Résumés
Résumé
Dans les quartiers populaires d’Hafia à Conakry(Guinée), les habitants s’associent pour « faire-ville » (Agier, 2015).Comme le proposait Lefebvre en 1968, les citadins inventent quotidiennement de nouvelles normes urbaines et de nouveaux modes d’appropriation de l’espace pour revendiquer le droit à la ville, « un droit à la vie urbaine ». Peu institutionnalisée, la fabrique urbaine ordinaire n’échappe pas aux nouvelles pressions urbaines qui fragmentent les espaces urbains. Quelle couleur prend le droit à la ville au Sud quand les outils de productions majoritairement informels sont usités par les citoyens qui font et défont la ville ?
Mots-clés :
- fabrique ordinaire,
- droit à la vie urbaine,
- sociabilités urbaines,
- fragmentation spatiale,
- accès à l’espace
Abstract
In the popular neighborhoods of Hafia in Conakry (Guinea), the inhabitants combine together their forces to “faire ville” (Agier, 2015). As Lefebvre noticed in 1968, urban citizens daily invent new urban standards and appropriations of space to claim the right to the city, “a right to urban life”. Little institutionalized, ordinary urban fabric does not give way to the new urban pressures that fragments urban spaces. What color is taken by the right to the city in the South when the production tools are predominantly informal and used by the citizens who assemble and disassemble the city?
Keywords:
- ordinary fabric,
- right to urban life. urban sociability,
- spatial fragmentation,
- access to space
Corps de l’article
1 Introduction
1.1. Les défis urbains en Afrique sub-saharienne
Selon les prévisions d’UN-Habitat (2014), plus d’un Africain sur deux résidera en ville à l’horizon 2030. Les villes d’Afrique sub-saharienne connaissent l’une des plus rapides formes d’urbanisation dans le monde. Aujourd’hui, c’est un habitant sur cinq qui vit à Conakry (Guinée). Ce développement résonne comme un défi envers les savoirs et les pratiques conventionnelles (Un-habitat, 2014) de la planification et de la gestion urbaine fondés encore aujourd’hui sur la double conception du développement et de la modernité (Robinson, 2014 [2006]).
Synonyme pour Un-habitat (2014) d’une explosion des formes précaires d’habitat et d’une généralisation de la pauvreté dans nombre de villes ouest-africaines, ces pressions démographiques, foncières et économiques concourraient à la fragilisation de l’urbain « conçu et vécu comme pratique sociale » (Lefebvre, 1968). Pour autant, en dépit des contraintes croissantes auxquelles ils sont exposés, les habitants inventent de nouveaux stratagèmes pour vivre dans ces espaces urbains qui se révèlent des lieux adaptés et situés. Fruits d’appropriations informelles (mobiles, sédentaires, temporaires et/ou permanentes), les pratiques citadines se révèlent être, pour de nombreux auteurs, un critère de l’identité urbaine de la ville africaine (Steck, 2006). Elles y façonnent une fabrique urbaine ordinaire [1] . S’intéresser à ces pratiques, nous permettrait d’inverser « le regard porté sur le continent africain qui ne serait plus seulement l’espace des monstruosités urbaines, de la pauvreté et des bidonvilles mais aussi un lieu de création culturelle cosmopolite entré de plein pied dans la mondialisation » (Fourchard, Goerg et Gomez-Perez 2009, p. 39). Tout comme A. Simone (2007), nous pourrions regarder les villes africaines comme « une réalité en devenir,[à la fois] excessivement créative et extrêmement bloquée » afin de dénicher de nouvelles opportunités pour décrypter les « acquis d’une urbanisation rapide [...] qui se déploient dans un monde où l’informalité dépasse toute préconception » (Fourchard, Goerg et Gomez-Perez, 2009, p. 190). La fabrique urbaine ordinaire se baserait sur de nouvelles normes urbaines, instrument de consolidation d’une urbanisation durable, qui tenteraient de réduire « la stigmatisation qui pèse sur les activités dites informelles facilement assimilées à un simple désordre qu’il faudrait résorber » (Fourchard, 2006, p. 17).
1.2. Le droit à la ville au Sud
Le droit à la ville se manifeste comme forme supérieure des droits : droit à la liberté, à l’individualisation dans la socialisation, à l’habitat et à l’habiter. Le droit à l’œuvre (à l’activité participante) et le droit à l’appropriation (bien distinct du droit à la propriété) s’impliquent dans le droit à la ville (Lefebvre, 1968, p. 125).
À partir d’études de terrain successives, Henri Lefebvre dénonçait en 1968, l’éviction des classes populaires du centre de Paris. Il proposait notamment de faire du droit à la ville, un droit des citadins à collaborer activement à la production de l’espace. Fer de lance de nombreuses réinterprétations, les idées de ce penseur sont reprises tout d’abord dans les urbanstudies anglo-saxonnes (Revol, 2012) avant de naviguer dans nombre de contextes au Nord et plus récemment au Sud pour défendre les citoyens envers les mutations sociales et spatiales ordonnées par la modernité et le capitalisme (Harvey, 2011). Le droit à la ville permet communément de fédérer de nombreuses luttes urbaines face aux systèmes créateurs d’injustices et d’inégalités spatiales. Cette notion radicale poursuit son ancrage spatial et urbain. Elle est aujourd’hui « invoquée pour affirmer au nord comme au sud les nouveaux partages citoyens » (Morange et Spire, 2015).
Le droit à la ville au Sud défendrait alors l’égal accès de tous les citadins aux ressources urbaines. D’un côté, il est redéfini « comme un corpus de droits dans la ville pouvant être obtenus et protégés en négociant avec les institutions locales » (Galonnier, 2012). Ce serait « un droit au logement, droit aux services urbains, droit à la participation, droit à la propriété, droit au travail, droit à la libre circulation, droit à la sécurité, droit à la mixité socio-spatiale, etc. » (Galonnier, 2012). Repris par les instances internationales, le droit à la ville devient un instrument aux services du développement des villes du Sud. Au programme des conférences internationales, il vise à contribuer aux luttes urbaines « dans le système international des droits humains » [2] (FSM, 2005). De l’autre, il prend le chemin des théories de la justice spatiale. Il devient un outil de protection des populations précaires au Sud face aux évictions et à l’accroissement des inégalités sociales. Le droit à la ville est usité dans de nouvelles études empiriques qui réaffirment la place de la participation citadine dans des métropoles soumises aux rythmes rapides d’urbanisation. Le droit à la ville constituerait « le lieu et l’échelle privilégiée pour construire une société plus juste » (Morange et Spire, 2015).
1.3. Problématique
Regarder le droit à la ville depuis le Sud, nous permettrait de mettre en lumière dans les débats théoriques sur l’urbain, les nouvelles spatialités et sociabilités urbaines inventées par et pour les citadins ; dans des métropoles où chaque habitant tente de se frayer quotidiennement une place. « Malgré les crises et les délitements les espaces urbains continuent à « faire ville » (Dorier-Aprill et Gervais-Lambony, 2007, p. 6). Ce constat nous incite à faire le choix d’une relecture plus fine de l’essence même du« faire ville » au Sud dans l’élaboration du droit à la ville.
Conakry, la capitale guinéenne avec ses 1.6 million d’habitants [3] , connait une croissance urbaine sans précédent. Tandis que certains plébiscitent de nouvelles opérations qui correspondraient « aux normes internationales » [4] , les habitants s’organisent dans les territoires existants en réponse aux pressions démographiques et foncières. Pendant que de grands groupes privés prennent possession de pans entiers de territoire, le marché immobilier se tend, davantage soumis aux logiques du capital. Les citoyens s’installent dans les espaces existants, les interstices, et dans des périphéries toujours plus lointaines, contribuant à fragmenter l’espace chaque jour davantage. La croissance de la métropole guinéenne modifie les conditions de vie, d’urbanité et redessine ses limites territoriales.
