Résumés
Résumé
L’analyse de la réécriture d’un passage de l’Histoire du Canada (1634) dans Premier établissement de la foy (1691) permet d’éclairer la genèse de ce dernier ouvrage où le souci de la précision paraît inféodé à ses enjeux rhétoriques, polémiques et idéologiques. Par cette réécriture qui change radicalement non pas la lettre, mais l’esprit de l’Histoire du Canada, Premier établissement de la foy s’affirme comme un ouvrage collectif auquel plusieurs récollets auraient contribué et dont le manuscrit Histoire chronologique de la Nouvelle France est tout autant, sur le plan génétique, une source tierce − comme le sont le manuscrit Memorial et l’ouvrage Histoire chronologique de la province des Récollets de Paris de Hyacinthe Lefebvre − qu’un état antérieur. Ces constats raffinent notre compréhension de ce texte en élargissant, nous semble-t-il, l’enjeu du Premier établissement de la foy qui paraît dépasser le seul débat Jésuites-Récollets dominant le chapitre XVbis.
Abstract
The analysis of the rewriting of a passage from Histoire du Canada (1634) in Premier établissement de la foy (1691) sheds light on the genesis of the latter work, in which the attention to accuracy appears to be subservient to its rhetorical, polemic, and ideological stakes. With this rewriting, which radically changes not the letter, but the spirit of Histoire du Canada, Premier établissement de la foy asserts itself as a collective work to which several Recollects have likely contributed and whose manuscript Histoire chronologique de la Nouvelle France is, genetically, a third source − in the same way as the manuscript Memorial and the book Histoire chronologique de la province des Récollets de Paris by Hyacinthe Lefebvre − as much as a previous state. These observations refine our understanding of this text by expanding, as it appears, the stake of Premier établissement de la foy which seems to go beyond the Jesuit-Recollect debate that dominates chapter XV bis.
Corps de l’article
Davantage toute connoissance qui ne se peut avoir que par revelation, est tres-obscure jusqu’à ce qu’elle soit revelée, & toutes les lumieres qu’on en peut avoir auparavant, ne sont fondées que sur de simples conjectures […], dit saint Thomas.[1]
− Hyacinthe Lefebvre
Les liens entre l’Histoire du Canada parue sous le nom de Gabriel Sagard[2] et le Premier établissement de la foy[3], ouvrage apocryphe attribué à Chrestien Leclercq[4] au moment de sa parution, sont désormais notoires. Serge Trudel en a montré quelques-unes de leurs particularités en étudiant des constantes de la réécriture de l’un à l’autre dans sa thèse de doctorat[5], reprise en partie dans Un janséniste en Nouvelle-France[6]. Soulignant notamment la portée des transformations historiques qui changent l’esprit du texte de Sagard, cette thèse et la monographie qui y fait suite n’ont cependant pas pour objet l’étude systématique de ces transformations, puisqu’elles s’appuient sur une étude globale des sources pour intenter un procès en paternité : selon leur hypothèse, le Premier établissement de la foy serait attribuable non pas à Chrestien Leclercq, comme cherche à le faire croire la page de titre de l’édition de 1691[7], ni au groupe d’intérêt gravitant autour du janséniste Eusèbe Renaudot[8], comme le soutenait Raphaël Hamilton[9], mais au récollet Valentin Le Roux.
Or il reste beaucoup à dire sur les procédés de réécriture du Premier établissement de la foy et sur la portée historique, politique ou théologique des transformations que ce dernier fait subir au texte de Sagard. Tout n’a pas été dit non plus sur la paternité de cette oeuvre composite : si dès 1697 Louis Hennepin avait souligné l’apport de Valentin Le Roux au Premier établissement de la foy, les incongruités mises au jour par divers chercheurs (contradictions de ton et d’esprit dans différents passages au demeurant mal intégrés les uns aux autres, disparités matérielles entre les tomes I et II, renvois erronés à la Nouvelle relation de la Gaspésie signée également du nom de Chrestien Leclercq[10], facture négligée de la typographie dans le premier tome, etc.), rendent problématique la genèse des trois ouvrages publiés sous le nom de Chrestien Leclercq.
Par la lorgnette de la réécriture d’un seul passage de l’Histoire du Canada, le présent texte cherche à mieux comprendre le changement d’esprit entre les deux oeuvres : après le relevé des disparités et des ajouts faits à l’ouvrage de 1636, une présentation des sources probables de celui de 1691 permettra de nuancer, voire de remettre en question les dernières conclusions publiées sur ce sujet.
Écriture et réécritures
De même que l’oeuvre de Sagard coïncidait, en son temps, avec tout un ensemble de démarches visant à rétablir l’ordre de Saint-François en Nouvelle-France, le Premier établissement de la foy parut à un moment charnière de l’histoire de la colonie française nord-américaine et du travail apostolique récollet : la colonie était fragilisée par les guerres et les conflits d’intérêts, et l’assassinat de Cavelier de la Salle avait mis un terme à l’exploration de la Louisiane, où les Récollets auraient pourtant pu établir quelques missions. Ceux-ci, constamment frustrés dans leurs prétentions apostoliques depuis leur retour en Nouvelle-France en 1670, se voyaient remplacés peu à peu par d’autres ordres religieux dans les rares missions qui leur avaient été accordées et se plaignaient d’être étroitement surveillés et fréquemment critiqués par la hiérarchie ecclésiastique.
Il n’est donc pas étonnant que l’Histoire du Canada ait servi de cadre à l’écriture du premier tome du Premier établissement de la foy qui en reprend une bonne partie des renseignements et de la structure. Néanmoins, comme le souligne l’étude de Serge Trudel, les transformations imprimées au texte de Sagard en changent l’esprit et la nature. S’il ne s’agit pas ici de revenir sur les remarques déjà faites à ce sujet, il est néanmoins possible d’approfondir notre compréhension de la genèse du Premier établissement de la foy, ce que nous ferons à partir des suppressions, déplacements, modifications et ajouts apportés à un passage de Sagard que nous reproduisons avec l’extrait correspondant de 1691 dans un tableau présenté en fin d’article (voir l’annexe 1).
L’extrait choisi chez Sagard se retrouve découpé en plusieurs éléments dans le Premier établissement de la foy, qui en élimine une bonne partie, en reprend la fin dans son introduction et la partie centrale dans le premier chapitre, tandis qu’un dernier élément (le « royaume de Voxu ») est relégué aux longs préliminaires du chapitre XV traitant des tentatives faites par les Récollets pour retourner en Nouvelle-France à partir de 1639[11]. En outre, plusieurs renseignements nouveaux complètent les informations données initialement tout en en changeant l’esprit.
Commerce et religion : de l’importance des chefs
Chez Sagard, la critique à l’égard de la cupidité marchande est explicite et renforcée dès le début du premier paragraphe par l’ironie de l’expression « belle apparence » résumant par antiphrase l’attitude peu chrétienne des marchands. Oblitérant cette amertume, le Premier établissement de la foy s’en tient plutôt à la version plus « officielle » véhiculée par Les Voyages de la Nouvelle-France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain de 1632[12], faisant de Champlain – qui ne prend aucune part à ce choix dans Sagard – un homme d’action, de décision et de compromis auquel tous les progrès de la colonie se rapportent, et des marchands des collaborateurs raisonnables – quoique exigeants – et disciplinés. La cupidité et la liberté de commerce dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, qui constituent chez Sagard l’assise du recours aux Récollets, deviennent dans le Premier établissement de la foy un problème administratif rapidement résolu par la mise sur pied d’une compagnie et l’exclusion (due à leur propre faute) des marchands protestants (ceux de La Rochelle) de cette entente commerciale.
Dans la même veine, l’apparition du prince de Condé – jamais nommé ni mentionné dans Sagard, qui rend plutôt hommage au duc de Montmorency –, prince qui se joint aux grands prélats de l’Église pour approuver le choix des Récollets, flatte le pouvoir politique et religieux en précisant le montant de la contribution financière totale de tous ces Grands à ce projet. Ce nom de Condé n’est pas sans évoquer la toponymie dédicatoire employée systématiquement dans la Relation des descouvertes et dans la Carte de l’Amérique septentrionale et partie de la méridionale attribuées à Claude Bernou, où le lac Supérieur porte aussi le nom de Condé, faisant ainsi une place à la maison de ce grand prince aux côtés du Dauphin (lac des Illinois), du duc Gaston d’Orléans (lac Huron dit d’Orléans) et du prince de Conty (lac Érié dit lac de Conty). Le Premier établissement de la foy insiste sur la grandeur et la générosité du prince de Condé et des cardinaux et sur le consensus qui les rapproche dans cet élan missionnaire. En invoquant par ailleurs d’autres grands noms de l’histoire religieuse et de l’histoire de l’ordre de saint François (dont saint François lui-même), ce dernier ouvrage accentue le caractère sacré du rôle politique et financier du prince de Condé et lui prête une distinction renforcée par l’insistance, explicite dans toute l’oeuvre, comme Serge Trudel et Guy Laflèche l’ont déjà souligné, sur la primauté des oeuvres apostoliques récollettes.
