Résumés
Mots-clés :
- Lyrisme,
- Critique,
- Théorie de l’Écriture,
- Philosophie,
- Poésie,
- Connaissance
Keywords:
- Lyricism,
- Criticism,
- Theory of writing,
- Philosophy,
- Poetry,
- Knowledge
Corps de l’article
Il faut certes reconnaître que Benjamin n’a pas facilité la tâche de ses lecteurs. Il a placé au début de son livre un chapitre épistémologique où il érigeait devant eux, comme un avertissement, les idées directrices sur lesquelles allait s’appuyer son interprétation, plutôt qu’il ne les expliquait. […] Depuis toujours, cette introduction a effarouché de nombreux lecteurs. Elle se dresse au seuil du livre comme l’ange avec l’épée de flammes idéelles à l’entrée du paradis de l’écriture[1].
En commentant ainsi la « préface épistémo-critique » placée par Walter Benjamin au seuil de son essai Origine du drame baroque allemand[2], Gershom Scholem insiste sur la particularité du geste critique benjaminien – geste qui lui a d’ailleurs en partie coûté une carrière universitaire – qui cherche non pas à ouvrir l’accès à son objet mais à le protéger, non pas à l’exhiber en pleine lumière, mais à dresser autour de lui des murs de protection. Et c’est probablement dans cette perspective que Giorgio Agamben a pu faire de ce livre le seul ouvrage du XXe siècle méritant « d’être qualifié de critique[3] » : après avoir inscrit cette idée de critique dans le sillage kantien d’une « enquête sur les limites de la connaissance », le philosophe italien déplace son attention vers ce qui peut justement conduire la connaissance à ses limites, et sur ce que cette considération peut entraîner sur les rapports plus généraux entretenus entre l’écriture et le savoir[4]. Dès lors, face à un tel objet, l’écriture critique ne peut rester juste qu’en cherchant à en garantir l’inaccessibilité[5].
Le geste critique viendrait de fait répondre à la forme par laquelle son objet s’est tout d’abord donné : transport[6], bouleversement, interruption – et tout particulièrement interruption de la lecture, du langage : livre posé, jeté, yeux clos, souffle coupé. Et comme réponse à cette émotion première, l’écriture critique ne peut, sans s’arracher à toute authenticité, arracher cet objet à ce qui en est l’espace d’expansion naturel, l’Umwelt[7], et doit accorder donc une attention centrale au langage et à l’écriture, et aux propriétés de ce matériau.
C’est de ce point de vue que le lyrisme critique peut apparaître comme une formule à déplier, à approcher dans l’urgence de sa nouveauté.
Ce serait un événement tout nouveau dans l’histoire des arts qu’un critique se faisant poète, un renversement de toutes les lois psychiques, une monstruosité ; au contraire, tous les grands poètes deviennent naturellement, fatalement critiques[8].
Ces deux mots apparaissent déjà bien sûr dans le titre d’un ouvrage de Jean-Michel Maulpoix à la résonance programmatique : Pour un lyrisme critique. Mais là où Maulpoix centre son étude sur la deuxième partie de la phrase de Baudelaire qu’il place en exergue, nous avons pour ce dossier fait le choix de nous pencher plus particulièrement sur cette « monstruosité » que représente la possibilité lyrique de la parole critique. Et ce, non pas dans l’idée de céder aveuglément au mimétisme ou à la fascination du critique envers son poète, mais, au-delà, d’oeuvrer afin de dépasser une séparation qui semble sous-tendre et orienter toute l’histoire de la culture européenne[9] : le lyrisme critique doit ainsi, au-delà de l’union forcée de deux pôles en apparence irréconciliables – poésie et philosophie, sentir et savoir, extase et raison, ivresse et connaissance – être compris comme l’effort mené pour rejoindre et fonder un plan d’écriture traversant des catégories artificiellement séparées. Un tel Umwelt envisagé ici comme plan d’écriture est par exemple déjà révélé par le terme allemand Dichtung, que les partitions à l’oeuvre dans la langue française entre prose et poésie rendent intraduisible. Dès lors, le recours pour le travail critique à une écriture lyrique l’inscrirait dans un plan de signification traversant l’histoire de l’écriture, allant des chants sacrés amoureusement relevés par Pierre Clastres chez les indiens Guarani[10] aux traces d’un cri retenu dans les Élégies de Duino de Rilke, traversant les textes brodés par Sophie Calle[11] jusqu’aux tresses de la conceptualisation chez Gilles Deleuze. Œuvrant contre la séparation artificielle de l’assignation rationnelle de la critique et l’extase éblouie du lyrisme, le lyrisme critique mettrait en oeuvre une écriture dédoublant son attention entre l’articulation syntaxique des concepts et la plongée vers l’étoffe folle, ductile, de la langue. Dès lors, de son apparence oxymorique, monstrueuse, le lyrisme critique tendrait presque au pléonasme, sauf la feuille transparente séparant son objet de celui du poème, situé simplement à un degré supplémentaire sur l’échelle platonicienne de la représentation.