Dans cet article, nous proposons de repenser la notion du droit à la ville depuis les quartiers populaires d’Hafia (Conakry), lorsque les outils de productions majoritairement informels sont appropriés par les citoyens qui font et défont la ville.
-Comment les sociabilités et spatialités urbaines en tant que créatrice d’un « droit à la vie urbaine, transformée, renouvelée » (Lefebvre, 1968) pourraient être un facteur de création d’espaces urbains « plus justes » ?
Pour autant, soumise aux nombreuses pressions, la fabrique urbaine ordinaire dans les quartiers d’Hafia apparaitrait fragilisée. Alors comment le droit à la ville permettrait-il de lutter contre les fragmentations et individualisations des espaces urbains ?
Constamment en mouvement, le droit à la ville défendrait les pratiques citadines fondatrices d’une fabrique urbaine originale contre les nouvelles fragmentations spatiales. Le droit à la ville ne serait alors plus un droit à acquérir mais un droit à défendre.
Tout d’abord, nous présentons au chapitre 2 le développement urbain de la métropole guinéenne. Puis nous déclinons la méthodologique qualitative croisée mise en place dans les quartiers populaires de Hafia. Dans une troisième et quatrième partie, nous déclinons les sociabilités et spatialités urbaines à travers lesquelles les citadins façonnent l’espace. Puis au chapitre 5, nous montrons comment les nouvelles pressions agissent sur les sociabilités urbaines et concourent alors à la fragmentation des espaces (chapitre 6) pour conclure sur le concept du droit à la ville, une lutte pour l’espace dans les quartiers d’Hafia.
2. Contexte et approche méthodologique
2.1. Conakry, la capitale des Rivières du sud [5]
Conakry fût fondée ex nihilo en 1899 par la colonisation française, au bout de la presqu’île de Tombo (Commune actuelle de Kaloum) sur une relation duale entre la ville blanche coloniale et la ville indigène [6] (Goerg,1997). Proche des anciens villages, la ville y est alors planifiée dès le début du XX e à partir d’un plan colonial en damier (1890) qui définit 14 avenues est-ouest et 12 boulevards nord-sud : « Conakry se présentait comme un terrain quasiment vierge où l’on pouvait concrétiser la conception européenne d’une ville coloniale moderne [...] une ville appelée à un très grand avenir »(Goerg,1985, p. 310). Jusqu’en 1950, le paysage est hétéroclite entre banlieue agricole, centres lotis, unités industrielles et villages indigènes (Goerg, 1997). La colonisation impose son mode de pensée, celle d’une ville aérée, hygiéniste et instaure les premières normes urbaines et architecturales.
À l’indépendance en 1958, la ville s’étend hors de la presqu’île sur 2 200 hectares jusqu’à Gbessia et Hamdalaye (Tompapa, Bah et Richard, 1999).Elle continue son expansion vers « la banlieue » entre promotion privée, appropriations informelles et lotissements publics [7] . Les quartiers en rive (longeant l’océan atlantique) se constituent par un habitat résidentiel linéaire plutôt aisé (Kaporo, Kipé, Nongo) tandis que d’autres deviennent des quartiers à l’habitat dense (Coléah, Madina, Matam). Sur le plateau central, encore majoritairement peu accessible, la mine et l’usine de concassage ferment leurs portes laissant derrière elles un territoire aux reliefs marqués [8] .Ce n’est qu’au début des années 80 que l’urbanisation de la capitale s’accélère poussée par un double mouvement : la libéralisation économique [9] et l’exode rural. Les planifications successives [10] n’empêchent pas alors la poursuite d’une urbanisation non planifiée. Les projets d’aménagement souffrent de logiques descendantes qui peinent à trouver une réelle adaptation territoriale. L’absence d’offre de logements sociaux à prix modéré constitue une contrainte pour les plus modestes qui sont alors contraints de s’installer en partie plus loin en périphérie. De nouvelles opérations « immobilières internationales » voient le jour. Passant de 32 000 habitants en 1958 à 1 667 864 habitants en 2014 (RGPH 3), Conakry devient en quelques décennies un territoire urbain étalé. La capitale s’étend sur quarante kilomètres, tout au long de la péninsule limitée seulement par ses frontières physiques (la mangrove), administratives (les préfectures limitrophes de Dubréka et Coyah) et par les mobilités urbaines. La ville coloniale takoui [11] ne représente alors plus qu’une infime partie du territoire urbain, aussi bien sur le plan spatial (environ trois km 2 sur 300 dans la définition actuelle – la moitié composée de marécages et de mangroves) que sur le plan démographique. Elle reste pourtant encore le centre économique et le siège des organes de gestion du pays. La métropole guinéenne connait les problématiques des grandes métropoles ouest-africaines.
2.2. Une recomposition postcoloniale [12] : les quartiers populaires d’Hafia
Sur le plateau à l’emplacement de l’ancienne carrière d’extraction, de l’usine et de la cité des travailleurs, naissent les huit quartiers de Hafia : Hafia I, Hafia II, Hafia Mosquée, Hafia Château d’eau, Hafia III, Hafia Minière I, Hafia Minière centre, Hafia Minière II (entité administrative). Les quartiers populaires [13] d’Hafia sont devenus avec l’expansion urbaine un lieu du centre géographique de la métropole et rassemblent aujourd’hui 56 262 habitants (RGPH-3) répartis dans 8179 ménages avec un nombre moyen de 6.8 habitants par ménage pour une densité urbaine de 332 habitants/ha. Plus qu’une entité administrative, ces quartiers constituent des communautés de vie [14] nées à la suite des indépendances. Des pionniers [15] ou des migrants se voient octroyer ou s’octroient les espaces et se transforment de fait en coutumiers malgré les politiques affichées dès 1962 d’une réglementation foncière [16] et économique du sol par l’État. Ils vendent les terrains étatiques, procèdent à des lotissements informels (délivrance d’attestations) suivant les règles des us et coutumes héritées des entités villageoises. La partie sud s’urbanise dès les années 60 tandis que le nord se compose de petites entités agricoles. Les premiers habitants transitent ainsi par les quartiers annexes et viennent ensuite s’y installer massivement à partir de la fin des années 70. De nouvelles instances de quartier voient le jour accompagnant les politiques de décentralisation. Les chefs de quartier prennent le relais et gèrent l’installation des familles dans un système où le droit foncier légiféré et le droit coutumier semblent cohabiter.
Au début des années 2000, le quartier consolidé est soumis à de nouvelles pressions sociodémographiques : le maintien des jeunes à domicile, la venue des parents éloignés ainsi que l’arrivée des locataires (nouvelles vagues d’urbains venus chercher du travail dans la capitale). Dans la commune de Dixinn [17] en 2015, 29.1 % des ménages sont locataires, 28.2 % résident dans leurs propriétés et 22.1 % sur une copropriété familiale. Contraint par ses limites géographiques, la densification bâtie se fait davantage par adjonction de chambres ou d’annexes [18] au bâtiment principal. La flexibilité de cet habitat produit et dessiné par la communauté permet d’absorber une partie des besoins en logements et aux propriétaires d’acquérir une nouvelle rente locative. Les familles les plus modestes trouvent de nouveaux stratagèmes pour habiter la ville par l’invasion, l’occupation et l’implantation dans les zones à risques. À l’inverse, des commerçants, attirés par la proximité géographique du grand marché de Madina, viennent y bâtir villas et immeubles. Ces nouvelles implantations modifient, de fait, les sociabilités et spatialités urbaines.
