Résumés
Résumé
Cette note de recherche porte sur le chant rituel des Tchouktches. On y décrit le déroulement des rites et des chants rituels. Un lexique des termes sur les rites et le chamanisme tchouktches y est présenté et analysé. Les opinions d’informateurs tchouktches sur le chant chamanique sont aussi incluses.
Abstract
This research note is about the ritual chant of the Chukchi. It includes a description of rites and ritual chants. A lexicon on Chukchi ritual terms and shamanism is presented and analysed. The views of Chukchi informants on shamanistic chants are also included.
Corps de l’article
Introduction
Le chant est l’un des modes d’expression les plus répandus et les plus développés dans la culture musicale traditionnelle tchouktche. Les chants accompagnaient l’homme pendant toute sa vie, et le souvenir de cette personne se perpétuait longtemps à travers eux. Les chants rituels véhiculaient des informations sur le rôle et la destination de chaque individu dans la vie. Selon l’informatrice et interprète G. Tagrina, il existait des chants de clans qui avaient un caractère protecteur. Ils assuraient en outre le lien entre le présent et le passé en permettant de garder le souvenir du père et du clan. Les chants avaient aussi pour fonction de soigner les malades. Rytagrau, le père de G. Tagrina, composait des chants qui venaient s’ajouter à ceux qui se transmettaient déjà de génération en génération. Les chants qu’il destinait à ses enfants se sont conservés. Ils s’adressaient à différents intéressés. Un chant consacré à sa fille aînée s’appelait «Petit soleil», celui destiné à son fils «Personne sur qui compter». Pour sa cadette, c’était «Née pour les chansons».
Comme l’explique Alexeev (1986: 4), «le chant […] a son terrain social, ses fonctions spécifiques et, en conséquence, son esthétique dont les fondements ne coïncident pas, sur bien des plans, avec les dispositions de la théorie esthétique née sur la base de l’art professionnel d’orientation européenne»[1]. Le chant rituel joue un rôle essentiel lors des rites et des fêtes du calendrier. Le but principal des rites était d’assurer l’aisance et le bien-être de la famille, de la communauté, d’assurer la descendance de l’homme, la multiplication de toute vie. Chez les Tchouktches éleveurs de rennes, les rites se déroulaient autour d’un renne sacrificiel, et chez ceux du bord de mer, autour de la tête d’un mammifère marin. Les exécutants des chants rituels adressaient des souhaits à différentes forces qui exerçaient un pouvoir, selon les croyances traditionnelles, sur tout le monde environnant. Dans la culture traditionnelle «le chant est un besoin aussi essentiel que la parole, car la langue du chant est plus accessible aux esprits avec lesquels on communique aussi quotidiennement qu’avec les membres vivants de la communauté» (ibid.).
Les modalités du rite et les offrandes s’accompagnaient d’un large ensemble d’intonations par les participants au rite. Cet ensemble comprenait non seulement des chants, mais aussi différentes exclamations, sons, onomatopées, chants de gorge et danses. En outre, le chant rituel est étroitement lié à un autre aspect de la culture traditionnelle des Tchouktches, le chamanisme. Le chant chamanique est fonction des aptitudes insolites des chamanes eux-mêmes. L’action magique des chamanes s’exerçait à l’aide des capacités paranormales obtenues dans un état inhabituel se manifestant extérieurement de façon variée. Les chamanes parvenaient à cet état de conscience en général grâce au chant.
Au cours de la période soviétique, période d’orientation idéologique athée, une lutte résolue a été menée contre le chamanisme tchouktche en tant que conception religieuse du monde. L’activité chamanique faisait l’objet d’interdiction, notamment la pratique rituelle et le chant chamanique. Outre les mesures d’interdiction d'exercice imposées aux chamanes, on a détruit leurs instruments musicaux et autres attributs utilisés lors des rites. Dans un tel contexte, le chant traditionnel tchouktche, qui était étroitement lié à une conception mythologique du monde, à un mode de vie et à un mode musical traditionnels, s’est rapidement perdu. L’étude du chant traditionnel est donc devenue indispensable du fait de la perte accélérée des connaissances traditionnelles, de la langue, du mode de vie, des activités économiques coutumières, et d’autre part, des variations géographiques dans le déroulement les fêtes rituelles, leur interprétation actuelle erronée et la professionnalisation des fêtes et rites.
Le chant rituel tchouktche est toutefois difficile à étudier car il n’a pas fait à ce jour l’objet de recherches spécifiques, excepté ce qu’on trouve dans des travaux généraux sur les peuples du Nord. Son étude se complique encore en ceci que le chant traditionnel, étroitement lié à un ensemble de rites, porte un caractère individuel, une destination protectrice de la famille. En conséquence, interpréter des chants rituels et chamaniques est considéré de nos jours comme une transgression de tabous pouvant entraîner un châtiment. La complexité d’une telle étude réside aussi dans le fait que nous avons une représentation incomplète d’un système de la culture musicale antérieure aux processus de modernisation économique et politique des régions nordiques. Pour comprendre les lois musicales de la pratique des Tchouktches, il convient de se tourner vers une étude de la genèse des chants traditionnels dans deux directions: utiliser une méthode ethnographique de recherche du complexe musical et rituel d’une part, et d’autre part effectuer une analyse ethnolinguistique des termes musicaux traditionnels. C’est ce que nous avons fait dans le cadre de notre doctorat à l’Institut Herzen des Peuples du Grand Nord (Saint-Pétersbourg). Cette note de recherche présente nos résultats en décrivant et analysant le déroulement des rites et des chants rituels tchouktches.