De fait, toutes les approches d’un « sujet lyrique », exemplairement mises en place autour de Dominique Rabaté dans son ouvrage majeur[12], peuvent être transposées à quelque chose comme un « sujet critique » : dans sa contribution précieuse à ce dossier, celui-ci insiste sur la nécessité pour l’écriture critique de répondre au « transport » exercé par le poème, en ce que celui-ci appelle et contraint l’écriture, et met en oeuvre performativement cette réponse[13].
Je le crois : seule l’épreuve suffocante, impossible, donne à l’auteur la vision lointaine attendue par un lecteur las des proches limites imposées par les conventions. Comment nous attarder à des livres auxquels, sensiblement, l’auteur n’a pas été contraint[14] ?
L’oeuvre critique est elle-même indéniablement contrainte par une rencontre, dont il s’agit de prolonger le bouleversement, d’entretenir la vibration[15]. De fait, l’écriture critique ne cherche pas à exposer son objet en pleine lumière mais au contraire, à en approfondir le secret[16] : gestes amoureux de caresse et de répétition, qui ne dépendent plus de la raison mais de l’accueil et du don, désireux de joindre la matière même de la trace par laquelle l’objet s’est inscrit, blessure ou engramme.
Le soin apporté au maintien d’une certaine obscurité ne doit cependant jamais être vu autrement que comme une « marque d’attention à l’égard de la rencontre[17] » : au sein des disjecta membra de son objet, d’une violence qui n’est finalement pas autre que celle de la dissémination opérée par Pétrarque sur le corps-nom de Laura, l’écriture critique installe ses dispositifs préparant la possibilité d’une levée anamorphique.
Mais que « dit » une oeuvre littéraire ? Que communique-t-elle ? Très peu à qui la comprend. Ce qu’elle a d’essentiel n’est pas communication, n’est pas message[18].
Si, comme l’écrit Benjamin, l’objet de l’écriture critique s’est donné hors de tout vouloir-dire, il ne peut être soumis à une volonté, à toute idée de maîtrise. Si l’objet doit apparaître, réplique nouvelle, lustrale, c’est ainsi obligatoirement de manière involontaire, immaîtrisée. L’objet critique ne peut répondre à aucune convocation : à l’incalculable de son apparition ne peut répondre que l’incalculable de son retour, de sa réplique[19]. En ce sens, l’écriture critique ne peut que dresser des dispositifs comme des pièges, et simplement ouvrir un espace, borner un templum[20] où quelque chose se donnera à voir, à lire, à entendre : événement spontané, imprévisible, accueilli dans une oeuvre suivant les lois de l’hospitalité inconditionnelle[21]. L’écriture critique ne peut ainsi être fidèle à son objet, et même à l’idée d’une connaissance qu’en se laissant affecter par son objet, non pas écrit, terme du langage, mais toujours lu dans la pulpe même de l’écriture. En cela, l’écriture critique ne peut qu’entrer dans une économie lyrique, exposée à un désir d’affectation, de vibration, de modification, d’hybridation, de tympanisation[22].
Le rapport particulier du lyrisme critique à la connaissance ne peut dès lors être envisagé que comme un programme :
Tentons de poursuivre l’expérience de Wittgenstein et demandons-nous :
Si l’expression la plus adaptée à l’émerveillement devant l’existence du monde est l’existence du langage, quelle est alors l’expression juste devant l’existence du langage ?