Précision, primauté et gloire de Dieu
Une information nouvelle apportée au texte de Sagard fait d’ailleurs une place de choix au concept de la primauté. Au narré de l’intervention du secrétaire du roi, Louis Houel, en faveur des Récollets, le rédacteur du Premier établissement de la foy apporte des précisions relatives au nom du provincial approché par le sieur Houel (« Jacques Garnier » de Chapouin) et à son statut de « premier » provincial de la province de Saint-Denis « en France ».
On le sait, dans le conflit opposant l’ordre de saint François à la Compagnie de Jésus en Amérique du Nord, le motif de la primauté est central[13]. De pair avec celui de la nouveauté, il était déjà souligné, quoique plus discrètement, dans la Description de la Louisiane (1683) écrite par le récollet Louis Hennepin, à l’occasion de l’arrivée dans le lac Huron du navire de Cavelier de la Salle, arrivée qui avait donné lieu à une action de grâces célébrant la seconde incursion de son ordre dans la mission autrefois fondée par ses confrères[14]. Très courte chez Hennepin, cette allusion aux séjours en Huronie des premiers missionnaires récollets faisait peut-être déjà écho à Sagard[15] qui avait signalé, quoique en passant, une première messe célébrée par Joseph Le Caron en l’honneur de Champlain. Cette même messe donne l’occasion à l’auteur du Premier établissement de la foy de louer l’humilité de Champlain, signe de piété pour les Récollets. Champlain prend ainsi part à la gloire que confèrent les missions apostoliques, gloire qui s’étend plus loin à ses « découvertes » subséquentes[16] et à l’importance de l’ordre de saint François dans le développement des missions en Nouvelle-France. On sent, comme chez Hennepin, le prestige associé aux découvertes[17] et la volonté de l’ordre de saint François de faire reconnaître ses prérogatives en la matière.
De fait, dans les extraits comparés, un glissement insidieux s’opère, par lequel la gloire prend un virage important : si celle-ci (sous la forme adjectivale « glorieuse ») s’applique globalement à la mission chez Sagard, dont l’humilité de simple frère n’est pas entachée par la formulation choisie, elle s’applique à la fonction même de « ministre de Dieu » dans l’ouvrage de 1691 : on assiste en quelque sorte à une personnification de la gloire qui atténue la posture d’humilité de Sagard pour insister sur le mérite des missionnaires. Cette insistance signale également l’importance conférée dans l’ouvrage de 1691 à la hiérarchie, à l’obéissance et aux fonctions de prestige.
Par ailleurs, si le choix de l’ordre de saint François est rapporté à un dessein de Dieu en la personne de son fils, que le Premier établissement de la foy a d’abord le soin de ne pas rendre borgne (le remplacement de « jetta l’oeil » par « jeta les yeux »), et si la précision « en France » marque également un souci d’exactitude linguistique et historique[18], cette dernière précision n’est pas anodine et contribue à conférer à ce tome une teinte patriotique qui n’existait pas chez Sagard.
L’ensemble des transformations de ce passage montre ainsi que le Premier établissement de la foy évacue l’indignation et l’humilité qui transparaissaient dans l’Histoire du Canada pour leur substituer la soumission à l’ordre politique et temporel, l’admiration des titres et des prérogatives qui les accompagnent et une simplicité désormais plus ostentatoire que désirée. Les Récollets de Paris, bien vus du roi et de certains de ses conseillers, dont le ministre Louvois qui décèdera avant que l’impression du Premier établissement de la foy ne soit achevée[19], entendent manifestement rassurer leurs protecteurs royaux sur leur soumission et leur zèle.
Ces constats raffinent les remarques de Serge Trudel et de Guy Laflèche en élargissant, nous semble-t-il, l’enjeu du Premier établissement de la foy qui paraît dépasser le seul débat Jésuites-Récollets dominant le chapitre XVbis[20]. Bien entendu, seul un examen de détail systématique pour chaque tome permettrait de prendre toute la mesure de cette complexité. Pourtant, là ne s’arrête pas la compréhension que l’on peut retirer des transformations du passage choisi quant à la genèse du Premier établissement de la foy. En effet, si nous avons mentionné jusqu’ici les compléments d’information apportés au texte de Sagard, nous n’en avons pas spécifié les sources possibles. Or celles-ci confirment le caractère collectif de l’oeuvre et peuvent nous faire reconsidérer l’attribution du premier tome au seul Valentin Le Roux.
Premier établissement de la foy : une oeuvre collective supervisée ?
Des conflits avec l’évêque de Québec suscités par le retour des Récollets en Nouvelle-France, en 1670, découle une intense activité d’écriture dont témoignent, dans les seules Archives départementales des Yvelines (qui possèdent un petit dossier constitué d’archives du couvent de Saint-Germain-en-Laye, province de Saint-Denis), quatre manuscrits anonymes rédigés dans les années 1680 et restés inédits en leur temps. Ces manuscrits dénoncent les injustices dont les Récollets de la Nouvelle-France estiment qu’elles nuisent à leur mission apostolique :
Memoire instructif contenant la conduitte des Peres Recollets de Paris en leur mission de Canada depuis l’anne[e] 1615, Jusques en la presente année, [biffé : 1643] 1684 ;
Eclaircissement necessaire pour l’establissement d’un hospice que sa majesté nous a accordé dans la hautte ville de quebek (sans date) ;
Estat de la Mission des PP. Recolets de Canada, par le R. P. Ferdinand Coissair, ca 1685[21] ;
Histoire chronologique de la Nouvelle France ou Canada. Depuis sa decouverte mil Cinq Cents quatre juques en l’an mil six cent [sic] trente deux[22].
Ce dernier manuscrit s’inspire en grande partie de l’Histoire du Canada[23], tout en la classant dans les ouvrages « obscurs » :
[J]e me suis vû cet hyver [biffé : avec un] dans un asses grand [biffé : de] loisir. Je l’ay passé tranquillement dans ma chambre, […] donnant touts les jours quelques heures a la lecture de trois ou quatre historiens qui se sont trouvés dans mon Cabinet, [biffé : Je les ay trouvé] tels que sont Lescarbot avocat, fr. Gabriel Sagard Recollect, le sr Samuel de champlain Capitaine de Roy et [ajouté dans l’interligne : 1er] Gouverneur du Canada, le P. lecreux Jesuistes. J’ay trouvé ces autheurs si obscurs que j’ay pensé que je rendrois quelque service au Public si je developpois ce qui s’est passé juques a ce temps[24].
Rédigée sous forme de lettre dont les paragraphes préliminaires constituent une petite mise en scène pouvant faire croire qu’un militaire en est l’auteur[25], l’Histoire chronologique de la Nouvelle France est soumise à la lecture d’un « ami » dans l’espoir que ce dernier l’améliorera : « Je vous fai[s] part de mon Petit travail dans l’esperance que j’ay que vous le corrigeres et l’augmenteres par les connoissances et les memoires que vous en aves[26]. » Cette entrée en matière confirme la matérialité même du manuscrit, qui apparaît comme une version préliminaire en voie de relecture par un ou des tiers : si la succession des mots et des phrases s’y déroule généralement de façon nette et suivie, des ajouts dans la marge ou dans l’interligne, des ratures en cours d’écriture ou des biffures de grands pans de texte (que le lecteur est néanmoins invité à lire : « Lisés si vous voulés ») montrent qu’il ne s’agit pas là d’un texte définitif, mais d’une version provisoire[27] soumise à un confrère ou à un supérieur.
Loin d’être un manuscrit achevé et isolé, l’Histoire chronologique de la Nouvelle France apparaît plutôt comme une étape dans la rédaction collective du Premier établissement de la foy, même si ce dernier ouvrage puise parfois directement à l’Histoire du Canada pour compléter son propos. De fait, le passage étudié nous indique que le glissement idéologique opéré dans le Premier établissement de la foy était déjà à l’oeuvre dans l’Histoire chronologique de la Nouvelle France : on constatera au tableau à l’annexe 2 (voir en fin d’article) la présence amplifiée de Champlain, l’adjectif « premier » et le nom « Jaques [sic] Garnier » qui complètent le titre du récollet Chapouin ; la précision « Contrôleur des Salinnes de Brouage » ajoutée à celle de « Secrétaire du Roy » pour le sieur Houel, et enfin la mention du prince de Condé, « viceroy » de la Nouvelle-France, présenté comme un participant majeur aux oeuvres de l’ordre.
Mais là ne s’arrêtent pas les filiations : si la présence amplifiée de Champlain semble provenir des Voyages de la Nouvelle-France, on trouve la mention de « Controlleur général des sallines de Brouage » dans le Memorial de la Mission des PP. Recollectsen la nouvelle france dicte communement Canada conservé également dans le fonds récollet des Archives départementales des Yvelines[28]. Ce manuscrit anonyme se présente comme une liste numérotée des principaux événements touchant les missions de l’ordre entre 1614 et 1636, date probable de rédaction de ce document qui semble correspondre à la « Sommation faite le 7. Mars 1636. à Monsieur de Lauzon President de l’Assemblée, & à tous Messieurs de la Compagnie, à la requeste de Monsieur le President Loisel, au nom, & comme Sindic General des Recollets, tendante à nostre retour en Canada » signalée dans le Premier établissement de la foy[29].
