes à des étudiants de premier cycle inscrits dans des filières scientifiques.

Même si l’on considère les retombées positives du programme, il faut mentionner qu’il s’agissait d’une initiative isolée dans la mesure où, du point de vue linguistique, il n’y avait pas de soutien institutionnel pour préparer les étudiants à la mobilité. Les résultats ont montré que mis à part ceux qui sont partis au Portugal, une grande partie des boursiers n’avaient pas la compétence linguistique requise pour suivre les cours en milieu universitaire étranger. La solution proposée à ces derniers a été de leur offrir sur place, à l’étranger, un cours intensif de mise à niveau linguistique, faisant le pari que cela suffirait pour leur permettre de profiter des études dans l’institution choisie.

C’est donc en raison de ce besoin de formation en langues étrangères pour appuyer la mobilité et l’internationalisation dans l’enseignement supérieur que sera créé le programme IsF.

Il est important de signaler qu’en continuité avec la défense d’une langue étrangère, le gouvernement brésilien a d’abord voulu combler dans le programme les besoins en anglais (Abreu-e-Lima et al., 2016) en réaction aux résultats que le programme Science sans frontières avait obtenus dans la formation en langues étrangères. Toutefois, dans chaque institution, un mouvement est né et des actions ont été entreprises dans tous les champs disciplinaires pour répondre aux besoins de formation linguistique en vue de l’internationalisation. Le programme Idiomes sans frontières est issu du travail collectif des enseignants et des chercheurs des institutions d’enseignement supérieur (IES) publiques pour la défense d’une politique linguistique plurilingue. Deux principes parmi d’autres ont soutenu ce mouvement : d’abord, l’internationalisation n’est pas exclusive de l’anglais même si l’on peut reconnaître que cette langue est la principale langue de communication internationale (Hamel, 2013 : 53-66); ensuite, le programme peut se baser sur la diversité des actions existantes dans tous les champs disciplinaires pour répondre aux besoins de formation linguistique en vue de l’internationalisation.

Ainsi, l’IsF s’insère (et même plus, instigue, est déclencheur de) dans les discussions et les actions concrètes dans chaque institution d’enseignement supérieur publique du pays pour coordonner des actions dans les sept idiomes que comprend le programme : allemand, anglais, espagnol, français, italien, japonais et portugais langue étrangère. Dans le but de valoriser le plurilinguisme dans l’enseignement des langues étrangères au Brésil et de promouvoir la formation continue des enseignants et enseignantes dans un contexte d’internationalisation, plusieurs actions sont mises en place et varient par rapport à chaque idiome. On peut les résumer selon trois axes :

  1. Création d’un réseau national d’enseignants-chercheurs pour discuter des actions locales et collectives liées au programme. Parmi les actions locales, les enseignants devaient prendre contact avec les responsables du service de relations internationales pour faire le point sur la situation de l’internationalisation dans leurs institutions, c’est-à-dire voir quels sont les accords internationaux et les modalités d’échange (études intégrées ou double diplôme) pouvant permettre la mobilité étudiante; discuter dans les institutions des politiques linguistiques respectant les accords internationaux avec des institutions étrangères; établir un plan pour l’offre de cours du programme IsF. Dans l’espace collectif du réseau, le partage d’informations, les difficultés rencontrées et les solutions trouvées ont contribué à l’avancement d’IsF basé sur le paradigme de collectivité nationale plutôt que de considérer chaque institution isolément.

  2. Création de groupes de travail dans chaque idiome pour contacter les acteurs consulaires et organiser et diffuser l’enseignement des langues étrangères dans le pays.

  3. Formation des enseignants pour les cours d’IsF. Cela a été fort important pour repenser les pratiques d’enseignement et d’apprentissage dans les institutions d’enseignement supérieur, les formations en didactique des langues étrangères qui devaient être reformulées dans le cadre du programme IsF, en particulier dans le IsF-français, et appuyées sur les recherches faites dans le domaine du français sur objectif universitaire (FOU).