La seule réponse possible à cette question est : la vie humaine, en tant qu’ethos, en tant que vie éthique. Chercher une polis et une oika qui soient à la hauteur de cette communauté vide et non présupposable, voilà la tâche enfantine des prochaines générations[23].
La tension entre langage et savoir tenue par le lyrisme critique engage rien moins qu’une refonte profonde des catégories génériques en cours, dans un geste qui doit être envisagé, dans les mots d’Agamben, comme la « tâche enfantine[24] » qui articule une responsabilité politique à l’écriture. Et ce qui porte ici plus particulièrement ces enjeux se tresse autour de l’idée de propriété : le soin apporté à garantir l’inappropriabilité de l’objet engage l’écriture critique dans un débordement des frontières séparant l’écriture et la lecture, bouleversant dans le même mouvement une certaine logique de la création, ou de la propriété intellectuelle : les procédés d’écriture-lecture disséminale mis en oeuvre par exemple par Jacques Derrida ne cessent ainsi de faire surgir ce qu’Agamben nomme avec Feuerbach Entwicklungsfähigkeit, capacité de développement[25], où apparaît, dans la mise à nu d’un point aveugle pris en charge par le critique, point non développé dans l’oeuvre source par lui prolongé en une nouvelle arborescence, une indécidabilité entre disons l’oeuvre de l’auteur étudié et celle du critique. Le critique fait ici face à sa principale accusation : la quête de ce point d’indécidabilité l’expose aux soupçons d’imitation servile, de paraphrase fascinée – et le lyrisme critique rencontre, comme avec l’obscurité, le défaut de démonstration, son risque, sa précarité[26] : sa fragilité, son élan. Dans ces zones grises, l’oeuvre critique, disposée à une génération, bouleverse aussi les questions de la création ; en ce sens, l’exclusion de la critique du domaine littéraire est une chance : en se dégageant de « l’insupportable littérature[27] », qui justement, selon Derrida, serait littéralement celle qui n’admet aucun support[28], l’écrivant critique – scribe, agenceur de dispositifs – déborderait les partitions habituelles de l’oeuvre, de la création, engagée dans un rapport continu à son objet, à son usage : arrangement de matériaux[29], sélection, collection, tresse, réponse, échange, contamination, impureté, redistribution horizontale du signe, dialectique sans relève, connaissance sans maîtrise. Le travail de minage des frontières génériques mis en oeuvre par le lyrisme critique rend ainsi inopérantes[30] des distinctions et des pratiques qui occupent l’espace culturel, l’espace politique. Le rapport nouveau entretenu à l’oeuvre, et à la création engage de fait la remise en cause de l’idée de propriété, de même que l’identité profondément lyrique du sujet critique tient à distance tous les risques de la subjectivation, de la construction d’un sujet fixe comme pratique de domination politique : « [I]l n’y a de sujet fixe que par la répression[31]. »
Ainsi, à l’époque dite de la fin de l’hymne[32], le lyrisme critique viendrait aussi en prendre la responsabilité, en entretenir le feu[33], combattre les menaces pesant sur ce que l’on nomme littérature : dans une époque où priment le message et la possibilité du résumé, l’efficacité et le chiffre, l’écriture lyrique se voit reléguée à l’arrière-plan. Pourtant, le lyrisme a rapport au terrible, comme le rappelait Martine Broda[34]. Le lyrisme critique ne se pose plus dans la diffusion d’un message, mais dans la construction d’un plan de signification[35] : aucun message, aucun slogan ne pourra atteindre son but tant qu’il empruntera les modes de diffusion de l’économie souveraine, l’épistémè de la visibilité.
Il reste des chants à chanter, par-delà les hommes – et le lyrisme critique est l’une des modalités de ce chant, ou du moins de son entretien, de sa sauvegarde.