Incidemment ce Memorial semble à l’origine de plusieurs autres renseignements ajoutés en 1691 aux informations contenues dans l’Histoire du Canada, dont la somme de mille cinq cents livres accordée à Champlain pour équiper les Récollets. Il apparaît ainsi comme une source de renseignements complémentaires à l’Histoire du Canada pour le rédacteur de l’Histoire chronologique de la Nouvelle France.
Quant aux précisions « premier » et « Jacques Chapouin » reconduites dans le Premier établissement de la foy à partir de l’Histoire chronologique de la Nouvelle France, on les trouve plutôt dans l’Histoire chronologique de la province des Recollets de Paris, ouvrage paru en 1677 sous le nom de Hyacinthe Lefebvre, provincial de Saint-Denis[30] :
La Province se peut considerer en deux états. Le premier depuis 1612. jusqu’à 1619. que la Province d’Anjou, sous le titre de sainte Marie Magdeleine en fut tirée, dont nous avons parlé dans le Chapitre precedent & le deuxiéme depuis 1619. jusqu’à present.
Dans le premier état, le Reverend Père Jacques Garnier de Chapoüin, fut nommé par sa Sainteté le premier Ministre Provincial de cette Province de saint Denys[31].
Cette première « Histoire chronologique » semble d’autant plus importante qu’elle porte un titre parent de celui du manuscrit qui s’y renseigne. S’agit-il d’une signature déguisée ? Hyacinthe Lefebvre, provincial de Saint-Denis, aurait-il joué un rôle dans la publication du Premier établissement de la foy ? Ce ne serait pas étonnant, puisqu’en tant que supérieur, il était tenu de veiller à la qualité des écrits publiés par ceux qui relevaient de sa juridiction, ce qui était le cas de Chrestien Leclercq et de tous les autres récollets ayant exercé leur apostolat en Nouvelle-France depuis 1670. Il serait donc normal qu’il ait à tout le moins revu l’oeuvre, voire qu’il y ait ajouté sa griffe.
Par ailleurs, Hyacinthe Lefebvre était un écrivain prolifique, si l’on en juge notamment par les autres titres inscrits sous son nom au « Registre des Libraires » au tournant des années 1680 : en 1678, un Traitté de la prédestination chez le libraire parisien Guillain ; en 1682[32], les Evangiles des dimanches et des festes chez Barbier à Lyon, et peut-être les Sermons du Careme attribués à un « P. Jacynthe Recollect » en 1684, encore à Lyon chez De Ville[33]. Le fait que deux de ces ouvrages ont été publiés à Lyon est d’autant plus intéressant que le Premier établissement de la foy fut, en 1692, mis en vente à Lyon chez Amaulry sous une nouvelle page de titre[34].
En outre, il s’avère que le Traité de la predestination achevé d’imprimer en 1678 présente un vocabulaire commun avec certains passages du premier tome du Premier établissement de la foy[35]. En particulier, les concepts de prédestination et de grâce qui ont incité Serge Trudel et Guy Laflèche à attribuer ce livre à une plume janséniste y sont abondamment développés et nous renseignent sur leur signification et leur portée dans un contexte récollet. Si la connaissance des prédestinés est réservée à Dieu, qui distribue également à tous les moyens de le devenir, il appartient aux hommes de s’assurer qu’ils répondent en tout temps aux critères de la prédestination[36]. Ainsi le jansénisme se fourvoie-t-il, selon l’Église et selon Lefebvre, quand il explique au lecteur que Dieu choisit ses élus :
Si tu veux tenir infailliblement le chemin du Ciel, garde les Commandemens. Ces Commandements ne peuvent s’observer sans la grace, Gratia Dei sum id quod sum, Dieu seul nous la peut donner. Il faut donc que ce soit luy qui nous la donne, puis que c’est luy qui nous commande ce voyage, & que luy seul peut donner dequoy le faire, & se defrayer sur le chemin à ceux qui l’entreprennent. Et de fait il le fournit, ainsi que l’Eglise l’a declaré de nos jours au sujet des cinq propositions de Jansenius, à sçavoir que la grace necessaire ne manque pas au besoin pour observer les Commandemens de Dieu, & non-seulement Dieu la donne à ceux qui la luy demandent, mais mesme à ceux qui ne la demandent pas, Inventus sum à non quaerentibus me, palam apparui iis qui me non interrogabant. C’est ce qui nous fait dire que Dieu fournit à tous le necessaire de leur predestination[37].
C’est la distinction entre grâce efficace et grâce suffisante, que l’on retrouve expliquée au chapitre XVbis du Premier établissement de la foy[38], qui permet de mieux comprendre la part que l’individu peut jouer dans son propre salut :
Quoy que Dieu donne sa grace à toutes les ames, ce n’est pas en la mesme maniere, sa grace assiste autrement quand elle est offerte que quand elle est receuë & acceptée : Car lors que Dieu offre sa grace elle assiste en inspirant, lors que l’homme l’accepte, elle assiste en cooperant, elle nous inspire sans nous, mais elle ne nous ayde pas sans nous. Ainsi quand elle inspire elle s’appelle prévenante, excitante & suffisante. Quand nous cooperons, elle se nomme convertissante, effective & efficace[39].
La marge, toutefois, est mince entre la prédestination janséniste et la conception de la prédestination telle que l’explicite Lefebvre, approuvée par Rome. S’il fallut à ce dernier deux tomes pour préciser les concepts de grâce et de prédestination et leur incidence sur le salut des fidèles, il est compréhensible que le fameux Antoine Arnauld ait pu faire des gorges chaudes de ces passages[40] qui, non expliqués, peuvent facilement apparaître comme jansénistes. De fait, le même concept de grâce développé dans Lefebvre semble plutôt brouiller les cartes :
Que serviroit à tous les hommes que Dieu pust & voulust les sauver tous, s’il ne leur fournissoit le fonds necessaire à leur predestination. Il est certain que nous ne pouvons pas de nous-mesmes & avec nos forces naturelles gagner le Ciel. Nous sommes des serviteurs inutiles, qui ne peuvent pas seulement invoquer le nom de Dieu, & reclamer le nom de JESUS avec merite, sans l’assistance du Ciel & le secours de la grace[41].
Or, voici que l’attribution du Premier établissement de la foy à Valentin Le Roux perd tout à coup de sa pertinence. Dans Un janséniste en Nouvelle-France, Serge Trudel et Guy Laflèche s’appuyaient sur une lettre de Valentin Le Roux, publiée dans la Nouvelle relation de la Gaspésie de Chrestien Leclercq[42], pour en souligner le contenu janséniste très proche de certains passages du Premier établissement de la foy. Basée sur la certitude que l’auteur de la Nouvelle relation de la Gaspésie était bien Chrestien Leclercq et sur le consensus de la recherche quant à l’honnêteté et la sincérité de ce dernier, l’hypothèse voulant que Valentin Le Roux, auteur incontesté de sa lettre dans l’ouvrage tout aussi incontesté de Chrestien Leclercq, soit également l’auteur incontestable des deux tomes du Premier établissement de la foy ne peut tenir si la lettre attribuée à Le Roux dans Leclercq n’est pas de Le Roux ! L’hypothèse voulait aussi que les concepts de grâce et de prédestination invoqués dans le Premier établissement de la foy soient jansénistes par essence. Le chaînon manquant que constitue le Traité de la predestination nous permet de remettre en question nos certitudes antérieures en vertu de cette même « lettre de Le Roux » qui avait aiguillé la recherche sur la piste du jansénisme :
Vous êtes peut-être dégoûté, par le peu de fruit que vous remarquez dans la conversion des Sauvages ; […] Considérez, je vous prie, que c’est à nous à planter & à arroser ; mais que c’est à Dieu de donner les accroissemens, & de produire les fruits. Nous nous sommes suffisamment acquittez de nôtre obligation, quand nous avons annoncé la vérité ; ce n’est pas à nous de la rendre féconde, mais de reconnaître nôtre néant, d’adorer les jugemens de Dieu, & de luy dire : Quod debuimus facere fecimus, servi inutiles sumus. Souvenez-vous que quand le Fils de Dieu donne la Mission à ses Apôtres, il leur ordonne de prêcher l’Evangile à toutes les Nations ; non seulement à celles qui croiront à leur parole, mais encore à celles qui n’y ajouteront point de foi[43].
Ce passage, parfaitement congruent avec les concepts exposés par Hyacinthe Lefebvre dans son Traité de la predestination, reprend aussi l’idée d’un apostolat inutile en Nouvelle-France, idée déjà en germe, il est vrai, dans l’Histoire du Canada qui soulignait la lenteur des progrès apostoliques en Nouvelle-France[44], et chez Hennepin, qui avait repris en 1683 sous une autre forme cette thématique en soulignant l’« indifférence » des peuples autochtones à l’égard des tentatives d’évangélisation dont ils étaient la cible[45].