Il est important de mentionner que les enseignants-chercheurs d’IsF faisaient face à un énorme défi, celui de coordonner leurs actions en tenant compte de trois dimensions : la dimension institutionnelle pour assurer que les démarches locales soient arrimées à la programmation et à la mise en place des cours spécifiques (à la carte) dans un contexte d’internationalisation ; la dimension formative en ce qui concerne la reprise des principes méthodologiques pour la mise sur pied de programmes de cours conçus et proposés à partir de l’analyse des besoins des étudiants. En général, les formations dans les institutions d’enseignement supérieur ont lieu à partir de programmes répondant à des besoins plus généraux ; et une dimension politique où les actions visant la diffusion des langues étrangères dans tout le pays sont organisées en réseau.

Quelle a été l’influence des points mentionnés précédemment sur le réseau d’enseignants-chercheurs de français ?

L’IsF-français : espace de diversité, de pluralité, de formation et d’échange

Tout d’abord, il faut dire que la création du réseau d’enseignants-chercheurs d’IsF nous a permis de nous rapprocher des domaines de l’enseignement, de la formation et de la recherche en langue française ainsi que de la littérature francophone et de la traduction, qui nous accompagnent depuis longtemps. En plus, il est important de dire que la demande pour l’apprentissage de la langue et l’étude des littératures est encore très importante dans l’enseignement supérieur.

Au Brésil, même si l’histoire de la didactique du français langue étrangère est passée par plusieurs moments difficiles, surtout après la suppression de l’enseignement de la langue dans le réseau public, dans les années 1960, comme on l’a déjà mentionné, dans les départements de français de 38 universités publiques liées au ministère de l’éducation et de la culture, les actions sont encore nombreuses.

L’IsF compte sur l’expertise des collègues et leurs expériences d’échange avec les universités du monde francophone, de France et de l’extérieur de l’Hexagone. Cette expertise se manifeste à l’intérieur du programme dans deux aspects : le premier fait référence à la place que nous, enseignants-chercheurs, occupons dans l’IsF une fois que nous avons la responsabilité de coordonner et de planifier les actions pour la mise en place du programme, la formation des futurs enseignants, des étudiants de la licence ès lettres de nos institutions d’enseignement supérieur ; le deuxième est de promouvoir la diffusion de la langue et des cultures d’expression française dans tout le pays, par des actions en réseau (à distance). En ce qui concerne les directives nationales d’IsF, on suggère à tous les acteurs du programme de s’inspirer des principes de diversité, de pluralité et de ceux ayant trait à l’enseignement.

Dans le cas d’IsF-français, pour mieux observer ces principes, on s’appuie sur le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) :

[…] la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs cultures. On considérera qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences distinctes, mais bien existence d’une compétence complexe, voire composite, dans laquelle l’utilisateur peut puiser

2001 : 129

La notion de compétence plurilingue et pluriculturelle tend à – sortir de la dichotomie d’apparence équilibrée qu’instaure le couple habituel L1/L2 en insistant sur un plurilinguisme dont le bilinguisme n’est qu’un cas particulier – poser qu’un même individu ne dispose pas d’une collection de compétences à communiquer distinctes et séparées suivant les langues dont il a quelque maîtrise, mais bien d’une compétence plurilingue et pluriculturelle qui englobe l’ensemble du répertoire langagier à disposition – insister sur les dimensions pluriculturelles de cette compétence plurielle, sans pour autant postuler des relations d’implication entre développement des capacités de relation culturelle et développement des capacités de communication linguistique

2001 : 129

Dans le but de décloisonner les langues, le CECRL propose la notion de compétence plurilingue et pluriculturelle, qui consiste à savoir se servir d’un répertoire langagier déjà maîtrisé dans sa langue maternelle ou dans d’autres langues étrangères, de savoir activer ses connaissances acquises dans l’apprentissage d’une autre langue et dans la communication entre des langues. Selon le CECRL,