***
Francesca Manzari ouvre ce dossier par un travail s’efforçant de saisir au plus près l’idée d’un lyrisme critique, en définissant tout d’abord le geste critique avec Giorgio Agamben comme propre aux oeuvres qui « accueillent leur propre négation », et qui se donnent pour objet ce qui est « toujours déjà en fuite ». Cherchant à dépasser la polarisation d’une culture déchirée entre un « pôle rationnel » et « un pôle inspiré », elle porte son analyse vers des moments et des lieux ayant incarné ce débordement, comme la poésie toscane du XIIIe siècle dont elle est spécialiste. Elle parvient à établir que l’écriture critique, comme l’écriture lyrique, ne peut se penser en dehors d’un rapport amoureux à son objet, hors « du souffle d’amour ». C’est une même attention amoureuse, joyeuse, à son objet que donne Dominique Rabaté dans son texte qui met en oeuvre le geste critique dans un exercice d’écoute et de reprise, s’efforçant de prolonger le « transport » ressenti à la lecture du recueil de Martin Rueff, La Jonction[36]. L’écriture critique se donne performativement ici comme une réponse immédiate à la lecture du poème, et donc comme volonté de s’installer dans la « force d’emportement et de reliaison » du lyrisme. Le texte d’Isabelle Perreault entre immédiatement en écho avec le geste de Dominique Rabaté, en se penchant sur les rapports entretenus entre l’herméneute et l’oeuvre commentée, et ce, tout particulièrement en suivant une approche musicale : le geste critique ne peut se couper de « l’enchantement » propre au lyrisme. En ce sens, en s’attardant plus particulièrement sur l’oeuvre de Maurice Blanchot, elle fait du geste critique l’attention extrême donnée à la réception comme écoute, la volonté de retrouver la vibration profonde laissée par une oeuvre, venue d’une étrangeté radicale. Elle interroge donc la responsabilité de l’interprète, de son engagement à répondre de l’oeuvre, et en même temps d’en poursuivre la résonance, cherchant à la prolonger, à la faire vibrer. Cette affectation de l’écriture critique est illustrée par Benoît Monginot, qui explore la manière par laquelle deux écrivains aux trajectoires symétriques, Pierre Vinclair et Jean-Philippe Pierron, développent des oeuvres dans lesquelles l’écriture se laisse affecter par la crise écologique, et comment cet accueil ouvre à des formes nouvelles. Le lyrisme critique surgirait dans ces deux essais de la volonté, pour l’écriture critique affectée, de retrouver l’efficacité de la parole lyrique. C’est à l’étude de telles formes hybrides que se consacre ici Matilde Manara : en comparant les oeuvres The Glass Essay d’Anne Carson et An American Lyric de Claudia Rankine, elle se penche elle aussi sur la manière dont l’écriture critique peut se laisser affecter par le lyrisme, dans la forme saisie par la critique anglosaxonne sous le nom de « lyric essay ». En cela, elle interroge la porosité des frontières trop souvent artificiellement établies entre le discours lyrique et le discours savant, en même temps qu’une interrogation sur les limites réelles de cette porosité. Nous chercherons enfin à montrer comment l’écriture du philosophe Jacques Derrida entre dans un rapport lyrique à son objet, en établissant des dispositifs d’écriture destinés à produire de l’incalculable.
Le dossier se prolonge ensuite par un travail qui laisse entrer en résonance un texte de Muriel Pic et une étude de Corentin Lahouste consacrée à la possibilité d’un lyrisme critique dans l’oeuvre de cette dernière ; le texte de Muriel Pic se donne comme le développement de la réception d’une note de l’essai « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire » de Carlo Ginzburg, et cherche à y trouver et à développer la possibilité d’une « épistémologie de type divinatoire », engageant une modification profonde de la connaissance par les formes, par la fiction, par l’imagination. Ce texte qui s’inscrit dans un travail plus vaste de montage ou de puzzle résonne parfaitement, par le geste qui l’anime, avec un autre pan de son travail étudié par Corentin Lahouste, qui analyse à proprement parler les procédés de création à l’oeuvre chez Muriel Pic, et plus particulièrement dans En regardant le sang des bêtes[37]. Ce dialogue, fruit d’un heureux hasard ou d’une nécessité profonde, doit ainsi diriger notre lecture : autant qu’à une définition du lyrisme critique, c’est à la manière dont le lyrisme s’incarne, qu’il va falloir accorder ici son attention. Même si cela ne fut – par l’enjeu d’une humilité, d’une pudeur ou d’un rapport fondateur de la critique à la pauvreté – jamais évoqué, ce sont des gestes d’écriture qui ont été ici retenus, et qu’il s’agira de lire, aussi.
