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Né dans une famille d’éleveur de rennes dans la toundra de Xatyrka et de Vaïegui, Ivan Vassilievitch Omruv’e (ʔOmruwje) est un écrivain tchouktche, connu non seulement en Tchoukotka, mais aussi en France où ses oeuvres ont paru notamment dans des revues littéraires. Omruv’e a fait ses études à l’Institut Herzen de Leningrad, d’où il est sorti diplômé dans la spécialité « enseignant de langue et littérature russe et tchouktche » en 1968. Il a travaillé un temps comme instituteur itinérant dans la toundra de Vaïegui, mais son activité principale a été le journalisme qui l’occupa jusqu’à la fin de ses jours. Il écrivait dans la presse locale de Tchoukotka : tout d’abord Sovètkèn Čukotka, publié en tchouktche et Sovetskaja Čukotka, en russe (‘La Tchoukotka soviétique’), Magadanskij Komsomolec (‘Le komsomol de Magadan’), Murgin Nutènut (« Notre terre », en tchouktche, publié dans les langues autochtones de la région) et enfin Krajnij Sever (« Grand Nord »). Dès les années soixante, Omruv’e publiait de la poésie.
En 1983, a été publié en langue tchouktche son premier roman Les descendants d’un éleveur (Sawsәwen Jaatlʔat). L’ouvrage est paru en traduction française sous le titre « Eleveurs de rennes », traduit directement du tchouktche par Charles Weinstein (éd. Autrement. Paris 2000). Cette publication sera suivie par beaucoup d’autres : « Le couteau du passé » (Melɣәnwәken Walә) 1984 (paru en français sous le titre « Le Couteau sur le Bûcher Mortuaire » ; éd. Librio 2001), « Maralqot » (Maralqot) (publié dans le recueil Récits et Nouvelles du Grand Nord, L’Harmattan. Paris 2010) ; « Rulwet de Walqaran » (Walqaralʔәn Rulwet) traduit dans Europe N° 1024-1025 en 2014 ; « Elwas » (ʔElwas) (publié également dans Europe N° 1106-1107-1108, en 2021, et republié ci-dessous). Une suite du roman Eleveurs de rennes est parue partiellement en langue tchouktche dans le recueil Prose Contemporaine de Tchoukotka (Moscou, 2006) sous le titre Rèmkyl’yn (Remkәlʔәn) ; la traduction complète en français demeure non publiée.
En 2001, au Festival International du Livre de Saint Malo, seuls dix récits de différents auteurs, sur 200, ont été retenus pour figurer dans l’anthologie du festival ; le récit « Le couteau sur le bûcher mortuaire » d’Omruv’e figurait parmi ces dix textes. En 2014, Omruv’e a reçu le grand prix du concours littéraire Rytkhéou en Tchoukotka pour son roman Eleveurs de rennes. Signalons qu’Omruv’e a prêté sa voix, avec M. Belichenko et Z. Tagrina-Weinstein, lors de l’enregistrement de contes tchouktches recueillis voici plus de 100 ans par Vladimir Bogoraz[1]. Cet enregistrement figure dans la réédition commentée et retranscrites de ces textes, publiée dans le cadre du projet « Endangered Languages of the Pacific Rim » dirigé par Tokusu Kurebito[2], dont un exemplaire a été remis à la bibliothèque du Musée du Quai Branly, à Paris.
Quand on lit les oeuvres d’Omruv’e, on comprend qu’il est possible de traduire par des mots non seulement la beauté et l’originalité de la langue tchouktche, mais aussi la richesse du monde intérieur de l’homme du Grand Nord, un homme courageux et endurant.
Elwas se change en un rayon de soleil (ʔElwas, Tirkәqәmsusʔu nʔellʔәn). Texte d’Ivan Omruv’e, traduit du tchouktche par Charles Weinstein[3]
À mesure que le soleil montait dans le ciel la nature se réchauffait. Elle se réchauffait insensiblement car la montagne et le sol respiraient encore un air chargé de neige. On apercevait la yarangue[4] (Jaraŋә) d’Elwas (ʔElwas). Mais nul ne savait pourquoi Elwas l’avait plantée à cet endroit, au bord de la Nykepeglan (Nәkepeɣlan), où peu de ses amis et même sa parenté ne venaient le voir que de loin en loin. On disait qu’une nuit, dans un passé lointain, la terre avait tremblé, grondé et qu’il s’était créé une excavation. L’excavation s’était remplie d’eau, puis elle avait donné naissance à une rivière. Cette rivière, les hommes l’avaient appelée la Nykepeglan, « Echos dans la Nuit ». Cette nuit-là, le grondement avait été entendu loin dans les environs et tout avait changé alentour. Les gens avaient renoncé pendant de nombreuses années à s’approcher de cette rivière. Ils disaient que des mauvais esprits avaient dû s’y installer. Après plusieurs générations seulement, les gens avaient commencé à oublier cette nuit et à retourner vers ces lieux. Pourtant nul n’était revenu s’installer sur les bords de la Nykepeglan. Un seul homme, pensaient les gens de la toundra, n’avait pas craint les mauvais esprits et avait dressé sa yarangue à cet endroit.
Alors que les autres éleveurs transhumaient dans la toundra avec leurs troupeaux, Elwas passait presque tout son temps dans sa yarangue à ne rien faire, ce qui n’est pas dans les habitudes d’un éleveur. Il restait en compagnie de ses deux femmes, Raglyna (Raɣlәŋa), âgée seulement de 15 ans, et Qoyan (Qojan) qui frisait la quarantaine. Au cours des mois sans jour, le maître de maison avait eu pour sa part 45 ans. Que Raglyna fût toute jeune importait peu : elle était travailleuse.
Elwas appréciait qu’elle ait appris à coudre des habits en peau de renne, faire la cuisine et tenir le ménage. Quand il se trouvait quelque travail qu’elle ne savait faire, l’aînée des épouses lui donnait des explications, comme d’aller cueillir et faire sécher des feuilles de renouée, accueillir des visiteurs et préparer leur départ, savoir de quoi parler avec un homme, acquérir les savoir-faire en usage dans la toundra et dont on ne sait à quand ils remontent. Les deux fils d’Elwas, qu’il avait eus de sa première femme, avaient l’un 18 ans et l’autre 20 ans. Ils vivaient de leur côté avec leurs troupeaux. Quant aux rennes d’Elwas, ils étaient gardés par d’autres personnes, des parents à lui, et aussi par deux Koriaks dont la yarangue commune restait à demeure auprès du troupeau.
Ce matin-là, c’est Raglyna, la femme cadette, qui comme toujours sortit la première de la yarangue. La première épouse resta dans le yorongue[5] (Joroŋә), la tente intérieure, aux côtés de son mari. Raglyna tenait dans la main droite le pot d’urine qu’elle alla vider un peu à l’écart. Ceci fait, elle baissa son kèrkèr[6] (Kerker) jusqu’aux genoux, dénudant sa poitrine blanche et son corps, et elle s’accroupit pour se soulager. Elle retournait dans la yarangue quand elle aperçut du coin de l’oeil une créature qui se dirigeait subrepticement vers un traîneau de charge à 10-15 pas de la yarangue. Elle regarda attentivement et crut reconnaître un loup. Elle fit halte un instant pour reprendre sa respiration, puis retourna lentement vers la yarangue.
Une fois entrée, elle se dirigea aussitôt vers la tente intérieure, l’ouvrit et dit doucement : « Un loup est en train de rôder autour de la yarangue. ». « Quoi ? », s’exclama Elwas qui quitta les bras de Qoyan, se leva d’un bond et, sans plus poser de questions, mit sa culotte et sa combinaison en peau de renne. Une fois habillé, il resta un instant debout, pensif, sans rien dire. Puis, toujours sans sortir, il se tourna vers Raglyna et dit sans hésiter : « Ce n’est pas un loup ! Mets du poisson fumé et un morceau de viande bouillie dans mon havresac de route. ».
Ceci dit, il enfila ses bottes de renne, ses moufles, son bonnet, sa ceinture où il passa son couteau, puis il se dirigea vers la resserre. Il s’y munit de sa lance et de son lasso qu’il alla poser dans l’embrasure de la porte. Qoyan s’était levée et, sans tarder, elle avait coupé la viande en fines lamelles et l’avait déposée sur le plateau de bois près de l’appui-tête à l’entrée du yorongue. Le maître des lieux en avala quelques morceaux, but du bouillon à même la marmite. Puis il se redressa, saisit tout ce qui avait été préparé et sortit.
Elwas enveloppa de l’oeil la maisonnée, les traîneaux, le tas de bois dehors près de la porte et autres objets. Chaque chose était à sa place, mais sur l’un des traîneaux de charge où l’on gardait la viande dans un sac, les lanières en peau de phoque barbu avaient été desserrées. Il s’approcha et palpa l’intérieur du sac et comprit que le contenu avait diminué de volume. « C’est bien cela, il est revenu ! ». Son visage rougit et frémit en comprenant qui avait farfouillé dans son bien. Mais on ne voyait plus aux alentours celui que Raglyna avait pris pour un loup. Elwas saisit ses skis larges et courts, prit sa lance, jeta sur ses épaules son sac de route et son lasso, puis il se tourna vers ses femmes restées debout près de la yarangue et leur dit : « Je serai absent plusieurs jours ».