2.3. Une lecture in situ des pratiques habitantes
S’essayer à décrire le territoire d’Hafia, c'est s’essayer à montrer cet urbanisme qui se joue au quotidien. Ainsi, la méthodologie qualitative de recherche in situ mise en place a pour but d’appréhender la fabrication sociale « matérielle et symbolique de la ville à partir de l’observation et de l’analyse des actions des habitants » (Deboulet et Berry-Chikhaoui, 2000, p. 20) et de percevoir ces actions sous un angle double, celui des pratiques quotidiennes et des mutations architecturales et urbaines. D’un côté, la méthode envisage les pratiques sociales et représentations des individus en relation aux configurations spatiales et architecturales de l’espace. De l’autre, cette lecture in situ est guidée par le besoin de décentrer le regard sur ces espaces urbains ordinaires. Il s’agit de nous éloigner de visions unidimensionnelles des problématiques urbaines (infrastructure, habitat, eaux, déchets, foncier) qui court-circuitent les réalités en nous incitant à catégoriser les quartiers des villes du Sud en fonction de critères prédéfinis (pauvreté, informalité, précarité). De même qu’il n’existe pas de données spatiales [19] récentes en Guinée à l’échelle micro-locale qui puissent représenter le lieu (les habitants ne se repèrent pas avec des cartes [20] ), il existe peu d’études sur les réalités urbaines contemporaines à Conakry. Parce qu’il nous est familier [21] , parce que sa situation urbaine est au centre géographique (de la péninsule) et son histoire majoritairement postcoloniale et populaire, le territoire d’Hafia, objet de cette étude, est un exemple révélateur des mutations urbaines de la capitale guinéenne.
2.4. Marcher, raconter et visualiser
Pour nous atteler à saisir toute la complexité de cette fabrique urbaine, trois actions sont définies : marcher, raconter et visualiser. Ces actions deviennent ainsi les bases de notre protocole de recherche suite à une première phase d’immersion en 2009. Nous avons arpenté durant neuf mois les espaces du quartier tantôt à pied dans le territoire proche, en taxi et véhicule particulier dans le territoire global. Ce temps d’adaptation s’est révélé capital dans nos choix méthodologiques. Ensuite, notre recherche de terrain s’est mise en place sur trois périodes de 2012 à 2016. Nous y avons réalisé des observations, itinéraires en marchant et séquences visuelles. Ce protocole méthodologique est ainsi le fruit d’une mise en récit (raconter), en mouvement (marcher) et en image (visualiser) du territoire à la première, deuxième et troisième personne [22] .
a. L’observation en marchant
Pour observer les multiples possibilités de cheminements et d’interactions, nous avons mené six parcours d’observation à partir d’un même point de départ. Plus ou moins distants, les parcours révèlent des séquences urbaines qui décrivent toutes la diversité des possibles urbanités : le long de rues, passages, rails et étals de marché. « Il s’agit de marcher librement, sans but affirmé et sans intentionnalité préalable, si ce n'est de [se] rendre disponibles aux multiples sollicitations de la ville » (Thibault in Thomas, 2010, p. 34).Les descriptions sont alors retranscrites dans un carnet sous forme de notes associées à des croquis, relevés d’usages et clichés photographiques.
b. Les itinéraires
Nous avons réalisé 16 itinéraires pendant lesquels chaque citoyen est devenu un temps « notre guide »mettant en mots le vécu, son vécu et permettant de qualifier les temps et les espaces de la vie quotidienne.
Le chercheur ne connait le site, il y est initié par le guide. Il donne corps par la marche à son récit, il crée un rapport d’hospitalité avec le chercheur qui est comme un étranger dans ce récit. Le récit est confronté au présent, au site. La marche est alors indissociable de la parole (Pasquier et Petiteau in Grosjean et Thibaud, 2001, p. 65).
Pour faciliter le récit, la confiance et la traduction [23] , nous étions accompagnés d’un jeune adulte du quartier. Nous invitions l’enquêté à effectuer le parcours de son choix et à nous décrire son territoire le temps qu’il le souhaitait. Nous y avons associé huit thématiques de questions rythmant la marche. En prenant des photos aux points clés du récit, nous mettions en image les rapports complexes entre le choix de l’itinéraire et le déplacement de l’enquêté pour révéler les « inclinaisons de la marche ». « Les lieux se qualifient progressivement des manières de bouger individuelles mais aussi collectives » (Thomas, 2010, p. 44). Nous avons recueilli de nouvelles cartes mentales du territoire, celles des savoirs habitants. Propre à chaque individu, ces cartes couvrent différents lieux de l’intime à la communauté : des concessions [24] aux rues, délaissés, voies ferrées, lieux clos, marchés, etc. Parallèlement nous avons réalisé 26 entretiens semi-directifs pour compléter ces récits et toucher un panel plus large [25] d’habitants. Afin de respecter l’anonymat des interviewés, nous utilisons dans cet article le code suivant : [E = entretien ou I = Itinéraire, numérotation, H/F = sexe, âge, quartier].
c. Les séquences visuelles
Enfin, nous avons réalisé des cadrages photographiques en nous positionnant à trois points distincts, chaque heure sur une même journée (8h à 20h) aux mêmes emplacements. Mise « en œuvre de manière répétitive, la photographie […] permet d’observer la structure sociale en mouvement, ainsi que le flux des activités qui se mêlent dans un même espace » (Maresca, 2013, p. 46).Ces séquences ont pris place au marché Concasseur et sur l’autoroute. Ces sites ont en commun d’avoir fait l’objet de travaux en 2013 : pose de bitume, création de caniveaux à ciel ouvert. Le cadrage découpe le parcours en séquences, en scènes de vie et l’image photographique permet d’« attirer l’attention sur les détails de la vie sociale » (Maresca, 2013 [Piette, 1996], p. 43). Afin de mettre en récit le lieu et comprendre l’évolution du marché, nous avons réalisé dans le même temps dix entretiens semi-directifs avec les passants et commerçants. Les séquences visuelles nous permettent de comprendre à la fois le temps long des mutations urbaines à la manière de W.H. White dans les années 60, tout autant que le rythme journalier et l’importance de la courbe du soleil sur les usages (Chenal, 2012).
De ces parcours et rencontres, nous en ressortons une épaisseur narrative et visuelle que nous avons retranscrite, lue et confrontée. En effectuant des liens croisés entre parcours, récits et images, nous retranscrivons dans cet article une lecture de la fabrique urbaine ordinaire, celle des habitants des quartiers populaires d’Hafia.
3. La fabrique des sociabilités urbaines
. Les espaces urbains se structurent à travers un ensemble de règles et réseaux, plus ou moins organisés, plus ou moins informels qui fondent les strates de sociabilités urbaines locales. Les organisations sociales sont d’autant plus influentes sur l’espace que les pouvoirs publics sont peu présents. Le chef de famille a un rôle accru dans ce système, il représente la famille tandis que les plus jeunes s’inscrivent dans des systèmes associatifs et sportifs.
3.1. Les réseaux familiaux
À l’intérieur d’une société basée traditionnellement sur la parenté, les sociabilités urbaines reposent en partie sur la famille. Ce n’est pas tant l’espace physique et la proximité géographique qui structurent la vie de l’individu-citadin à Conakry, mais davantage les réseaux familiaux qui l’inscrivent dans la ville. Le recours à la solidarité familiale à Conakry est un véritable système relationnel dans lequel les gens trouvent à vivre.
Il y a plein de lieux de repères à travers les immeubles, les noms. [...] En Guinée on a toujours une grande famille et cette famille est toujours un peu partout… J’ai mon oncle dans ce quartier, l’oncle de ma maman dans cet autre, ce qui m’amène à me déplacer d’un quartier à un autre. [...] Si on te demande si tu connais un quartier, tu diras oui. Et pourquoi ? Ah j’ai un parent là-bas. Il y a toujours un point de repère dans un quartier. [E2,F, 26,Hafia Minière II]
Chaque famille s’inscrit dans un réseau de voisinage à l’échelle de ses parcours. C’est ainsi que les familles influentes [26] deviennent des référentiels toponymiques au même titre que des évènements, des équipes de foot, etc. Ils donnent leurs noms à des carrefours (mondial, célibataire, etc.), des angles de rues, des noms de commerces, etc.
En face de la cour c’est Laminaya. C’est-à-dire le fondateur du lieu [27] . On a mis son nom sur le lieu. Ici c’est Galéa, c’est parce qu’il s’appelle Galèa. […] Ici c’est Bachir-ya le fondateur c’est Bachir. Ici c’est Josephya. [I1,H, 26,Hafia Mosquée]. Le concessionnaire avait laissé le hangar pour les gens. Il a donné son nom au carrefour. Maintenant on peut dire : je viens à kamissokoyah [I2, H,49, Hafia minière centre].