En bref, les thèmes traités chez Lefebvre pourraient avoir servi à la rédaction de la « lettre de Le Roux » dans la Nouvelle relation de la Gaspésie. Peut-on en conclure pour autant que le provincial des Récollets serait plus probablement l’auteur du Premier établissement de la foy ? Non bien sûr, puisque Valentin Le Roux aurait pu avoir eu l’occasion de compulser l’ouvrage de son supérieur avant sa publication (1678) ou après, si la lettre n’a pas été écrite à la date indiquée, ou tout simplement parce que ces réflexions sur l’utilité du travail apostolique étaient vraisemblablement partagées par tous les Récollets dans les années 1680[46]. Mais ces nouvelles sources montrent que le processus de genèse du Premier établissement de la foy fut encore plus complexe qu’il n’y paraît.
***
Que faut-il retenir de cette très brève incursion dans l’Histoire du Canada et le premier tome du Premier établissement de la foy ? Avant tout, il faut admettre qu’une comparaison systématique et minutieuse de ces deux oeuvres reste à faire. Les conclusions restent ici limitées, par l’étroitesse de l’angle adopté. Elles confirment néanmoins un changement radical quant à l’esprit de chacune des oeuvres. L’humilité, le libre-arbitre et la foi simple dans l’Histoire du Canada laissent place, dans le Premier établissement de la foy, à la valorisation du pouvoir et de la hiérarchie temporelle et ecclésiastique. Dans ce dernier ouvrage, le souci de la précision paraît inféodé à ses enjeux rhétoriques et polémiques, et le commerce n’est plus l’ennemi de la foi.
Par ailleurs, le Premier établissement de la foy s’avère un ouvrage collectif auquel plusieurs récollets auraient contribué au vu de la diversité calligraphique des documents élaborés dans les années 1680 et conservés aux Archives départementales des Yvelines.
Enfin, notre compréhension des liens entre l’Histoire du Canada et le Premier établissement de la foy se trouve considérablement enrichie : il appert que le manuscrit Histoire chronologique de la Nouvelle France est tout autant, sur le plan génétique, une source tierce qu’un état antérieur du Premier établissement de la foy, puisqu’il constitue en quelque sorte une version provisoire soumise à la lecture et élaborée à partir d’une combinaison de renseignements trouvés dans Sagard, dans le Memorial et dans l’Histoire chronologique de la province des Récollets de Paris de Hyacinthe Lefebvre. La marque de ce dernier se retrouve d’ailleurs dans plusieurs passages du premier tome du Premier établissement de la foy, notamment ceux mettant de l’avant des considérations théologiques autour des concepts de prédestination et de grâce, attribués trop vite au seul Valentin Le Roux.
Cette intervention possible du supérieur de la province n’est pas étonnante. Elle serait conforme à son rôle et au processus auquel étaient soumis les documents publiés par une institution religieuse : préparés sur le terrain, ils cheminaient par la voie hiérarchique qui exerçait par là un contrôle visant à protéger autant les rédacteurs initiaux que l’institution elle-même de toute bévue, au cas où un rédacteur trop passionné outrepasserait les bornes du dicible. Mais ce rôle de censeur et de superviseur que pourrait avoir joué le provincial de Paris nous ramène du coup aux doutes de Shea, Delanglez ou Hamilton quant à la paternité de ce premier tome du Premier établissement de la foy : comment se fait-il que Hyacinthe Lefebvre, s’il avait bien relu l’ouvrage, en ait laissé passer le dernier chapitre, beaucoup plus ouvertement anti-jésuite que le reste ? Une prudence élémentaire de la part d’un supérieur aurait nécessité d’atténuer les critiques plutôt que de les asséner ouvertement, au risque d’en discréditer le signataire.
Une dernière question se pose dès lors, qui n’aura pas plus de réponse que la précédente : se peut-il que l’exclusion de Louis Hennepin du territoire français, survenue peu après la mort de Louvois (le 16 juillet 1691) à qui fut imputée cette expulsion, ait rapport avec la parution du Premier établissement de la foy ? De fait, Hennepin revendiqua, en 1697 et 1698, la paternité de certains passages de cette oeuvre que son supérieur d’alors, Valentin Le Roux, aurait recopiés à partir de son « journal », et attribua par ailleurs ses déboires personnels et professionnels à partir de 1691 à Hyacinthe Lefebvre, en bons termes avec Louvois[47]. « Il est constant », dirait Hennepin imitant Le Roux ou peut-être Lefebvre, que ce dernier put profiter de ses prérogatives de supérieur et des faveurs de Louvois pour satisfaire au désir de vengeance du groupe Bernou-Renaudot-Callières en alléguant une incartade ou une protestation nouvelles de la part d’Hennepin − qui n’en était pas avare −, pour faire taire ce personnage encombrant en l’excluant du territoire français sous prétexte de son appartenance à la province de Saint-Antoine en Artois. Si tel était le cas, l’oeuvre collective que constitue le Premier établissement de la foy se démarquerait de l’ouvrage qui en constitue la trame, Histoire du Canada, par la somme d’intrigues, de coups bas et de rancoeurs qu’elle occulte.
Parties annexes
Annexes
Annexe 1
Réécriture d’un extrait de l’Histoire du Canada dans le Premier établissement de la foy
Légende :
Souligné : suppression
Italique : reprise d’une portion de ce passage, avec déplacement ou non
Gras : ajout
Romain : reprise (non littérale) d’un autre élément du texte de Sagard non compris dans l’extrait.
Histoire du Canada |
Premier établissement de la foy |
[9-11] A la vérité le temps qui devoit nous avoir rendu sages, n’a pu qu’après de longues années faire cognoistre à nos Marchands François, qui avoient la traicte & le gouvernement dugrand fleuve de Canada (descouvert depuis l’an 1535 par Jacques Cartier) l’ayde de quelque colonies de bons & vertueux Catholiques, ils n’y pouvoient rien advancer. La seule avarice leur faisoit passer la mer pour en rapporter des pelleteries, & les huguenots & heretiques participoient egallement du profit avec les Catholiques ; […] C’estoit une chose digne de compassion de veoir tant de desordres, la terre ne se cultivoit point, le païs ne s’habituoit pas, & point du tout de conversion ny d’envie de convertir, & neantmoins à ouyr les Marchands vous eussiez dit qu’ils n’aspiroient rien tant que la gloire de Dieu, la conversion des Sauvages & le bien du païs, je veux bien croire qu’ils eussent quelque bonne volonté & eussent esté bien ayse d’y veoir de l’advancement, mais toujours sans effect, à cause de leur interest temporel auquel ils estoient attachez principalement. [10] Ces belles apparences firent resoudre le sieur Houel Secretaire du Roy, personnage tres-affectionné au service de nostre Seigneur d’estre de la partie, & s’associer avec eux, mais comme il estoit homme judicieux & dans le dessein d’une personne qui ne respiroit rien moins que ses propres interests, il recognut aussi-tost les deffauts de la Compagnie, à laquelle il proposa que sans Religieux rien ne se pouvoit advancer ny esperer, & que leur intention principale devoit être la gloire de Dieu & la conversion des Sauvages […] Ces Messieurs trouverent ces propositions bonne, advouerent leur manquement, & le prierent de faire choix avec eux, des Religieux les plus utils & de moindre charge à la compagnie pour cette Mission. [11] La mémoire encore toute récente des grands fruicts que les Recollects avoient opéré dans l’Amerique Orientale & au Royaume du Toxu que d’autres appellent Voxu, qu’ils avoient depuis n’agueres converty à la foy, leur fist jetter l’oeil sur eux & s’adresser au R. P. Chapoin Prouincial Recollects de la Province de S. Denis, pour obtenir de luy quelque Religieux pour une si necessaire & si glorieuse Mission. |