Parties annexes
Note biographique
Professeur agrégé de Lettres Modernes enseignant la littérature comparée à l’Université Jean Monnet, Guillaume Surin est également chercheur associé à l’École normale supérieure, au Centre international d’étude de la philosophie française contemporaine et à la République des Savoirs. Son champ de recherche actuel touche à la fois les liens qui peuvent rattacher littérature et philosophie, plus spécifiquement sur le plan du lyrisme critique chez certains auteurs (Benjamin, Derrida et Agamben), et les enjeux de l’illisibilité tant esthétiques et poétiques qu’anthropologiques et politiques. Ses recherches ont paru dans différentes revues (entre autres Études littéraires, Malice, Signes, Discours et Société et Moderna/Comparata), mais ont de plus donné naissance à un ouvrage intitulé La Lèvre de Micòl. Giorgio Bassani et le récit en temps de détresse (Paris, Hermann, 2021).
Notes
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[1]
Gershom Scholem, Benjamin et son ange, traduction de Philippe Ivernel, Paris, Rivages, 1995, p. 48.
-
[2]
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, traduction de Sibylle Müller, Paris, Flammarion, 1985.
-
[3]
Giorgio Agamben, Stanze, traduction d’Yves Hersant, Paris, Payot et Rivages, 1998, p. 8.
-
[4]
Sur ce point, voir plus particulièrement le texte de Francesca Manzari, infra.
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[5]
« Comme toute quête authentique, la quête critique consiste, non point à retrouver son objet, mais à assurer les conditions de son inaccessibilité » (Giorgio Agamben, Stanze, op. cit., p. 9).
-
[6]
Sur ce point, voir le texte de Dominique Rabaté, infra.
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[7]
Selon le sens donné à ce terme par Jakob von Uexküll dans Milieu animal et milieu humain, Paris, Rivages, 2010. La traduction de Charles Martin-Fréville propose donc « milieu » pour « Umwelt ».
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[8]
Charles Baudelaire, cité par Jean-Michel Maulpoix, Pour un lyrisme critique, Paris, José Corti, 2009, p. 7.
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[9]
À l’exception de certaines époques comme celles du dolce stil novo ou du romantisme d’Iéna, cf. Manzari.
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[10]
Pierre Clastres, Le Grand Parler. Mythes et chants sacrés des indiens Guarani, Paris, Éditions du Seuil, 1974.
-
[11]
Sophie Calle, Douleur exquise, 1984-2003, centre national d’art et de culture Georges-Pompidou. L’oeuvre est reprise dans un livre : Sophie Calle, Douleur exquise, Arles, Actes Sud, 2003.
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[12]
Dominique Rabaté (dir.), Figures du sujet lyrique, Paris, Presses universitaires de France, 1996.
-
[13]
Sur ce point, voir le texte de Dominique Rabaté, infra.
-
[14]
Georges Bataille, « Avant-Propos » au Bleu du Ciel, Romans et récits, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2004, p. 111.
-
[15]
Sur ce point, voir tout particulièrement le travail d’Isabelle Perreault, infra.
-
[16]
« C’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes, / Au milieu de l’azur, des vagues, des splendeurs / Et des esclaves nus, tout imprégnés d’odeurs, / Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes, / Et dont l’unique soin était d’approfondir / Le secret douloureux qui me faisait languir » (Charles Baudelaire, « La vie antérieure », Les Fleurs du mal, Œuvres Complètes I, Paris, Gallimard [Bibliothèque de la Pléiade], 1975, p. 17).
-
[17]
« L’obscurité est une marque d’attention à l’égard de la rencontre » (Philippe Lacoue-Labarthe, La Poésie comme expérience, Paris, Christian Bourgois, 1986, p. 83).
-
[18]
Walter Benjamin, « La tâche du traducteur », Œuvres I, traduction de Maurice de Gandillac, Paris, Gallimard, 2000, p. 244.
-
[19]
Au sens ici d’une réplique sismique : écho, retour d’un séisme premier, fondateur. Sur ce point, voir le texte de Guillaume Surin, infra.
-
[20]
Au sens de la section tracée dans le ciel ou dans la terre par les augures, délimitant l’espace d’une inscription divine, et de sa lecture, de son interprétation.
