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Aussi abondante qu’éparse, tant dans les archives que dans les imprimés, l’iconographie anouilhienne attend encore une enquête approfondie et un regard spécifique bien qu’elle représente une source de premier ordre pour l’histoire de son théâtre. Il n’y a eu, à notre connaissance, que deux tentatives, anciennes et sélectives, de regroupement, dans Réalités et dans L’avant-scène théâtre[1].
Les registres et, par là même, les centres d’intérêt de cette iconographie sont multiples. Si les photos de l’entourage d’Anouilh (famille, proches et amis) sont des curiosités biographiques, voire anecdotiques, les portraits mériteraient en revanche inventaire systématique et datation. Hormis ceux des photographes suisses, Gertrude Fehr et Horst Trapp (1966-1970), ou de Martine Frank (vers 1981[2]), ils sont souvent anonymes ou sans date (Roger Viollet). Il y a aussi les dessinateurs tels que Roger Wild dont le très beau portrait a été reproduit dans le programme de Becket ou L’honneur de Dieu en 2000 au Théâtre de Paris (L’entracte, n˚ 128).
Moins intimes et plus rares et souvent mêlées aux dossiers de mise en scène, les photos de l’homme de scène sont plus suggestives pour les chercheurs. Anouilh en effet, on le sait, avant même de devenir son propre metteur en scène, suivait de près l’élaboration de la scénographie et le jeu des acteurs, occasion de bien des remaniements du texte. Ces documents s’ajoutent comme un commentaire visuel aux témoignages rendus par les acteurs tels que Michel Bouquet, Bruno Cremer, Jacques François, Robert Hirsch, Daniel Ivernel et tant d’autres.
Mais la documentation bien sûr la plus considérable, et la plus dispersée, se rapporte aux représentations françaises et étrangères. Les archives des théâtres demeurent la propriété des directeurs successifs qui ne les rendent pas toujours publiques, ni ne les classent. Ainsi pour l’édition de la Pléiade, il s’est avéré impossible, malgré plusieurs démarches, d’accéder aux archives de la Comédie des Champs-Élysées. Il faut donc consulter divers fonds publics comme ceux de la SACD[3], des régisseurs de théâtre à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, surtout de la Bibliothèque des Arts du spectacle (BnF Richelieu). Cette dernière détient pour chacune des pièces une abondance de clichés (décors et acteurs[4]) ; elle est aussi dépositaire de fonds comme celui d’André Barsacq qui constituait un substantiel dossier pour chacune des pièces qu’il montait. Enfin, l’Institut national de l’audiovisuel, à la Bibliothèque François Mitterand (INA), en dehors de documents radiophoniques, possède des enregistrements télévisuels, comme l’émission de Bernard Rapp, Un siècle d’écrivains, qui fut consacrée à Anouilh le 7 mars 1999 où figurent des extraits de plusieurs spectacles[5].
Bien d’autres pistes demeurent ouvertes. Le premier jet du texte dans les manuscrits est en général accompagné d’une ou plusieurs pages de croquis. Les archives des journaux et magazines ne sont pas à négliger ; ainsi pour le photographe Pagès, proche d’Anouilh, qui travaillait à Paris Match. À l’étranger, les fonds dramatiques sont loin d’avoir été inventoriés et explorés. Un seul exemple : André Rombout dans sa monographie[6] publie en hors-texte deux projets de costumes pour La valse des toréadors (Totterdams Tonce, 1957) et Le bal des voleurs (Tenelsgroup Puccks, 1954) tirés de la collection du Toncelmuseum d’Amsterdam. N’oublions pas non plus les catalogues d’expositions (Jean-Denis Malclès, André Barsacq) qui exhument des documents rares.
Tout ce savoir iconographique intéresse l’histoire et la réception des pièces, mais aussi leur genèse puisqu’on sait que le texte imprimé et le texte joué sont le fruit à la fois du travail d’atelier d’écriture et des corrections ou ajouts nés lors des répétitions, qu’ils proviennent des suggestions des acteurs et des régisseurs de scène ou des repentirs de l’auteur.
Liste des photos ici publiées
Parties annexes
Notes
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[1]
Réalités, no 36 (janvier 1949) (Y’avait un prisonnier,La sauvage,Le bal des voleurs,Le voyageur sans bagage,Le rendez-vous de Senlis,Antigone,Ardèle ou La marguerite) ; L’avant-scène théâtre, n˚ 282-283 (février-mars 1963), « Album complet du théâtre de Jean Anouilh ».
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[2]
On peut les visionner sur le site de l’agence Magnum (www.magnumphotos.com).
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[3]
Société des auteurs et compositeurs dramatiques (11, rue Ballu, Paris 75009). On y trouve des collections d’affiches et de programmes.
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[4]
Ils sont classés sous les cotes 4˚ PHOT-2 et 4˚ Ico-THE, assorties d’un numéro pour chaque pièce. Paule Tourniac, conservatrice, en a dressé un inventaire.
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[5]
Cote DL T 19990317 FR3 009 001.
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[6]
La pureté dans le théâtre de Jean Anouilh, Amsterdam, Holland University Press, 1975.
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[7]
Peintre de portraits, de paysages et de fleurs, Léon-Auguste Blot (1905-1967) fait l’objet d’une courte notice dans le Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs d’E. Benezit (Paris, Gründ, 1923) qui signale ce portrait. Il a exposé à Reims (1929-1930) et dans divers salons (artistes français, indépendants) entre 1930 et 1943. Le portrait d’Anouilh a figuré dans une rétrospective du peintre en 1998 au Musée de Saint-Dié ; il est reproduit dans le fascicule publié à cette occasion.
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Ces cinq photos sont reproduites avec l’aimable autorisation de la collection particulière à laquelle elles appartiennent. Les droits sont réservés.