Enfin, ces sociabilités urbaines sont rythmées par les évènements familiaux (mariages, baptêmes) qui ont lieu soit dans les concessions soit sur les espaces communs appropriés le temps de la cérémonie. « Ici le carrefour. Il y a deux appellations kamissokoya l’ancien nom et l’autre “Carrefour denanbo-city [28] ” car ici il y a toujours des cérémonies » [I4,H, 25,Hafia Minière centre].
3.2. Les instances locales
Chaque quartier se structure administrativement en instance locale autour du chef de quartier. Anciennement nommés, ils « sont des institutions hybrides : ils représentent à la fois le pouvoir central à l’échelon des entités territoriales urbaines déconcentrées et le pouvoir local étant aussi une section de la collectivité locale décentralisée » (Coginta, 2014, p. 20). Le pouvoir des chefs s’appuie sur un réseau de chefs de secteur [29] (intermédiaires entre le chef et les habitants) qui forment ensemble le conseil du quartier. Ils gèrent les manifestations sociales (décès, campagnes de vaccination, cérémonies, problèmes de voisinage, etc.). À l’échelle du quartier viennent ensuite s’ajouter d’autres formes de lignage, de différentes alliances « spirituelles, symboliques, de considérations » (Agier, 2015) qui créent les supports d’une intégration urbaine. Les sages et notables constituent ainsi une deuxième instance locale qui s’appuie sur un autre territoire : celui de la mosquée. Traditionnellement, les ainés d’un village et ici d’un quartier, le sont de par leurs connaissances du territoire (du passé), et comme personnes ressources auprès desquelles les uns et les autres s’adressent en cas de litiges, de problèmes et de décisions importantes.
3.3. Les associations de jeunes
Les organisations de jeunes influent plus spécifiquement sur des morceaux du territoire qu’ils investissent. Quotidiens ou hebdomadaires, ces rassemblements s’identifient par l’espace. Ils l’investissent partiellement se posant ici à l’ombre d’un arbre ou encore là sous un petit abri de tôles, etc. Les jeunes hommes adultes se retrouvent autour du thé, dans leurs « grins », espaces de sociabilités privilégiés. Ils s’identifient en « gangs, clans, staffs » [30] et se donnent des noms de lieux, de groupes de rap, de foot, etc. Les filles s’organisent en « Sèrès » autour de la danse. Ces groupes constituent tout autant des lieux de discussions privilégiés (politiques, relations, etc.) que des espaces de revendications. Par exemple, nous avons croisé un staff organisé en association, qui lutte dans son quartier pour la fermeture d’une décharge sauvage source de nombreuses pollutions. Pendant quelques semaines, ils ont bloqué la route et manifesté contre ce tas d’immondices avant que les autorités acceptent de déplacer un camion de ramassage. Le problème fut atténué mais pas résolu. Enfin, peu institutionnalisées, de nombreuses organisations sportives se retrouvent « autour du ballon ». Ils mettent en place de petits clubs de quartier et investissent les voies et les espaces vacants (le long des voies ferrées). Puis, quand les températures baissent en soirée, les espaces en limite de concessions sont investis par les habitants qui y nouent des discussions de voisinage.
3.4. Le marché et autres usages commerciaux
De nombreuses structures et organisations économiques investissent les espaces. Elles s’installent et s’approprient temporairement les rues, les carrefours. Ce sont, par exemple, les marchés, mais aussi les parcs de voitures d’occasion, les bars à thé, maquis et espaces artisanaux, etc. Ces lieux ont une véritable fonction sociale à l’image du marché de Concasseur (Hafia minière centre), que nous allons décrire synthétiquement.
Ce marché s’est construit sur des règles citadines spécifiques établies par ses protagonistes, commerçants et acheteurs. Il est tout à la fois un lieu de vie : la communauté des commerçants, et un point de repère du quartier : celui des achats quotidiens. Pratiqué quotidiennement, le marché de Concasseur n’est plus circonscrit dans son enclave historique, mais délocalisé en partie le long de voies qu’il redessine. Suivant leurs besoins, les marchands ambulants s’installent au plus près des flux, dans « (des) espace(s) visible(s) et ouvert(s) stratégique(s) pour leur(s) développement(s) » (Steck, 2006, p. 75), et ce, dans une concurrence accrue. À tel point que les activités informelles de la rue africaine, plus que de signifier l’essor commercial, sont devenues pour certains auteurs : « un marqueur culturel urbain » (Steck, 2006, p. 73). L’appropriation du sol revient aux propriétaires des concessions annexes, qui louent le pas-de-porte. Les appropriations se définissent temporellement (matin/après-midi/soirée) et formellement (dans une échoppe, sur un banc, à même le sol, etc.). Dans de nombreux cas, ce sont les propriétaires eux-mêmes qui installent un petit stand, ou construisent un magasin en limite de leurs concessions pour le louer. Essentiellement informelle, cette relation propriétaire/locataire dans l’espace commun fédère une microsociété locale : « On leur permet de s’installer là pour gagner un peu » [EC5, F,59,Marché Concasseur]. Les citadins conçoivent cela comme une forme de solidarité octroyée, d’entraide négociée. L’économie informelle participe à cette fabrique des sociabilités urbaines en permettant des formes de mobilisation des ressources et des stratégies à partir des acteurs et de leurs sociabilités urbaines.
3.5. Les sociabilités urbaines
La fabrique des sociabilités urbaines réside ainsi dans la construction de nombreux lieux, fruits d’une vie associative et sociale intense à l’échelle du quartier. Les sociabilités urbaines s’organisent dans « des temporalités, longues ou courtes, des temps forts de la vie urbaine […] qui bouleversent et recomposent des espaces favorisant l’émergence de nouveaux acteurs, de nouvelles structures sociales et/ou spatiales » (Dorier-Aprill et Gervais-Lambony, 2007, p. 11).D’un côté, les sociabilités prennent place en des lieuxqui leur sont originellement dévolus (la mosquée, les cafés, échoppes, kiosques)et de l’autre, elles investissent des lieux temporairement pour des rassemblements festifs, des évènements culturels, religieux, etc. Les regroupements de jeunes fabriquent également de micro-lieux qui facilitent les rencontres tout en affirmant ces appropriations informelles. Fortement séquencés, les usages des lieux fluctuent, s’hybrident pour s’adapter aux besoins spécifiques liés aux mutations des modes de vie, « mais aussi à des opportunités et à des obligations découlant de la réorganisation des réseaux de parenté et de l’élargissement des échanges sociaux ». (Fourchard, Goerg et Gomez-Perez 2009, p. 41).
Les lieux des sociabilités urbaines ne sont pas des lieux de cristallisation d’une hypothétique identité urbaine, mais bien plutôt les témoins de la fluidité des rapports sociaux, politiques, culturels et économiques qui permettent aux citadins de s’y projeter.
Dans le cumul de ces effets se trouve l’œuvre du mouvement d’invasion/occupation/installation, créant la « place » qui sera appropriée, transformée, à partir d’où s’exercera un droit à la ville, en tant que droit d’être là et d’y avoir une vie urbaine. C’est ainsi que le droit à la ville se prolonge et se transforme en un faire ville : y sont à l’œuvre le besoin de fondation d’un lieu pour tout humain, comme le besoin d’ancrage pour des vies plus mobiles (Agier, 2015, p. 214).
Ainsi les sociabilités urbaines, nouvelles ou anciennes seraient le reflet de l’invention collective de formes structurées collectives, capables de transformer les pratiques individuelles en espaces de convivialités.