Et il s’élança au pas de course sur les traces laissées par le voleur dans la neige. Son visage exprimait la colère comme si on l’avait maltraité.
À quoi pensait Elwas, en quittant sa yarangue, Qoyan et Raglyna n’en savaient rien et n’essayaient pas de le savoir. Elles étaient habituées de longue date à voir leur époux s’en aller sans crier gare. À cet instant, comme toujours, elles le regardaient partir sans dire un mot, pensant sans doute que les autres hommes n’exprimaient pas non plus leurs pensées et leurs souhaits à voix haute, même à leurs proches. Certaines choses ne devaient surtout pas être confiées à des porteuses de kèrkèr.
Elwas suivait la trace du voleur. Tout en sachant que l’autre là-bas était très véloce et qu’il se déplaçait sans effort, Elwas espérait néanmoins le rejoindre rapidement. « Pourquoi faire ? », se demandait-il. Il s’était déjà un peu calmé. Il ne se hâtait pas trop, car au printemps les jours sont longs. Quel besoin avait-il de se dépêcher ? Et l’autre, là-bas, pensait probablement que, comme toujours, Elwas n’était pas spécialement monté contre lui, ni affecté par la disparition de deux morceaux de poitrine mis de côté pour le Kilweï[7] (Kilwej). Pourtant cette fois-ci, Elwas se comportait différemment et son voleur ne savait pas qu’il le poursuivait. C’est pourquoi il ne se pressait pas de rentrer chez lui et ne s’était pas encore éloigné.
Le voleur était, dans l’esprit d’Elwas, son cousin Kyrgyjan (Kәrɣәjan) que les gens de la toundra nommaient « le petit Kyrgyjan ». Effectivement il était court sur pattes et ressemblait à un morceau de viande séchée. Il était chétif et n’avait que la peau sur les os. Mais si on y regardait de plus près, il était en réalité robuste comme un renne de trait, et madré. Il était capable de venir à bout de quiconque eût voulu le juguler lorsqu’il avait décidé de remplir son ventre affamé. Il n’ignorait pas que ses semblables repoussaient les voleurs comme des bons à rien et les expulsaient des campements.
Mais Kyrgyjan avait appris depuis longtemps à connaître tous ces espaces, les monts, la toundra. Ils étaient pour lui comme une demeure d’où personne ne pouvait le débusquer. Qui donc aurait pu le chasser d’ici, de ces lieux qu’il avait toujours parcourus à sa guise ? C’est moi qui suis le maître, pensait-il toujours quand il se rendait en quelque lieu pour commettre un larcin. Kyrgyjan se nourrissait presque toujours d’aliments qu’il avait dérobés bien qu’il ne fût pas dans le besoin. Il possédait un troupeau sur lequel veillait son fils avec l’aide d’autres bergers. Pour sa part, il était presque constamment à vagabonder, se rendant chez les gens d’un lieu à l’autre pour s’attribuer quelque morceau appétissant. Tout le pays connaissait ce maraudeur, depuis la rivière W’en[8] (Wʔen) jusqu’à la terre des Koriaks.
Petit garçon, Kyrgyjan avait voulu faire une plaisanterie, comme il se disait. Il avait revêtu une peau de loup et s’était caché, accroupi dans un traîneau couvert. Quand les gens de l’endroit, qui se trouvaient dehors, étaient rentrés chez eux, il était sorti de sa cachette, avait dénoué les lanières d’un sac posé sur leur traîneau de charge et en avait extrait du poisson fumé. Il avait recueilli son butin dans le traîneau couvert où pendant plusieurs jours il s’était tapi pour déguster le produit de son vol. Personne ne s’était rendu compte du larcin et voler était devenu une habitude chez Kyrgyjan.
Les monts se détachaient distinctement sur l’horizon quand Elwas aperçut devant lui un point noir. Il pressa le pas. Ses skis à semelles de peau de phoque barbu glissaient bien. Il distingua bientôt celui qui le devançait, petit de taille, leste, couvert d’une peau de loup.
« C’est bien lui, c’est bien Kyrgyjan », se dit Elwas.
Kyrgyjan portait un habit taillé dans une peau de loup. Sa femme lui coupait dans la peau une combinaison de dessus, des culottes, un bonnet et même des bottes. Dans le dos de la combinaison elle avait cousu une queue de loup comme suspendue à la ceinture. Ainsi vêtu, il rappelait un vrai loup, surtout lorsqu’il se déplaçait à quatre pattes, tantôt au galop, tantôt escaladant une hauteur. Nul ne pouvait le dépasser ni même le rattraper.
Elwas voyait l’homme qui courait devant lui en se retournant de temps à autre, mais sans voir qu’on le poursuivait. Il se retournait, visiblement craignant d’être talonné par des mauvais esprits. Les Tchouktches ne croient-ils pas que la nature en est pleine ? Les esprits épient ceux qui vont solitaires, on ne sait pourquoi la peur vous prend soudain et vos pensées s’embrouillent.
En se retournant une fois de plus, Kyrgyjan se rendit compte que quelqu’un avait les yeux fixés sur lui. Il vit clairement que ce quelqu’un marchait sur ses traces. Il fit halte un instant pour vérifier qu’en vérité on était sur ses talons. Quand il reconnut son cousin Elwas, il fut sidéré et il prononça à voix haute : « Oh, il me suit, et avec sa lance, on dirait ». Et il reprit sa course pour essayer de distancer son poursuivant.
« Arrête-toi ! », cria Elwas en se rapprochant de Kyrgyjan. Celui-ci feignit de ne pas entendre son appel. Il repartit, courant de plus belle. Par bonheur pour lui, la neige, bien que le soleil chauffât avec ardeur, ne fondait pas encore et le fuyard ne s’y enfonçait pas. Par moments, Kyrgyjan se mettait à galoper à quatre pattes, et alors il ressemblait vraiment à un loup. Dans cette course la queue de loup accrochée à sa combinaison se redressait sans le gêner dans sa fuite. Il lui fallait absolument s’éloigner d’Elwas, mais celui-ci en débouchant en terrain plat se porta presque à sa hauteur. « Arrête-toi donc ! », cria-t-il à nouveau, mais Kyrgyjan ne lui fit pas écho.
À nouveau, le poursuivant commença à se rapprocher du fuyard, mais l’abrupt d’une hauteur se présenta, puis un mont escarpé. Kyrgyjan, en entamant l’escalade, se remit au galop et distança quelque peu Elwas.
Il n’y avait pas un nuage dans le ciel. Il faisait chaud. Les deux hommes se débarrassèrent de leur bonnet qu’ils rejetèrent sur l’épaule. Le temps était calme. On n’entendait alentour que le crissement de la neige sous les skis. Quand le soleil se coucha derrière la montagne, les cousins avaient atteint un coude de la Watyrkan (Watәrkan). En ce mois de printemps, l’air était lumineux, et les deux hommes continuèrent encore un peu d’avancer. Kyrgyjan ne laissait toujours pas approcher Elwas. Ce dernier finit par crier : « Kyrgyjan, arrêtons-nous ! Nous passerons la nuit ici. ».
Ils firent halte à quelque distance l’un de l’autre. Avant de dormir, ils se restaurèrent. L’un d’entre eux se régala de la viande qu’il avait dérobée. En guise d’eau, ils avalèrent de la neige et se couchèrent dans la neige sans se soucier du froid : leurs chauds vêtements étaient imperméables bien qu’ils eussent couru toute la journée. Au matin, ils s’éveillèrent presque simultanément et, sans un mot, ils reprirent leur course. Kyrgyjan courait devant en direction de sa yarangue, au-delà du mont Wiluneï (Wiluŋej). Il passa par une enfilade de collines et bientôt distança Elwas qui, à ce qu’il pensait, s’était mis en tête de le poursuivre.
Au milieu du jour, ils atteignirent le lac Motlygytgyn (Motlәɣәtɣәn), le Lac de Sang. On disait que par le passé, au printemps, les Koriaks et les Tchouktches s’étaient affrontés sur ce lac alors qu’il était encore gelé. Le sang des morts et des blessés avait coulé sur la glace, et le lac, bien que petit, avait reçu ce nom.
Comme la veille, le soleil brillait et Elwas, qui avait laissé chez lui ses pare-soleil en cuir percés de fentes, sentit dès le matin que les yeux lui cuisaient. Du fait qu’il les frottait avec le bord de sa manche, il fut contraint de ralentir l’allure. Il ne tenta plus de rejoindre Kyrgyjan, mais il le gardait toujours en vue. « Pourquoi devrais-je le rattraper ? », pensait-il en voyant devant lui la petite silhouette. « Pour le punir ? Pourquoi ? Nous sommes tous les mêmes. Certes commettre des larcins, et chez des parents à plus forte raison, c’est péché. Peut-être devrais-je lui reprendre ce qu’il a volé et flanquer une raclée à ce semblant de “louveteauʺ ? »
Il était plongé dans ses réflexions lorsqu’il entendit devant lui un bruissement. Il frotta ses yeux rougis et regarda attentivement. Un peu à droite des traces de Kyrgyjan des perdrix avaient jailli dans un bruissement d’ailes derrière un buisson de saule nain. Les perdrix avaient interrompu ses pensées, mais elles en avaient fait naître d’autres : « Ils vivent ensemble, ces volatiles, et ils tirent leur pitance du même buisson, alors que nous… ». Elwas poussa un soupir.