[…] la compétence plurilingue implique la capacité à utiliser un répertoire interdépendant, inégal, plurilinguistique et avec une certaine flexibilité pour : passer d’une langue ou d’un dialecte (ou d’une variété de langue ou de dialecte) à l’autre ; s’exprimer dans une langue (ou dans une variété de langue ou de dialecte) et comprendre une personne parlant une autre langue ; faire appel à sa connaissance de différentes langues (ou de variété de langue ou de dialecte) pour comprendre un texte ; reconnaître des mots sous une forme nouvelle mais appartenant à un stock international commun ; mettre en jeu tout un outillage langagier, en essayant des expressions possibles ; […]

2018 : 28

En plus de cela, le travail avec les enseignants-chercheurs et les formateurs est axé sur les points suivants :

  • L’enseignement d’une langue étrangère est conçu comme un processus socio-interactif dans lequel les sujets apprenants sont historiquement et socialement marqués. En raison de l’inégalité qui existe dans l’apprentissage au pays et de la diversité de contextes, la démarche à suivre consiste à définir les besoins des apprenants, à savoir où ils vivent, quel a été leur parcours en langue et aussi leurs projets d’internationalisation.

  • La réflexion sur les nouvelles méthodologies ; dans le cas d’IsF, il s’agit de la méthodologie du français sur objectif spécifique et du français sur objectif universitaire.

Dans les formations initiales universitaires, les licences, il n’y avait pas de cours destiné à former à la méthodologie du français sur objectif spécifique français sur objectif universitaire (FOS-FOU). Alors, ce travail se réalisait dans les espaces que nous étions capables d’occuper, et nous avons frayé par là des chemins de formation complémentaire : dans les séances d’encadrement d’IsF, dans les stages de formation curriculaires ou non, dans l’adaptation à l’intérieur des programmes d’enseignement de cours électifs, dans la promotion de formations régionales pour le FOU. Il s’agit d’un terrain où des investissements sont encore nécessaires (Mangiante et Parpette, 2011), car l’analyse des besoins pourrait exiger la conception de cours sur mesure. En plus, nous remarquons que dans chaque institution, l’IsF constitue l’affaire de quelques individus : ne s’étant pas imbriqué dans les formations, il est encore souvent resté sous la responsabilité des spécialistes de chaque langue, adhérents au programme, puis au réseau.

Quels sont les rapports entre l’IsF et la francophonie ?

Comme on l’a déjà signalé, le programme d’IsF ouvre un espace institutionnel à l’intérieur même des institutions d’enseignement supérieur afin de repenser nos pratiques, nos méthodes, nos contenus et nos représentations de l’enseignement des langues étrangères. Or, le plurilinguisme qui caractérise ce programme est un atout important pour favoriser la création d’un mouvement national prônant l’adoption d’une politique linguistique mieux adaptée aux enjeux du xxie siècle. Dans un mouvement de résistance à la loi en vigueur pour les écoles (BNCC), l’IsF nous met au centre du débat pour la défense et la permanence des langues étrangères dans le plan national. Cela entraîne des conséquences sur chaque idiome et, par rapport au français, c’est une manière de le garder dans nos institutions d’enseignement et de formation, de former des acteurs qui comprendront la langue et les cultures respectives.

L’enseignement des langues étrangères dans des pays périphériques est soumis aux aléas des pouvoirs hégémoniques et des gouvernements en place. Au xxie siècle, l’influence de la mouvance décoloniale dans l’enseignement des langues étrangères, associée à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement qui mit en place, dans les institutions d’enseignement supérieur, un programme d’échanges multilatéraux, favorisa la création d’un réseau national de formateurs-chercheurs en langue française et l’ouverture à la francophonie.

Sur le plan de la formation des enseignants, le sujet de la francophonie n’est pas directement abordé dans leur parcours universitaire et dans le réseau d’IsF. Nous pouvons encore y travailler.