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[21]
Suivant les mots de Jacques Derrida, pris d’un autre contexte : « Mais l’hospitalité pure ou inconditionnelle ne consiste pas en une telle invitation (“je t’invite, je t’accueille chez moi à la condition que tu t’adaptes aux lois et normes sur mon territoire, selon ma langue, ma tradition, ma mémoire”, etc.). L’hospitalité pure et inconditionnelle, l’hospitalité elle-même s’ouvre, elle est d’avance ouverte à quiconque n’est ni attendu ni invité, à quiconque arrive en visiteur absolument étranger, en arrivant non identifiable et imprévisible, tout autre » (Jacques Derrida et Jürgen Habermas, Le « concept » du 11 Septembre. Dialogues à New York [octobre-décembre 2001] avec Giovanna Borradori, Paris, Galilée, 2004, p. 187).
-
[22]
Pour ce terme, voir Jacques Derrida, « Tympan », Marges (de la Philosophie), Paris, Les Éditions de Minuit, 1972, p. I-XXIII.
-
[23]
Giorgio Agamben, Enfance et Histoire, Paris, Payot et Rivages, 2000, p. 15.
-
[24]
L’enfance intervient ici dans sa pensée comme volonté de réduction, d’engagement dans la matière, d’une quête du geste critique ne se jouant pas dans l’ajout d’une parole à une autre, d’un élan vers un quelconque indicible, mais d’une réduction, d’un repli, d’un retour dans la langue à un stade presque larvaire du rapport au langage. Cf. Giorgio Agamben, ibid., p. 103 sq.
-
[25]
« Un des principes de méthode que j’applique constamment dans mes recherches consiste à identifier dans les textes, comme dans les contextes sur lesquels je travaille, ce que Feuerbach appelait l’élément philosophique, c’est-à-dire le point de leur Entwicklungsfähigkeit, le locus et le moment où ils sont disponibles d’être poussés. Pourtant, quand nous interprétons et que nous déployons le texte d’un auteur en ce sens, il arrive toujours un moment où l’on se rend compte qu’il n’est pas possible de poursuivre sans contrevenir aux règles les plus élémentaires de l’herméneutique. Cela signifie que le déploiement du texte étudié a atteint un point d’indécidabilité où il devient impossible de distinguer l’auteur de l’interprète. Même s’il s’agit là d’un moment particulièrement heureux pour l’interprète, il doit alors comprendre qu’il est temps d’abandonner le texte qu’il soumet à l’analyse et de poursuivre la réflexion pour son compte » (Giorgio Agamben, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Paris, Rivages, 2014, p. 29).
-
[26]
« La prière n’étant pas seulement un thème mais un fait, et ce fait n’étant pas parmi d’autres, mais tel que s’y décide le sens des oeuvres, celles-ci pourraient être dites religieuses ou mystiques si les dieux les précédaient, les autorisaient et les justifiaient comme jadis. Mais désormais moderne, c’est-à-dire sans les dieux, la poésie est précaire, le sens étymologique de ce dernier mot étant ici ranimé dans son acception courante. Précaire, du latin precari, veut dire : obtenu par la prière, donc permis par une puissance supérieure, donc susceptible d’être retiré, par conséquent fragile et pauvre. Précaire est la poésie moderne en ceci qu’elle tient à la prière impriable, en ceci, donc, qu’elle est l’essentielle pauvreté d’être défait de l’oraison » (Jérôme Thélot, La Poésie précaire, Presses universitaires de France, Paris, 1997, p. 9).
-
[27]
« Oui, oui, comme je t’approuve, la littérature doit rester “insupportable”. J’entends aussi : sans le moindre support » (Jacques Derrida, La Carte postale. De Socrate à Freud et au-delà, Paris, Flammarion, 1980, p. 130).
-
[28]
Giorgio Agamben, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, op. cit., p. 29.
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[29]
Il serait ainsi intéressant de se pencher sur le sens créé par les citations qui ouvrent ici les textes d’Isabelle Perrault ou de Benoît Monginot.
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[30]
Suivant une des intentions de la pensée de Giorgio Agamben. Par exemple : « Che cos’è, infatti, la poesia, se non un’operazione nel linguaggio, che ne disattiva e rende inoperose le funzioni communicative e informative, per aprirle a un nuovo, possibile uso ? » (Giorgio Agamben, Il fuoco e il racconto, Roma, Nottetempo, 2014, p. 59).