Kyrgyjan avait franchi une hauteur et on ne le voyait plus derrière la crête. Elwas pensait : « Que dois-je faire ? Je crois que je ne réussirai pas à le rejoindre. Manifestement, je ne suis plus fait aux longs séjours dans la nature et dehors mes yeux ne voient plus. Kyrgyjan, lui, n’a pas mal aux yeux, et il peut rester longtemps dehors. Il est accoutumé. ».
Après une courte halte, Elwas rebroussa chemin et, lentement, il se mit à marcher en direction de la mer, vers la Nykepeglan, vers sa yarangue où l’attendaient ses épouses Raglyna et Qoyan. Il ne rattraperait pas Kyrgyjan aujourd’hui. Il ne le pourrait pas.
Elwas marchait sans se hâter. Il avait renoncé à la poursuite et il pouvait se plonger dans ses pensées. Peu importait à qui il penserait, voire même à Kyrgyjan. « Qui le ramènera à la raison, ce voleur ? Personne, sans doute. Pour ma part, je n’en ai pas été capable. D’ailleurs pourquoi l’ai-je poursuivi ? ». Toutes sortes de pensées lui vinrent à l’esprit. Il avait ôté son bonnet qu’il portait sur l’épaule avec sa lance et ses skis.
Kyrgyjan avait vu qu’il n’était plus suivi et s’était dit : « Où est-il ? N’a-t-il pu tenir le coup ? Se serait-il attardé à ce point ? Il est tenace, mais c’est vrai qu’il passe presque tout son temps dans sa yarangue. ». Kyrgyjan escalada une hauteur d’où il pourrait découvrir la route qu’il venait de parcourir, mais Elwas n’était visible nulle part. « Que faire ? Pourquoi a-t-il cessé de me poursuivre sans rien me dire ? Il a dû se passer quelque chose », s’écria Kyrgyjan.
Parvenu au sommet, il s’assit dans la fraîcheur, et il respira d’aise. Il réfléchit un instant. « A-t-il pris le chemin du retour ? Peut-être s’est-il tapi quelque part dans le but de se jeter sur moi si je reviens en arrière. Comme il n’a pu me rejoindre, il veut m’atteindre par la ruse. Non, il n’a pas appris à ruser. Il est fort. ».
Finalement, Kyrgyjan descendit de la hauteur pour aller à la recherche d’Elwas. Ce n’est pas un étranger pour moi. Il a dû se passer quelque chose. Il se mit à courir sur les pas de son cousin.
À la mi-journée Elwas ne s’était pas trop éloigné. Il lui semblait que ses yeux étaient enflés. Il les frottait de temps en temps. Le soleil commençait à descendre. Une brise s’était mise à souffler. Le soleil finit par se cacher dans les nuages. À sa place, on voyait dans le ciel l’ombre d’une sorte de boule rouge. La nature printanière étincelait.
Elwas s’efforçait de ne pas s’écarter du chemin. Néanmoins, à un endroit, alors qu’il marchait sur le flanc d’un ravin, il glissa, tomba et dévala vers le bas de la pente abrupte. Si sa jambe droite ne s’était pas retrouvée coincée dans un creux entre des pierres, il aurait à coup sûr percuté le fond du ravin et perdu connaissance. Sa jambe coincée avait retenu son corps sur la pente. D’abord il geignit, le visage tordu par une grimace. Il tenta de retirer sa jambe coincée entre les pierres, mais sans résultat. Il ne put que pousser un cri de douleur et perdit connaissance.
Il reprit ses esprits, allongé sur le flanc gauche. Sa jambe le faisait souffrir. Il lui semblait qu’elle était fracturée. À cet instant, Kyrgyjan, qui avait suivi ses traces, arriva là où il était condamné à périr. Quand il aperçut Elwas, il commença par s’éclaircir la gorge, puis il cria : « Que fais-tu là ? ».
En entendant sa voix, Elwas leva la tête et lui montra sa jambe. Kyrgyjan descendait déjà vers lui, lentement, en se tenant au lasso qu’il avait attaché en haut. Il rejoignit le blessé et dit : « Oh ! Que t’est-il arrivé ? ».
Quand il comprit, il entreprit de libérer la jambe d’Elwas. Avec toutes les peines du monde, il écarta le bloc qui lui avait brisé la jambe. Puis il l’attacha avec son lasso, et tirant le lasso de toutes ses forces, il rampa vers le haut en halant Elwas. La remontée prit beaucoup de temps. Une fois sorti du ravin, Kyrgyjan s’affala sur-le-champ dans la neige. Il mit longtemps à retrouver sa respiration et à recouvrer son calme. Un peu plus tard, il se souleva, s’approcha d’Elwas sur les genoux, palpa ses jambes à travers la culotte couverte de sang. L’affaire se présente mal, pensa-t-il. Puis il dit à voix haute : « Je vais t’installer sur les skis et te remorquer chez toi. ».
Elwas resta silencieux. Kyrgyjan détacha les skis qu’Elwas portait dans le dos afin de l’y allonger. L’autre fermait toujours les yeux et se taisait. Enfin, d’une voix faible, mais distincte, il dit : « Non, laisse. ».
Ils ne disaient mot. On n’entendait que les geignements du blessé. L’autre se prit de pitié pour lui et pensa : « Quel homme stupide ! Qu’avait-il besoin de se lancer à ma poursuite ? Pour me punir, ou quoi ? Et à présent… ».
Kyrgyjan s’assit près de son cousin. Il voulut lui demander s’il ne voulait pas rentrer chez lui, mais à la place il dit : « Pourquoi avais-tu pris le chemin du retour ? ». « Les yeux me faisaient mal », répondit-il avec peine. Et, un peu plus tard, il ajouta : « Laisse-moi ici. Tue-moi… Va chercher mes femmes et préparez-moi à une autre vie. Ne les abandonne pas, Raglyna est enceinte ». Il se tut et de nouveau perdit connaissance.
Kyrgyjan avait écouté Elwas en silence. Il restait assis immobile. Puis, pensif, il leva la tête et regarda les montagnes lointaines, ces montagnes qui rendaient la terre si belle. Elles sont différentes les unes des autres, les montagnes. « C’est ainsi que le Créateur a voulu qu’elles soient », se dit-il. « D’ailleurs nous aussi, Elwas et moi, nous sommes différents. Il est grand et fort, alors que je suis petit et maigre. Je suis un voleur, lui ne l’est pas. Il reste toujours dans sa yarangue, tandis que moi, je suis sans cesse à courir les chemins. ».
Réfléchissant de la sorte, il jeta un regard sur Elwas et sursauta en voyant son visage blême. « Est-il mort ? », se demanda-t-il. Mais soudain, les paupières du blessé frémirent et il comprit qu’il était en vie. J’aimerais bien savoir à quoi il pense. À la mort et à la montée au ciel où, selon les Tchouktches, tous ont une vie heureuse ? Ou s’était-il simplement endormi ?
Kyrgyjan pensa aussi à sa propre vie. Pour la première fois, soudain, à près de 40 ans, il se méprisait et se jugeait. Il prit conscience de ses méfaits, de sa conduite indigne envers son cousin qui gisait à présent, blessé, à ses pieds. Ceci, pourrais-je le lui dire maintenant ? Il a perdu connaissance. Sur ces réflexions, il se saisit de sa lance.
Kyrgyjan agit comme Elwas le lui avait recommandé. Il le fit partir rejoindre ses aïeux au-delà des nuages. Ce n’était pas un meurtre, mais un acte nécessaire exigé par la vie. Il est impossible d’être de quelque utilité à ses proches quand on reste impotent alors qu’on a l’habitude de tout régir soi-même.
Kyrgyjan entoura la dépouille du défunt de pierres, arracha des branchages d’aulne et les posa dessus. Puis, il cala les branchages avec de lourdes pierres afin que les loups ne viennent pas s’en prendre au corps. De nouveau, il s’assit dans la neige. Il avait l’impression qu’était venu un temps où il n’existait plus aucun humain alentour et qu’il était resté seul. Seul ! Il avait vraiment la sensation que désormais il était resté seul sur terre et il en ressentait une profonde tristesse. À tel point qu’il se recroquevilla dans un geignement.
Cependant, le vent soufflait plus fort, emportant les nuages et soulevant la neige. Kyrgyjan attendit un instant, puis il escalada une colline, redescendit sur l’autre flanc et s’en fut vers la Nykepeglan. Il arriva à la yarangue d’Elwas à la nuit tombante. Il entra, mangea en silence et s’endormit. Ce n’est qu’à son réveil qu’il appela Qoyan et Raglyna qui vaquaient aux soins du ménage. Il leur dit : « Je l’ai laissé à un coude de la Watyrkan. Demain nous irons le chercher en traîneau. Préparez-lui les habits qu’il devra porter. ».