Édouard Glissant, dans ses textes sur l’antillanité, la créolisation et la poétique de la relation, nous permet de penser l’enseignement du français langue étrangère dans la perspective du divers, du multiple et de la mise en relation des éléments hétérogènes et composites constituant l’identité francophone, et non pas de leur étanchéité. Selon Glissant, la créolisation est

[…] la mise en contact de plusieurs cultures ou au moins de plusieurs éléments de cultures distinctes, dans un endroit du monde, avec pour résultante une donnée nouvelle, totalement imprévisible par rapport à la somme ou à la simple synthèse de ces éléments. La créolisation régit l’imprévisible par rapport au métissage ; elle crée dans les Amériques des microclimats culturels et linguistiques absolument inattendus, des endroits où les répercussions des langues les unes sur les autres ou des cultures les unes sur les autres sont abruptes

1997 : 560

Appartenant à ces microclimats, nous vivons dans un territoire et une région habités et traversés par plusieurs langues et cultures. Nous, les Brésiliens, sommes le résultat du processus de créolisation dont parle Glissant, mais dont les composantes ne sont pas égalitairement valorisées, ce qui entrave la mise en relation de ces éléments divers en vue de faire de la langue et de la culture des outils de création de langage en permanente évolution.

Malgré les politiques restrictives de nos gouvernements, le processus de créolisation, de mise en relation des langues et des cultures, entamé depuis des siècles, serait irréversible et constituerait un dispositif important pour la promotion d’une mondialisation habitée par le divers, le multiple et le multilinguisme. Pour Glissant, la valorisation des langues créoles serait une condition nécessaire pour le développement du multilinguisme dans le monde ; elle en serait même un moteur.

Dans le cas du français langue étrangère au Brésil, à la fin des années 1980, nous avons assisté à une percée des littératures dites d’expression française et puis francophones à la suite de la création des cours de master en études francophones et des « cellules d’études canadiennes » (NEC) dans des universités publiques. Quant aux méthodes d’enseignement du français, elles ont un petit peu déplacé les plaques tectoniques depuis Sans frontières, Nouveaux sans frontières, Archipel, Cosmopolite, autant de noms suggérant une décentralisation, une ouverture à des pays et à des cultures « francophones ». Pourtant, le changement est timide dans la mesure où la France demeure le centre qui produit des méthodes encore teintées d’exotisme et d’anecdotique et centrées sur le français de France.

Dans ce sens, le fait que les agents du champ du FLE, ses promoteurs et ses enseignants et enseignantes, se trouvent [encore] tiraillés entre la vieille conception de la francophonie et la promotion d’un rapport égalitaire entre les langues constitue un autre écueil pour la promotion du plurilinguisme (Cros, 2019 : 4).

Le réseau ANDIFES-IsF

Le programme Idiomes sans frontières a pris fin en 2019 par manque d’intérêt du ministère de l’éducation et de la culture à l’époque. Mais le réseau IsF existait déjà bel et bien et n’a pas été démantelé pour autant. Ainsi, en novembre 2019, grâce à un accord avec l’association des présidents des universités fédérales, l’ANDIFES (Association nationale des dirigeants des institutions fédérales de l’enseignement supérieur), le réseau ANDIFES-IsF voit le jour regroupant 52 institutions d’enseignement supérieur publiques et plus de 280 spécialistes de sept idiomes, les mêmes que dans l’IsF. Parmi les principaux changements, toutes les langues auront dorénavant, en principe, un statut de départ semblable, vu que le financement sera assuré par chaque université. La cellule appelée NUCLI-IsF locale devrait se charger, avec ses spécialistes, de créer des projets et de participer à des appels d’offres dans chaque institution en vue de garantir des bourses destinées à la formation des professeurs du programme IsF. Un autre grand changement : la proposition de créer de toutes pièces un cours national de formation destiné aux licenciés ès lettres langue étrangère, en enseignement de langues étrangères pour l’internationalisation, débouchant sur un diplôme de spécialisation au bout de deux ans de cours et d’activités pratiques.

Le réseau nouvellement constitué sous l’égide de l’ANDIFES oeuvre à la mise en place de ce cursus comportant un programme de cours concerté à l’intérieur du réseau, composé aussi bien de cours spécifiques à chaque langue que de cours transversaux aux diverses langues étrangères participant au projet.