Sources de la recherche
A la base de notre recherche, nous avons consulté les travaux musicologiques de Alexeev (1986: 4-9) sur l’intonation (basés sur la culture des Iakoutes et autres peuples du Nord), les études des cultures chamaniques menées par Stechenko-Kuftina (1930: 81-108) auprès des Nanaïs, Udégués et autres peuples de l’Amour, les recherches des enseignants et doctorants du Conservatoire de Novossibirsk sur les peuples de Sibérie et de l’Extrême-Orient (Chindin 1997: 407) et les études des chants rituels russes (Bolonev et al. 1997). Nous avons aussi puisé dans la littérature ethnographique (e.g., Alexeenko 1997; Bogoras 1939; Kuznetsova 1957; Novik 1984), les matériaux de voyageurs, (e.g., Kiber 1824; Sarychev 1811), et les travaux sur l’histoire de la culture et de la langue tchouktche (e.g., Gurvitch 1982; Skorik 1961; Vdovin 1962, 1965).
Nous avons aussi utilisé des enregistrements de chants et de souvenirs sur les fêtes, chants rituels et chamanes recueillis depuis la fin des années 1970. A cette époque, le mode de vie familial et social avait déjà subi de graves préjudices et une mutation fondamentale de la vie des peuples autochtones s’était produite (Alexeenko 1997), et la culture musicale traditionnelle disparaissait de façon accélérée. La pratique du chant tchouktche était l’oeuvre de connaisseurs ne possédant pas l’expérience du chamanisme, bien que nés avant les changements rapides du mode de vie traditionnel. Ayant reçu, grâce à des traditions familiales solides, les acquis de l’interprétation traditionnelle, ils interprétaient fêtes et chants rituels. Nombre d’entre eux avaient été en rapport direct avec des chamanes en activité. Ces matériaux folkloriques et ethnographiques ont été recueillis pour l’essentiel dans les districts de Provideniya et d’Anadyr, partiellement dans les districts Beringovski et Tchoukotski, auprès des informateurs suivants: O. Geuntonav, G. Tagrina, G. Tnantonav, N. Iathaut, V. Iannaut-Rahtuvié, Z. Keuseï, E. Kytgaut, V. Iukum, N. Neuk et d’autres. Les données recueillies sur les chants traditionnels tchouktches ont été intégrées dans un tableau donnant une vue d’ensemble des genres musicaux.
Préparatifs de la mise en oeuvre des rites
La méthode de recherche ethnographique nous donne la possibilité de reconstruire partiellement les rites et de mettre en relief la place et la signification de la musique dans leur déroulement. L’étude exige l’examen de l’ensemble des actes rituels et des objets de culte qui leur sont attachés en rapport avec le cycle annuel, par exemple lors de la fête Taarongyrgyt[2] (‘Offrandes’) et, en particulier, de la fête automnale Vylgyqaanmatgyrgyn[3] (‘Fête de l’abattage du jeune renne à toison fine’ pour la confection de vêtements de fourrure) des éleveurs de rennes.
Une grande période préparatoire précède le rite et le moment où commence le chant chamanique et rituel. Avant tout se déroule une série d’actions rituelles en plein air: au préalable a lieu le rite du transfert de la demeure et l’installation de la nouvelle demeure s’accompagne de nombreux actes sacrificiels (e.g., la disposition et le processus du transfert des traîneaux et autres objets rituels). Ensuite les rituels sacrificiels se déroulent à quelques pas du domicile. Citons l’ordre et le nom de ces rituels: eïnetkun (tir des arcs rituels et jet du feu sacrificiel), inenintytkut (‘offrandes variées’), inerun (‘préparation et consommation du plat sacrificiel’) et inenmytliv (‘collecte des objets rituels’).
Les rites se déroulent selon l’ordre suivant: les hommes commencent le tir des arcs rituels, les femmes achèvent eïnetkun en procédant au jet du feu sacrificiel en direction du troupeau à l’approche. Cet ordre des choses est observé dans les rites qui suivent. Les cérémonies rituelles s’accompagnent de diverses sortes d’exclamations et éclats de voix, de battements du tambour, des directives du conducteur du rituel religieux. La place principale dans le déroulement de ces rites revient aux incantations et aux sons parlés et musicaux associés à toute cérémonie. En même temps, pendant le déroulement de la fête, on apporte les objets sacrés. En font partie le jarar (‘tambour’), les taïnykvyt (‘objets protecteurs de la famille’), le gyrgyr (‘planche à faire le feu’), l’ilunilgyn (‘courroie de rite’), etc. Chacun de ces objets utilisés au cours du rite reçoit une incantation et subit une onction obligatoire. Après avoir achevé le rite en plein air, l’action se déplace dans la demeure.