4. La fabrique des spatialités urbaines
« La rue existe en tant qu'espace approprié. Elle n’est pas simplement créée par le rapport volumétrique entre les bâtiments qui la délimitent et lui donnent une dimension [...] mais parce qu’elle est vécue par les habitants qui, en la parcourant, l’interprètent » (Coralli, 2001, p. 72). Les sociabilités fondent des lieux et permettent de s’approprier collectivement les espaces. Pour autant une deuxième fabrique urbaine se tisse à travers les parcours dans le territoire. La fabrique urbaine ordinaire découlerait alors tout autant de cette mise en mouvement des espaces.
4.1. La fabrique du droit de passage
Les habitants se déplacent dans leurs quartiers à travers des itinéraires bis qui sont autant sur, à côté qu’en dehors des voies identifiées. Non planifiés, organiques voire labyrinthiques, ces passages plus ou moins longs (5 mètres à plus d’une 100 aine de mètres), plus ou moins larges (la largeur humaine à 2-3 mètres) et plus ou moins pentus, sont connus à l’échelle micro-locale des proximités immédiates. Ces tracés, construits sur le foncier privé, sont de véritables raccourcis basés sur des formes d’ententes spatiales. Ils sont le fruit de délaissés entre concessions et de venelles d’accès à de nouvelles maisons. Les passages représentent encore des « servitudes informelles » à travers certaines concessions pour desservir les suivantes, là où les rues n’ont pu être planifiées.
Les gens sont bien obligés d’inventer eux-mêmes leur existence, on arrive à une évidence tout à fait contraire et parfois incompréhensible aux yeux des analystes fonctionnalistes, technicistes ou extérieures : ce sont les gens qui font la ville, ce sont des groupes sociaux qui font la ville en la transformant. (Agier, 2015, p. 51).
Ces venelles permettent de relier rapidement les espaces de la vie quotidienne propres à chacun : aller au marché, à l’école, accéder aux carrefours importants, etc. Ils construisent le Les habitants se déplacent dans leurs quartiers à travers des itinéraires bis qui sont autant sur, à côté qu’en dehors des voies identifiées. Non planifiés, organiques voire labyrinthiques, ces passages plus ou moins longs (5 mètres à plus d’une 100 aine de mètres), plus ou moins larges (la largeur humaine à 2-3 mètres) et plus ou moins pentus, sont connus à l’échelle micro-locale des proximités immédiates. Ces tracés, construits sur le foncier privé, sont de véritables raccourcis basés sur des formes d’ententes spatiales. Ils sont le fruit de délaissés entre concessions et de venelles d’accès à de nouvelles maisons. Les passages représentent encore des « servitudes informelles » à travers certaines concessions pour desservir les suivantes, là où les rues n’ont pu être planifiées.
Les gens sont bien obligés d’inventer eux-mêmes leur existence, on arrive à une évidence tout à fait contraire et parfois incompréhensible aux yeux des analystes fonctionnalistes, technicistes ou extérieures : ce sont les gens qui font la ville, ce sont des groupes sociaux qui font la ville en la transformant. (Agier, 2015, p.51).
Ces venelles permettent de relier rapidement les espaces de la vie quotidienne propres à chacun : aller au marché, à l’école, accéder aux carrefours importants, etc.parcours familier de l’individu, celui de ses déplacements piétons. Ces passages représentent alors la capacité des citadins ordinaires à se constituer des droits de passage à l’échelle intermédiaire du voisinage, dans une dimension familière par laquelle la ville prend sens.
4.2. Du droit de passage aux parcours supports de la vie urbaine
À l’image des passages, la fabrique urbaine ordinaire découle de parcours individuels mis en mouvement. Ces espaces ouverts apparaissent comme « des matériaux urbains fondamentaux » (Secchi, 2006) qui assurent le rôle d’intermédiaire de connexions entre les différentes sociabilités urbaines, entre les différents lieux de la ville.
De ces parcours dépend la qualité des environnements urbains, la qualité de la vie urbaine. Ils résulteraient d’un savoir habitant interprété comme la somme des « connaissances interpersonnelles que constitue n’importe quelle expérience de l’urbain. » (Robinson (2006) in Gintrac et Giroud, 2014 p.51). Multi-facettes, les parcours se déploient dans des espaces [31] qui ne sont ni publics ni privés. Ces espaces, ceux de la rue africaine se définit davantage comme un « entre-deux non-[indéfiniment] approprié » (Janin, 2001, p. 178), comme une succession d’espaces ouverts, en attente d’appropriation. L'espace ne peut seulement se réduire en des toponymies fonctionnelles (rue, carrefours) ou encore en un maillage routier (principales, secondaires). Nous pourrions, par exemple, les décrire par leurs degrés d’appropriations habitantes selon des critères spatiaux et temporels.
4.3. Les degrés d’appropriations habitantes
Dans les quartiers populaires d’Hafia, ces degrés d’appropriations formelles/informelles sont divisés en trois grandes catégories. Il existe encore une multitude de singularités.
De degré 1, ces espaces sont fortement appropriés de manière quasi-permanente par différents groupes en journée comme en soirée. Ils sont ceux dévolus aux activités commerciales et économiques, dans les espaces où la concurrence est la plus féroce : le long des grands axes, les carrefours, les espaces ouverts de passage intense, etc.
-De degré 2, ces espaces sont appropriés chaque jour temporairement par les commerçants ambulants, par les familles, les groupes de jeunes. Aménagés d’un simple banc, à l’ombre d’un arbre ou d’une structure légère, ces espaces constituent souvent les frontages[32] .
De degré 3, ces espaces sont le fruit d’appropriations évènementielles : carrefours, places, routes et délaissés d’infrastructures. Ils sont propices aux rencontres collectives culturelle sou sportives (foot, danse), aux cérémonies (mariages, baptêmes).Sur les routes, support du trafic routier, cette appropriation peut devenir source de conflits.
Les appropriations permettent de multiples inventions et stratégies d’adaptations par les individus. La fabrique urbaine ordinaire, par la création d’urbanité en mouvement qu’elle implique, relève donc du processus plus que de l’aménagement fini.
4.4. La fabrique d’un droit à la vie urbaine
Dans le droit à la ville , la façon dont il [Lefebvre] parle du droit à la centralité, du droit à la participation, de la participation à la fabrication de la ville, de la production concrète de cet espace particulier, et de comment le droit à habiter, à un lieu pour vivre, le droit à son cadre de vie et à le contrôler sont de beaucoup de façons fondatrices d’autres revendications dans les modes de vie (Mitchell et Tonnelat, 2010, p. 3).
Comme montré précédemment, la fabrique de la ville par les habitants relève de leurs parcours dans des espaces ouverts (définis par leurs degrés d’appropriations).
[Les citadins en] inventant de nouveaux agencements de lieux. […] à travers des actes souvent très ordinaires, infimes parfois […] contribuent à dessiner la ville, à lui conférer sa matérialité, des fonctionnalités et des symboliques qui s’enracinent dans l’histoire sociale et urbaine mais qui sont renouvelées, reforgées et ravivées dans le contexte de l’agglomération et de la société contemporaine (Deboulet et Berry-Chikhaoui, 2003, p. 17).
C’est ainsi que la fabrique urbaine ordinaire en s’adaptant de façon permanente aux espaces urbains participerait conjointement à l’édification de nouvelles règles urbaines locales par les initiatives citadines créatrices d’un droit collectif : un droit à la vie urbaine. Ce serait ainsi un droit fondé non plus sur des normes mais sur des pratiques. Non figé par une codification, le territoire est alors le support de ces règles informelles. Elles montrent la capacité des citoyens à faire communauté en milieu urbain, à coproduire des repères propres spatiaux et territoriaux pour habiter [33] et revendiquer un droit à la ville, un droit à la vie urbaine (Lefebvre, 1968).