En ce sens, nous observons un tournant considérable dans la conception du réseau ANDIFES-IsF par rapport à l’expérience préalablement tentée par le ministère de l’éducation et de la culture : l’accent qui sera mis sur la formation continue des enseignants et enseignantes des langues étrangères, grâce à ce nouveau cursus de spécialisation. En même temps, cette formule ne délaisse pas les services linguistiques offerts à la communauté universitaire, car les mêmes enseignants participant en tant qu’étudiants à la spécialisation, seront contraints par le cursus de donner des cours de langues, comme élément de formation pratique et également en contrepartie de la formation reçue, vu que le cursus de spécialisation sera gratuit.

Cette entreprise ne saurait voir le jour sans la création du réseau national de spécialistes en langues étrangères qui, eux, assureront : i) la création des ressources et des cours ; ii) la formation des enseignants et enseignantes ; et iii) l’encadrement des activités pratiques de leurs étudiants et étudiantes de spécialisation, et ce, pour la première fois à l’échelle nationale, dans un pays ayant la taille d’un continent.

Dans le cas du français, cette initiative compte sur une bonne trentaine de formateurs volontaires disposés à fournir une partie de leurs efforts et de leur énergie. Leurs compétences et leurs spécialités multiples contribueront ainsi à la richesse et à la vision ouverte et plurielle de cette formation. Le programme IsF-français s’inscrit dans la nouvelle conjoncture de mondialisation et dans un contexte de crise de la Francophonie, une nouvelle crise où il faut résister à la mondialisation totalisante et hégémonique et réfléchir à un autre concert des langues et des cultures composant la Francophonie. Dans le cas spécifique du français, le réseau ANDIFES-IsF, dans sa nouvelle version, a pour but de contrecarrer ce mouvement de mondialisation hégémonique, par lequel l’anglais s’impose comme la langue de la production scientifique.

Conclusion

Nous tenons à signaler l’importance du réseau ANDIFES-IsF dans le mouvement pour contrer l’idée du monolinguisme, encore très présente dans le discours gouvernemental. Le travail des langues en réseau, en prônant le plurilinguisme sur le territoire national, nous permet d’impliquer nos institutions dans les discussions sur trois points essentiels qu’on a traités dans ce texte : le premier, les pratiques d’enseignement dans les institutions d’enseignement supérieur et dans le réseau pour le plurilinguisme ; le second, par rapport à la formation des enseignants de français langue étrangère pour qu’ils se décolonisent eux-mêmes afin de pouvoir décoloniser leurs pratiques, par exemple, dans la conception de leur propre matériel de cours par la didactisation de documents authentiques répondant dans le contexte de l’IsF aux besoins des apprenants. Cela veut dire s’investir dans les formations en français sur objectif universitaire ; le troisième, grâce au travail en réseau et à la collaboration mutuelle dans l’utilisation de différentes plateformes et ressources technologiques, concevoir et réaliser des projets pour partager ensuite les résultats dans tout le Brésil.

Quant au développement plus large du plurilinguisme, il reste fortement dépendant des politiques linguistiques du gouvernement et des institutions. « Langue et politique sont intimement liées. C’est ce que n’ont toujours pas compris certains linguistes qui croient à une sorte de “marché” naturel des langues[9]. » Il ne s’agit pas tant de lutter contre la langue hégémonique, du point de vue du marché, mais de lutter pour la biodiversité dans le pays et dans le monde, ce qui inclut les langues.

Rien n’est garanti quand tout revient toujours aux diktats du gouvernement du moment, au lieu de constituer une politique d’État, donc plus stable dans le temps. La fin du programme Ciência sem fronteiras a porté un coup dur au rêve d’un pays ouvert à une politique économique multilatérale qui favoriserait la promotion de plusieurs langues dans l’espace national. Le réseau nouvellement créé est le fruit et la marque de résistance des enseignants et enseignantes et constitue une brique dans ce bâtiment imaginé par ses acteurs et ses spécialistes.