Quand ils arrivèrent sur les lieux, il faisait encore jour. Ils débarrassèrent le corps des branchages et commencèrent à le préparer pour son autre vie. D’abord, on lui ouvrit le ventre, on le débarrassa du sang et on l’essuya soigneusement. On trancha les tendons des bras et des jambes, on le vêtit d’habits neufs et on le posa sur des branches. Kyrgyjan alluma le bûcher. On incinéra Elwas.
Tout s’était déroulé comme il convenait. Les Tchouktches disent qu’un mort se transporte dans l’autre vie momentanément. Il suffit que le corps soit brûlé. C’est ce à quoi procédèrent les vivants. Ensuite, ils abattirent les rennes du traîneau, les débitèrent. Puis ils firent cuire une partie de la viande et dispersèrent le reste près du bûcher.
Voilà, pensa Kyrgyjan, il est parti pour toujours. Si c’est bien vrai qu’il soit parti, son âme regardera d’en haut, et elle verra qui parmi les proches transgresse les coutumes, circonvient autrui, commet des vols, agit mal en toute chose. Vais-je cesser une fois pour toute de voler, de m’emparer du bien d’autrui ? L’âme du mort est peut-être plus forte que le mort lui-même ?
Kyrgyjan leva la tête et regarda les nuages comme s’il voulait y trouver la réponse à toutes les questions qu’il lui semblait ne pouvoir élucider.
À ce moment précis, le soleil se montra entre les nuages éclairant son visage et les espaces environnants, et le vent s’apaisa. « C’est un signe qu’envoie celui qui est parti pour toujours », dit-il doucement, mais de sorte que les autres soient en mesure de l’entendre. Raglyna et Qoyan hochèrent la tête. Les chauds rayons du soleil printanier illuminaient leur visage.
Ils se préparèrent à entrer dans la maison. Kyrgyjan et Raglyna partirent au-delà du mont Wiluneï tandis que Qoyan se dirigea vers la Nykepeglan. À ses côtés s’installa l’éleveur qui devint son futur mari et le maître du troupeau d’Elwas.
À l’automne, Raglyna accoucha. Elle mit au monde un petit garçon que Kyrgyjan et elle décidèrent de nommer Petit-Elwas.
De nos jours, l’endroit où périt Elwas s’appelle encore Elwas-au-Couchant-du-Soleil. Les passants disent que, du bûcher où avait été incinéré le corps d’Elwas, monte toujours une clarté, comme un rayon de soleil qui sort de terre. Nul ne sait comment cela s’est fait. Mais des anciens sont convaincus que ce rayon de soleil est la marque de la nouvelle vie d’un éleveur parti depuis longtemps au ciel rejoindre ses ancêtres. Les gens qui passent par ce lieu ne manquent pas d’y faire halte et de déposer une offrande près du bûcher.
О’мрувъе, Э’ЛВАЧ, ТИРКЫӃЫМЧУЧЬУ НЪЭЛЫЛЬЫ, Пыӈылтэл
ГЫРГОЛЯТТЫЛЯМА тиркытир омыӈ
нынъэлӄин ӈаргынэн, э’квыргъам ванэван кытйъарат, ӄэлюӄ панэна еп ныӄэвъявъентоӄэн ы’льыл ӈайгыпы ынкъам нотасӄэпы, миӈкы ӈан ӄувликэ нывытрэтӄин лыгэран Э’лвачын. И’ам ылён ытлён, Э’лвач, гатараӈлен тэкэмынкы, Ныкэпэгляваамчормык, миӈкыри ымы люӈэймэвыльыт ынинэт чычеткинэт ынкъам нутэтумгыт нымкыӄин йъилгыӈит. Нивӄинэт, титэ ӈан лыгитэленъеп ынӈэнванвык ӄол итгъи ныкитэ нутэсӄын пэглягъэ ынкъам выргыргыэрэтгъи миӈкыри ӈан эвтылягты ынкъам томгатгъэ онмычыкойӈын, э’митлён ынкэӄэй мимлыйыръэтгъи, ынкъам томгатгъэ вээм. О’равэтльата ынӄэн натвыӈӈогъан Ныкэпэгляно. Ынӈатал ынӈинныкитэ выргыргын кытйъарат нымэйӈъэв гатвален, гавалёмлен рыров гыролмакы. Ынкатагнэпы рэмкын нымкыӄин гивиткуӈит гъэнӄэръулин эймэвык торваамэты, ивэ, этааны, ынкы нымытваӈӈогъат кэльэт. Вытку галяк о’птытъар тыӈэрэтти, титэ о’равэтльата нантыяатыӈӈогъан ынӄэн ныкирит, лыгъоравэтльарык нэмэ найъоӈӈогъан ынӄэн ваны, э’квыргъам ымы мэӈин ынкы, Ныкэпэгляк ӄача, лёнранымытваӈа итгъи. Ытръэч гатвален ӄол о’равэтльан, ынӈин чимгъугъэт нутэтумгыт, мэӈин лёӈайылгава итгъи кальагты ынкъам ынӈэнванвык тараӈкы.
Ӄутти чавчыват ялгынма эмнуӈкы гаӈалвыльыма, Э’лвач масӄонпыӈ ярачыко гатвата, миӈкы гатымӈэтвальата, ӄынур ӄырымэн чавчыв, ягна ӈирэнӈэвык, ӄол Раглыӈано итыльык, микын ытръэч кылгынкэн элеӈитти, ӈирэӄэвын-ым, Ӄояӈын – ӄымэк ӈирэӄликкин. Чинит-ым этынвэн, атъылёкэйъэлгык нъэлгъэт ӈирэӄликкин мытлыӈэн парол. Мачынан Раглыӈа ныӈинӄин, кытвыл гыпильу нъэли.
Э’лвач танчемгъогты нытваӄэн, ӄэлюӄ ӈинчьэн ӈэвъэн нэмыӄэй гэйгулетлин ваӈэк, ывик, гыпильэтык, ыныкит-ым ръэнут нэналвавӄэн рымигливэвык, ынпычьэ ӈэвъэнэ нинэтэӈнинъэйвыӄин – ӄнур ӈан гичик ынкъам рыныпъавык ынатэт, рырынгиивык ынкъам ракваттэнмавык рэмкыльыт, лыги лыӈкы, ръэнут вэтгаво гэлгэ ӄляволык рээн, лымӈэ миӈкыри вальыт вагыргыт варкыт чавчывэн, э’митлёнат, таӈгэмо микынэ, титэеп гаркылямголенат. Ӈирэӄ эккэт Э’лвачын ынпычьын ӈавъангыпы, микыргин нъэлгъэт мынгыткэн амӈырооткэн ынкъам ӄликкин элеӈитти, янра нынымытваӄэнат, гэӈэлвыльылинэт. Ӈэлвыл-ым Э’лвачын ныгынритӄин ӄутырык – ынинэт чычеткинэльэ ынкъам ӈирэӄ танӈа, микыргин кынмалкэн лыгэран ӄонпы нытваӄэн ӈэлвыльык ӄача.
ИНЪЭ, тэпэнинэӈэ ӄонпыӈ, ыттъыёл ӈытогъэ ярачыкойпы ӈинчьэн ӈэвъэн, пэлянэн ынпычьын ӈэвъэн ёрочыко ыргин ы’вэӄуч ӄача. Раглыӈана мачрыровагты тъыттысӄивнин, рынрыё мраӈмынга э’чуулгын ыттыльын. Тъыттыплыткук э’чуулгыйыръын, лыгъоравэтльаӈава ӈыратагнэты рывиривнин кэркэр, рывытрэвнинэт элгыпэральыт льольот ынкъам ывик, пирӄыгъи лётанво. Энмэч ныванма ралкогты, люур лылечурмэ льунин, ръэнут ӈан аёльатэты вальын мэрынрэӄэй ынкъам тэӈэвыргыргыкэ нылеӄин рэпалгоолгыӈӄачагты, вальыт мынгыткэн-кылгынкэн вэӄэнмич урэльу ранмэпы. Тэӈгитэк ынӄэн, Раглыӈана элкылнин мэлӄынур и’ны. Кытэӄэй нывилык таӈывъентонвы, лыгъоравэтльаӈав мэрынрэӄэй рымагтэты тылегъи яраӈӄачагты, рэсӄивинэӈу эймэквъи ёрогты, рывэнтынин ынкъам мэрынрэӄэй иквъи:
– Яраӄачайпы… лейвыркын… и’ны.
– А’? – валёмык ынӄэн, ӄутысӄычетгъи ӈавъангыпы Э’лвач ынкъам, рымагтэты амӈылёйвыка рытык рэсӄивыльын, чоттагнатгъэ, ӄонайгыпгъэ ынкъам эръэпыгъэ. Авэръэплыткок ӄлявол ӄээӄынуӄэй чемгъотвагты авъеткынка вэтчатвагъэ. Ынӄоры, панэна еп ёрок ӄача вэтчатвама, чывачгынлегъэ Раглыӈаӈӄачагты ынкъам вэтгыры иквъи:
– Ынӄэн ӄырымэн и’ны!. Тэвъэл, тэкичгытъул ыпатъё ӄыёогынат гымнин лейвыкин имтитэючгыӄэйчыку.