[4] Le Fils de Dieu, qui connoît ses élûs : & le temps, & le moment estant arrivez en l’année 1615. jetta les yeux sur les Recollets de la Province de Saint Denisen France, & les honora de la qualité glorieuse de ses ministres [30] A cet effet il [Champlain] convint avec les Marchands de Normandie & de Saint-Malo, qui jusqu’à lors avoient pretendu d’avoir la liberté & le droit de traiter les pelletries des Sauvages. Il leur remontra si efficacement les avantages qu’ils retireroient de leur societé, que les uns & les autres se rendirent à Paris, où ils formerent une compagnie pour onze ans ; elle fut approuvée par Monsieur le Prince de Condé alors Vice-Roy du Canada, authorisée des Lettres Patentes du Roy, & ratifiée par // [31] les associez, à l’exclusion des Rochelois qui ne voulurent pas s’y trouver. Après avoir formé cette compagnie pour le commerce temporel il ne restoit plus que de pourvoir à l’administration du spirituel par l’établissement des Missions. Il en communiqua premierement avec Monsieur Houel Secretaire du Roy, & contrôlleur General des Salinnes de Broüage, ils firent tous deux l’ouverture de leur dessein au R. P. Bernard du Verger Provincial de l’immaculée Conception, Religieux d’une grande vertu & d’un rare talent, puissant en oeuvres et en paroles : ce saint homme reçeut avec d’autant plus de joye cette proposition, qu’il estoit tout de feu & de zele pour procurer la gloire de Dieu et le salut des // [32] ames. Il envoya pour cet effet deux de ses Religieux à Paris, il les addressa à Monsieur le Nonce du Pape Paul Cinquiéme en France. Son Eminence leur témoigna, qu’elle n’avoit pas l’authorité de leur en expedier les pouvoirs, & qu’il falloit en écrire à Rome au Procureur de l’Ordre, afin de les obtenir de sa Sainteté : toutes ces difficultez jointes à quantité d’autres que ces bons Religieux n’avoient point prevû, les obligerent de remettre à un temps plus favorable l’entreprise de cette Mission. Les Sieurs de Champlain etHouel en furent sensiblement touchez et d’autant plus qu’ils ne s’estoient addressez aux Recollets que sur le bruit que faisoient alors dans le monde les grands progrez de l’Evangile // [33] & le nombre prodigieux de conversions, que Dieu operoit par leur ministere dans l’Amerique Orientale, où selon le témoignage de l’Illustrissime Kumeraga, premier Archevêque du Mexique, nos Peres avoient baptizé dans ce nouveau monde plus de 900000 ames, renversé de fond en comble 50. Temples des Idolatres, brisé & reduit en cendres plus de 20000 idoles, consacré à la gloire de Dieu un nombre infini de Chapelles, d’Oratoires, & d’Eglises, aboli la coûtume abominable de ces barbares, qui tous les ans immoloient à leur fausse Divinité 200000. coeurs de leurs petits enfans : ces Messieurs ne se rebuterent point & voulant à quelque prix que ce fut obtenir de nos Peres, le Sieur Houel s’adressa au Re//[34]verend Père Jacques Garnier de Chapoüin premier Provincial des Recollets de la Province de Saint Denis ; il receut cette proposition, & envisagea cette Mission qu’on luy offroit au commencement de sa sainte Reforme de même oeil, que Saint François avoit regardé la conversion de tout le monde dans la naissance de son ordre, confera de cette grande & genereuse entreprise avec Messieurs les Princes de Condé, les Cardinaux & les Evêques, qui estoient pour lors à Paris, où l’on tenoit les Etats. La resolution de ce grand Religieux fut approuvée generalement de tous ces Seigneurs, qui pour prendre part à l’en-prise [sic], & à la conversion de ces Infidels, donnerent au Sieur// [35] de Champlain quinze cens liv. pour avoir des Chapelles portatives, Ornemens d’Eglise & d’autres choses necessaires pour commencer cette Mission. |
Annexe 2
Comparaison avec l’Histoire du Canada de deux documents sources du Premier établissement de la foy
Légende :
Gras : nouveau par rapport à l’Histoire du Canada
Italique : reconduit (pas forcément littéralement) dans le Premier établissement de la foy.
Memorial de la Mission des PP. Recollects |
Histoire chronologique de la Nouvelle France |
[f. 1] L’an de grace 1614. la Mission de Canada fut presentee par Mons. houel secrétaire du Roy et Controlleur Gñal des Sallines de Brouäge au Rd. père Chapouin provincial des PP Recollects de la province de paris lequel l’accepta fort volontiers mais differa l’execution dicelle jusques a l’année suivante pour estre le temps trop brief pour les preparatifs necessaires a un si long voyage. 2.La parolle du susdit P. provincial estant donnée il disposa les Religieux qui devoient executer un si g. desseinco[mm]e aussy les choses qui leur estoient necessaires pour ce subiect alla trouver Monsieur Le Prince de Condé et Mess. les cardinaulx et Evesques assemblés pr. la tenue des estats lesquels a la solicitation de Mons. Champlain Capitaine ordin. pr. le Roy en la dicte nouvelle France eslargist pr ce subiect jusques a la somme de quinze cent livres lesqueles furent touchees et employées par le susdict sieur Champlain aux necessitez des Religieux qui y devoient estre Envoyés. |
[Chapitre 9, f. 23] Le Sr. De Champlain pour Contenter lesMarchands qui vouloient avoir la liberté de traitter des Pelleteriesdans le grand fleuve, leur proposa le bien et l’utilité qu’apporteroit une compagnie bien reglée et appuyée de l’authorité de Mr le PrinceViceroy de Canada, Ceux de Normandie et de St Malo se trouverent en Cour ou Ils lierent ensemble une société pour onze ans, Mr le Princeet sa maiesté la ratifierent.Ceux de la Rochelle en furent exclus Vû qu’ils ne tinrent pas comte d’assister a l’assemblée qui se tint Pour cela, ny meme d’en parler apres un certain temps qu’on leur avoit donné pour s’adviser. Le meme Sr. de champlain representa aussy la necessité davoir de fervents et desinterressés Missionnaires soit pour les françois, soit pour les sauvages du Canada. Il en communiqua a quelques uns de ses amys et entrautres au sieur hoüel secretaire du Royet Controlleur general des salines de Brouages. Cet homme qui etoit [biffé : tres]devot et tres zellépour la Religion catholique luy dit qu’il avoit assés d’accés aupres des PP. Recollects, et qu’il s’appuyoit si fort sur leur vertu qu’il esperoit qu’ils ne refuseroient pas ce st. employ. Il en ecrivit a Xaintongeau R. P. Bernard du Verger Religieux tres Recommandabledans la province de l’immaculée conception pour ce suietdeux de ses Religieux a Paris. Ils demanderent cette Mission a Mr le Nonce du Pape Paul 5emais parce queson Pouvoir ne s’etendoit pas juques la,Il leur dit qu’il falloit qu’ils enecrivissent au Procureur General de l’ordre afin de l’obtenir de sa Sainteté. Ces Religieux voyant encore quantité d’autres difficultéspour l’execution de cette mission retournerent dans leur convent de Brouages, remettant la chose a une autre année. Cependant le sr. houel qui avoit touiours a Coeur cette mission et qui Pour la Pousser plus fortement s’etoit associé dans la Compagnie du Canada, alla quelques mois après en Parler au R. P.Jaques Garnierde Chapouin,premierprovincial des Recollects de la province st. denys, lequel etoit de retour de ses visites[ajouté dans l’interligne : dans le convent de Paris]. Il l’entretint du grand nombre d’ames qu’il y avoit a gagner a Dieu dans ces nouveaux Pays si Il y vouloit envoyer quelques uns de ses Religieux. Ce Père [Ajouté dans l’interligne : qui] etoit [biffé : trop] zellé pour la gloire de dieu et le salut des ames, ne refusa pas une si favorable occasion, Il en Parla a Mr. le Prince de Conde et a Mrs. les Cardinaux et Eveques lors assemblés pour la tenue des etats. Ces Mrslouerent fort son dessein et promirent d’y contribuer toutspar leur ausmosnes, ce qu’ils firent effectivement en mettant quinze cent livres entre les mains du sr. de Champlain qui les employa a achepter des chappelles portatives, ornements d’eglise, et autres choses necessaires a la mission. |
Note biographique
Catherine Broué est professeure à l’Université du Québec à Rimouski depuis 2004 au Département des lettres et humanités. Spécialiste des récits entourant l’exploration du bassin du Mississippi par Cavelier de la Salle à la fin du XVIIe siècle, elle emprunte les voies de la philologie pour s’intéresser aux non-dits, aux incohérences et aux variantes d’une source à une autre, qui permettent de dépasser les lectures encore trop souvent littérales de ce corpus. Elle a dirigé l’édition modernisée d’une des oeuvres majeures de la littérature viatique sur la Nouvelle-France, Nouvelle découverte d’un tres grand Pays situé dans l’Amérique septentrionale, de Louis Hennepin, parue aux Éditions Anacharsis en 2012 sous le titre Par-delà le Mississippi. Aventures en Amérique.
Notes
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[1]
Hyacinthe Lefebvre, Traité de la prédestination : ou Extrait du livre de vie, contenant les moyens nécessaires pour être du nombre des bienheureux, Paris, Denys Thierry, 1678, vol. 1, p. 33.
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[2]
Gabriel Sagard, Histoire du Canada et voyages que les Freres Mineurs Recollects y ont faicts pour la conversion des Infidelles, Paris, Claude Sonnius, 1636.
-
[3]
Premier établissement de la foy dans la Nouvelle-France contenant la publication de l’Evangile, l’histoire des colonies françoises, & les fameuses découvertes depuis le fleuve de Saint Laurent, la Loüisiane & le fleuve Colbert jusqu’au Golphe Mexique, achevées sous la conduite de feu monsieur de la Salle, Paris, Amable Auroy, 1691, 2 vol.
-
[4]
La graphie de ce nom dans l’original était Le Clercq.
-
[5]
Serge Trudel, Étude de genèse. Le cas de Premier établissement de la foy dans la Nouvelle France (1691), Thèse de doctorat, Montréal, Université de Montréal, 1997.
-
[6]
Guy Laflèche et Serge Trudel (éd.), Un janséniste en Nouvelle-France, Montréal, Éditions du Singulier, 2003.