Premier jour du chant rituel
Le premier jour du calendrier de la fête Vylgyqaanmatgyrgyn se déroule dans la partie froide de la yarangue (la tente où l’on demeure) après le rite en plein air:
Dans la demeure avait lieu encore un rituel: à l’aide de longs et souples branchages de buissons recueillis avec leur racine et accrochés à l’avance à la partie supérieure d’un montant par une courroie on fixait les pattes antérieures d’un renne à la base du montant, la branche du buisson étant attachée de sorte que sa partie verte supérieure se trouve plus haut que les pattes du renne. Sur fond de verdure des branchages on plaçait les bois, le coeur, la langue, etc., appartenant au faon sacrificiel (mnejo qorany). On achevait de suspendre les parties du corps du renne en battant le tambour.
Kuznetsova 1957: 264-307
A la fin du rite on suspendait les tambours à la courroie de rite (Kytgaut 2006). Pour interpréter les chants on enlevait les tambours du montant.
Le premier jour incluait une cérémonie de chants adressés aux femelles ayant perdu leurs petits. Pendant la fête avait lieu un grand abattage de faons: un à six pour les offrandes, et plusieurs centaines pour les besoins domestiques en fonction de la richesse de la famille qui procédait à la fête. Un chant rituel était consacré aux femelles inquiètes qui revenaient sans cesse vers le lieu d’abattage de leurs petits et vers les habitations des hommes. On chantait à l’intérieur de la yarangue en laissant la porte grande ouverte. On interprétait des nilunilet (berceuses à l’intention des femelles, nilu- désigne les femelles et -nilet vient du verbe niletyk ‘balancer, bercer’). Le terme nilunilet à l’adresse de rennes femelles permet de faire ressortir une parenté avec les berceuses enfantines kyniletyk (‘bercer un enfant’). L’analyse des exemplaires conservés de chants permet de mettre en évidence la parenté d’intonation des berceuses d’enfants et de faons dans un autre mode de bercement, à savoir l’intonation onomatopéique utilisée pour l’endormissement. Lors des froides journées d’intempéries, à l’époque de la mise bas, on portait les faons nouveau-nés dans la demeure pour les réchauffer et sauvegarder le cheptel, et on les y berçait. Pour le bercement des enfants et des faons qu’on apportait pour les mettre au chaud, le chant consistait en la production d’un son spécifique, vibrant à l’aide de la partie arrière de la luette, sons particuliers montants et descendants. Un deuxième moyen de production du son résidait dans la vibration de la partie moyenne de la langue. On peut penser que les airs incantatoires et les berceuses chantés aux enfants, les berceuses destinées aux femelles et les bercements de leurs petits sont apparentés par leur fonction magique incantatoire et tutélaire ainsi que par leur action apaisante et assoupissante.
Deuxième jour du chant rituel
Le deuxième jour de la célébration s’appelle Mnegyrgyn[4] (‘rite de la Reconnaissance’). «Tôt le matin du deuxième jour on décrochait du montant tous les éléments du corps du renne, action qui s’accompagnait de battements du tambour auquel on n’avait plus touché jusqu’au rite Mnegyrgyn qu’on observait le jour même» (Kuznetsova 1957: 275). Deux groupes de personnes procédaient au Mnegyrgyn. Chez les Tchouktches maritimes ce rite portait un autre nom, le Karatkovagyrgyn (fête de Keretkun, principale divinité de la mer). Le déroulement des fêtes chez les éleveurs de la toundra était quelque peu différent dans sa mise en oeuvre par l’agencement des lieux de sacrifice et par l’utilisation faite des objets de culte, bien que le déroulement des choses fût unique dans la plupart des cas chez les deux groupes de Tchouktches. On l’a vu, le déroulement des rituels sacrificiels chez les éleveurs se passait dans la demeure ou à proximité immédiate, et il y avait en outre des emplacements spéciaux, les tynmaj, pour le culte des ancêtres. Chez les Tchouktches maritimes on célébrait les rites dans la demeure et à proximité, ainsi que sur le sommet de montagnes. Ces lieux sacrificiels se sont conservés jusqu’à nos jours, mais ils ont perdu partiellement leur destination sacrificielle passée.