Ынӈин ивыплыткук, янор пылягтыгъэ, ынӄоры йытонэнат лилит, къэли ынкъам ричит гаваляма, яӈагты вэӄэтгъи, мэӈӄо йытонэнат пойгыӄай ынкъам чаат, рытрилнинэт ынӄэнат тытлыкагыргык ӄача. Ёрочыкойпы пинтыӄэтыльэ ынпычьэ ӈэвъэнэ энмэч гэчимычвиткулин тэкичгын ӄаматкынык ынкъам чотык ӄача гэтритлин. Этынва пэглиннинэт тъэр тэкичгытъулти, нымэпаквъэ кокайпы. Ынӄоры ӄутгъи, пирининэт ымыльо рытэнмавъёттэ ынкъам ӈытогъэ.
Э’лвачына гитэнин чиниткин райыръын – орвыт, уттыт, вальыт тытлык ӄача ӈаргыноӈӄач, лымӈэ ӄутти ръэнутэт. Ымыльо яанаӈат пэнинэк нытваӄэнат, кытъаткэ-ым ӄол рэпалӄоолгык, миӈкы ӈыркирук гэнумкэвлинэт тэкичгыт, льунин: унъэлӈилгыт, эномато итыльыт, ганпанрэвавленат. Эймэвык орвэты, Э’лвачына тэгилгынин ӈыркирчыкун ынкъам чичеквъи: ынкы тъарыӈ гэнъэтлин ётваё. «Нэмэӄун, ӄэглынангэт, гэнагтолен!» – льулӄыл ынин челгыръогъэ ынкъам витэтгъи, чичевэ, мэӈин гэргыткулин ынин гаймычьык. Кытъаткэ-ым ынӄэн, мэӈин Раглыӈана гатвылен и’гу, энмэч люӈвытрэтыльын ярак ӄача. Пирик у’мтигыт нычивмыӄинэт ынкъам пойгыӄай, ваалык тэючгыӄэй ынкъам чаат, Э’лвач чывачгынлегъэ ӈавъаныӈӄачагты, вэтчатвальыт ярак ӄача, ынкъам иквъи:
– Арагтыка тыритгъэ о’птытъар ы’лёт, – ынкъам кытгынтакватгъэ вэнвыеквэ тульыльин. Льулӄыл Э’лвачын ганӈэнапэрален, ӄэлюӄ эмэлкэ нэнтэрмэчьыӈэвын ытлён.
Ръэнут ынкы Э’лвачына чимгъуу нинэлгыӄин, эквэтыльэ ярайпы, Ӄояӈына ынкъам Раглыӈана гэмо, ымы чимгъуу люӈылгыльын. Ытри тэленъеп гэкэвлинэт, иӈӄун ыргин ы’вэӄуч гаймаӈэн мэчынкы ръэнут атвыка таӈавэтываӄ миӈкыри ӄол нитӄин нэквэтӄин. Игыр ыргынан, тэпэнинэӈэ, таӈавъеткынка напалёмтэлын эквэтыльын, этъым, ивэ, ӄутырык ӄлявылырык ӄырымэнат о’раӈ тывъёлӄылтэ чиниткинэт чимгъут ынкъам тэгъеӈыт ымы чычаткэнарыкы ынкъам ӄутти вагыргыт ӄырымэнат лыги лынъёлӄылтэ кэтльарык – ӈэвысӄэтэ.
Э’ЛВАЧ нылеӄин вэнвыеквэ тульыльин. Лыги лыӈкы, иӈӄун ӈоонӄэн ынӈатал нинъыӄин ынкъам наӄам мэчэӈъэлеткыльин, Э’лвач вэнлыги нымычвынатӄэн, пэтле ынан райъогнэн гынтэвыльын. «Рэӄъум?» – эмӄэлелвынэ иквъи ытлён энмэч мэчунтымэвык ынкъам йыӄытчомгогъэ, э’квыргъам ванэван кытйъарат, миӈкыри ӄун гырокэнат ы’лёт нивлыӄинэт ынкъам гэръэлин ымы агагчавка итык, лымӈэ ӈан, этаны, тульыльын чимгъуркын, иӈӄун Э’лвач, ӄынур ӄонпыӈ, ӄырым ныкапчачавын ынкъам ӄырым ныӄылгилюнинэт тольатъёттэ ӈирэӄ мачвэт, чит Кэлваеты ръатчавъёттэ. Э’лвач-ым тэӈвытку алваӈ итгъи, ынкъам тульыльэ еп гэмо нинэлгыӄин ынык вэлеркылельын этынвын, ынӄэната лёӈгагчавыльын гынтэвыльын яраӈӄачагты тылек ынкъам еп люӈыйӄунтэтэ гитлин.
Тульыльу-ым, тэкэмынӈин гэчимгъулин Э’лвач, гитлин ынин йъэлгытомгын Кыргыян, мэӈин нутэтумгэ нытвыӄэн Кыргыянвыӄаё.
Ӄэглынангэт, ынӄэн чавчываӄай чевтъалявыл ынкъам кыквапатъолпэральо гатвален. Кыргыян рулыльу нылгыӄин – лыгэн-ым эмъытъымыт ынкъам эмгылгыт. Ытръэч-ым ынӄэн эмльук, ипэ-ым ытлён ынӈатал аройвыльо, кытъымыльо нитӄин, гыттэльу ынкъам кытгымыльо, мэчынкы ынан нъынрулылтэвнин тымӈалголяӄ мэӈин, микынэ нъымгонэн а’рэк ынин тэгъеӈ – вэты йыръэтык роолӄыля гытъэвыльын нанӄын.
Ынан лыги, иӈӄун нутэтумгэ тольыо’равэтльат ганраӄылӄылява, гэнвэ нымнымгыпы.
Кыргыянына тэленъеп гэйгулетлин ынкъам лыги гэтчылин, иӈӄун ымыльо нутэйиквин, ӈэгти, эмнуӈ – ынӄэнат нэмыӄэй эмэлкэ нымытваванвыт, лыгэрат, мэӈӄо мэӈин а’ӄанвыӈ. Ӄэглынангэт, ылён микынэ-ым ытлён ынӄо нъынвынин, мэӈӄо ытлён ӄонпыӈ лейвыркын чиниттэгъенг’э?! «Гым чинит этынвэгым!» – ынӈин ӄонпыӈ нычимгъуӄин ытлён, титэ миӈкыри нытульысӄивӄин. Кыргыян нытэйӈэтӄин масӄонпыӈ тольатъё роолӄыля, алымы раӄгыпы лёӈӈъольын, ынин гатвален ӈэлвыл, гынрэтъё эккэтэ ынкъам ӄутырык. Чинит-ым ытлён масӄонпыӈ ляйвынвык гатвата – рамкыеквэйпы тольатынво ръэнут чачальын. Ымыльорык лыги ытлён тульыльын – Въэӈваамыльа талва танӈыгнотатагнэты.
Ӈинӄэю вама Кыргыян ӄол гитлин гэруучвэнӈылин пытляӄ, ынӈин гэчимгъулин чинит. Ынан йымнэн и’гнэлгын ынкъам каарачыко пирӄыгъи, атчыгъэ. Титэ-ым ӈаргын вальыт нымтумгыт ымыльо рэсӄиквъэт, пинтыӄэтгъи, рырыткунин эноматъё рэпалӄоолгын, мэӈӄокэн ӈыркэрчыкойпы йытонэн тэвъэл. Ӈинӄэе румкэвнин тольатъё каарачыко, миӈкыри ынӄоры о’птытъар ы’лёӈэт винвэ нылӄытӄин ронво тольатъё. Ынӄэн тольатгыргын микынэ люӈэлкыле гэнтылин ынкъам тульыльэтык ӄынвэр гэтэӈкэвлин Кыргыян…
ЭНМЭЧ гэтэӈвытрэтлинэт йъытэгнык вальыт ӈэгти, титэ Э’лвачына льунин ы’ттъыёча ръэнут уунъынтыльын ынкъам ытлён йыӄытчомгогъэ тылек. Ынинэт тигыт онъалгыналгыпагтылгыёттэ нитъытылеӄинэт ынкъам ы’ттъыёча тылельын пэтле таӈвытрыӈӈогъэ– ныппылюӄин, нымайкыӄэн, и’гнэлгэвиръыльын.
«Такамытлён, Кыргыян», – эмӄэлелвынэ иквъи Э’лвач.
Кыргыянына нэнаяаӄэнат э’гналгэпы тайкыёттэ эвиръыт. Ӈэвъэнэ нинэнниӄинэт ыныкы эвиръыт э’гналгэпы – иръын, ӄонагтэ, къэли ынкъам ымы плекыт. Наӄам эръэты яалеӈӄач, тэкэм рэчетынвык, гэннилин и’гин налгыӈойӈын. Ынӄэнат йыпык эвиръыт ытлён тылвыи’ну ныпэраӈӈоӄэн, нэкэм титэ нылеӄин рымынгылгав, ӈан пэӄыткутэ, ӈан тыттанма и’ннусӄык, миӈкы ытлён микынэ а’ӄайъоӈ, а’ӄалвыӈ.