-
[7]
Trois pages de titres différentes ont été recensées pour cette édition. L’une d’elles ne portait que les initiales P.C.L.C. Voir ibid., p. 266-270.
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[8]
Claude Bernou et François de Callières sont les plus connus des correspondants d’Eusèbe Renaudot à promouvoir activement les entreprises commerciales de Cavelier de la Salle en Louisiane.
-
[9]
Raphaël Hamilton, « Who Wrote Premier établissement de la foy dans la Nouvelle-France ? », Canadian Hiscorical Review, vol. 57, no 3 (1976), p. 265-288.
-
[10]
Chrestien Leclercq, Nouvelle relation de la Gaspésie, qui contient les Moeurs & la Religion des Sauvages Gaspesiens Porte-Croix, adorateurs du Soleil, & d’autres Peuples de l’Amérique Septentrionale, dite le Canada, Dediée à Madame la Princesse, Par le Père Chrestien Le Clercq, Missionnaire Recollet de la Province de Saint-Antoine de Pade en Artois, & Gardien du Convent de Lens, Paris, Amable Auroy, 1691.
-
[11]
Premier établissement de la foy, op. cit., p. 471. Serge Trudel a souligné dans sa thèse cette propension de l’ouvrage à réécrire les phrases en commençant par la fin.
-
[12]
Samuel de Champlain, Les Voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada : faits par le Sr. de Champlain Xainctongeois […], Paris, Louis Sevestre, 1632.
-
[13]
Serge Trudel a également souligné l’importance de ce concept dans le Premier établissement de la foy.
-
[14]
Louis Hennepin, Description de la Louisiane, nouvellement découverte au Sud’Oüest de la Nouvelle France, par ordre du Roy. Avec la Carte du Pays : Les Moeurs & la Maniere de vivre des Sauvages. Dediée à sa Majesté, Paris, Amable Auroy, 1688, p. 54-55.
-
[15]
Gabriel Sagard, op. cit., livre II, p. 224.
-
[16]
Premier établissement de la foy, op. cit., p. 78.
-
[17]
George Colpitts souligne l’étroit rapport entre commerce et conversion qui caractérise le Premier établissement de la foy, dans North America’s Indian Trade in European Commerce and Imagination, 1580-1850, Leiden / Boston, Brill, 2014, p. 139.
-
[18]
Le titre officiel de la province dite communément « de Paris » est bien « Saint-Denis en France » : voir Charles Rapine, Histoire générale de l’origine et progres des freres mineurs recollects […], Paris, Claude Sonnius, 1631, p. 108.
-
[19]
Louvois mourut le 16 juillet 1691. L’un des achevés d’imprimer que l’on retrouve sur certains exemplaires du Premier établissement de la foy est daté du 26 juillet 1691. Voir sur ces achevés d’imprimer Guy Laflèche et Serge Trudel, op. cit., entre autres p. 291.
-
[20]
Le seizième chapitre du premier tome du Premier établissement de la foy est numéroté XV par erreur. J’adopte ici la numérotation utilisée par Serge Trudel et Guy Laflèche pour ce chapitre. Hamilton attribue ce chapitre à un second rédacteur, qui pourrait être selon lui Eusèbe Renaudot ou l’un de ses amis jansénistes (Raphaël Hamilton, op. cit., p. 285-288). Ce chapitre de conclusion est si ouvertement anti-jésuite qu’il imprime sa marque à la lecture de l’ensemble du tome, quoique les chapitres qui précèdent demeurent plus pondérés à l’égard de la Compagnie de Jésus. Dès lors il faut se garder de généraliser à l’ensemble du tome, voire de l’ouvrage dans son entier, les caractéristiques que l’on décèle dans un passage donné.
-
[21]
Cette date est plus probable que celles qui figurent en marge sur le manuscrit lui-même (« vers 1681 » et « 1682 »), comme le souligne le Dictionnaire biographique des Récollets missionnaires en Nouvelle-France, 1615-1645, 1670-1849 (Odoric-Marie Jouve [dir.], avec la collaboration d’Archange Godbout, Hervé Blais et René Bacon, Montréal, Bellarmin, 1996, p. 365, n. 759).
-
[22]
Ces quatre documents sont conservés dans le fonds ancien des Récollets des Archives départementales des Yvelines, dossier 57 H-1. Eugène Réveillaud a édité les trois derniers en 1888, avec une grande partie des documents contenus dans ce dossier, et attribue l’Histoire chronologique de la Nouvelle France au récollet Sixte Le Tac, (Eugène Réveillaud, Histoire chronologique de la Nouvelle France ou Canada […], Paris, G. Fischbacher, 1888), attribution que contestent plusieurs historiens dont Odoric-Marie Jouve (op. cit., p. 633), qui par ailleurs attribue l’Estat de la Mission des PP. Recolets à Exupère Déthune (p. 365-366).
-
[23]
Serge Trudel a déjà souligné l’importance de ce document pour la genèse du Premier établissement de la foy.
-
[24]
Histoire chronologique de la Nouvelle France, op. cit., f. 1.
-
[25]
La formulation initiale dans le corps du texte, « Le Pays est sterile en employs comme en toute autre chose », est modifiée par la suppression du passage en italiques et par l’ajout, dans l’interligne, de la précision « en affaires de Guerre dont je fais profession ».
-
[26]
Histoire chronologique de la Nouvelle France, op. cit. f. 1.
-
[27]
Le document donné à lire dans l’édition d’Eugène Réveillaud comprend les grands passages biffés que le lecteur était invité à lire dans le manuscrit, ainsi que les ajouts ou modifications faites en cours d’écriture ; ce faisant, cette édition oblitère l’aspect inachevé du texte, d’où la nécessité de revenir à l’original.
-
[28]
Au même dossier 57 H-1.
-
[29]
Premier établissement de la foy, op. cit., p. 456.
-
[30]
Histoire chronologique de la province des Recollets de Paris sous le titre de Saint Denys en France depuis 1612. qu’elle fut érigée jusqu’en l’année 1676. Composée par le tres-Reverend Pere Hyacinthe Le Febvre, Paris, Denys Thierry, 1677.
-
[31]
Hyacinthe Lefebvre, Histoire chronologique de la province des Recollets de Paris […], op. cit., p. 42.
-
[32]
Deux tomes furent publiés la même année et la suivante sous le titre de Traité de la predestination […], op. cit.
-
[33]
D’après les Extraits des Registres de la Chambre syndicale des libraires contenant les Livres des Privileges imprimés depuis le mois de Novembre 1663 jusqu’en 1703, Paris, Bibliothèque nationale de France, NAF 2490, Librairie – Chambre syndicale. Privilèges 1663-1703, no 13.
-
[34]
Guy Laflèche et Serge Trudel, op. cit., p. 271.
-
[35]
Par exemple l’expression « il est constant que » et l’emploi du mot « juste » comme nom (« le juste », « les justes »).
-
[36]
Hyacinthe Lefebvre, Traité de la predestination, op. cit., p. 40.
-
[37]
Ibid., p. 86.
-
[38]
Premier établissement de la foy, op. cit., p. 517-518.
-
[39]
Ibid., p. 274.
-
[40]
Chantre du jansénisme, Antoine Arnauld s’attaqua à la Compagnie de Jésus dans son ouvrage La Morale pratique des Jésuites, paru en plusieurs tomes entre 1669 et 1694. Le chapitre X du tome VII (1693) s’appuie explicitement sur le Premier établissement de la foy dont il cite de longs passages pour décrier cet ordre : « [I]l [le P. Tellier] n’aura pas manqué de remarquer dans le cours de cette Histoire diverses choses, d’où il est difficile, que les hommes de bon sens, ne tirent de fâcheuses consequences à l’égard de deux points sur lesquels vous n’êtes pas en fort bonne reputation. L’un est, l’esprit d’ambition & de jalousie qui vous fait souffrir avec peine que d’autres que vous travaillent dans les missions d’éclat. L’autre est vôtre peu de sincerité dans les recits que vous faites des succés merveilleux de vos entreprises » (Antoine Arnauld, La Morale pratique des Jésuites […], s.l., s.é., 1693, t. VII, p. 243).
-
[41]
Premier établissement de la foy, op. cit., p. 84.
-
[42]
Publiée la même année que le Premier établissement de la foy et imprimée dans le même atelier, la Nouvelle relation de la Gaspésie est censée former un tout avec ce dernier comme cherchent à le faire croire les renvois réciproques qui sont insérés dans chacun de ces deux ouvrages. Voir les remarques de Réal Ouellet, dans son édition critique de la Nouvelle relation de la Gaspésie, Montréal, Presses de l’Université de Montréal (Bibliothèque du Nouveau Monde), 1999, p. 108.
-
[43]
Chrestien Le Clercq, Nouvelle relation de la Gaspésie, op. cit., p. 398-399.
-
[44]
Ainsi l’Histoire du Canada souligne-t-elle qu’une année de labeur du père Joseph Le Caron lui permit « seulement de cognoistre les façons de faire de ce peuple, d’apprendre passablement leur langue & les disposer à une vie plus honneste & civile » (Gabriel Sagard, op. cit., p. 29).