5. Le délitement des sociabilités urbaines
5.1. Valeurs d’usages/valeurs d’échanges
Dans les structures villageoises guinéennes, le foncier partagé entre les familles est la propriété commune du village. Dans les quartiers de Hafia, réparti entre les migrants et pionniers de la première heure, le foncier a constitué une manne économique. Les instances du quartier qui leur ont succédé ont continué de gérer l’installation des familles contre rétribution. La recherche du profit a modifié les logiques foncières coutumières et territoriales : « Tant que tu viens, ils acceptent. S’il y a une petite place, ils te disent même : si tu peux construire là-bas je vais te louer là-bas. » [I1,H, 26,Hafia Mosquée].Sous la demande, les propriétaires historiques jouissent d’une nouvelle rente (locataires) mais aussi bien souvent, de nouvelles charges avec le maintien à domicile des enfants devenus adultes et l’arrivée de parents éloignés. D’un côté, la concession conserve son caractère solidaire, de l’autre elle s’attache une nouvelle valeur d’échange. Les processus socio-économiques des années 1980-2010 transforment durablement le rapport au sol urbain. Sous les pressions, l’entraide communautaire préexistante passe sensiblement d’un système de satisfaction des besoins de la population à une rentabilité foncière. Les pratiques citadines, si tant qu’elles construisent un espace ouvert commun, ne le fabriquent plus en dehors de toutes logiques de profit.
5.2. Une fragilisation des sociabilités urbaines
Cette nouvelle économie va alors modifier les processus d’appropriation et de production de l’espace. Tandis que les anciens (instances locales) continuent de s’occuper des évènements et rapports de voisinage qui rythment la vie dans le quartier, certains responsables de quartier profitent de leurs positions pour vendre les derniers espaces vacants. L’arrivée successive de nouveaux habitants transforme petit à petit les rapports puis les usages des lieux travestissant, sans la faire disparaître, la fabrique urbaine comme fabrique des sociabilités. Les locataires, quant à eux, cohabitent avec les propriétaires. Sans pour autant être relégués en dehors des organisations sociales, ils se détachent des alliances traditionnelles de solidarités. Les locataires n’ont plus cette appartenance toute légitime au lieu. « Avant, nous tous on se connaissait. Maintenant tous les nouveaux je ne les connais pas. Il y a des gens qui se disent habitants du quartier, nous on ne les connait pas. Je ne suis pas chef mais tous les anciens me connaissent » [I2, H,49, Hafia minière centre]. Ce clivage basé sur l’ancienneté dans le quartier en soulève un autre, générationnel : celui entre les jeunes et les ainés. Les jeunes adultes restent attachés au quartier mais ils disent y développer un autre rapport. Ils recherchent à vivre (quand ils en ont les moyens) à l’échelle de la métropole pour le travail, mais aussi pour les loisirs : « Des fois je pars à Lambany, kipé, c’est les lieux de récréation qui sont animés. Je pars aussi chez les amis à proximité […] Les petits cafés ici c'est pas tellement mon truc »[E3, H, 25, Hafia III]. Tandis que les parents fondaient majoritairement leurs repères dans la famille et la communauté du quartier, les jeunes cherchent davantage l’anonymat de nouveaux lieux, loin des regards familiers. Ils ne se sentent plus totalement représentés par les instances locales qui par goût du profit ont travesti leurs fonctions :« Y a pas ce qu’on a pas fait pour la maison de quartier [pour la récupérer]. [34] Y a des petits intérêts pour eux dans le quartier donc quand tu joues avec ça...sinon au moins la jeunesse pouvait se retrouver là-bas. » [I5, H,32, Hafia mosquée].
Enfin, même si pour la plupart des enquêtés, toutes les ethnies [35] sont représentées dans le quartier de Hafia, l’exploitation politique des différences ethniques et culturelles intra-urbaines de ces dernières années, a tendu les liens entre les habitants. Cette observation sensible a émergé en filigrane de certains entretiens: « On était comme en famille. Maintenant ça a diminué car nous sommes beaucoup plus nombreux et l’affaire politique a divisé les gens. [...] L’harmonie, la cohésion sociale a disparu entre les gens. Avant, tous les jeunes se regroupaient autour d’un idéal non ethnicisé, non politisé »[I3, H,66, Hafia minière centre].L’« affaire politique » modifie la configuration et l’appropriation de certains espaces. Les citadins ne s’y regroupent plus par désaccord politique.
6. Vers une fragmentation spatiale des espaces urbains
6.1. La fragilisation des espaces support à la vie urbaine
Les pressions démographiques, sociales et économiques apparues depuis dix ans ont fragilisé la fabrique urbaine ordinaire. L’éclatement des sociabilités urbaines a conduit à de nouvelles rivalités et conflits entre les divers groupes sociaux pour occuper l’espace. Support de nombreuses appropriations informelles, les espaces ouverts glissent sous la demande en potentiels fonciers "non matérialisés" donc vacants. Les citadins d’autrefois se muent en promoteurs à tout prix : ils s’installent, agrandissent leurs concessions sur les espaces « vacants », monnayent leurs pas-de-porte, etc. « Les maisons sont construites dans les fossés. C’était les rails avant. Les gens ont déterré les rails et il y a pas de papiers » [I3, H,66, Hafia minière centre]. « Ici le problème réel c’est que la population est en avance sur l’État. Sinon on ne devrait pas permettre les constructions. Ya de ces concessions qui n’ont même pas de routes. L’État ne fait rien pour régulariser » [I2, H,49, Hafia minière centre]. Les repères traditionnels sont altérés. La fabrique urbaine ordinaire, non plus seulement conditionnée aux stratégies collectives, se délite. Les appropriations spatiales informelles se transforment en privatisation, favorisant l’émergence de nouveaux conflits aux limites. Certains citadins vont jusqu’à refuser les normes urbaines prédéfinies et se replient sur eux-mêmes. Il s’ensuit un processus d’individualisation qui s’accompagne de nouvelles formes de sociabilités qui ne sont plus dictées seulement par la proximité spatiale.
Depuis l’habitat jusqu’aux espaces urbains, de nouvelles configurations spatiales voient le jour. Les espaces du quartier deviennent l’objet de luttes individuelles pour leurs accaparements. Dans les quartiers populaires d’Hafia, on passe lentement d’un droit à l’appropriation, à un droit à la revendication de l’espace pour finir sur l’émergence d’une nouvelle propriété privée. Ce droit à la propriété, individuel et privatif modifie spatialement les codes établis. Le droit à la ville serait alors un recours face à l’actuelle tendance de privatisation de l’espace public, une lutte pour l’espace commun.
6.2. Des spatialités urbaines aux luttes pour l’espace : l’habitat
Dans l’habitat traditionnel, l’espace de la concession était peu cloisonné. Dans la tradition Soussou par exemple, ethnie principale de la Basse-Guinée, les délimitations entre voisins étaient connues sans être forcément matérialisées . Cela permettait entre autres de pouvoir passer entre les concessions et de créer un espace de vie en société. Les enquêtés nous ont rapporté le fait que les premières installations se sont réalisées pour partie sur ce mode [36] .À l’époque, seuls les plus riches érigeaient des murs. Avec les nouvelles pressions sur le foncier, l’augmentation de la population et l’insécurité grandissante, un processus lent de fermeture et sécurisation progressives des concessions s’est opéré par la suite. Seuls les plus modestes conservent encore ces perméabilités urbaines entre les espaces.
Au sein de la concession, des annexes et extensions (moins coûteuses que les constructions en hauteur) permettent de loger les nouveaux venus. Les densifications par endroit sont telles, que les espaces extérieurs à l’habitat sont réduits au minimum. Non ventilée et sans ouverture, la cour (lieu central de la concession) n’est plus alors qu’un espace fonctionnel de circulation. Certaines fonctions domestiques rejetées en limite affirment de nouvelles frontières urbaines.
En matérialisant les limites physiques de son espace domestique, l’habitant affirme son statut social dans le quartier. On assiste à un changement de paradigme : l’espace de la concession devient un havre de paix protégé par de hauts murs et les espaces ouverts des lieux hostiles. « Je ne me déplace plus avec cette densité. C’est pour cela que j’ai enfermé mes enfants…pour ne pas piétiner la boue » [I2, H,49, Hafia minière centre].