Э’лвачына ы’ттъыёча кытгынта тылельын нинэльуӄин – ӄол нитӄин нытаалгылятӄэн, микынэ панэна еп люнльутэ нинэнтыӄин ынык вэлеркылельын. Ытлён нытаалгылятӄэн, этъым, амайылгавык раӄэты – вай ръэнут юрэӄ ынык рэминринэнӈыркын, ӄэлюӄ, ынӈин нычимгъуӄинэт лыгъоравэтльат, эвын ӈаргынэн мыгкэльэльын. Ынӈин эвын гитэ таӈымыльо тылельыт ӄувликэ, гэрэӄэ таӈавэтываӄ гайылгыпкэра, гачемгъокамаграта.
Яачы таалгылятыӈӈок Кыргыянына ывэкгыпы элкылнин ынык инэнпыткэвыльын микын ӈан гэтаткогыргын. Титэ-ым таалгылятгъэ, ӄэглынангэт льунин, вай мэӈин ынин вэнвыеквэ тылеркын, ынкъам кытэ нывилгъи чечавынво, эты ӄэйвэ мэӈин вэлеркылеркын. Титэ-ым элкылнин ынык яачы тылельын йъэлгытомгын Э’лвач, иничгытэтгъи ынкъам о’раӈ иквъи: «Э-э!», ынӄoры эмӄэлелвынэ: «Вэлеркылеркын… Малгапойгыӄайма…», – ынкъам йыӄытчомгогъэ, ӄээӄын рыроватынво ынык валяркыляльэпы.
– Ӄынви-и-и-л! – ынкы яачы тылельын ӄулильэтгъи, мачаймавма Кыргыянэты.
Кыргыянына пытляӄ лёӈвалёма нинэнтыӄин ӄолентольын Э’лвач, ипэ таӈэтъо йыӄытчомгогъэ кытгынтытыляк, ӄэтэв ы’льыл, ӄэйвэ энмэч тиркытир колё ныгытлягнатӄэн, еп элгыкыльин ынкъам люӈунрэпэтыльын гынтэвыльын.
Ӄол нитӄин Кыргыян ныпаӄыткомгоӄэн кынмал гытката ынкъам мынга ынкъам таӈэтъо и’гмил ныпэраӈӈоӄэн ынӈин кытгынтаттыляк. Йыӄытчома тынэё эръэты э’гналгыӈойӈын нытаӈъэвытлятӄэн ынкъам а’рэткочьо люӈитыльын гынтавыльэты, мэӈин вэты нырэйӄунтэнӈыӄин Э’лвачгыпы.
Ӈоонӄэнына-ым ергык нъэлык ӄымэк йъонэн Кыргыян.
– Аны ӄынвил! – нэмэ ӄолентогъэ Э’лвач, э’квыргъам Кыргыян вэлер ымы ночыткогъан.
Титэ ӈан вэлеркылельэ йъоӈӈонэн гынтэвыльын, нэмэ эркыпмаёлгын ягна вагъэ, ынӄоры –эркыпӈай. Ынкы Кыргыян тыттатымгогъэ ынкъам нэмэ пэӄыткутэ нъэлгъи, пэтлеӄэй йыӄунтэтгъи, пэлянэн Э’лвач…
Панэна эйъыкэ нытваӄэн ӈаргынэн, нъэӄэгнитӄин, тылельыт ынкы къэлитвыгъэт, натваалынат къэлит эмтэткынык гыргоча. Ынӈатал нытэнтымгэтӄин, ынкы амынан каврыткольын кыткаеӈкы тылельин ы’льыл таӈвалёмыӈ гыролмакы. Титэ тэркамэчатгъэ ӈэйык, йъэлгытомга найъон Ватыркаваамвалмыгыргын, э’квыргъам ынӄэн гыройъэлгык ӈаргынэн ныӄэргатӄэн, ынкъам ытри лымӈэ мэсӄээӄын тылегъэт. Кыргыянына вэты люӈынэймэвэ нинэнтыӄин Э’лвач. Ӄынвэр Э’лвач ӄолентогъэ:
– Кыргыянвыӄай! Мынынвил, ӈутку мыныткив!
Ытри нывилгъэт амъянра рыров. Йылӄыӈӈок рэлюуръугъэт, ӄол тольатъё тэкичгэ. Ы’люгъэт мимлык пууръу ынкъам атчьатгъат ы’лыткынык, люнчимгъутэ, вай ринэнӄитэнӈыт – ыргин омавэръыт люӈитӄыевыльыт, алымы ымъылёӈэт гакытгынтытыляленат о’равэтльат. Инъэ ӄлявылтэ мыгэчгъэт мачкынмал ынкъам, ынӈин авъеткынка, рымагтэты кытгынтакватгъат. Ы’ттъыёл эквэтгъи Кыргыян, чиниткин яраӈӄачагты – Вилюӈэйык рымагтэты. Ытлён нытаӄэн маёлгыткоеквэ, пэтле пэлянво Э’лвач, мэӈин, гэлгиръэлин вэлеркылек ынык, нычимгъуӄин Кыргыян.
ГЫНОНЪЫЛЁ ыргынан найъон Мотлыгытгын. Нивӄинэт, ынӄэн гытгык гамаравленат танӈыт ынкъам лыгъоравэтльат гырокы, титэ еп гатэнытвален гытгын. Тымъёйпы ынкъам атынвыёйпы гэнмутлевлин гытгын, ынӄэната, ӄэйвэ эмэйыӈкыльин, ынӈин гэтэныннынлин.
Тиркытир, о’птыма ы’ттъыёлкэн ы’лёк, колё ныӄэргатӄэн, ынкъам Э’лвач, ампэляк ярак лылейпичгыт каргыльыт, еп инъэ акавкэтыӈӈогъэ чымъятык лылет ынкъам ынан малечьата рытӈӈонэнат пучьэчурмэ ынӄэнат, ынӄэната йъарат лёӈыйӄытчота этыӈӈогъэ ытлён. Ынан паанэн райъоӈык Кыргыян, э’квыргъам панэна вытрэтыйгут нинэнтыӄин. «Ылён иа’м тырайъоӈыркын? – ынӈин нэмэ чимгъугъи ытлён, льома ы’ттъыёча ныппыоюӄин ывикӄэй. – Ытлён танымчаӈынво? Миӈкыри? Ымыльоморэ мури ыннаны вальыморэ, кытъаткэ-ым тульэтык, таӈэтъо чычеткинэльин – ынӄэн, лыги, колё нытайыӈӄэн… Вэчьым иткэк тольатъё ынкъам маччачайвык тульыльын «ӄэйи’гыӄэвытрын»?..».
Ынӈин чемгъотвама ытлён, ръэнут вай выргыргэтгъи ы’ттъыёча ынык. Э’лвачына маленэнат челгатыльыт лылет ынкъам ытлён тэӈгитэткугъи. Ынан льунинэт мачмраӈ вэнвэпы Кыргыянын пыӄарчыкойпы выргыргыриӈэльыт рэвымрэвыт, э’митлёнырык нэчвигъэн чимгъун Э’лвачын, э’квыргъам нэнъурээтын о’равэтльэн турчимгъун, ынӈот вальын: «Чеэкэй нымытваркыт рэвымрэвыт, ымы лыгэн ыннанпыӄаргыпы тэйӈэтыркыт, мури-ым…», – выентогъэ ытлён мачмайыӈкы.
Ынкы-ым Кыргыянына гармагтылен ӈэгны ынкъам ытлён эвытрыкэ гэнъэтлин, эчгойгэпы гатален. Э’лвач-ым чемгъоӈӈогъэ: «Мырэӄыркын? Мэлӄырымэвын мыйъон ытлён… Ӄэглынангэт, экэвкыльигым ӈаргын вак ынкъам люнльутэ тынтыркын ӈаргынэн. Кыргыянын лылет люнтъыле, ытлён мыкыӈ гатвата ӈаргын –гэкэвлин».
Мэсӄээӄын нывэлытвак ыннанванвык, Э’лвач мэрынрэӄэй, таӈвэтгыры чывачгынлегъэ ынкъам чсйвыгъи аӈӄачормыӈӄачагты, Ныкэпэглягты, яраӈӄачагты, миӈкы ытлён нъатчаркын ӈэвъэнырык Раглыӈана ынкъам Ӄояӈына. Ынан игыр а’ӄайъоӈ Кыргыян –ӄырымэвын.
Э’ЛВАЧ лёӈгагчавыльын тылек. Паак вэлеркылек, ытлён танчемгъоӈ нъэли, тымӈалголяӄ, ръэнут чимгъуу ынан гэтчылин, ымы Кыргыян. «Микынэ рэнымчевнин тульыльэтыльын Кыргыян? Мэлӄырымэвын. Ымы гымнан тылвавын. Наӄам иа’м тывэлеркылегъэн?» – тэӈимыръэчимгъун парэё ыныглевтычыку гэнъэтлин, экъэликэлевтычыку, игыр имтину пойгыӄайык ынкъам тигык рээн итыльын.