-
[45]
Moeurs des Sauvages, opuscule situé à la fin de la Description de la Louisiane, op. cit., p. 100 et p. 103. Nous nous inscrivons ici en faux contre les remarques de Guy Laflèche et Serge Trudel pour qui le thème de l’« insensibilité » serait spécifique à Le Roux (Guy Laflèche et Serge Trudel, op. cit., n. 4, p. 147-149).
-
[46]
Dans une lettre de 1679 écrite à Colbert, le supérieur des Récollets Eustache Maupassant déplore que « ceux qui ont la direction de l’Eglise » cherchent à rendre les missionnaires de son ordre « inutiles dans ce pays » (Eustache Maupassant, « Lettre à Colbert du 12 septembre 1679 », reproduite dans le Bulletin des recherches historiques, vol. 37, no 2 [1931], p. 602).
-
[47]
Louis Hennepin, « Avis au lecteur », Nouvelle Decouverte d’un pays plus grand que l’Europe Situé dans l’Amerique, entre le Nouveau Mexique, et la Mer Glaciale […], Utrecht, Guillaume Broedelet, 1697, s.p.
Références
- Arnauld, Antoine, La Morale pratique des Jésuites. Où elle est représentée en plusieurs histoires, arrivées dans toutes les parties du monde, s.l., s.é., t. VII, 1693.
- Bernou, Claude, Carte de l’Amérique septentrionale et partie de la méridionale depuis l’embouchure de la rivière St Laurens jusqu’à l’isle de Cayenne avec les nouvelles découvertes de la rivière de Mississipi ou Colbert, Paris, Bibliothèque nationale de France, Département « Cartes et plans », CPL SH 18E PF 122 DIV 2 P 0 RES ; en ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b80088611.
- Champlain, Samuel de, Les Voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada : faits par le Sr. de Champlain Xainctongeois, capitaine pour le Roy en la marine du Ponant, & toutes les descouvertes qu’il a faites en ce pais depuis l’an 1603, jusques en l’an 1629, où se voit comme ce pays a esté premièrement descouvert par les François sous l’authorité de nos Roys très-Chrestiens, jusques au règne de Sa Majesté à présent régnante Lovis XIII, Roy de France & de Nauarre, Paris, Louis Sevestre, 1632.
- Colpitts, George, North America’s Indian Trade in European Commerce and Imagination, 1580-1850, Leiden / Boston, Brill, 2014.
- Eclaircissement necessaire pour l’establissement d’un hospice que sa majesté nous a accordé dans la hautte ville de quebek, Montigny-le-Bretonneux, Archives départementales des Yvelines, dossier 57 H-1/9.
- Estat de la Mission des PP. Recolets de Canada, par le R. P. Ferdinand Coissair, Montigny-le-Bretonneux, Archives départementales des Yvelines, dossier 57 H-1/15.
- Extraits des Registres de la Chambre syndicale des libraires contenant les Livres des Privileges imprimés depuis le mois de Novembre 1663 jusqu’en 1703, Paris, Bibliothèque nationale de France, NAF 2490, Librairie – Chambre syndicale, Privilèges 1663-1703, no 13.
- Hamilton, Raphaël, « Who Wrote Premier établissement de la foy dans la Nouvelle-France ? », Canadian Hiscorical Review, vol. 57, no 3 (1976), p. 265-288.
- Hennepin, Louis, Description de la Louisiane, nouvellement découverte au Sud’Oüest de la Nouvelle France, par ordre du Roy. Avec la Carte du Pays : Les Moeurs & la Maniere de vivre des Sauvages. Dediée à sa Majesté, Paris, Amable Auroy, 1688.
- Hennepin, Louis, Nouvelle Decouverte d’un tres grand pays Situé dans l’Amerique, entre le Nouveau Mexique, et la Mer Glaciale, Avec les Cartes, & les Figures necessaires, & de plus l’Histoire naturelle & Morale, & les avantages, qu’on en peut tirer par l’établissement des Colonies. Le tout dedié à Sa Majesté Britannique. Guillaume III, Utrecht, Guillaume Broedelet, 1697.
- Histoire chronologique de la Nouvelle France ou Canada. Depuis sa decouverte mil Cinq Cents quatre juques en l’an mil six cent trente deux, Montigny-le-Bretonneux, Archives départementales des Yvelines, dossier 57 H-1/8.
- Jouve, Odoric-Marie (dir.), avec la collaboration d’Archange Godbout, Hervé Blais et René Bacon, Dictionnaire biographique des Récollets missionnaires en Nouvelle-France, 1615-1645, 1670-1849, Montréal, Bellarmin, 1996.
- Laflèche, Guy et Serge Trudel (éd.), Un janséniste en Nouvelle-France, Montréal, Éditions du Singulier, 2003.
- Le Clercq, Chrestien, Nouvelle relation de la Gaspésie, qui contient les Moeurs & la Religion des Sauvages Gaspesiens Porte-Croix, adorateurs du Soleil, & d’autres Peuples de l’Amérique Septentrionale, dite le Canada, Paris, Amable Auroy, 1691.
- Le Clercq, Chrestien, Nouvelle relation de la Gaspésie, édition critique établie par Réal Ouellet, Montréal, Presses de l’Université de Montréal (Bibliothèque du Nouveau Monde), 1999.
- Le Clercq, Chrestien, Premier établissement de la foy dans la Nouvelle-France contenant la publication de l’Evangile, l’histoire des colonies françoises, & les fameuses découvertes depuis le fleuve de Saint Laurent, la Loüisiane & le fleuve Colbert jusqu’au Golphe Mexique, achevées sous la conduite de feu monsieur de la Salle, Paris, Amable Auroy, 1691, 2 vol.
- Lefebvre, Hyacinthe, Histoire chronologique de la province des Recollets de Paris sous le titre de Saint Denys en France depuis 1612. qu’elle fut érigée jusqu’en l’année 1676, Paris, Denys Thierry, 1677.
- Lefebvre, Hyacinthe, Traité de la predestination : ou Extrait du livre de vie, contenant les moyens necessaires pour estre du nombre des Bien-heureux, Paris, Denys Thierry, 1678-1679, 2 vol.
- Maupassant, Eustache, « Lettre à Colbert du 12 septembre 1679 », Bulletin des recherches historiques, vol. 37, no 2 (1931), p. 602-603.
- Memoire instructif contenant la conduitte des Peres Recollets de Paris en leur mission de Canada depuis l’annee 1615, Jusques en la presente année, [biffé : 1643] 1684, Montigny-le-Bretonneux, Archives départementales des Yvelines, dossier 57 H-1/3.
- Memorial de la Mission des PP. Recollects en la nouvelle France dicte communement Canada, Montigny-le-Bretonneux, Archives départementales des Yvelines, dossier 57 H-1/4.
- Rapine, Charles, Histoire générale de l’origine et progrezdes freres mineurs de S. François vulgairement apellés en France, Flandre, Italie, & Espagne, Recollects, Reformez ou Deschaux, tant en toutes les Provinces & Royaumes Catholiques comme dans les Indes Orientales & Occidentales, & autres parties des nouveaux mondes, Paris, Claude Sonnius, 1631.
- Réveillaud, Eugène, Histoire chronologique de la Nouvelle France ou Canada depuis sa découverte (mil cinq cents quatre) juques en l’an mil six cent trente deux par le Père Sixte Le Tac, Récollect, Paris, Typographie de G. Fischbacher, 1888.
- Sagard, Gabriel, Histoire du Canada et voyages que les Freres Mineurs Recollects y ont faicts pour la conversion des Infidelles, Paris, Claude Sonnius, 1636.
- Trudel, Serge, Étude de genèse. Le cas de Premier Etablissement de la Foi dans la Nouvelle France (1691), Thèse de doctorat, Montréal, Université de Montréal, 1997.