Selon Tagrina (1983, 1995), le mnevagyrgyn (‘vie selon le rite’) faisait partie intégrante du mode de vie traditionnel. Il s’est conservé jusqu’à nos jours un nombre considérable de chants du cycle rituel. Ils nous donnent des informations sur les conceptions traditionnelles des Tchouktches, conceptions liées aux adresses cultuelles aux ancêtres. Le culte des ancêtres reflétait chez les Tchouktches une forme bien définie de leur conscience religieuse. Il existe dans la langue tchouktche le verbe spécifique jinenjiryk (‘se souvenir d’un ancien, diriger ses pensées vers un ancien’). L’adresse aux anciens devait avoir lieu les jours où on faisait le point des fêtes de calendrier: en automne elle se faisait lors du Vylgyqaanmatgyrgyn, au cours du deuxième jour de la fête Mnegyrgyn décrit plus haut. Le même rite se déroulait au printemps, à l’occasion de la fête Kilvej, alors que les habitants du campement se dirigeaient vers le nord et faisaient des offrandes aux yttotlety (‘ancêtres’), aux gyrgosalety (‘Êtres supérieurs’), ou aux panalety (‘ceux qui étaient morts auparavant’). On interprétait à l’adresse des ancêtres les chants sygremnetyrkyn (‘il chante des chants aux ancêtres’) (Weinstein n.d.).
Pendant les rites on utilisait des figurines anthropomorphes: mnikin neven (‘épouse rituelle’) et mnikin uvequs (‘époux rituel’), que l’on brûlait ensuite sur un bûcher. Les chants rituels interprétés pendant les fêtes cultuelles impliquaient l’exécution d’une danse simple, mais obligatoire qu’on appelait chez les éleveurs mninisulyt (‘les danseurs du rite de la Reconnaissance’). Le vocabulaire des Tchouktches maritimes conserve le mot puturerkyn[5]. Peut-être ce terme est-il lié au déroulement de la Fête de la baleine, Peruten étant l’autre nom de Keretkun, la divinité principale des mers (Bogoras 1904-1909: 316). Ces danses n’avaient pas de forme d’existence en elles-mêmes et, en alliance avec d’autres sortes d’activité artistique, elles s’inséraient dans l’ensemble des rites. Des chants avec danses pantomimes de caractère improvisé et des danses avec tambour ou accompagnées au tambour introduisaient et achevaient toutes les actions rituelles magiques. Les maîtres du logis, en tant qu’organisateurs de la fête étaient les premiers exécutants de ces introductions.
Un rite spécial mnegyrgyn avait lieu à la fin de toutes les offrandes, ainsi qu’il a été dit plus haut. Le rite avec mise en oeuvre de la jambe antérieure du premier faon abattu constituait une partie du service. On procédait ainsi pour que la force vitale («l’âme») du faon s’élève jusqu’au troupeau du «peuple supérieur», c’est-à-dire des ancêtres. On interprétait le chant rituel à l’intérieur d’une demeure hermétiquement close: on fermait la porte d’entrée et, pour plus de sûreté, on doublait la fermeture à l’intérieur avec une peau de renne prélevée sur la deuxième épaisseur du yorongue, le compartiment où l’on dormait. Selon les récits de Kytgaut (2006) cette peau portait le nom de umqenelgyn (‘peau d’ours blanc’).
A l’intérieur de la demeure brûlaient un ou deux feux qui emplissaient les lieux de fumée. La fumée avait plusieurs fonctions: désinfection des lieux, protection, moyen d’entrée en transe. On chantait autour du feu principal contre lequel était posée la tête de l’animal sacrifié avec sa peau entière reposant sur le gyrgyr (‘planche à faire le feu’). Il existait une variante: on pouvait suspendre la tête de l’animal au-dessus du feu, au-dessous du trou de fumée. Tous les membres de la famille se levaient autour du foyer, les anciens battaient du tambour tandis que les autres chantaient un vieux chant familial. Dans certaines familles on devait absolument pendant le rite faire des mouvements dans le sens du soleil. Il fallait aussi enjamber la tête du renne sacrifié. D’après Kytgaut (2006) on poussait l’exclamation «E, eï!» tout en enjambant la tête. Et l’assistance, les invités compris, reprenaient «E, eï!». La famille au complet participait au chant cérémoniel, comme indiqué plus haut, et après elle, toutes les autres personnes présentes.
Le texte de certains chants rituels indique comment se déroulait l’action rituelle. Dans un des chants des Tchouktches maritimes interprété lors de la fête des barques on trouve les paroles suivantes:
Uveleloot gagrapsalenat, insuvylyt giluletlinet, nevysqetti geputuretlinet, nuuqelyt giluletlinet, ytvynilyt genkevysesevlinet, imelilyt gapalomtellenat orasekyt (‘Ceux de Uvelen ont chanté des chants rituels, ceux d’Insuvyn ont dansé, les femmes ont dansé une danse rituelle, ceux de Nuuqen ont dansé, ceux qui ont interprété des berceuses pour les barques (les organisateurs) ont éprouvé du plaisir (à voir ce qui se passait), les jeunes gens d’Imelin ont écouté’).