Кыргыян-ым ынкы, титэ люнльутэ рыннин вэлеркылельын, чимгъугъи: «Э’митлён ытлён? Эви лывавыӈӈогъэ, орапэлятгъэ? Чит-ым алымы Э’лвач нытъивӄин, ӄэйвэ алымы масӄонпыӈ рачыко варкын». Кыргыян тыттэтгъи иквыӈэйык, мэӈӄо тэӈгитэнин яаё ынан тылян, кытъаткэ-ым Э’лвач миӈкы люӈвытрэтыльын. «Мырэӄыркын? И’ам паагъэ вэлеркылек, наӄамвэлер нъинивыркын? Вэчьым, рэӄи…», – ӄолентогъэ Кыргыян.
Ытлён ӈайыткынык вакъогъэ, эгъянвык ынкъам качьарэты выентогъэ. Лымӈэ мэсӄээӄын чемгъотвагъэ: «Ныватгъэ? Вэчьым, миӈкы пирӄыгъи, иӈӄун, ыныкит тыранватгъа, нинэпирисӄычетын? Эналваквъэ йъок, тэмъюӈэ инэрэнтыӈыркын. Ытръэсӄун-ым ынӈин иткыльин – Э’лвач эйгулеткыльин тэмъюӈыткук, ытлён ныкэтгуӄин». Ӄынвэрэвын Кыргыян тэгрэтгъи ӈайгыпы, энарэрымгонво Э’лвач: ӄырымэн эчвэчьын. «Вэчьым, рэӄи?» – ынкъам кытгынта нъэли вэнвыеквэ йъэлгытомгэн.
Ӈоонӄэн-ым чывэптыы’лёӈэт люӈыйӄунтэтыльын – ынинэт лылет, мэлӄынур, энмэчевын гэпыгтылинэт, Э’лвачына малечьата нинэнтыӄинэт. Тэкэм тиркытир йъык амэчатычьата гэтыӈӈолен, ынкъам гамачыгтыйгыръолен. Ӄынвэр тиркытир йъылыку эвытрыкэ нъэлгъи, ынык пууръу ръачелгыпэральын кувлюкычьын нывиилвытрэтӄин гыргол. Э’квыргъам гыроръольын ӈаргынэн нытаӈӄэргатӄэн.
Э’лвач нытгымэтӄин апъолтыкэгты ръэтгыпы тылек, ытръэч-ым тэӈвэнлыги ӄол ванвык, ӄанъявнолгэпы тыляма, итъунтэтгъи ынкъам пэӄэтатгъэ, ралегъэ эвтылягты, эркыпӄанъявчыкогты. Ыныкит ӈан мраӈгыткалгын арыӈкытка нъитын выквычыко, этаны, ивтыл нъирын о’равэтльан ынкъам нъыкэгытрэтгъэн. Рыӈкытыльа гытката а’рэнэн увик ӄанъявтолгык. Э’лвач янор тальолӄыӈэты кыӈэтгъи. Рэтиӈугӈынин гыткаӄач выквык рыӈкытыльын, лывавнэн, ытръэч эмтъыле ӄолентогъэ ынкъам… чемгъонтымӈэквъэ.
МЫГЭЧГЪИ Э’лвач ӈачгывэкэткынык арычгытвагты. Гыткалгын, рыӈкытыльын выквык, нэгрыптъылӄэн, энмэчевын мэлымлельын. Кыргыян-ым, микынэ гавэнвэпылен Э’лвач, пыкиргъи ынкы, миӈкы гаӄонпыӈавлен раквачальын. Эчги ынан льунин Э’лвач, янор тагъенчагъэ, ынӄоры ӄолентогъэ:
– Нырэӄигыт ынкы?
Э’лвач, валёмык ӄулиӄул, лявтынгырголяквъэ ынкъам ынан рыкалыровнэн чиниткин гыткалгын. Кыргыян-ым энмэч ыныкы нытэгрэтӄин – мэрынрэӄэй, чаатъеквэ, вотъё рэӄык гыргол. Йъок-ым Э’лвач, эвыӈӈогъэ:
– Како, како, мэй! Рэӄи? – эчги-ым чичеквъи, моонэн Э’лвач выквэпы рывантовык, мэткиит ӄол выквыйӈын рырултэннин, э’милёната гаталялен гыткалгын. Рырултэтыплыткук выквыт, Кыргыянына чааннэн Э’лвач, о’мрыпэрэнэн чаат ынкъам элвэтиӈэтэ моонэн тиӈук гырголягты Э’лвач. Ганоратвавлен рыгырголявык. Титэ-ым ытри гыргол нъэлгъэт, Кыргыян лыгэн ынкы арычгатгъэ ы’лыткынык ынкъам оратвагъэ выентогыргын рыплепавык, тылюнтымэвэ итгъи. Мэсӄээӄын вак мэчылӄутгъи, ӈырапачга вама эймэквъи Э’лвачына, рыгининэт ынинэт ӄонагтэ мотлытӄыевыльыт. «Э’ткиӈ колё», – эмӄэлелвынэ иквъи Кыргыян, о’раӈ-ым:
– Тэгыткынык тырэтрилгыт, тыръэмэтгыт гыныграгты.
Э’лвач таӈавъеткынка нытваӄэн. Кыргыянына-ым рывиривнинэт тигыт Э’лвачына эмтэёттэ, эмрэтрилӈэ ынкаткынык раквачальын. Ӈоонӄэн-ым панэна еп лылянныматэты, авъеткынка нытваӄэн. Горатвален ынӈин вак. Ӄынвэр мэрынрэӄэй, э’квыргъам танчечавыӈ иквъи:
– Ынӈэ, эвнъэткэ
Авъеткынка нытваӄэнат ытри, амынан ӄынӈатгыргын Э’лвачын гавалёма. Кыргыянына унмыейвэчу рытчынин Э’лвач, чемгъоӈӈогъэ: «Ынӈатал тотъэты вальын! Рэӄъум вэлеркылегъи? Танымчаӈынво гым, миӈкыри? Игыр-ым…».
Кыргыян вакъогъэ йъэлгытомгык ӄача. «Авнарагтыка?» – чит рамӈылёгӈынэн ынан Э’лвач, пууръу-ым иквъи:
– И’ам яраӈӄачагты гэлийгыт?
– Лылет гатъылыӈӈоленат, – мэткиит очыткогъэ Э’лвач, ынӄоры о’птыӄааӄын вак: – Ӈутку ӄэнапэлягэ, ӄэнанмыгэ… Ӄыгтыгынат гымнинэт ӈэвъэнти ынкъам… ӄэнантэнмаквыткы ӄолевагыргэты… Ынӈэ апэляка ытри, Раглыӈа нанӄыльын, – авъеткынка нъэли ынкъам нэмэ малчемгъонтымӈэквъэ.
Кыргянына таӈавъеткынка палёмтэлнэн Э’лвач, илюльыкэ вакъотвагты, ынӄоры ытлён чемгъотвагты мачлявтынгырголяквъэ ынкъам гитэнинэт чымче вальыт ӈэйыт. Гитэнинэт ӈэйыт, э’митлёнырык нытаӈынпэравӄэн нутэнут. Таӈамалваӈ вальыт ынӄэнат ӈэйыт. «Этаны, ынӈин гэринӈылин Тэнантомгын, – чимгъугъи Кыргыян. – Ымы вай мури, гым ынкъам Э’лвач, нэмыӄэй амалваӈ вальыморэ. Ытлён нымэйӈӄин, ныкэтгуӄин, гым-ым ныппылюйгым, ӄупӄыльигым. Гым тольыо’равэтльайгым, ытлён-ым этульыкыльин. Ытлён ярачыко пэнин вальын, гым-ым ӄонпыӈ гэлейвэ…».
Ынӈин чемгъотвама ынан гитэнин Э’лвач ынкъам витысӄычетгъи, льук эмутлыкэ нъэлыльын ынин льулӄыл. «Въигъи?» – чимгъугъи Кыргыян, э’квыргъам ынкы люур вай вытрытвальэн лылечурмыт виврэгъэт, ынкъам Кыргыян чичеквъи: аёльытваркын. «Пагчеӈгыргын, ръэнут ынан чимгъуу лыӈыркынин? Въэгыргын ынкъам гырголятгыргын э’э’гты – ӈэнри, нивӄинэт лыгъоравэтльат, миӈкы ымыльо качьарэты ганымытвата? Лымэвыр ытръэч йылӄэтгъи?…»
Кыргыянына чимгъуу лыгнин ымы чиниткин вагыргын, люур вай тэӈвытку ӄымэк ӈирэӄлигче элеӈитыльу ченэтывэкэгты а’ӄачемгъоӈӈогъэ, а’нӄатыӈӈогъэ. Энмэчевын ынан люур вай чичевнин чиниткин а’ӄалтатгыргын, тармачьыӈгыргын йъэлгытомгэты, мэӈин игыр раквачальын арычгытваркын ыныггыткак ӄача. «Эви ынӄэн игыр таӈытвыӈ ыныкы?! Виин-ым ытлён чемгъонтымӈэвэты вама…», – ынӈин чемгъотвагты Кыргыянына пиринин пойгыӄай…
КЫВРГЫЯНЫНА тэӈыркыленин вэтгав Э’лвачын, рэквэтэвнин ытлён ы’ттъыётльарыкы, гырголягты. Ынӄэн ӄырымэн тагэнӈатгыргын, ынӄэн ипэ вагырга рывэтгыльавъё. Ынӄэн ипэ лываквыргын итык инъэтичгу чычаткэнальэты, титэ гыт ручеквъи. Титэ гыт гэкэвигыт таӈымыльо вагыргыт чинит рыкытвылевык…
Ынӄэн ваны, миӈкы гараквачален о’равэтльан, ӈоткатагнэты натвыркын Э’лвачьеначо. Лейвыльыт ынӄо ивыркыт, иӈӄун ынкы мэлгынвыкэн ванвэпы, миӈкы гэнылвэтлин Э’лвач, ӄонпыӈ ныӄэргатӄэн, ынкачыкойпы ӄынур тиркыӄымчучьын ныӄэргатӄэн, нывъентыӄин. Таӈгэмо ымы микынэ, иа’м ынӈин ваӈӈогъэ. Ытръэч ыннэнъют яатльат вэтгыры ивыркыт, энмэн ынӄэн ӄымчучьын –нытурӄин вагыргын чавчывэн ынӈэнванвык, мэӈӄо ытлён лыгитэленъеп йъык гэнъэтлин, ы’ттъыётльарыкы гэквэтлин. Лейвыльыт ынӄо о’равэтльат тэӈэвын гэнвиле ынкы, мэлгынвык ӄача, – энангнэнтынво..