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Histoire du Canada |
Premier établissement de la foy |
[9-11] A la vérité le temps qui devoit nous avoir rendu sages, n’a pu qu’après de longues années faire cognoistre à nos Marchands François, qui avoient la traicte & le gouvernement dugrand fleuve de Canada (descouvert depuis l’an 1535 par Jacques Cartier) l’ayde de quelque colonies de bons & vertueux Catholiques, ils n’y pouvoient rien advancer. La seule avarice leur faisoit passer la mer pour en rapporter des pelleteries, & les huguenots & heretiques participoient egallement du profit avec les Catholiques ; […] C’estoit une chose digne de compassion de veoir tant de desordres, la terre ne se cultivoit point, le païs ne s’habituoit pas, & point du tout de conversion ny d’envie de convertir, & neantmoins à ouyr les Marchands vous eussiez dit qu’ils n’aspiroient rien tant que la gloire de Dieu, la conversion des Sauvages & le bien du païs, je veux bien croire qu’ils eussent quelque bonne volonté & eussent esté bien ayse d’y veoir de l’advancement, mais toujours sans effect, à cause de leur interest temporel auquel ils estoient attachez principalement. [10] Ces belles apparences firent resoudre le sieur Houel Secretaire du Roy, personnage tres-affectionné au service de nostre Seigneur d’estre de la partie, & s’associer avec eux, mais comme il estoit homme judicieux & dans le dessein d’une personne qui ne respiroit rien moins que ses propres interests, il recognut aussi-tost les deffauts de la Compagnie, à laquelle il proposa que sans Religieux rien ne se pouvoit advancer ny esperer, & que leur intention principale devoit être la gloire de Dieu & la conversion des Sauvages […] Ces Messieurs trouverent ces propositions bonne, advouerent leur manquement, & le prierent de faire choix avec eux, des Religieux les plus utils & de moindre charge à la compagnie pour cette Mission. [11] La mémoire encore toute récente des grands fruicts que les Recollects avoient opéré dans l’Amerique Orientale & au Royaume du Toxu que d’autres appellent Voxu, qu’ils avoient depuis n’agueres converty à la foy, leur fist jetter l’oeil sur eux & s’adresser au R. P. Chapoin Prouincial Recollects de la Province de S. Denis, pour obtenir de luy quelque Religieux pour une si necessaire & si glorieuse Mission. |
[4] Le Fils de Dieu, qui connoît ses élûs : & le temps, & le moment estant arrivez en l’année 1615. jetta les yeux sur les Recollets de la Province de Saint Denisen France, & les honora de la qualité glorieuse de ses ministres [30] A cet effet il [Champlain] convint avec les Marchands de Normandie & de Saint-Malo, qui jusqu’à lors avoient pretendu d’avoir la liberté & le droit de traiter les pelletries des Sauvages. Il leur remontra si efficacement les avantages qu’ils retireroient de leur societé, que les uns & les autres se rendirent à Paris, où ils formerent une compagnie pour onze ans ; elle fut approuvée par Monsieur le Prince de Condé alors Vice-Roy du Canada, authorisée des Lettres Patentes du Roy, & ratifiée par // [31] les associez, à l’exclusion des Rochelois qui ne voulurent pas s’y trouver. Après avoir formé cette compagnie pour le commerce temporel il ne restoit plus que de pourvoir à l’administration du spirituel par l’établissement des Missions. Il en communiqua premierement avec Monsieur Houel Secretaire du Roy, & contrôlleur General des Salinnes de Broüage, ils firent tous deux l’ouverture de leur dessein au R. P. Bernard du Verger Provincial de l’immaculée Conception, Religieux d’une grande vertu & d’un rare talent, puissant en oeuvres et en paroles : ce saint homme reçeut avec d’autant plus de joye cette proposition, qu’il estoit tout de feu & de zele pour procurer la gloire de Dieu et le salut des // [32] ames. Il envoya pour cet effet deux de ses Religieux à Paris, il les addressa à Monsieur le Nonce du Pape Paul Cinquiéme en France. Son Eminence leur témoigna, qu’elle n’avoit pas l’authorité de leur en expedier les pouvoirs, & qu’il falloit en écrire à Rome au Procureur de l’Ordre, afin de les obtenir de sa Sainteté : toutes ces difficultez jointes à quantité d’autres que ces bons Religieux n’avoient point prevû, les obligerent de remettre à un temps plus favorable l’entreprise de cette Mission. Les Sieurs de Champlain etHouel en furent sensiblement touchez et d’autant plus qu’ils ne s’estoient addressez aux Recollets que sur le bruit que faisoient alors dans le monde les grands progrez de l’Evangile // [33] & le nombre prodigieux de conversions, que Dieu operoit par leur ministere dans l’Amerique Orientale, où selon le témoignage de l’Illustrissime Kumeraga, premier Archevêque du Mexique, nos Peres avoient baptizé dans ce nouveau monde plus de 900000 ames, renversé de fond en comble 50. Temples des Idolatres, brisé & reduit en cendres plus de 20000 idoles, consacré à la gloire de Dieu un nombre infini de Chapelles, d’Oratoires, & d’Eglises, aboli la coûtume abominable de ces barbares, qui tous les ans immoloient à leur fausse Divinité 200000. coeurs de leurs petits enfans : ces Messieurs ne se rebuterent point & voulant à quelque prix que ce fut obtenir de nos Peres, le Sieur Houel s’adressa au Re//[34]verend Père Jacques Garnier de Chapoüin premier Provincial des Recollets de la Province de Saint Denis ; il receut cette proposition, & envisagea cette Mission qu’on luy offroit au commencement de sa sainte Reforme de même oeil, que Saint François avoit regardé la conversion de tout le monde dans la naissance de son ordre, confera de cette grande & genereuse entreprise avec Messieurs les Princes de Condé, les Cardinaux & les Evêques, qui estoient pour lors à Paris, où l’on tenoit les Etats. La resolution de ce grand Religieux fut approuvée generalement de tous ces Seigneurs, qui pour prendre part à l’en-prise [sic], & à la conversion de ces Infidels, donnerent au Sieur// [35] de Champlain quinze cens liv. pour avoir des Chapelles portatives, Ornemens d’Eglise & d’autres choses necessaires pour commencer cette Mission. |
Memorial de la Mission des PP. Recollects |
Histoire chronologique de la Nouvelle France |
[f. 1] L’an de grace 1614. la Mission de Canada fut presentee par Mons. houel secrétaire du Roy et Controlleur Gñal des Sallines de Brouäge au Rd. père Chapouin provincial des PP Recollects de la province de paris lequel l’accepta fort volontiers mais differa l’execution dicelle jusques a l’année suivante pour estre le temps trop brief pour les preparatifs necessaires a un si long voyage. 2.La parolle du susdit P. provincial estant donnée il disposa les Religieux qui devoient executer un si g. desseinco[mm]e aussy les choses qui leur estoient necessaires pour ce subiect alla trouver Monsieur Le Prince de Condé et Mess. les cardinaulx et Evesques assemblés pr. la tenue des estats lesquels a la solicitation de Mons. Champlain Capitaine ordin. pr. le Roy en la dicte nouvelle France eslargist pr ce subiect jusques a la somme de quinze cent livres lesqueles furent touchees et employées par le susdict sieur Champlain aux necessitez des Religieux qui y devoient estre Envoyés. |
[Chapitre 9, f. 23] Le Sr. De Champlain pour Contenter lesMarchands qui vouloient avoir la liberté de traitter des Pelleteriesdans le grand fleuve, leur proposa le bien et l’utilité qu’apporteroit une compagnie bien reglée et appuyée de l’authorité de Mr le PrinceViceroy de Canada, Ceux de Normandie et de St Malo se trouverent en Cour ou Ils lierent ensemble une société pour onze ans, Mr le Princeet sa maiesté la ratifierent.Ceux de la Rochelle en furent exclus Vû qu’ils ne tinrent pas comte d’assister a l’assemblée qui se tint Pour cela, ny meme d’en parler apres un certain temps qu’on leur avoit donné pour s’adviser. Le meme Sr. de champlain representa aussy la necessité davoir de fervents et desinterressés Missionnaires soit pour les françois, soit pour les sauvages du Canada. Il en communiqua a quelques uns de ses amys et entrautres au sieur hoüel secretaire du Royet Controlleur general des salines de Brouages. Cet homme qui etoit [biffé : tres]devot et tres zellépour la Religion catholique luy dit qu’il avoit assés d’accés aupres des PP. Recollects, et qu’il s’appuyoit si fort sur leur vertu qu’il esperoit qu’ils ne refuseroient pas ce st. employ. Il en ecrivit a Xaintongeau R. P. Bernard du Verger Religieux tres Recommandabledans la province de l’immaculée conception pour ce suietdeux de ses Religieux a Paris. Ils demanderent cette Mission a Mr le Nonce du Pape Paul 5emais parce queson Pouvoir ne s’etendoit pas juques la,Il leur dit qu’il falloit qu’ils enecrivissent au Procureur General de l’ordre afin de l’obtenir de sa Sainteté. Ces Religieux voyant encore quantité d’autres difficultéspour l’execution de cette mission retournerent dans leur convent de Brouages, remettant la chose a une autre année. Cependant le sr. houel qui avoit touiours a Coeur cette mission et qui Pour la Pousser plus fortement s’etoit associé dans la Compagnie du Canada, alla quelques mois après en Parler au R. P.Jaques Garnierde Chapouin,premierprovincial des Recollects de la province st. denys, lequel etoit de retour de ses visites[ajouté dans l’interligne : dans le convent de Paris]. Il l’entretint du grand nombre d’ames qu’il y avoit a gagner a Dieu dans ces nouveaux Pays si Il y vouloit envoyer quelques uns de ses Religieux. Ce Père [Ajouté dans l’interligne : qui] etoit [biffé : trop] zellé pour la gloire de dieu et le salut des ames, ne refusa pas une si favorable occasion, Il en Parla a Mr. le Prince de Conde et a Mrs. les Cardinaux et Eveques lors assemblés pour la tenue des etats. Ces Mrslouerent fort son dessein et promirent d’y contribuer toutspar leur ausmosnes, ce qu’ils firent effectivement en mettant quinze cent livres entre les mains du sr. de Champlain qui les employa a achepter des chappelles portatives, ornements d’eglise, et autres choses necessaires a la mission. |