Par la fermeture des concessions sur l’espace commun, les citadins créent de nouvelles limites plus franches entre public et privé. La multiplication de murs, grilles et barrières participe d’une fragmentation [37] spatiale des espaces urbains. La privatisation des espaces glisse alors lentement de la sphère familiale à celle du quartier.
6.3. L’aménagement d’une voie inter-quartier au prisme des luttes pour l’espace
Témoins de la participation des citadins lors de l’aménagement d’une voie inter-quartier, les entretiens nous ont révélé comment certains usent de tactiques pour s’insinuer dans la réalisation des travaux. L’aménagement de cette voie depuis la Transversale 1 en 2013 fait partie d’un plan global et consiste en un réseau de caniveaux et la pose d’une surface bitumineuse : un projet à première vue fonctionnel. Pourtant, il remet en question les limites et appropriations des espaces. De l’autre il modifie la circulation en facilitant l’accessibilité de la voie. Les riverains s’invitent individuellement ou en groupe dans ce processus d’aménagement. Prévu pour faire sept mètres de large, le bitume ne sera posé que sur cinq mètres. Les propriétaires adjacents sauvegardent leurs fonciers et les commerçants leurs boutiques.
La voie rendue praticable est devenue, dans une métropole congestionnée, un nouvel itinéraire important vers le centre-ville. Elle attire alors de nouveaux commerçants qui viennent progressivement s’installer le long de la voie, devant, derrière et sur les caniveaux à ciel ouvert (planches de bois). De nouvelles appropriations apparaissent (mobilier : banc, table, abris), tandis que certains usages sont repoussés dans des espaces moins passants. Des conflits apparaissent,« entre les usages qui sont ceux de ces activités marchandes de rue et les autres fonctions de celle-ci, dont la fonction circulatoire » (Steck, 2006, p. 4). Les cheminements piétons sont plus difficiles et les premiers mécontentements se font entendre rapidement. La fonctionnalité du projet est déjà remise en question : l’eau a creusé le bitume et les caniveaux se remplissent de déchets.
Avec cet exemple, nous soulignons le fait que chaque projet participe à sa manière de la production urbaine. L’aménagement ne peut être réduit en une production exclusivement technique. Ne pas prendre en compte les pratiques en amont, conduit à ce choc significatif de la rencontre entre une modernité idéalisée et des pratiques réelles.
6.4. Un environnement urbain fragilisé
Les densifications et logiques de privatisation en impactant les espaces ouverts modifient les environnements urbains : « Avant ce n’était pas le marché. C’était une étendue d’eau : Laga [...] Les gens sont venus construire dessus et personne n’a levé le petit doigt »[I2, H,49, Hafia minière centre]. Elles fragilisent l’environnement urbain, celui des voies d’eau, de la végétation. On venait avant de tout Conakry pour se baigner ici dans le lac (situé à l’emplacement de l’actuel marché), se récréer autour des sources d’eau. Aujourd’hui, le lac est asséché et les sources ont été en partie privatisées :« La source du petit marigot, c’est la source qui est là-bas. Il a été beaucoup rétréci. Les gens ont poussé le lit. C’est les anciens seulement qui connaissent cette histoire. Le lieu était mystique aussi ». [I3, H,66, Hafia minière centre]. Seuls les habitants historiques s’en souviennent. L’environnement paysagé comme vecteur d’usages est devenu source de risques potentiels. Les fermetures des parcours de l’eau entrainent en saisons pluvieuses de nouvelles inondations de rues, de concessions, ainsi que de lourds conflits de voisinage. Par exemple, le quartier d’Hafia minière II était appelé par les anciens « laga » en référence à l’ancien bassin et source d’eau. Mais les jeunes l’appellent aujourd’hui « le bas-fond » en référence aux nombreuses inondations. L’habitant, en modelant le territoire pour son profit personnel, agit directement sur son milieu de vie. Ces espaces inondables sont aussi ceux d’une implantation plus récente (2000-2010) par nombre de ménages modestes, lesquels mettent en lumière de nouvelles inégalités sociales et spatiales.
6.5. Des spatialités urbaines aux luttes pour l’espace : le quartier
Les nouveaux propriétaires venus s’implanter dans les interstices du quartier et les anciens qui agrandissent leurs concessions vont contribuer à restreindre l’espace commun. Ils en arrivent même à la fermeture purement et simplement de rues, de passages. « Il n’y a plus de passage, entre les concessions. Avant il y avait des passages partout de points d’aération. […] Mais maintenant vous prenez l’habitude de passer, un jour vous trouvez un mur quelque part »[I2, H,49, Hafia minière centre].
La pression foncière est telle que ce phénomène bien que décrié par la plupart est toléré. En contrepartie de l’occupation de la rue, ces nouveaux propriétaires n’obstruent pas toujours totalement l’espace pour ne pas modifier les parcours urbains du quartier. Les passages sont alors restreints à leurs fonctions de liaisons. Ils deviennent des espaces concédés par le privé, par l’habitant même qui l’a obstrué. En d’autres lieux, les citadins construisent de nombreuses extensions à leur habitat directement sur l’espace commun : magasins, vérandas, chambres. Ils redessinent et réduisent le contour de carrefours, de rues, etc.
Les densifications horizontales entrainent une diminution des espaces communs du quartier et vont influer sur la présence des groupes de jeunes dans l’espace. Si dans les années 80, il existait des lieux bien définis pour se regrouper, pour se récréer. Ces lieux ont aujourd’hui tous disparu. Les jeunes investissent alors les derniers espaces libres et revendiquent le droit à leurs espaces à l’image du hangar évoqué précédemment. Les espaces communs, devenus rares, sont disputés jusqu’à devenir sources de conflits entre les groupes de jeunes, les habitants et les instances de quartier.
Dans la longue tradition villageoise, la production de l’habitat, qui était en soi un passage à la vie adulte, s’est travestie. Les nouvelles installations ne se font dans la majorité des cas qu’au prix d’une disparition des espaces ouverts du quartier, des itinéraires et parcours, support de la fabrique urbaine à Hafia. Le rapport traditionnel à l’espace communautaire sous le joug du capital est modifié. Tant que le quartier continuera à se densifier, n’y a-t-il pas un risque que cette fabrique urbaine ordinaire ne disparaisse totalement derrière des logiques économiques et foncières ?
Conclusion
Le droit à la ville, un accès plus juste, à et sur l’espace pour tous
La fabrique urbaine ordinaire dans les quartiers populaires d’Hafia est bien le lieu de négociations, de collaborations entre les citadins qui chaque jour s’organisent pour façonner l’espace, leur espace commun. Mais cette fabrique apparait également fragilisée, en raison des pressions qui modifient les logiques d’appropriations et d’installations dans ces quartiers. Le droit à la ville, support à la vie urbaine (des sociabilités et spatialités urbaines), n’est plus un droit à acquérir mais un droit à défendre comme bien fondamental par les citadins qui s’y organisent. Les « droits à et sur l’espace public ne sont jamais acquis une fois pour toutes » (Mitchell (2003) in Gintrac et Giroud, 2014, p. 314 ). Le droit à la ville serait un recours face à l’actuelle tendance de privatisation de l’espace public : « La lutte pour les droits produit de l'espace » (Mitchell (2003) in Gintrac et Giroud, 2014, p. 326 ). Le défi est désormais de garantir à tous les citoyens la possibilité physique d’accéder à l’ensemble des lieux qui composent l’urbain » (Pereira, Perrin, 2011, p. 42).
En mettant en lumière la fabrique collective des espaces urbains dans les quartiers d’Hafia, nous défendons les spécificités d’une production de l’espace par les citadins face aux effets conjugués du manque de logements, des privatisations/fragmentations spatiales, de la montée des individualités et du mirage de « modèles urbains internationaux ». Les citadins à Hafia qui s’approprient l’espace et s’associent pour « faire ville » doivent ainsi lutter contre la fragmentation socio-spatiale de l’espace. Elle agit directement sur leur cadre de vie et leur environnement. La valeur d’échange a pris le dessus sur la valeur d’usage des espaces urbains. Elle tend les relations entre les habitants. Face aux nombreuses restrictions d’accès à l’espace, le droit à la ville devient une lutte, celle de garantir à tous les citoyens la possibilité physique d’accéder à l’ensemble des espaces ouverts (carrefour, place, rue, passage, cour, etc.), un droit au passage, un droit à la déambulation : un accès plus juste, à et sur l’espace pour tous.