Bogoras 1910-1913: 138, chant no. 2, notre traduction
Ce chant rituel a été noté par Bogoras en mai 1901 auprès d’un certain Qotgyrgyn, du village d’Unisaq et relate le déroulement de la fête, peut-être de la Reconnaissance, consacrée à la barque. De même que lors des fêtes du calendrier des éleveurs, les Tchouktches maritimes invitaient à leur fête liée à la prise de gros mammifères marins ou, dans le cas qui nous intéresse, consacrée à la barque, les habitants de plusieurs villages tchouktches et yupik dont les noms sont mentionnés dans le chant: Uvelen, Insuvin, Nuuqen, Imelin. Les invités se voyaient confier un rôle précis. Le chant souligne la place de chaque personne présente: les organisateurs de la fête adressent des «berceuses» aux barques, les femmes exécutent une danse rituelle, ceux de Uvelen chantent des chants rituels, les habitants d’Insuvin et de Nuuqen exécutent des danses rituelles, ceux du village d’Imelin écoutent.
De nos jours on a conservé le souvenir de chants rituels comportant le nom de certains chants des ancêtres-totems appelés mralatken grepyt (mralatyk ‘s’adresser au totem’ d’après G. Tagrina), comme la perdrix (revymrev), le carcajou (qeper), le corbeau (velvyn). Ainsi s’est conservé le chant de Yttuvié, chasseur de mammifères marins du village d’Enmelen, qui raconte comment l’Ancêtre-Corbeau lui est apparu en rêve et lui a chanté un chant dans lequel il reproche aux hommes d’avoir cessé de lui faire des offrandes: Amtorgynan, amtorgynan nyrilquturi (‘Vous seuls, vous seuls mangez du bouillon’), e-e-e-e-ej. Certains chants peuvent ne se composer que de deux mots, le nom du totem et le verbe ‘je chante’: revimrevin myjavaan, ‘je chante (le chant) de la perdrix’, ou ottylavylen myjavaan, ‘je chante (le chant) de l’homme en bois’.
Les connaissances sur le culte des ancêtres se sont tant bien que mal conservées chez les Tchouktches de l’ancienne génération. Au cours d’un terrain effectué en 2006 dans le district de Provideniya, nous avons pu noter des souvenirs sur le déroulement d’une fête rituelle mettant en scène d’autres animaux. La différence gît dans les impedimenta utilisés: selon les récits de Vuelo, une ancienne de Nunlygran, avant le chant rituel on revêtait la tête d’une ourse d’ornements féminins, pendentifs, perles de verre, et on posait un fusil contre la tête d’un ours mâle.
Dans le vocabulaire musical on trouve le terme eïnetku (‘ours blanc hurleur’), voisin par le sens du mot qosatko (‘ours blanc, monstre’) (Moll-Inenlikei 1957: 67), du verbe osytkok ‘faire écho’ et du nom quliqul ‘voix, exclamation’. Selon les récits des Tchouktches maritimes on rencontre parfois un ours blanc qui par mauvais temps attirait les hommes à lui par des sons particuliers. Des récits de ce genre ont cours aussi chez les éleveurs. Ainsi, d’après les souvenirs de l’éleveur N. Nuvano (2005), du village de Vaegi, un tel ours faisait la chasse aux hommes. Pour les attirer il se mettait sur le dos et, avec des mouvements des pattes, il imitait quatre hommes se déplaçant à pied. Ce faisant, il émettait le signal sonore que les chasseurs utilisent pour s’interpeller en marchant ou pendant la chasse, ce qui lui permettait d’attirer les hommes à courte distance. On évoque, rarement et avec précaution, le fait que dans certaines familles on conserve encore le crâne d’ours blancs et d’autres animaux considérés comme les protecteurs familiaux.
Ordre suivi dans l’interprétation du chant rituel
Le tanomnylyn (‘homme maître du logis’) commence le chant rituel du deuxième jour de la fête Mnegyrgyn. C’est lui qui pour l’essentiel dirige toute la célébration et ordonne la fête. Il donne le signal de toutes les actions et des chant rituels. Au départ il décroche le tambour du montant de la demeure et interprète des chants de Reconnaissance mêlés de danses et de battements du tambour. De temps en temps il imite par onomatopées un animal particulier, montrant ainsi que l’esprit de l’animal est entré dans son corps. Après le maître, c’est au tour de ses enfants, puis de sa femme, d’intervenir. Pour chanter, la maîtresse du logis prend un second tambour, un tambour féminin.
Pendant les festivités d’automne de l’abattage chez les éleveurs tchouktches, tous les membres de la famille, y compris les petits enfants, ont le droit et même le devoir de battre le tambour à tour de rôle avec des chants et des éclats de voix. Chacun s’efforce autant que possible de se représenter inspiré par les esprits et d’entrer en communication avec eux.
Bogoras 1910: 5-6
Il faut préciser que pendant les rites sacrificiels s’opère une nette distinction entre la première et la seconde famille, entre les moitiés masculine et féminine des familles, entre le premier et le dernier gîte. Il en va de même pour les chants: d’abord chante l’homme de la première famille qui prend le premier tambour, un tambour masculin, puis chantent ses enfants et sa femme, laquelle prend le tambour féminin. Après quoi intervient la famille de la seconde yarangue selon un même processus. Chaque personne qui entre dans le cercle chante son chant personnel. Chacun possède plusieurs chants personnels qu’il peut interpréter en solo, cependant que les invités s’assoient autour de la yarangue sur des peaux mises à leur disposition.