… Кыргыянына въильын гыролмакы выквытрэлнэн, о’птытъар пыръёттэ гитлеӈуттэ энатрынэн. Рытрилнинэт гэтляӈыткынык этчывыквыт, иӈӄун въильын эвнэнрэӄэвкэ ы’нынтын ӈаргыночьа. Ынӄоры Кыргыян нэмэ вакъогъэ лыгэн ы’лыткынык. Ынкъам вай ынкэӄэй вытрэтгъи вагыргын, титэ ӄынур тэӈуйгӈэ гэнъэле ымы ыннэн о’равэтльан, таӈамгынан гапэлята гыролмакы. Таӈамгынан! Ынӄэн ӄынур тэгилгыгнин Кыргыянына, ытлён игыр пэлятык ӄувликэ нутэк. Таӈӄэглынангэт ытлён гагтыпыннавлен, рыпэт гэмэчкулюмкэтлин ӄэнъаёгты.
Наӄам гагтыйгыръолен катгоӈ, гэйъэтлин ы’лыткынтагнэты.
Мэсӄээӄын вак ытлён тыттэтгъи маёлгык, нэмэ тэгрэтгъи ынкъам чейвытылегъи Ныкэпэгляӈӄачагты. Энмэч волӄытвэӈӈок пыкиргъи ярак Э’лвачын. Рэсӄивык, авъеткынка ӄамэтвагъэ ынкъам йылӄэтгъи. Вытку кыевык э’йӈэвнинэт Ӄояӈ ытри Раглыӈа, гыпильэтыльыт рэлку, ынкъам ивнинэт:
– Ватыркаваамвалмыгыргык тыпэлян ытлён. Эргатык гэкэӈэ мытрайъоӈын. Эвиръыт ынан яаёлӄылтэ ӄынтэнмаквыткы.
Пыкиргъэт ытри еп ы’лё. Нуттытурэгъэн въильын ынкъам намгон рытэнмавык элвэльин вагыргэты. Янор нананӄынтогъан, нэмутлытвыгъэн, натагмален. Нэчвинэт мынгыкэн ынкъам гытгакэн рытрэт. Нанавэръэпатын турэвиръэ. Нэтрилын оттыткынык. Кыргыянына рыюнэвнинэт уттыт, нэнылвэтын Э’лвач.
Таӈымыльо плепы гэнлелин, ӄэлюӄ чавчыват нивӄинэт, энмэн въильын ӄолеванвык ныйӄынъэлӄин – кытвыл вэты ытлён рылватъёлӄыл. Тэкэмынӈин нэнтыгъэн егтэлыльэ. Ынӄоры ыргынан нэймитынэт гакаӈӄаат, нэнвэнӈынэт, чымӄык тэкичгын напатын, гынульын нанлывэкавын ынкъам напэлян мэлгынвык ӄача.
«Ынӈот-ым вай – ӄонпыӈакватгъэ Э’лвач, – чимгъугъи Кыргыян. – Эты ӄэйвэ ӄэглынангэт эквэтгъи, ӈан ӄэлелвын въильин ӄээӄын ӄликкин гивиӈинӈит рэтлепыткугъэ гырголяйпы, ынкъам ынӄэнына рэльуркынинэт, мэӈин чычаткэнальэпы рэтинэнъэӄэӈыркын вагыргык – рэтэмъюӈыткуркын, рэтульэтыркын, ръэӄэлтэтыркын имырэӄык? Ӄэйвэ эты тырайылгавыӈӈогъа игыр тульэтык лымэвыр рымагтэты имырэӄык тырэпириткуркын? Вэчьым, ӄэлелвын въильин катгоӈ вальын чинит въильык…» – ынӈин чемгъотвама, Кыргыян лявтынгырголяквъэ, гитэнин йъын, ӄынур ӈан ынан гэрэлкылӈэ очыткогыргыт ымыльо ынӄэнат мальаӄанръачӈытовыӈ вальык пынлёёк.
Тэкэм ынкы люур вай тиркытир у’рэквъи йъылыкойпы, энанӄэргаквъэ льулӄылык Кыргыянын ынкъам ымыльо гыролмакы нутэйиквик, ымы агтыйгыка нъэли.
– Тэӈгыйивӄэв ӄонпыӈакватыльэн, – мэрынрэӄэй, э’квыргъам таӈвалёгмэч ӄутырык, иквъи Кыргыян.
Раглыӈа ынкъам Ӄояӈ авъеткынка левтынилюгъэт, ыргинэт льулӄылти нэмыӄэй ганӄэргавленат гырокэнат номӄэнат тиркыӄымчучьэ.
О’равэтльат тэнмавымгогъат акватынво ярагты. Кыргыян ытри Раглыӈа ыннанорва эквэтгъэт Вилюӈэйык рымагтэты, Ӄояӈ-ым ныватгъэ Ныкэпэглягты, миӈкы ыныгрээн нымытвамгогъэ ӄол чавчыв, мэӈин нъэлгъи ы’вэӄучину ынкъам этынво ӈэлвыльык Э’лвачын.
Ӈэргэрык Раглыӈа кымиӈэтгъи, ӈинӄэй гъурэтлин. Ынан ынкъам Кыргыянына нэныннэтын Э’лвасӄайыно.
Parties annexes
Notes
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[1]
Publiés dans : 1) Bogoras, Waldemar. 1910. Chukchee Mythology. Vol. XII of Memoirs of the American Museum of Natural History. Reprint from Vol. VIII of The Jesup North Pacific Expedition, edited by Franz Boas. Leiden: E. J. Brill; New York: G. E. Stechert & Co. 2) Bogoraz, Vladimir. 1900. Materialy po izučeniju čukockago jazyka i fol’klora sobrannye v” kolymskom” okruge [Materials for the Study of Chukchi Language and Folklore collected in the Region of the Kolyma], St. Petersburg: Imperatorskaja Akademija Nauk”.
-
[2]
The Chukchi Myths and Folklore Texts collected by Vladimir Bogoraz, retranscribed, checked and translated by Charles Weinstein, ELPR Publications Series A2-046, Osaka, 2004.
-
[3]
Cette traduction a été précédemment publiée dans Europe N° 1106-1107-1108 en 2021, p. 248-257. Professeur agrégé de russe, Charles Weinstein a consacré une grande partie de son existence à une étude minutieuse de la langue tchouktche, qu’il a menée en effectuant de longs séjours en Tchoukotka dans les années 1990 et 2000. Il a fait connaître les oeuvres d’Omruv’e aux lecteurs francophones en les traduisant directement du tchouktche, et celle d’autres écrivains tchouktches comme Veqet. Charles Weinstein est par ailleurs l’auteur du dictionnaire le plus complet sur la langue tchouktche, traduite en trois langues (français, anglais et russe), un travail volumineux dont la préparation a nécessité plusieurs décennies, effectué en collaboration avec de nombreux aînés tchouktches (Dictionnaire tchouktche-français-anglais-russe, 35 000 entrées, éditions LEMA, Saint-Pétersbourg-Anadyr, 2018, 3 volumes) (NdE).
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[4]
Yarangue : grande tente demi-sphérique, recouverte de peaux de rennes cousues entre elles.
des éditeurs : les termes en tchouktche mentionnés ici en italique dans le texte sont donnés dans une forme francisée ; ils sont ensuite transcrits phonétiquement entre parenthèses.
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[5]
Yorongue : tente intérieure en forme de parallélépipède dont les six faces sont en peau de renne. C’est l’endroit où l’on dort.
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[6]
Kèrkèr : combinaison de femme en peau de renne.
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[7]
Kilweï : rituel réalisé au printemps après la naissance des petits rennes.
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[8]
W’en : nom tchouktche du fleuve Anadyr.