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[31]
Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe, Paris, Les Éditions de Minuit, 1972, p. 35.
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[32]
Voir pour cela Jean-Christophe Bailly, La Fin de l’hymne, Paris, Christian Bourgois, 2015 [1991].
-
[33]
Giorgio Agamben, Le Feu et le récit, Paris, Rivages, 2018.
-
[34]
« Impitoyable plutôt qu’attendri, le haut lyrisme n’a rien de mièvre ou de niais, il est plutôt, comme les anges de Rilke, ce qui a le rapport le plus abrupt au Terrible – ce Terrible qui est le réel de notre condition, mortelle, et de notre désir, fragile comme notre être ici-bas et condamné à n’être jamais vraiment satisfait, puisqu’il surgit d’une perte irréparable » (Martine Broda, L’Amour du nom, Paris, José Corti, 1997, p. 9).
-
[35]
En ce sens, l’espace ouvert dans et par ce dossier par Anne-Marie Fortier est aussi un geste de création. Qu’elle en soit remerciée.
-
[36]
Martin Rueff, La Jonction, Caen, Nous, 2019.
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[37]
Muriel Pic, En regardant le sang des bêtes, Lyon, Éditions Trente-trois morceaux, 2017.
Références
- Agamben, Giorgio, Le Feu et le récit, Paris, Rivages, 2018.
- Agamben, Giorgio, Il fuoco e il racconto, Roma, Nottetempo, 2014.
- Agamben, Giorgio, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Paris, Rivages, 2014.
- Agamben, Giorgio, Enfance et Histoire, Paris, Payot et Rivages, 2000.
- Agamben, Giorgio, Stanze, traduction d’Yves Hersant, Paris, Payot et Rivages, 1998.
- Bailly, Jean-Christophe, La Fin de l’hymne, Paris, Christian Bourgois, 2015 [1991].
- Bataille, Georges, « Avant-Propos » au Bleu du Ciel, Romans et récits, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2004, p. 111.
- Baudelaire, Charles, « La vie antérieure », Les Fleurs du mal, Œuvres Complètes I, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1975, p. 57.
- Benjamin, Walter, « La tâche du traducteur », Œuvres I, traduction de Maurice de Gandillac, Paris, Gallimard, 2000, p. 244-262.
- Benjamin, Walter, Origine du drame baroque allemand, traduction de Sibylle Müller, Paris, Flammarion, 1985.
- Broda, Martine, L’Amour du nom, Paris, José Corti, 1997.
- Calle, Sophie, Douleur exquise, Arles, Actes Sud, 2003.
- Calle, Sophie, Douleur exquise, 1984-2003, centre national d’art et de culture Georges-Pompidou.
- Clastres, Pierre, Le Grand Parler. Mythes et chants sacrés des indiens Guarani, Paris, Éditions du Seuil, 1974.
- Deleuze, Gilles et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe, Paris, Les Éditions de Minuit, 1972.
- Derrida, Jacques et Jürgen Habermas, Le « concept » du 11 Septembre. Dialogues à New York [octobre-décembre 2001] avec Giovanna Borradori, Paris, Galilée, 2004.
- Derrida, Jacques et Jürgen Habermas, La Carte postale. De Socrate à Freud et au-delà, Paris, Flammarion, 1980.
- Derrida, Jacques et Jürgen Habermas, « Tympan », Marges (de la Philosophie), Paris, Les Éditions de Minuit, 1972, p. I-XXIII.
- Lacoue-Labarthe, Philippe, La Poésie comme expérience, Paris, Christian Bourgois, 1986.
- Maulpoix, Jean-Michel, Pour un lyrisme critique, Paris, José Corti, 2009.
- Pic, Muriel, En regardant le sang des bêtes, Lyon, Éditions Trente-trois morceaux, 2017.
- Rabaté, Dominique (dir.), Figures du sujet lyrique, Paris, Presses universitaires de France, 1996.
- Rueff, Martin, La Jonction, Caen, Nous, 2019.
- Scholem, Gershom, Benjamin et son ange, traduction de Philippe Ivernel, Paris, Rivages, 1995.
- Thélot, Jérôme, La Poésie précaire, Presses universitaires de France, Paris, 1997.
- von Uexküll, Jakob, Milieu animal et milieu humain, Paris, Rivages, 2010.