Mode de pensée, chant et transe du chamane
Les termes chamaniques, qui comprennent plus d’une centaine de lexèmes, présentent un immense intérêt pour la recherche ethnolinguistique et la systématisation de la pratique du chant chamanique tchouktche. Bogoras donne les indications suivantes à propos des chamanes:
Les Tchouktches répartissent leurs chamanes en trois catégories: d’abord les chamanes dukhovitsy-keletkulyt qui sont en contact permanent avec les esprits; en second lieu les chamanes augures giteletylyt qui prédisent l’avenir, et enfin les chamanes faiseurs d’incantations evianvytkolyt qui pratiquent incantations et charmes, lesquels sont complexes chez les Tchouktches, et (qui pratiquent) aussi la médecine magique et la chirurgie.
Bogoras 1910: 21
Nous voulons attirer l’attention sur la similarité des lexèmes cités et de leur signification avec les données de nos informateurs et l’interprétation actuelle des termes chamaniques. Selon les informations de E. Kytgaut, les personnes possédant des aptitudes chamaniques sont appelées lygeplaïanvyt ynpynasgyt (‘vieillards vraiment chenus’). Si on examine le vocabulaire appliqué aux mots lygeplaïanvyt ynpynasgyt, on constate que le mot nineïvytkulyt signifie quelque chose comme ‘ceux qui donnent des indications, ceux qui prédisent’. Le mot nynnylutkulyt signifie ‘ceux qui trouvent des noms’ et inenmelevetylyt, ‘ceux qui guérissent’. Il apparaît que ces mots sont les synonymes actuels des anciens termes chamaniques. Les hôtes particuliers — lygeplaïanvyt ynpynasgyt — invités à des fêtes du cycle du calendrier pratiquent à l’aide de chants la prédiction, la recherche d’objets nécessaires, etc., de même que faisaient les chamanes d’autrefois. E. Kytgaut (2006) indique que les anciens d’aujourd’hui «chantent longuement, longuement, et ils voient et sentent quelque chose, puis ils s’arrêtent et expliquent aux maîtres du logis… ». Ces récits coïncident avec les descriptions de Bogoras:
L’extase se produit chez le chamane à force de chanter et de battre le tambour. Au fond, la communication avec les esprits et la prédiction de l’avenir ou les incantations magiques, tout cela se produit en état d’extase. Les Tchouktches distinguent encore la soi-disant plongée (verbe annaarkyn/annatyrkyn, ‘il plonge’). Dans cet état, le corps du chamane demeure étendu sur des peaux, tandis que son âme plonge dans le monde souterrain ou s’envole dans le monde supraterrestre. C’est précisément dans cet état que les chamanes mènent la lutte contre les esprits malfaisants, recherchent les âmes perdues, etc.
Bogoras 1910: 28
Ces exemples amènent à penser que le chamane était et est perçu comme un homme capable de pénétrer l’essence des choses, le fondement des connaissances, un homme possédant l’art de la médecine et apte à apporter ces connaissances aux hommes (Walsh 1996: 20) grâce à une action musicale organisée. En conséquence, le chant apparaît comme l’un des moyens déterminants pour qui veut entrer en état de transe et y rester. Ainsi l’analyse permet de faire ressortir les principales caractéristiques de la pratique musicale du chamanisme. En premier lieu, le chamane peut à son gré entrer dans un état de conscience modifié à l’aide du chant; en second lieu, il sent en état de transe qu’il «voyage» dans d’autres sphères, ceci sans perdre le fil de l’accompagnement musical; en troisième lieu, il se sert du voyage comme moyen d’acquérir des connaissances et des forces en utilisant un mode de pensée musical. Il est remarquable que les lygeplaïanvyt ynpynasgyt voyagent dans d’autres espaces et sortent librement de l’état de transe lorsqu’ils trouvent l’objet de leur recherche, sans perdre le fil de leur pensée musicale au long de leur voyage. Les recherches musicales sur les séances chamaniques chez les Udégués et les Nivkhs menées par Stechenko-Kuftina (1930: 99) nous en convainquent: «[…] malgré la transe dans laquelle le chamane tombe, il ne perd en rien ni ne bouleverse la stabilité de l’agencement musical de ses incantations. Pendant toutes les séances auxquelles nous avons assisté, son chant tournait autour d’un thème musical qui était visiblement l’axe musical principal de son action». Selon les souvenirs de Tagrina (1983, 1995), son père Rytagrau utilisait pour soigner un malade un seul et même chant.