Au moment où la participation des habitants est recherchée au Nord comme au Sud dans les projets de renouvellement urbain, cette vue depuis les pratiques citadines du grand quartier de Hafia (Conakry) ne peut-elle pas nous enseigner sur les modes d’habiter et de s’approprier collectivement la fabrique urbaine ? Le droit à la ville, plus qu’un droit en devenir est une modalité d’action ici et maintenant (Agier, 2015).
Parties annexes
Notes
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[1]
La fabrique urbaine ordinaire se définit par les pratiques citadines qui s'élaborent en dehors de toutes opérations d'urbanisme. Elle est le fruit d'une transformation des espaces par les habitants qui« par le biais de leurs pratiques produisent sans vouloir produire en modifiant leur habitat, en qualifiant l'espace, en lui conférant une dimension symbolique » (Lussault in : Berry-Chikhaoui et Deboulet, 2000, p. 13). Cette fabrique urbaine ordinaire s'inscrit dans une démarche collective à l'échelle locale.
-
[2]
Au Forum Social Mondial, le droit à la ville devient la charte mondiale du droit à la ville.
-
[3]
Source : Recensement Général de la Population et de l'Habitat (RGPH-3) réalisé en 2014
-
[4]
La référence aux standards internationaux est évoquée dans de nombreux articles depuis l'inauguration de la gated communities chinoise en 2015 jusqu'aux discussions plus récentes sur le Grand Conakry.
-
[5]
Premier nom donné au territoire par la colonisation française
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[6]
Les anciens villages ont fondé pour partie les quartiers dits indigènes.
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[7]
Les lotissements publics consistent en un découpage du sol en parcelles sans viabilisation ni équipement.
-
[8]
Le quartier présente encore aujourd'hui des traces de l'exploitation minière (les anciennes fosses).
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[9]
L'arrivée du général Lansana Conté à la tête de la Guinée en 1984 sonne le début d'une libéralisation de l'économie.
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[10]
Le plan directeur d'urbanisme de 1962 et le plan de développement urbain de 1989.
-
[11]
« Takoui » signifie en soussou « en ville ». La presqu'île coloniale de Kaloum reste pour beaucoup la ville et le reste (99% du territoire) la banlieue.
-
[12]
Les données présentées sont issues de nos enquêtes de terrain ainsi que de deux rapports publiés en 2014 et 2016 par l’ONG Coginta. Ils comportent une analyse sociodémographique rédigée en partenariat avec le Département de Sociologie de l’Université de Sonfonia à Conakry et un questionnaire réalisé auprès de 1201 ménages à Dixinn en Août 2015.
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[13]
Ce terme issu des entretiens décrit pour les habitants le mieux leurs quartiers. Le revenu, la morphologie urbaine et la participation citadine sont les principaux critères évoqués.
-
[14]
La communauté se définit comme groupe social uni par des intérêts de même nature, avec quelquefois des origines communes et souvent un territoire commun (Brunet, 1993).
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[15]
À partir des enquêtes de terrain, il nous a été rapporté que le pouvoir communiste aurait à l'époque octroyé pour partie ces terrains étatiques en récompense à des personnalités importantes.
-
[16]
« Dès l'indépendance acquise, les nouvelles autorités ont décidé, dans le cadre de la nouvelle politique urbaine, de faire abstraction des particularismes locaux des populations et de considérer le droit coutumier de tenure foncière comme une entrave à la mise en valeur économiquement rentable de la terre et donc au développement de la Guinée » (Coginta, 2014, p.12).
-
[17]
Les huit quartiers de Hafia font partie de la commune de Dixinn qui compte 22 quartiers.
-
[18]
La construction horizontale, moins coûteuse que la construction en hauteur, est vue comme plus souple par les habitants. C'est une forme de construction sur laquelle ils peuvent intervenir à nouveau.
-
[19]
Souvent anciennes et peu descriptives, les cartes datent de plans d'aménagement et/ou de programmes plus ou moins anciens.
-
[20]
« C'est comme chez vous, vous n'avez pas besoin de cartes c'est chez vous. Ici c'est chez moi. » [E1, H, 55,Hafia Minière II].
-
[21]
Notre lieu de résidence à Conakry
-
[22]
Sans reprendre le protocole d'enquête, nous partageons la méthode Je-tu-il de Jean-Paul Thibault (2010). « Des modes d'existence de la marche urbaine » in THOMAS, R. Marcher en ville. Faire corps, prendre corps, donner corps aux ambiances urbaines , Paris, Editions des archives contemporaines, 196 p.
-
[23]
Lors d'itinéraires réalisés dans les langues régionales.
-
[24]
La concession est le nom traditionnel pour désigner l'habitat. Il se réfère à la possession d'un espace dans lequel il peut y avoir plusieurs bâtis et foyers.
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[25]
Il fût difficile de réaliser des itinéraires avec des femmes, occupées aux affaires quotidiennes et moins disposer à quitter la concession.
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[26]
L'influence peut être d'ordre culturel (famille importante), de gouvernance (participation aux instances locales), économique (propriété, taille de l'habitat), etc.
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[27]
Le fondateur du lieu s’appelle Lamine donc littéralement Laminaya veut dire « Chez Lamine ».
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[28]
« Ville-baptêmes »
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[29]
Chaque quartier est composé de plusieurs secteurs.
-
[30]
Les organisations informelles de jeunes ont eu plusieurs appellations. Les gangs qui avaient une connotation violente ont pratiquement disparu. Le terme« clan », faisant référence à une appartenance à un territoire ou à une bande d’amis donnée, est plus ou moins usité. Enfin le staff indique la préférence d’un lieu de rassemblement sur un autre.
-
[31]
En dehors des espaces domestiques internes à la concession
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[32]
Nous définissons le frontage comme l'espace compris entre la limite de l'espace de la concession et celle matérialisée par la voie. Ce néologisme a été conceptualisé en 2012 par l'urbaniste Nicolas Soulier.
-
[33]
« Habiter, c’était participer à une vie sociale, à une communauté, village ou ville. La vie urbaine détenait entre autres cette qualité, cet attribut. Elle donnait à habiter, elle permettait aux citadins-citoyens d’habiter » (Lefebvre, 1968, p.18).
-
[34]
Une association de jeunes ainsi que le chef de quartier ont demandé aux différentes instances administratives de récupérer un ancien hangar mais il semble loué par certaines autorités à un commerçant. Le hangar fut pourtant pendant longtemps un lieu central de socialisation du quartier.
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[35]
Il existe trois ethnies principales : Soussou, Peul et Malinké et les ethnies forestières. On ne peut parler de division ethnique dans un pays où le brassage ethnique existe depuis longtemps et particulièrement à Conakry.
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[36]
Par exemple, dans l'ancienne cité des travailleurs qui est devenue à l'indépendance le logement des fonctionnaires. 40 ans après, les constructions originelles sont modifiées et annexes, clôtures et nouvelles concessions ont totalement fini de redessiner l'espace.
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[37]
La fragmentation urbaine se caractérise par l'accent mis sur la « question de l'unité et de la partition de l'espace dans la ville » (Navez-Bouchamine, 2002, p47 ). Sociale, spatiale, administrative ou encore politique etc. (Navez-Bouchamine, 2002) elle se définit dans l'ouvrage dirigé par Françoise Navez-Bouchamine à plusieurs échelles. La fragmentation spatiale désigne en certains lieux des fragments de villes et d'en d'autres la multiplication de murs, grilles et barrières.
Bibliographie
- AGIER, M. (2015). Anthropologie de la ville, Paris, PUF, 248 p.
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