On a conservé des relations fragmentaires sur le fait que les chants rituels servaient à mettre en oeuvre des moyens magiques pour la chasse à la baleine et aux autres mammifères marins. Nous avons noté auprès de Ettytegina (1995), habitante du village d’Enmelen, des récits sur la façon dont on attirait des baleines vers la grève à l’aide de chants. La chasse à ces animaux gigantesques ne présentait pas seulement un danger pour la vie mais le transport de ce mammifère pesant plusieurs tonnes présentait une grande difficulté, et l’utilisation d’un chant magique facilitait la prise de l’énorme animal. Dans le même village, nous avons recueilli les souvenirs de Rykvaj (2006), un ancien qui racontait qu’on n’achevait pas une baleine harponnée avant qu’elle ait été ramenée sur le rivage. A propos de la chasse à l’ours blanc, le même informateur nous a narré que l’on ne tuait la bête qu’après l’avoir rabattue près des habitations. Pour ce faire, on mettait en oeuvre la connaissance des habitudes de l’ours. Pour ce qui est de la chasse à la baleine, l’informateur n’a pu préciser la manière dont on amenait la bête harponnée jusqu’au rivage, si c’était en recourant à la magie ou à la connaissance de ses habitudes.
Terminologie de la pratique musicale et du chamanisme tchouktches
Une approche ethnolinguistique des lexèmes dans la pratique musicale rituelle et chamanique des Tchouktches nous paraît d’une grande importance. Si on se tourne vers la terminologie actuelle du chant traditionnel, on peut faire ressortir les groupes de lexèmes suivants: d’abord le groupe tipeïnen, mot ayant trait à la pratique du chant folklorique, ensuite le groupe grep, mot se rapportant à la terminologie du chant rituel, et en troisième lieu, le groupe ilutkun, mot utilisé dans le lexique musical chamanique.
A la terminologie de la fête Mnegyrgyn se rapportent des lexèmes regroupés sous l’appellation générale de mynigrep, mot qu’on peut définir aussi comme ‘Reconnaissance’ ou ‘chants de la Reconnaissance’, ainsi que le mot sygremnetgyrgyn, ‘chant aux ancêtres’. Dans la composition de chacun de ces termes nous rencontrons la racine myni-/mne- qu’on trouve dans mynin. On devrait alors pouvoir définir leur interprétation moderne. Cependant une délimitation précise entre ces groupes est impossible à faire étant donné que certains termes ont de nos jours une double signification. Par exemple, le mot grep signifie dans la terminologie ‘chant, mélodie’ (et les mots en gyrep-/grep-/grem- ont pour racine commune grep), mais une seconde signification le rattache au groupe mynigrep, ‘chant rituel’. Le mot tipeïnen a également le sens de ‘chanson’, mais il se rattache à la fois au premier et au troisième groupes. Le verbe ilutkuk, ‘chamaniser avec un tambour’, relève du second et du troisième groupes.
Notons aussi qu’une partie des mots se rapportant à la terminologie chamanique dérivent de enenylyn, ‘chamane’: ananvagyrgyn, ‘divinité, force chamanique’; ananqlavyl, ‘chamane de sexe masculin’; retyananylyn, ‘chamane agissant dans son sommeil’. Ceci dit, les mesures d’interdiction contre le chamanisme ont eu leur effet puisque le mot enenylyn est sorti d’usage et a été remplacé par d’autres.
Quand on se penche sur la terminologie musicale actuelle du chant tchouktche, on s’aperçoit que les mots ayant trait à la chanson ont une destination indépendante de celle du chamanisme. Ainsi le verbe tipeïnerkyn signifie ‘il chante’, le nom tipeïnen ayant le sens de ‘chanson’. Cependant il peut avoir une fonction magique, possiblement curative, et ainsi on remonte à travers ce verbe aux rites chamaniques de la recherche d’un nom, d’une âme dérobée. Comme le narre Kytgaut (2006), c’est en définissant avec précision l’objet de la recherche, à savoir si le nom trouvé est le bon, ou si la cause d’une maladie est déterminée correctement, qu’on peut éliminer la maladie. La découverte de la cause d’une maladie conduisant à la guérison donne son nom à l’action du chamane: nytegnytipqin, littéralement ‘il coud bien, il épingle bien’, de tipyk ‘coudre, épingler’.
Quant au mot tipeïnen (‘chanson’), il se compose de deux éléments: tip- du verbe sus-mentionné tipyk, et de -eïnen ‘son’. On peut donc le traduire par ‘coudre un son, épingler un son’. Si l’on tient compte du fait qu’un rite chamanique possède obligatoirement un accompagnement à l’aide duquel ledit rite est mené à bien, on en vient à la conclusion évidente que le mot tipeïnen appartient à la pratique chamanique: la guérison est venue quand le chamane a trouvé correctement l’objet recherché et qu’il l’a épinglé par le son au malade. De nos jours le mot tipeïnen a perdu sa signification antérieure. Dans la littérature, la première mention du verbe tipeïnerkyn dans le sens ‘chanter une chanson’ se trouve dans le petit dictionnaire du médecin militaire Robek (1811: 104), membre de l’expédition du capitaine Billings en 1791, ce qui indique que le sens de ce terme était déjà bien ancré.
Signification du tambour
Il est indispensable de parler du tambour, l’instrument de musique des Tchouktches. Il s’agit d’un des attributs essentiels de la pratique chamanique qui fait partie des reliques familiales. Il sert lors du déroulement des rites et il accompagne les chants rituels. De nos jours, il ne doit pas être porté hors du gîte même quand les rites ont lieu à l’extérieur. Alors qu’à la fin du 19e siècle, selon le témoignage de Bogoras (1904-1909: 390-391), certains rituels, comme le Rite de la Reconnaissance et les Cérémonies de voisinage, se déroulaient en plein air avec utilisation du tambour. Le tambour est pourvu d’une baguette de percussion en os ou en fanon de baleine. Pendant les fêtes on se sert d’une baguette de bois appelée epsiit. Certains tambours ont deux baguettes d’os. L’une d’elles n’est utilisée que pour invoquer les esprits, étant donné, comme l’écrit Bogoras, qu’ils viennent parfois avec le désir de «se secouer», c’est-à-dire battre le tambour. Dans la terminologie chamanique la baguette est parfois désignée sous le nom de tevenan (‘rame’).
Le tambour s’appelle aussi ytvet, ‘barque’ (des chasseurs en mer), et on dit du chamane, lorsqu’il entre dans un état second en battant le tambour, qu’il s’enfonce. Dans la langue moderne, ce verbe est employé pour une barque lourdement chargée qui s’enfonce dans l’eau. Jouer du tambour, bien que cela semble très facile et très simple, exige de l’exécutant une grande habilité, un grand savoir-faire. La principale difficulté réside dans le fait que, dans les chants rituels et chamaniques, il faut savoir mouvoir le tambour contre la baguette et non le contraire. Un novice doit s’exercer très longtemps avant de parvenir au savoir requis. De même, une grande endurance est nécessaire pour assurer le bon déroulement des actions rituelles et chamaniques qui durent plusieurs heures. Les exercices au tambour et le chant sont aussi un moyen de communiquer avec les kelet (‘esprits’).
Le tambour et la baguette de percussion ont donc des significations autonomes: pour les rites on utilise les appellations de jarar et epsiit, respectivement ‘tambour’ et ‘baguette’, tandis que pour les séances chamaniques on parle de ytvet (‘barque’) pour le tambour et tevenan (‘rame’) pour la baguette. Le battement du tambour pendant un rite s’appellera jararytkok (‘mouvoir le tambour’), mais pour les séances chamaniques on parlera de ilutkuk (‘chamaniser’). Avec cette réserve que l’emploi des termes jararytkok et ilutkuk peut varier du fait que ce dernier mot est utilisé lors des séances chamaniques familiales (que nous n’avons pas abordées dans cet article).
Conclusion
La présente étude permet de tirer les conclusions suivantes: la culture musicale des Tchouktches présente un système développé où se dessinent de façon nette des sphères rituelles et non rituelles. Ceci dit, la corrélation entre ces sphères est assez complexe et nullement univoque: dans de nombreux cas, on note une interaction intensive entre elles. Ainsi s’établit un lien immanent du chant rituel avec la pratique du chant en général et du chant chamanique en particulier.
L’analyse linguistique des termes musicaux tchouktches a permis de mettre en relief trois orientations essentielles de la terminologie musicale traditionnelle des Tchouktches: le chant, le rituel et le chamanique, ce qui se reflète respectivement dans les appellations tipeïnek,grepyk et ilutkuk. La difficulté de tracer une limite précise entre les données de ces trois courants principaux est conditionnée par le fait que la pratique du chant et du rituel se caractérise par son syncrétisme, l’impossibilité de dissocier les composants d’un ensemble artistique, l’interpénétration des actions musicales et rituelles. Il convient d’ajouter qu’une caractéristique déterminante du chant chamanique réside dans l’acquisition de certaines connaissances et aptitudes grâce au contact avec l’irréel où l’accompagnement musical est l’un des principaux facteurs. L’analyse du complexe rituel souligne le rôle décisif du tambour, instrument de percussion traditionnel dans le déroulement des rites. Ainsi on peut dire que le chant rituel tchouktche n’est pas seulement un art et une forme particulière d’expression artistique de soi, c’est aussi un des pivots de la culture spirituelle des Tchouktches.
Parties annexes
Notes
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[1]
A moins d'une indication contraire, les traductions des citations provenant de publications russes ou anglaises sont de Charles Weinstein.
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[2]
Taarongyrgyt vient du verbe taaron'yk, ‘procéder à un rite, faire une offrande’. Le suffixe -gyrgyn (pl. -gyrgyt) transforme un verbe en nom abstrait.
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[3]
Vylgyqaanmatgyrgyn vient de vylgy- ‘fin’, qaa- ‘renne’, -nmat- ‘abattre’, -gyrgyn suffixe de nom abstrait.
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[4]
Mnegyrgyn vient du verbe mnik, ‘célébrer un rite’, et du suffixe abstrait -gyrgyn.
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[5]
Le mot puturerkyn signifie ‘il (ou elle) danse’, de l’infinitif puturek, ‘danser’.
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